Déclaration faite par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes à sa dix-neuvième session, Genève, le 2 mai 1963
Déclaration faite par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes à sa dix-neuvième session, Genève, le 2 mai 1963
Le 2 mai 1963
Monsieur la Président, Messieurs les Délégués,
C'est pour moi un grand plaisir et un privilège que de prendre la parole devant les délégués des gouvernements membres du CIME en cette dix-neuvième session de votre Conseil, et je tiens à vous souhaiter un plein succès dans vos travaux.
L'action internationale en faveur des réfugiés est une entreprise très vaste et très complexe. Son succès dépend de l'intérêt agissant et de la générosité de toute une série d'éléments - gouvernements, organisations internationales, sociétés bénévoles et hommes de bonne volonté - dont chacun est appelé à jouer en rôle déterminé. Dans ce domaine très varié, cependant, s'est établie une association qui revêt une importance toute particulière et qui traduit le désir de coordonner les efforts entrepris. Cette association dont je parle a pris corps sous la forme d'un groupe de travail compose du CIME, de l'USEP et du Haut-Commissariat, des fonctionnaires de ces trois institutions - qu'il s'agisse de ceux qui ont pour tâche de donner des directives générales ou de ceux qui sont chargés des opérations et travaux courants - se réunissent régulièrement pour discuter des activités qui présentent pour nous un intérêt commun et pour coordonner ces activités. Depuis 1955, ce groupe de travail a joué un rôle très utile en s'acquittant des tâches qui lui ont été confiées par la communauté internationale. J'ai dit il y a quelques jours aux membres de mon propre Comité exécutif que « la collaboration de ce groupe est, à bien. des égards, indispensable et même vitale pour notre Haut-Commissariat On voit difficilement comment le Haut-Commissariat pourrait espérer s'acquitter de son mandat, que ce soit dans la domaine de l'assistance matérielle ou dans celui de l'émigration, s'il ne pouvait pas compter sur l'un ou l'autre de ces associés, ou sur tous les deux à la fois ».
En m'adressant aujourd'hui au Conseil du CIME, je tiens, une fois de plus, à souligner ici l'importance particulière que nous attachons aux services que le CIME fournit dans le cadre de son mandat, pour servir la cause des réfugiés. Vu les objectifs du Haut-Commissariat, ces services ont - et je me permets me permets de citer encore la déclaration que je viens de mentionner - un caractère vital. Ce que le CIME fait pour les réfugiés ne se traduit pas seulement sur le plan financier par un important budget annuel atteignant environ 6 millions de dollars pour les opérations de transport, mais aussi par le fait que toutes les dispositions nécessaires pour assurer le transport d'un grand nombre de réfugiés - 23,000 pour la seule année dernière - sont prises d'une façon remarquable par un personnel particulièrement compétent. Il est évident que l'association ainsi établie entre le Haut-Commissariat et le CIME constitue, en fait, le mécanisme qui permet d'accorder une assistance internationale efficace aux réfugiés désireux d'émigrer.
Comme j'ai eu le plaisir d'en informer le Comité exécutif du Haut-Commissariat à sa récerte session, l'année 1962 a été une année satisfaisante au cours de laquelle nous avons pu réinstaller, au titre de nos divers programmes, plus de 12.000 réfugiés. Sur les 30.000 « anciens réfugiés » visés par nos grands projets d'assistances, 16.000 ont été, inclus dans le programme pour 1962/1963, et les 14.000 autres ont bénéficié de programmes antérieurs. Maintenant que nous entrons dans la phase finale de ce travail le CIME, avec les services techniques qu'il a créés, aura un rôle très important à jouer dans l'achèvement de la tâche entreprise en assurent le transport des réfugiés qui auront la possibilité de refaire leur vie dans leur pays de destination définitive.
En ce qui concerne les projets spéciaux, des progrès sensibles ont également été accomplis en 1962. Des missions de sélection de venues du Danemark, de Suisse, de Belgique et de Suède se sont rendues dans les principaux pays d'asile et ont accepté un nombre considérable de réfugiés. Pour illustrer les résultats obtenus, je voudrais citer un seul exemple : la mission suédoise qui était autorisée à sélectionner 500 réfugiés, dont un certain nombre de réfugiés handicapés, a accepté 60 des 110 réfugiés inscrits en Turquie pour la réinstallation, et elle a accepté, en Grèce, 139 réfugiés, y compris tous les derniers membres sauf deux, du groupe dont s'était occupé le Dr Jensen. Plusieurs autres pays, notamment la France, ont continué a admettre des réfugiés âgés pour les placer dans des établissements hospitaliers. Certains autres pays ont mis sur pied des projets spéciaux, par exemple les Pays-Bas qui ont accepté un groupe de réfugiés venus d'Italie au titre d'un programme de formation professionnelle spécial qui leur permettra de trouver un emploi dans les chantiers de construction navale en qualité de travailleurs semi-qualifiés.
En ce qui concerne le problème des 850 réfugiés sérieusement handicapés dont les cas ont été examinés par le Dr Jensen, le nombre de ceux qui doivent encore être est aujourd'hui inférieur à 500. Un progrès extrêmement satisfaisant a donc été accompli et nous espérons être en mesure, l'automne prochain, de donner aux gouvernements une idée plus exacte des résultats qui auront été obtenus grâce au dernier et louable effort qu'aura ainsi fait la communauté internationale pour donner à des réfugiés gravement handicapés la possibilité de mener une existence normale et utile. Je peux citer l'enquête du Dr Jensen comme un exemple typique de la collaboration qui existe entre l'USEP, le CIME et le Haut-Commissariat. Bien que la première phase de cette action soit maintenant terminée, nous pouvons toujours utiliser le mécanisme et les techniques ainsi mis au point à tout moment et partout où le besoin s'en ferait sentir, en pareille hypothèse nous aurions à faire fond, dans une large mesure, sur l'aide du CIME et de son personnel médical. Enfin, en ce qui concerne les réfugiés sérieusement handicapés, nous savons qu'il pourrait se poser certains problèmes qui ne sauraient être résolus par la réinstallation, en dépit de l'ingéniosité et de la sollicitude des gouvernements et des groupes intéressés, et que nous pourrions être contraints de recourir - dans une très faible mesure je l'espère - à certaines autres solutions, telles que l'organisation de collectivités protégées.
Le Haut-Commissariat attache toujours une très grande importance à la réinstallation, qui est une des solutions classiques aux problèmes posés par les réfugiés, et non la moindre. Il tient à faire tout ce qui est en son pouvoir pour encourager les gouvernements à recourir à cette formule et à en faciliter l'application. Nous sommes constamment en rapport avec les réfugiés afin de déterminer avec eux la manière la plus efficace de les aider à se réinstaller. Bien entendu, nous tenons à jour des données statistiques concernant les réfugiés qui cherchent à se réinstaller ; ces données sont constamment analysées et contrôlées en coordination avec le CIME. Cette tâche n'est pas particulièrement aisée. En fait, maints réfugiés de cette catégorie ont eux-mêmes beaucoup de peine à se décider. D'autres, découragés par des refus successifs, sont peut-être tout simplement trop désemparés pour se manifester à nouveau. En outre, il est difficile aux diverses organisations bénévoles avec qui nous travaillons de joindre des réfugiés qui pourraient s'intéresser à la réinstallation, mais qui vivent assez isolés et très disséminés. A cet égard, il est évidemment beaucoup plus facile le de toucher et d'aider des réfugiés qui séjournent dans des camps. Nous espérons néanmoins être en mesure de dénombrer le reliquat et d'aider ces réfugiés.
Notre politique de réinstallation a essentiellement deux objectifs d'importance capitale : premièrement, il faut encourager les gouvernements des pays traditionnels de réinstallation qui organisent des programmes annuels de migration à réserver une partie de leurs programmes pour les réfugiés. Deuxièmement, et dans la mesure où cela est nécessaire, nous nous efforçons d'intéresser les gouvernements aux personnes handicapées pour qu'ils les acceptent, le cas échéant, en vertu d'arrangements spéciaux, soit en groupe, soit isolément. A ce propos, je puis préciser qu'un gouvernement - celui de l'Australie - a déjà demandé conseil au Haut-Commissariat dans l'intention d'inclure des réfugiés dans ses avant-projets relatifs à l'immigration. Incidemment, j'aurai le privilège, à la fin de mai, de me rendre en visite officielle en Australie et en Nouvelle-Zélande, pays qui sont au premier rang de ceux qui se sont de tout temps offerts à recueillir des réfugiés. Un autre gouvernement - celui de la Suède - a déjà fait savoir qu'il envisageait la possibilité d'accepter, en 1963, un contingent supplémentaire de réfugiés comprenant quelques malades mentaux. Cette décision marque une étape particulièrement importante sur la longue route qui mène à la solution des problèmes que posent les personnes handicapées. J'ai déjà parlé, en d'autres occasions, de la législation spéciale sur les réfugiés qui a été adoptée par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, législation connue sous le nom de Public Law 86-648 et qui, à ma très grande satisfaction, est toujours en vigueur. J'ai le ferme espoir que les dispositions de cette loi seront appliquées avec autant de générosité et de sollicitude que par le passé. Je regrette seulement, en cet instant, que le membre du Congrès qui est l'artisan de cette loi, M. Walter, à qui nombre de réfugiés doivent tant, ne soit pas parmi nous aujourd'hui.
Le Haut-Commissariat se rend parfaitement compte des efforts considérables déployés par les gouvernements et apprécié à sa juste valeur la tâche ardue dont leurs fonctionnaires s'acquittent dans le monde entier, mais je n'en dois pas moins saisir l'occasion de souligner le rôle capital que jouent les sociétés bénévoles internationales ou nationales. Chaque jour, elles prodiguent leurs conseils aux réfugiés dans les pays de premier asile, afin de les aider à comprendre les possibilités de réinstallation qui s'offrent actuellement à eux et à en profiter. Lorsque ces réfugiés arrivent dans leur nouveau pays, d'autres organismes bénévoles qui collaborent étroitement avec les services gouvernement aux contribuent dans une large mesure à assurer leur assimilation et leur intégration dans de bonnes conditions. Le Haut-Commissariat continuera naturellement de collaborer avec tous ces organismes de la façon la plus concrète et la plus réaliste possible.
Pour conclure, Monsieur le Président, je voudrais vous remercier très chaleureusement de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui devant les membres du Conseil.