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Déclaration liminaire de M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant les Réunions consultatives des gouvernements intéressés au sujet des réfugiés et des personnes déplacées en Asie du sud-est, (Genève, le 11-12 décembre

Discours et déclarations

Déclaration liminaire de M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant les Réunions consultatives des gouvernements intéressés au sujet des réfugiés et des personnes déplacées en Asie du sud-est, (Genève, le 11-12 décembre

11 Décembre 1978

Qu'il me soit tout d'abord permis de vous souhaiter chaleureusement la bienvenue à ces consultations.

Nombre d'entre vous sont venus de très loin pour être ici aujourd'hui. Votre présence atteste ce que nous ressentons tous : notre réunion est opportune, les questions que nous avons à examiner sont critiques. Je vous suis très reconnaissant d'être venus.

Je crois que l'objet de ces consultations est clair. Il faut d'abord trouver les moyens de remédier à la situation des réfugiés et des personnes déplacées en Asie du Sud-Est et de résoudre leurs problèmes. Il faut ensuite que ces moyens soient immédiatement mis en oeuvre et suivis d'effets. A cette fin, il faut que nous nous en tenions strictement à l'examen des mesures pratiques qui peuvent et doivent être prises. Je suis convaincu que vos déclarations se conformeront à cette règle.

Nous connaissions tous parfaitement les problèmes. Je ne doute pas que des gouvernements tiendront à exprimer l'inquiétude et les préoccupations très réelles qu'ils ressentent et je suis sûr que nous ne nous en comprendrons que mieux. Mais il ne faut pas nous borner à exposer des positions connues et des difficultés que nul n'ignore. Ce qu'il faut bien se dire, c'est que ce qui est déjà fait est insuffisant et doit être complété par des initiatives nouvelles inspirées par des sentiments véritablement humanitaires ; voilà ce qu'exige la situation.

Les consultations que nous tenons aujourd'hui sont privées. Nous pouvons parler franchement et librement et nous devons le faire, car c'est le seul moyen de parvenir à des conclusion pratiques. Mais nous devons écarter tout débat politique : la tâche du Haut Commissariat - où que ce soit dans le monde et dans quelque réunion que ce soit - doit en effet toujours être entièrement humanitaire et apolitique. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il faille examiner et adopter des résolutions, ce n'est pas l'objet des consultation. Il faudrait plutôt qu'elles nous permettent de voir clairement où nous en sommes, ce que nous voulons faire et comment nous allons procéder pour y parvenir. C'est là, j'espère, ce qui ressortira du bilan que le HCR dressera à l'issue des consultations demain après-midi.

Nous nous réunissions en privé, mais nombreux sont ceux qui s'intéressent, justement, à ce que nous réaliserons - et il est normal qu'il en soit ainsi. Ce que nous aurons réalisé se mesurera, dans la pratique, à ses résultats. Les consultations n'ont donc rien d'une panacée en elles-mêmes.

Je me dois d'ajouter ici - et de le souligner - qu'aussi critique que soit le problème des réfugiés et des personnes déplacées en Asie du Sud-Est, il n'est qu'un des nombreux problèmes graves qui se posent au Haut Commissariat et à la communauté internationale en Afrique, en Asie, en Amérique latine et ailleurs. J'ai d'ailleurs fait récemment un rapport complet à ce sujet à mon Comité exécutif et à la Troisième Commission de l'Assemblée générale. Il serait cynique de notre part de fixer des degrés à la souffrance humaine et il serait contraire à la mission du Haut Commissaire de considérer que certaines situations méritent plus d'attention et un plus gros effort d'assistance que d'autres. Si nous nous appelons « Nations Unies » c'est parce que, par définition, nous faisons cause commune les uns avec les autres, à l'échelle de l'humanité, dans l'adversité comme dans l'espoir. En tant qu'Organisation, le champ de nos préoccupations, de notre sensibilité, doit être universel parce que les problème qui se posent à nous sont de portée universelle. Il n'en reste pas moins que la situation en Asie du Sud-Est a pris à l'heure actuelle des proportions telles qu'il fallait tenir des consultations comme celles d'aujourd'hui.

En prévision de cette réunion, nous avons fait distribuer d'avance une note dans laquelle nous avons exposé les problèmes qui se posent en Asie du Sud-Est et les points qui, à notre avis, méritent une attention particulière. Je n'ai pas l'intention d'y revenir ici ni d'anticiper les débats sur les points de l'ordre du jour.

Je crois qu'il y a lieu néanmoins de rappeler dès l'abord qu'en fin de compte, ce sont les gouvernements, et non le HCR, qui ont le pouvoir de créer les conditions fondamentales qui permettent de résoudre les problèmes existants et d'éviter qu'il ne s'en crée de nouveaux. Rien de ce que peut faire le HCR ne peut remplacer la volonté bien arrêtée des gouvernements de parvenir à des solutions durables. Ce qui est évident doit parfois être souligné: le HCR n'est pas un paix, c'est une organisation. Il ne peut, de lui-même, ni accorder l'asile, ni offrir des possibilités de réinstallation ou des solutions durables. C'est pourquoi ces consultations sont essentielles : les problèmes qui se posent à nous sont de portée internationale, ils exigent que chaque pays - qu'il soit ou non de la région - assume loyalement sa responsabilité humanitaire Si tel était le cas - et il faut qu'il en soit ainsi - il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions pas trouver, ensemble, les solutions voulues.

C'est dans cet esprit que je voudrais vous faire part de la manière dont je conçois ces consultations. Nous savons tous que les raisons pour lesquelles nous sommes confrontés au problème des réfugiés et des personnes déplacées en Asie du Sud-Est sont nombreuses et variées. Ce problème - comme tous ceux que nous connaissons - a naturellement des aspects politiques et naturellement aussi, chacun le voit à sa manière. Il y a les points de vue des pays de la région, qui eux-mêmes ne concordent pas, il y a les points de vue des éventuels pays de réinstallation, qui ne sont pas non plus toujours les mêmes, et il y a les points de vue de ceux qui contribuent financièrement. Tous ces points de vue sont influencés par des considérations de caractère national aussi bien qu'international, politique et pratique. C'est très compréhensible. Mais il ne faut pas que les consultations aggravent les divergences de vues. Il faudrait au contraire que nous reconnaissions l'interdépendance des faits et que nous trouvions en commun le meilleur moyen de venir en aide à des êtres humains manifestement dans la détresse, où qu'ils se trouvent dans la région et non simplement dans l'une ou l'autre de ses parties. Ne pas le faire conduirait à favoriser le processus selon lequel les problèmes font tâche d'huile par-delà les frontières.

Mais surtout, il faut savoir, lorsque l'occasion sa présente, reconnaître à un problème son caractère humanitaire et ne pas y mêler d'autres considérations. Notre attitude doit être aussi nette que le problème est clair : on ne demande pas à un homme qui se noie comment il se fait qu'il soit là. Encore moins s'il a des parents à l'étranger, s'il parle une autre langue que la sienne. S'il a un métier, ou s'il est handicapé physique ou mental. Il faut lui donner immédiatement asile, au moins temporairement, et des solutions durables doivent ensuite être trouvées - sur la base la plus large possible, avec la plus grande compréhension et le plus d'aide possible - pour répondre à des besoins humanitaires, des besoins qui sautent aux yeux. Je n'ai pas la naïveté de croire que les gouvernements vont élaborer une politique générale sans vouloir mettre divers facteurs dans la balance. Mais il est absolument indispensable que, dans l'élaboration d'une politique générale applicable aux réfugiés et aux personnes déplacées, l'objectif humanitaire ne soit pas évincé par des considérations accessoires, aussi importantes soient-elles.

Puisque nous devons, à juste titre d'ailleurs, faire porter toute notre attention sur les mesures à prendre pour l'avenir, peut-être serait-il bon de rappeler ce qui a déjà été fait jusqu'ici. Des programmes visant à favoriser l'accession à l'indépendance économique d'environ 150 000 réfugiés et personnes déplacées sont en cours au Viet Nam. Ces programmes, et d'autres programmes connexes, doivent être trouvées pour plus de 135 000 autres personnes de la région, qui ont pu se réinstaller dans 21 pays tiers où elles ont été transportées et où elles ont commencé une nouvelle vie. C'est là une performance remarquable, un des gestes les plus considérables que la communauté internationale ait fait depuis la création du HCR pour l'aider à résoudre les problèmes qui relèvent de sa compétence et je tiens à exprimer ma profonde gratitude aux gouvernements qui y ont participé - ceux des pays de la région, ceux des pays de réinstallation, et ceux qui ont contribué financièrement aux opérations. Mais, si l'on considère le nombre de cas qui restent à résoudre, il est clair que les solutions apportées jusqu'ici sont loin d'être suffisantes ; c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

L'affaire du Haï Hong, le bateau qui est récemment arrivé au large de la côte ouest de la Malaisie, illustre bien le dilemme dans lequel nous nous trouvons. Le problème qu'il posait était clairement humanitaire, il n'aurait dû donner lieu à aucune confusion. Si ce n'était pas à la communauté internationale de s'en occuper, de qui donc était-ce l'affaire ? Des dénis de responsabilité n'ont pas manqué de se faire entendre, mais personne n'a répondu à cette question. L'affaire du Haï Hong a toutefois montré que la communauté internationale était capable de réagir rapidement. Ses 2 500 passagers ont été acceptés par des pas où ils pourront se réinstaller, ou sont sur le point de l'être. Mais pourquoi faut-il attendre qu'il y ait un Haï Hong pour agir vite et pour que la communauté internationale se décide à intervenir ?

Force m'est de dire que, pendant que le Haï Hong mobilisait l'attention du monde, des milliers d'autres personnes arrivaient dans la région et avaient besoin d'aide sans que l'actualité s'intéresse à elles. Et que des milliers d'autres qui étaient déjà arrivées auparavant et qui ont eu la bonne fortune d'avoir été acceptées par des pays où elles pourront se réinstaller, attendent de pouvoir partir, depuis des semaines ou même des mois, dans des camps surpeuplés. D'autres encore, les moins fortunés, n'ont même pas cet espoir ; on leur a dit qu'elles ne répondaient aux critères d'aucun pays de réinstallation. Il faut revoir ces critères. Pour que les réfugiés et les personnes déplacées retrouvent leur dignité, il faut au moins que leur oisiveté prenne fin et qu'ils aient un espoir de pouvoir travailler pour être économiquement indépendants.

Depuis que la note préparée pour les présentes consultations a été rédigée, nous avons été à même de mettre à jour les chiffres relatifs au nombre de réfugiés et de personnes déplacées sur l'avenir desquels nous nous penchons aujourd'hui. Les chiffres au 30 novembre montrent que le mois dernier plus de 7 000 nouvelles arrivées relevant de l'assistance du HCR ont été enregistrées en Thaïlande, ce qui porte à 130 000 le nombre de ceux pour lesquels il faut trouver des solutions. Pendant la seule année 1978, le nombre des arrivées en Thaïlande a été supérieur de 40 000 au nombre de ceux pour lesquels des solutions durables ont été trouvées. De même, au mois de novembre, plus de 21 500 personnes sont arrivées par bateau dans diverses parties de l'Asie du Sud-Est, ce qui a porté à plus de 50 000 le nombre de ceux pour lesquels il faut aujourd'hui trouver des solutions.

Il y a un et demi, au mois de juillet 1977, les représentants des Etats membres du Comité exécutif se sont réunis pour examiner un certain nombre de problèmes urgents, dont celui de près de 82 000 personnes en Thaïlande et de 5 500 personnes arrivées par bateau. Dans la note d'information qu'il avait alors rédigée à l'intention des gouvernements, le HCR avait souligné qu'en dépit d'appels répétés, les solutions durables et les offres de réinstallation étaient loin de répondre aux besoins.

De nombreux autres appels ont été lancés depuis - le dernier en date est celui qui le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a lancé le 2 décembre 1978 - et je suis au regret de dire que la réponse de la communauté internationale est toujours bien en-deçà de ce qu'exige la situation.

Messieurs les délégués, une réponse vraiment humanitaire ne doit tenir compte que de la nature et de l'étendue des besoins humanitaires. Elle ne doit pas être dictée seulement par des préoccupations et des craintes nationales, sinon sa portée s'en trouverait exagérément limitée par des attitudes restrictives, des plafonds spéciaux, des quotas et des critères limitatifs. Il ne faut pas non plus qu'elle soit subordonnée à des délais arbitraires ni qu'elle ne soit qu'un geste sans lendemain. Voilà près de quatre ans que le problème qui nous occupe se pose et il est plus critique que jamais. Il faut que la réponse de tous les gouvernements, la réponse humanitaire vitale, soit à la mesure de la situation, qu'elle s'inscrive dans une perspective d'avenir et qu'elle soit inspirée par la volonté d'aller jusqu'au bout.