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Leçons tirées des crises au Burundi et au Rwanda : conclusions d'un processus d'examen interne

Réunions du Comité exécutif

Leçons tirées des crises au Burundi et au Rwanda : conclusions d'un processus d'examen interne
EC/46/SC/CRP.28

28 Mai 1996

LECONS TIREES DE L'OPERATION D'URGENCE AU RWANDA : NOUVELLES REFLEXIONS

I. INTRODUCTION

1. En juin 1995, le Haut Commissaire a présenté un document de séance sur les leçons tirées de l'opération d'urgence au Rwanda au Sous-Comité chargé des questions administratives et financières (EC/1995/SC.2/CRP.21/Rev.1). Afin de garantir que les enseignements obtenus de cette situation d'urgence particulièrement tragique recevront l'attention et le suivi qu'ils méritent, le Haut Commissariat a adopté une approche triple axée sur i) la mise en oeuvre des recommandations présentées dans le document de séance de 1995, ii) des consultations informelles avec les organisations non gouvernementales (ONG), d'autres institutions des Nations Unies et les donateurs sur les questions pertinentes d'intérêt commun qui ont été soulevées par l'opération et iii) l'appui du HCR à l'Evaluation conjointe de l'opération d'urgence au Rwanda, par la participation au Comité directeur.

2. Ce document est fondé sur un atelier récemment organisé dont les participants ont directement collaboré à l'opération d'urgence. Il fournit une actualisation du processus de suivi interne du HCR et aborde les conclusions de l'Evaluation conjointe dans la mesure où elles s'appliquent à cet objectif. C'est en particulier le cas d'un certain nombre d'observations soulevées par le document de séance de 1995 qui ont depuis été également traitées dans les rapports de l'Evaluation conjointe, notamment certaines recommandations adressées au HCR, à savoir les recommandations C-1 (sécurité dans les camps), C-7 (impact sur les populations locales et l'environnement) et C-8 (distribution équitable des vivres).

3. Les recommandations de l'Evaluation conjointe qui se rapportent à l'action humanitaire du système des Nations Unies dans son ensemble font actuellement l'objet de consultations interorganisations et sont inscrites à l'ordre du jour des différents groupes de travail chargés du suivi de la résolution 1995/56 du Conseil économique et social dans lesquels le HCR est représenté. Parallèlement, le HCR mène une étude interne des leçons tirées de l'opération d'urgence au Rwanda à la lumière des rapports préparés par l'Evaluation conjointe.

4. Il convient de noter que ce document porte uniquement sur le processus d'évaluation après la situation d'urgence et n'aborde pas les événements se déroulant actuellement dans la région des Grands Lacs. Une actualisation de la situation dans cette région figure dans la documentation pertinente présentée au Comité permanent (EC/46/SC/CRP.35).

II. REFLEXIONS SUR LES LECONS TIREES

A. Préparation aux situations d'urgence et planification pour imprévus

5. Pour les besoins de la planification et du financement des opérations, il convient de distinguer la préparation aux situations d'urgence au niveau mondial de celle qui concerne un pays particulier. Au niveau mondial, le HCR a relevé encore sa capacité d'intervention rapide ainsi que le montre le Catalogue révisé de ressources d'intervention en cas d'urgence publié en octobre 1995 et présenté au Comité permanent en janvier 1996 en conjonction avec un document de séance sur la résolution 1995/56 du Conseil économique et social (EC/46/SC/CRP.7). Des éléments additionnels concernent les accords de réserve conclus avec une autre institution spécialisée (RedR Australie) ainsi que le déploiement d'urgence de personnel et l'acheminement de locaux administratifs. Le besoin urgent de ce type d'équipements a été l'un des enseignements de la situation d'urgence au Rwanda déjà mis en exergue dans le document de séance de 1995.

6. Les mesures de préparation aux situations d'urgence à l'échelon mondial font partie des activités permanentes du HCR et sont donc financées avec les moyens existants. Néanmoins, les mesures au niveau national, telles que la construction des sites ou le prépositionnement des principaux articles de secours pour couvrir des besoins exceptionnels, ne peuvent être mises en oeuvre sans un soutien financier additionnel, à plus forte raison quand les programmes permanents eux-mêmes ne sont pas totalement financés, comme c'est le cas dans certaines zones majeures de conflit. Une action efficace dans ce domaine dépend donc de la volonté des donateurs de fournir un financement pour les mesures de préparation avant qu'une situation d'urgence ne se produise, ainsi que l'ont souligné à la fois le document de séance de 1995 et l'Evaluation conjointe. Les mesures de préparation relatives à un pays spécifique exigent également la coopération ponctuelle des pays d'asile potentiels en ce qui concerne un éventail d'activités qui comprend des dispositions appropriées de protection et de sécurité et l'identification rapide de sites adaptés à l'accueil des réfugiés. A cet égard, les principales considérations sont qu'ils devraient être commodes, situés à une distance raisonnable de la frontière et conçus pour limiter les risques de dommages à l'environnement.

7. Des consultations intensives entre le HCR, les gouvernements, les ONG et d'autres institutions, en coordination avec le DAH, ont abouti à un accord assez large concernant les caractéristiques techniques et les procédures de mobilisation interorganisations d'ensembles de services donnés par les gouvernements. Le concept, qui s'est dégagé des situations d'urgence complexes de ces dernières années et a souvent comporté le déploiement de ressources militaires, est devenu une vaste combinaison de mesures rapides d'intervention de nature essentiellement non militaire. Néanmoins, il est peu probable que ces ensembles améliorent sensiblement la capacité mondiale de réaction pour les situations d'urgence massives tant que davantage de gouvernements ne souhaiteront pas s'engager à les fournir en cas de besoin.

8. Une autre initiative majeure entreprise à la suite des leçons tirées d'opérations d'urgence antérieures concerne la formulation des Principes directeurs du HCR sur la planification pour imprévus qui en sont maintenant à l'étape finale de la rédaction. Les consultations informelles qui se poursuivent avec le DAH et des représentants d'autres institutions des Nations Unies ont abouti à une meilleure compréhension mutuelle du concept de planification pour imprévus et de ses conséquences, et elles ont été prises en compte dans la préparation des principes directeurs. Ces principes directeurs, principalement destinés au personnel du HCR sur le terrain, décrivent la planification pour imprévus comme un processus dynamique soumis à un examen régulier en collaboration avec les partenaires du HCR.

9. Le HCR continue de consulter largement les ONG locales et internationales dans le cadre du suivi de la Déclaration et du Plan d'action de PARinAC (Partenariat HCR-ONG en action). En avril 1996, il a publié un Manuel complet de gestion des programmes. Le chapitre consacré à la préparation et la réaction aux situations d'urgence définit les principes directeurs pour la répartition des responsabilités et couvre les questions d'organisation et de coordination dans les situations d'urgence. Ainsi que l'a noté l'Evaluation conjointe, ce sont des éléments essentiels pour une intervention d'urgence efficace qui dépendent de la participation active et du soutien des gouvernements donateurs au même titre que des pays d'asile.

B. Protection

10. L'une des difficultés les plus préoccupantes dans la situation d'urgence au Rwanda était d'assurer la protection physique des réfugiés dans l'environnement volatile de camps privés d'agents gouvernementaux chargés de faire respecter la loi. Dans de récentes situations d'urgence complexes, ce phénomène est devenu de plus en plus fréquent, particulièrement pendant les étapes initiales. Travailler dans ces conditions a, dans de nombreux cas, exposé le personnel du HCR et d'autres institutions de secours à des niveaux intolérables de danger et de tension. Alors que le pays d'asile a normalement la responsabilité de garantir une sécurité adéquate dans les camps de réfugiés, il est devenu évident que certains pays manquent des ressources nécessaires pour maintenir effectivement l'ordre dans les grands camps de réfugiés; dans certaines situations, une autorité gouvernementale reconnue est totalement absente.

11. Par le passé, plusieurs mesures pragmatiques spéciales ont dû être prises afin de garantir la protection à laquelle les réfugiés aussi bien que les agents d'assistance ont droit. Il s'agit là d'une question de principe et le Haut Commissaire se félicite donc de la recommandation sur la sécurité dans les camps présentée par l'Evaluation conjointe et espère qu'elle permettra d'identifier une gamme d'options pouvant être adoptées rapidement par la communauté internationale quand le besoin s'en fait sentir. Dans le cas des camps rwandais au Zaïre oriental, le manque d'accord précoce sur ces mesures a conduit à une période d'insécurité qui s'est prolongée pendant huit mois et s'est soldé par une série de conséquences malheureuses.

12. Ainsi que l'a noté l'Evaluation conjointe, le déploiement, financé par le HCR, des troupes d'élite zaïroises travaillant avec une petite unité de police civile internationale a été décisif pour rétablir la sécurité dans les camps à la moitié de 1995. Si ces dispositions, qui sont encore en vigueur, nécessitent un financement important, elles ne représentent pourtant qu'une fraction des dépenses qui auraient été engagées pour affecter une force internationale de maintien de la paix ou une force privée de sécurité, deux options qui avaient été envisagées antérieurement. En 1996, le Service d'inspection et d'évaluation du HCR prévoit d'entreprendre une étude du travail du contingent zaïrois afin de dégager les leçons à tirer de cette expérience. Alors que la situation dans les camps s'est améliorée, le Haut Commissariat demeure gravement préoccupé par la détérioration de la sécurité dans l'ensemble de la région frontière, situation qui devrait probablement persister, sinon empirer, faute de dispositions de sécurité plus exhaustives prises de concert par tous les pays de la région.

C. Distribution du matériel d'assistance

13. La nécessité de principes directeurs opérationnels propres à garantir une distribution équitable des vivres a été soulevée par le document de séance du HCR de 1995 et la recommandation C-8 de l'Evaluation conjointe, qui est adressée au Haut Commissaire. Au début de 1994, le HCR a commencé à rédiger ces principes directeurs. Ils ont été examinés et révisés en collaboration avec le PAM et les ONG concernées lors d'un récent atelier à Addis-Abeba et sont maintenant presque achevés.

14. Les Principes directeurs présentent à l'usager les règles de la meilleure pratique, une définition des rôles et des responsabilités des acteurs impliqués et une analyse des avantages et des inconvénients des différents arrangements de distribution des vivres. La solution adoptée variera selon les circonstances, mais le système le plus efficace dans les grands camps s'est révélé être la distribution à des groupes de familles. C'est la méthode qui est adoptée, depuis quelque temps maintenant, en République-Unie de Tanzanie et au Zaïre oriental.

15. Parmi les normes soulignées dans les Principes directeurs figure la nécessité de garantir la participation maximale des femmes réfugiés dans tous les aspects de la distribution. Le HCR réalise actuellement une enquête auprès des bureaux extérieurs pour recueillir des informations sur le rôle des femmes dans les méthodes de distribution des produits de base. Les résultats de l'enquête pourraient être utilisés pour la version finale des Principes directeurs.

16. Les dispositifs de distribution peuvent être considérablement facilités par l'enregistrement de la communauté des réfugiés; l'importance d'un enregistrement rapide a également été soulignée dans de récentes évaluations internes du HCR. Néanmoins, dans de nombreuses situations d'afflux massif, l'enregistrement ne sera pas possible pendant quelque temps et pourra même être retardé pendant des mois. Entre-temps, l'approvisionnement d'articles de secours demeure une question de vie ou de mort. Les Principes directeurs sur la distribution contiennent des informations sur les méthodes susceptibles d'être adoptées dans ces circonstances pour obtenir une estimation des besoins de distribution avec laquelle travailler.

17. Dans les camps au Zaïre oriental, le manque de dispositifs de sécurité mentionné ci-dessus ainsi que les difficiles problèmes logistiques ont retardé l'enregistrement prévu pour octobre 1994, une décision prise conjointement par le HCR et d'autres institutions et ONG concernées. Néanmoins, l'estimation utilisée du nombre de bénéficiaires s'est révélée être raisonnablement exacte et l'affirmation contenue dans l'Evaluation conjointe selon laquelle des économies importantes auraient pu être obtenues si l'enregistrement avaient eu lieu à la date prévue est donc erronée. En août 1994, le HCR et le PAM ont convenu d'un chiffre de travail de 850 000 bénéficiaires à Goma qui était fondé sur différentes estimations, notamment celles provenant des enquêtes aériennes. Ce nombre correspond fort bien au chiffre de 740 000 personnes atteint en février 1995 si l'on tient compte des départs. Jamais pendant la situation d'urgence, les quantités de vivres acheminés ou distribués n'ont dépassé ces besoins.

D. La population locale et l'environnement

18. Ainsi que l'a affirmé le Rapport intérimaire sur les lignes directrices sur les réfugiés et l'environnement, présenté au Sous-Comité chargé des questions administratives et financières en octobre 1995 (EC/SC.2/79 et Add.1), l'attention accordée aux questions écologiques et à leur impact sur les réfugiés et les communautés locales fait désormais partie intégrante de la réponse opérationnelle du HCR. La nécessité d'appliquer des mesures destinées à minimiser les conséquences locales irréversibles de la présence de nombreuses populations de réfugiés a également été notée dans la conclusion C-7 de l'Evaluation conjointe qui recommande de créer un fonds de paiement rapide pour indemniser sans délai les communautés hôtes et d'inclure la population locale touchée dans la distribution des articles de secours comme le combustible. Il est clair que le HCR ne peut entreprendre à lui seul de telles mesures, qui peuvent requérir un apport financier considérable, puisque le financement limité dont il dispose doit être mis en priorité au service des réfugiés. De plus, il est extrêmement difficile de mettre en oeuvre ces propositions dans des situations où aucune autorité gouvernementale ne fonctionne et où la majorité de la population locale vit dans des conditions de pauvreté absolue.

19. Néanmoins, le HCR a toujours soutenu les programmes menés par d'autres institutions d'assistance et de développement qui visent à aider les populations locales dans les zones touchées par la présence de vastes concentrations de réfugiés et il a parfois servi de catalyseur pour lancer ce type d'activités. Dans cet esprit, le HCR s'est engagé conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans un Plan d'action lors de la Conférence de Bujumbura de 1995. Son but était de cibler les communautés hôtes au Burundi, en République-Unie de Tanzanie et au Zaïre afin de leur proposer des activités créatrices de revenu et de restaurer les dommages à l'environnement. Le Plan d'action, qui est connu sous le nom d'Initiative PNUD/HCR dans la région des Grands Lacs, a été présenté aux donateurs à l'occasion d'une réunion extraordinaire tenue en janvier 1996. Les activités de projets commenceront à mesure de la mise en place des mécanismes de coordination et d'information et de la réception des réponses aux demandes de financement.

III. CONCLUSION

20. Ainsi qu'il est décrit dans ce document, les leçons tirées de l'opération d'urgence au Rwanda ont abouti à un certain nombre de mesures concrètes visant à améliorer la capacité d'intervention rapide du HCR. Ce processus a reçu une impulsion supplémentaire avec la recherche entreprise dans le contexte de l'Evaluation conjointe. Cette étude est une initiative utile et ses conclusions méritent d'être examinées attentivement dans les consultations interorganisations, en particulier les groupes de travail parrainés par le DAH qui ont été établis pour étudier la résolution 1995/56 du Conseil économique et social sur le renforcement de la coordination de l'aide humanitaire d'urgence fournie par l'Organisation des Nations Unies. Les groupes dans lesquels le HCR participe activement examinent les lacunes dans la capacité d'intervention en cas d'urgence des Nations Unies et seront chargés de donner suite aux recommandations pertinentes de l'Evaluation conjointe.

Annexe

PROJET DE DECISION SUR LES LECONS TIREES DE L'OPERATION D'URGENCE AU RWANDA

Le Comité permanent,

D1 Prend note du document EC/46/SC/CRP.28 sur Les leçons tirées de l'opération d'urgence au Rwanda : Nouvelles réflexions;

D2 Se félicite des mesures prises par le Haut Commissaire pour améliorer la capacité d'intervention d'urgence du Haut Commissariat grâce à l'amélioration des mécanismes d'intervention rapide et des dispositifs de réserve;

D3 Souligne l'importance des plans pour imprévus et encourage le HCR à élaborer des principes directeurs à cette fin, en consultation avec le Département des affaires humanitaires et d'autres institutions des Nations Unies;

D4 Note avec satisfaction l'accent mis par le HCR dans le Manuel de gestion des programmes qu'il vient de publier sur la sélection, le contrôle et la coordination des partenaires d'exécution dans le cadre de situations d'urgence;

D5 Encourage le HCR à continuer de jouer un rôle de catalyseur dans le lancement de programmes visant à aider les populations locales dans les régions accueillant d'importantes concentrations de réfugiés;

D6 Félicite le Haut Commissaire pour ses initiatives novatrices visant à améliorer les conditions de sécurité dans les camps de réfugiés dans la région des Grands Lacs mais note toutefois avec préoccupation la dégradation des conditions de sécurité dans certaines contrées de la région;

D7 Invite le HCR à participer activement aux consultations interorganisations concernant les recommandations de l'évaluation conjointe de l'aide d'urgence au Rwanda, en particulier au sein des groupes de travail interinstitutions établis dans le cadre du Comité interinstitutions permanent chargé d'examiner la résolution 1995/56 de l'ECOSOC sur le renforcement de la coordination de l'aide humanitaire d'urgence des Nations Unies;

D8 Demande à être tenu informé, dans le contexte des rapports périodiques du HCR sur l'intervention d'urgence et sur la résolution 1995/56 de l'ECOSOC des progrès accomplis concernant le suivi des leçons tirées de l'opération d'urgence au Rwanda.