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Discours prononcé par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Conseil international des agences bénévoles

Discours et déclarations

Discours prononcé par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Conseil international des agences bénévoles

23 Septembre 1963

Le 23 septembre 1963

Mesdames, Messieurs,

De tous les maux divers que l'homme inflige à l'homme, les souffrances des réfugiés, tourmentés et persécutés en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leurs opinions politiques, demeurent dans l'histoire parmi les plus cruels et les plus persistants. L'histoire de Moïse est liée à l'exode d'un peuple entier. La situation des premiers chrétiens est comparable à ce que nous appelons, de nos jours, une situations de réfugiés ; le Christ lui-même n'a-t-il pas été dénommé le Réfugié divin ? Mahomet, harcelé par ses persécuteurs, a dû chercher refuge à Médine en 622 et sa fuite, ou hégire, marque le point de départ du calendrier musulman. Sans cesse depuis lors, au moyen âge et dans les siècles qui l'ont suivi, la persécution, suivie du départ des persécutés, est restée l'une des manifestations chroniques les plus cruelles du comportement de l'homme envers son semblable pour atteindre, à notre vingtième siècle, son ampleur la plus tragique. Nous tous qui travaillons pour les réfugiés, nous nous attaquons donc à l'un des maux qui furent, de tout temps, l'apanage de l'humanité et nous prenons la relève de ceux qui, au cours des siècles, se sont employés à soulager les souffrances qui en résultent.

En effet, la reconnaissance du droit des persécutés à une protection et à un asile, fondement des préoccupations humanitaires traditionnelles à l'égard des réfugiés, remonte aux temps les plus anciens. Le mot asile vient du grec et signifie étymologiquement « lieu qu'on ne pille pas », allusion à une tradition de cette époque lointaine où celui qui cherchait refuge dans un lieu sacré et inviolable était à l'abri de ses persécuteurs. Après des générations, où ce principe fondamental a été quelquefois respecté et souvent méconnu, le droit d'asile des réfugiés politiques a été, d'une manière générale, admis par les gouvernements au dix-neuvième siècle. En 1830, la Belgique fut la première nation des temps modernes à incorporer dans une loi le principe que les personnes qui se sont enfuies d'un pays en raison d'un délit politique ne doivent pas être renvoyées, par extradition, dans leur pays d'origine. Après la révolution de 1848, on a largement reconnu la valeur et l'intérêt du droit d'asile politique, en tant que prérogative dont chacun pouvait se prévaloir à tout moment. Il suffit, pour le constater, d'un coup d'oeil sur la liste des réfugiés fameux. Pourrait-on, en effet, imaginer des esprits plus divers que ceux de Thomas Hobbes, de John Locke, d'Hugo Grotises, de Voltaire et d'Einstein, pour ne citer que quelques-uns des grands hommes qui se sont vus contraints, à cause de leurs idées, de quitter leur patrie et leur milieu et de chercher refuge dans un autre pays ?

Peu à peu, l'attitude libérale des pays d'asile s'est affirmée davantage à mesure qu'ils comprenaient que ces exilés apportaient avec eux des talents et des compétences qui contribuaient à la prospérité nationale. La Suisse et bien d'autres pays n'auraient pas atteint leur niveau actuel de développement économique sans l'impulsion qu'ils ont reçue avec l'arrivée de groupes de réfugiés tels que les Huguenots.

Au vingtième siècle, l'exode massif, qui a suivi la révolution de 1917, a créé un problème d'une nature et d'une ampleur sans précédent dans l'histoire des migrations politiques. C'est alors que, pour la première fois, on s'est avisé que la solution d'une situation de réfugiés pouvait concerner la communauté des nations. Depuis 1863, la Croix-Rouge, organisme non gouvernemental, prenait surtout l'initiative d'encourager les gouvernements à adopter certaines normes pour le traitement des victimes de guerre. A partir de 1921, la Société des Nations a offert un cadre nouveau tout indiqué pour situer dans l'optique internationale le problème des 800.000 réfugiés disséminés dans toute l'Europe. Ce n'est pas toutefois de la Société des Nations que partit l'initiative, mais d'un groupe de représentants d'organisations privées de bienfaisance, parmi lesquelles les précurseurs d'institutions représentées ici aujourd'hui au Conseil international des agences bénévoles, qui se réunirent à Genève en février 1921. A la suite de cette rencontre, ces organisations adressèrent un appel à la Société des Nations, par la voix du Président du Comité international de la Croix-Rouge, en suggérant la nomination éventuelle d'un commissaire de la Société des Nations pour les réfugiés. Je cite un passage de cette communication : « Ce n'est pas tant une oeuvre humanitaire qui s'offre à la générosité de la Société des Nations qu'un devoir de justice internationale. Toutes les organisations déjà au travail seraient heureuses de faire de nouveaux efforts sous la direction d'un Commissaire de la Société des Nations, seule autorité politique supra-nationale pouvant résoudre un problème qui dépasse les compétences des organisations uniquement humanitaires ».

En réponse à cet appel, la Société des Nations nomma Fridtjof Nansen premier Haut Commissaire pour les réfugiés. Cette initiative marqua le départ d'une ère nouvelle dans l'histoire des efforts déployés pour traduire, par une action commune de portée pratique, les sentiments humanitaires qui animent la communauté internationale à l'égard des réfugiés. C'était là une innovation. L'idée semée en 1921 connut bien des vicissitudes et dut même affronter bien des indifférences avant de germer et de grandir, pour atteindre son développement actuel. Certaines difficultés tenaient à ce que beaucoup s'imaginaient que la série de problèmes de réfugiés n'aurait pas de lendemain. Nous voyons ainsi apparaître, entre la nomination de Nansen et la deuxième guerre mondiale, une succession d'agences qui se créent, disparaissent et se reforment sous un autre nom. Il n'existe pas alors de politique uniforme quant à la répartition des tâches : un même organisme se charge parfois de la protection et de l'assistance matérielle alors que, dans d'autres cas, ces deux activités sont dissociées.

Malgré ces contretemps et ces faux départs, on a pu réaliser, certes très graduellement, des progrès sensibles dans l'accomplissement de l'oeuvre qui était la raison d'être de ces institutions. Après bien des tâtonnements, on a établi un dispositif qui a fait depuis ses preuves. Alors que la Société des Nations ne se préoccupait que de certains groupes, nous possédons maintenant de la qualité de réfugié une définition qui ne se limite à aucun groupe particulier, mais est d'application universelle. On reconnaît de plus en plus largement le caractère spécial du statut du réfugié et les droits minimaux qui doivent lui être accordés ; en fait, la qualité de réfugié a fini par devenir une notion juridique nouvelle. Enfin, dans le domaine essentiel de l'asile, la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée solennellement par l'Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1948, reconnaît à toute personne le droit de chercher et de bénéficier de l'asile. Une nouvelle Charte, qui porte le nom de Déclaration sur le droit d'asile, est actuellement en cours d'établissement avant d'être présentée à l'Assemblée générale. Elle donnera plus de poids à ce droits et encouragera les gouvernements à l'appliquer libéralement.

Les gouvernements et les institutions internationales officielles n'ont pas été les seuls, ni même toujours les principaux ouvriers de ce progrès. Les agences bénévoles, c'est-à-dire vous tous qu'assemble ici aujourd'hui votre Conseil international, lui ont donné une vigoureuse impulsion en faisant face à des problèmes de réfugiés, même lorsque les gouvernements témoignaient d'une certaine tiédeur. Vous avez commencé à travailler pour les réfugiés, je tiens à le rappeler, bien avant que les gouvernements aient manifesté à leur égard un sentiment de responsabilité internationale commune. Lorsqu'ils ont été amenés à prêter leur concours, c'est parce qu'ils étaient stimulés par votre exemple, que vous leur montriez la voie à suivre. Qu'il existe aujourd'hui, après une période mémorable relativement courte d'efforts communs, un dispositif international, certes encore imparfait, tient presque du miracle. C'est là une réalisation qui est due, en très grande partie, à l'action des agences bénévoles.

Quelle est la nature de ce dispositif et quel en est l'avenir ? Comment pourrons-nous, en tant que mandataires des gouvernements et appuyés par les agences bénévoles, en assurer le fonctionnement ininterrompu ? Comment faire en sorte que, dans nos tâches quotidiennes, nous continuions tous à traduire par l'action les principes auxquels nous sommes voués ?

Ce dispositif, j'en suis convaincu, puise toute sa force dans la solidarité internationale ; c'est pour cette raison que, depuis treize ans qu'existe le Haut Commissariat, nous nous attachons inlassablement à la stimuler et à l'élargir, tâche d'autant plus difficile que, j'ai à peine besoin de le rappeler, nous avons dû partir de zéro. L'Organisation internationale pour les réfugiés a cessé d'exister en 1951, alors qu'il restait en Europe des centaines de milliers de réfugiés dans le besoin. Le rôle du Haut Commissariat se bornait, alors, essentiellement à accorder une protection internationale ; les seuls fonds mis à sa disposition étaient destinés à ses dépenses d'administration et il avait pour instructions expresses de ne pas rechercher de concours matériels sans demander au préalable l'autorisation de l'Assemblée générale. Ce n'est que peu à peu, grâce tout d'abord à une subvention de trois millions de dollars de la Fondation Ford et, ensuite, à des appuis fournis par les gouvernements, sans trop d'empressement, en faveur des premiers programmes de l'UNREF, que le Haut Commissariat a pu vraiment contribuer à réduire l'ampleur du problème des réfugiés. Dès l'origine, nos projets ont été des entreprises conjointes, qui associaient dans un commun effort les ressources internationales fournies par notre intermédiaire et les moyens d'exécution et d'action dont disposaient les agences bénévoles. En 1956, la crise hongroise a provoqué un nouveau sursaut de solidarité internationale en faveur des réfugiés. Cet immense réveil de la conscience mondiale à tous les échelons des collectivités a trouvé son expression suprême dans l'Année mondiale du réfugié, qui a suscité tant de générosités. On a pu estimer à cinq ans le temps que nous avons gagné, grâce à cette campagne sans précédent, dans la solution du problème des réfugiés, restant en Europe depuis la période d'après guerre. Vers la même époque, l'Assemblée générale a commencé à donner un sens plus étendu à la notion « des bons offices », qui ne s'exerçaient initialement qu'à l'égard d'un certain groupe de réfugiés. Cette extension a permis d'élargir la portée de l'oeuvre du Haut Commissariat, qui a pu ainsi adapter son action aux nouvelles situations de réfugiés et faire mieux apprécier encore son caractère purement humanitaire.

Les programmes du HCR ont été longtemps déterminés par le fait que le passé nous laissait un lourd arriéré de souffrances à soulager. Pour traiter ce problème résiduel, il a fallu un effort gigantesque dont nous pouvons maintenant seulement entrevoir le couronnement. Etant donné la situation, il fallait que chacun payât de sa personne et apportât tous les concours possibles pour mener à bien cette lourde tâche. C'est ainsi que, sur les 57,8 millions de dollars de fonds internationaux que le Haut Commissariat a engagés depuis sa création, 38 millions sont allés à des programmes concernant essentiellement la situation malheureuse des réfugiés d'après guerre, abandonnés à notre porte dès 1951.

A mesure que se résorbera cet arriéré, nous reporterons notre effort sur les problèmes courants. Nous nous occuperons de chaque situation dès qu'elle se présentera, afin d'éviter de nouvelles accumulations de souffrances, semblables à celles qui se sont produites en Europe et qui ont créé un problème si grave et si difficile à résoudre. Les moyens d'action rapide dont nous disposons n'ont pas été simplement utiles ; ils ont parfois permis d'éviter des catastrophes, notamment lorsqu'ont surgi, hors d'Europe, de nouvelles situations de réfugiés. Ces dernières années, nous nous sommes trouvés plus d'une fois, en Afrique, face à des situations soudaines, où il était impossible de répondre sur place aux besoins essentiels et où tout retard dans l'octroi d'une aide aurait condamné les réfugiés à la misère et à la famine.

Comme j'ai essayé de le montrer, nous nous inspirons tous, dans notre action, de l'idéal humanitaire auquel nous sommes voués et, d'autre part, d'une conception relativement neuve de la coopération internationale, qui fait de notre conviction une force agissante. Il suffit d'un regard sur la brève histoire de nos efforts pour que chacun comprenne, j'en suis sûr, que, afin de conserver toute son efficacité à notre dispositif tel qu'il est maintenant organisé, nous avons dû suivre avec vigilance l'évolution des besoins et adapter sans cesse notre action de manière à y répondre. Vous l'avez évidemment compris, puisque vous avez choisi, comme thème de votre Conférence : « Nouvelle optique des agences bénévoles face aux besoins humains dans de nouvelles circonstances ».

Ce n'est pas chose facile que de réexaminer, pour ainsi dire au jour le jour, l'orientation du rôle qui nous échoit aux uns et aux autres dans l'oeuvre en faveur des réfugiés tant il y a, dans le mécanisme de l'aide, de rouages tournant chacun à un rythme qui lui est propre. Cette complexité même rend d'autant plus nécessaire de le faire. Tous les gouvernements ont leur problèmes particuliers et leurs moyens particuliers pour les résoudre. Leur attitude dans les organismes officiels qui s'occupent des réfugiés, ou à l'égard de ces organismes, évolue sans cesse, parfois profondément. A cet égard, je ne pense pas seulement au HCR, mais aussi à certains de ses partenaires principaux, tels que le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes. Votre Organisation, le Conseil international des agences bénévoles, ne compte pas moins de 74 rouages indépendants, 74 institutions dont les réfugiés ne sont pas, incidemment, l'unique préoccupation. C'est ce qui fait l'importance du rôle qu'elle peut jouer, d'abord en coordonnant les activités de ses nombreux membres et, ensuite, en reliant l'ensemble de cet effort à celui d'organismes internationaux tels que le HCR. Faire en sorte que tous ceux qui agissent dans un domaine aussi vaste organisent leur action en fonction du but général à atteindre est une tâche tellement gigantesque, qu'il est presque miraculeux que le mécanisme établi ait fonctionné et continue à fonctionner. Le souvenir des résultats acquis nous donnera la foi et la force dont nous avons besoin pour nous attaquer aux lourdes tâches qui nous attendent.

Je citerai, comme cas d'application pratique d'un principe qui peut paraître de prime abord un peu abstrait, les efforts déployés actuellement pour découvrir des possibilités d'émigration en faveur de réfugiés gravement handicapés, dont beaucoup étaient considérés comme des cas désespérés. Comme vous le savez, le Gouvernement australien a bien voulu nous prêter les services du Dr Jensen, pour procéder à une étude de l'état de santé physique et mentale des personnes de ce groupe résiduel. Grâce à l'examen approfondi qu'il a fait du cas de chaque ménage, les gouvernements disposent désormais d'un rapport médical complet, qui ne fait pas mystère des difficultés que pose l'admission de chaque cas étudié, difficultés qui, chacun le sait, ont maintes fois amené les gouvernements à décliner d'accueillir ces réfugiés. Cela dit, sur les 1.000 personnes ainsi examinées, 500 réfugiés ont déjà été acceptés par des pays d'immigration et la tendance à participer à cette entreprise se maintient. Nous avons là un exemple concret de la manière dont s'imbriquent les différentes parties de notre dispositif : le HCR joue son rôle de catalyseur et de coordonnateur ; les agences bénévoles du monde entier aident activement à identifier et à orienter les réfugiés susceptibles de bénéficier de cette action et facilitent la bonne installation dans les pays d'accueil de ceux qui sont acceptés malgré les graves handicaps dont ils souffrent ; le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes et le Programme des Etats-Unis pour l'aide aux fugitifs fournissent des fonds et un concours pratique efficace ; enfin et surtout, les gouvernements ont compris l'acuité des besoins et témoignent de la profondeur de leurs préoccupations humanitaires en accueillant ces réfugiés. Chaque participant joue un rôle utile, non seulement par ce qu'il fait, mais aussi par l'exemple qu'il donne. Il importe de conserver ce système pour traiter de cas de ce genre à l'avenir.

Sur un plan plus général, il incombe évidemment au HCR de faire tout ce qu'il peut pour que l'esprit de solidarité et le sens des responsabilités restent vivants et actifs dans la communauté internationale. Dans un domaine aussi vaste, où la coopération prend des formes aussi diverses, il importe au plus haut point d'encourager et d'appuyer dans leur action tous ceux qui ont un rôle à jouer, et notamment les agences bénévoles.

Je tiens à souligner, à ce propos, que nous avons pleinement conscience, au HCR, du fait que votre participation à nos programmes est loin de constituer la somme totale de vos activités. Nous savons, par exemple, que si l'effort que déploie la communauté internationale, par l'intermédiaire du HCR, pour résorber l'arriéré de souffrances des réfugiés d'après guerre en Europe en arrive maintenant à sa phase finale, les gouvernements directement intéressés, de même que les agences intéressées, continueront à assumer une lourde charge à l'égard de ce groupe, notamment pour l'administration des foyers de vieillards et pour diverses tâches résultant de l'installation des réfugiés. Les agences bénévoles, dont les activités sont multiples et couvrent un champ très étendu, continueront à s'intéresser activement à des problèmes qui débordent considérablement le cadre limité des programmes du Haut Commissaire. Pour remplir efficacement son rôle et assurer le fonctionnement ininterrompu du mécanisme de solidarité internationale, le HCR devra s'attacher, non seulement, à susciter des appuis en faveur des programmes du Haut Commissaire, mais aussi à intéresser la communauté internationale à tous les aspects des besoins des réfugiés. C'est pourquoi, soucieux de bien faire comprendre ce problème, de provoquer des réactions généreuses et de ménager un soutien concret aux activités de ses partenaires, notamment les agences bénévoles, le HCR, animé du désir de les aider dans toute la mesure du possible, tient beaucoup à connaître vos vues et vos suggestions.

Pour ce qui est de nos projets relatifs à l'aide matérielle, je vais, dans quelques jours, présenter nos plans pour 1964 au Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire. Selon la pratique adoptée par le Comité, ils correspondent à ce que mous pouvons espérer recevoir des gouvernements, comme contribution d'ensemble en vue de conserver son efficacité au dispositif de solidarité internationale, de façon qu'il puisse faire face aux besoins courants et à venir. Ce programme ordinaire répond à une conception nouvelle, adoptée pour la première fois en 1963 et à laquelle il importe, à mon avis, de se tenir, quelle que puisse être, à un moment donné, l'importance financière. J'espère que les gouvernements, à l'occasion de ce programme, donneront au HCR les moyens dont il a besoin pour s'acquitter efficacement de sa tâche d'animateur. Il continuera à agir, essentiellement, dans le domaine de la protection juridique et de la promotion des grands principes humanitaires. Cela dit, il faut bien nous persuader que, à bien considérer les réalités historiques, ces principes ne peuvent s'imposer pleinement et de façon durable que s'ils se traduisent par une action pratique, c'est-à-dire dans la mesure où les problèmes concrets des réfugiés, quel que soit le lieu où ils surgissent, suscitent un intérêt et des concours nationaux et internationaux. Chaque fois que nous nus trouverons face à une situation de réfugiés, nous chercherons à résoudre le problème aussi vite que possible pour être prêts à nous attaquer, sans arrière pensée, aux nouveaux besoins et aux nouvelles situations.

Notre programme ordinaire restera limité, conformément à la pratique adoptée par le Comité, aux problèmes particulièrement aigus et l'accent sera mis sur son caractère complémentaire. Dans son exécution, nous nous tiendrons en contact avec l'ensemble du dispositif, et nous en tirerons parti de façon qu'aucun besoin important ne soit négligé. Toutefois, cette forme d'action ne peut répondre efficacement qu'à une fraction infime de l'ensemble des besoins. Elle risque d'être inopérante si elle n'est pas appuyée par les efforts soutenus de tous nos partenaires, c'est-à-dire d'abord par ceux des gouvernements et aussi par les vôtres. Notre programme n'est pas une fin en soi, c'est un instrument de travail qui doit renforcer tout l'édifice de la solidarité internationale.

Nous avons le vif espoir que, considérée dans cette perspective, une activité telle que l'opération « All-Star Festival » peut être jugée et est effectivement jugée utile à nos partenaires, d'abord en tant que moyen de propagande et, ensuite, parce qu'elle apporte, au bénéfice de la cause que nous servons, un complément de moyens dont nous avons un urgent besoin. Dans une opération de ce genre, comme dans d'autres aspects de notre oeuvre, j'ai le vif désir qu'il existe un véritable esprit d'équipe entre le HCR et les agences. J'ai le plaisir de vous annoncer que, à titre de témoignage concret de cet esprit, le HCR vient d'allouer 5.000 dollars sur le produit de la vente du disque « All-Star Festival » à votre Refugee Service Memorial Fund, précédemment appelé « Frans Kooijman Memorial Fund », en hommage à la mémoire d'un homme qui fut le vivant symbole de notre effort commun. J'ai à peine besoin d'ajouter que bon nombre d'agences ont collaboré activement à la vente du disque et ont pu ainsi en tirer un avantage financier direct au profit de leurs activités. Enfin, sur la partie des recettes de cette opération qui revient au HCR, nous avons déjà alloué des crédits à des oeuvres indépendantes de nos programmes, mais auxquelles les agences sont directement intéressées. Cette mesure n'a évidemment rien d'exceptionnel puisque déjà, à l'occasion de l'Année mondiale du réfugié, les organismes des Nations Unies n'ont pas été les seuls à bénéficier des résultats financiers obtenus. Je puis même préciser que, sur les 100 millions de dollars rassemblés à cette occasion, la part des agences a été sensiblement plus forte que celles du HCR et de l'UNRWA réunies.

Si j'ai rappelé tout cela, c'est parce que je tenais avant tout, aujourd'hui, à mettre en relief le fait que nous travaillons pour la même cause et l'interdépendance de notre action. Si nous nous élevons un tant soit peu au-dessus de nos préoccupations quotidiennes, grandes et petites, nous comprendrons sans difficulté le sens profond de nos efforts communs et comment chacun de nous, par le rôle particulier qui lui échoit dans le domaine où nous travaillons tous, contribue activement à la grande oeuvre entreprise pour concrétiser l'idéal humanitaire du monde.

Je voudrais maintenant vous annoncer une importante nouvelle. Le Comité chargé de décerner la Médaille Nansen, créée pour récompenser des services notables rendus à la cause des réfugiés, a décidé de la décerner cette année à votre Organisation, le Conseil international des agences bénévoles. Je suis heureux à cette occasion d'adresser mes plus chaleureuses félicitations à votre Président, à votre Conseil et à ses 74 membres, qui partagent cette distinction si largement méritée.

Vous estimerez, je n'en doute pas, qu'en vous décernant cette médaille, le Comité a voulu, non seulement, reconnaître la valeur de l'oeuvre que vous avez accomplie pour une cause à laquelle Nansen s'est consacré pendant une si grande partie de sa vie, mais aussi vous encourager à la poursuivre pour aider ceux qui ont encore besoin d'être secourus.

Selon l'usage, la cérémonie de remise de la médaille est fixée 10 octobre, jour anniversaire de la naissance de Nansen. Je me réjouis de constater qu'après deux années où elle a eu lieu à Oslo et à Canberra respectivement, elle se déroulera de nouveau à Genève, dans la ville où Nansen commença, il y a 42 ans, à frayer la voie que nous suivons encore aujourd'hui ; dans la ville qui, grâce notamment à la présence des agences bénévoles, est devenue un centre aussi important d'activités humanitaires internationales. Je souhaite que la Conférence que vous tiendrez ici cette semaine aide à faire comprendre aux déracinés du monde qu'ils peuvent toujours compter sur Genève et sur tous ceux qui travaillent ici pour eux, pour donner une expression toujours plus complète à l'idéal dont nous sommes tous les serviteurs.