Déclaration faite par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Conseil du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes à sa seizième session
Déclaration faite par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le Conseil du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes à sa seizième session
Le 12 avril 1962
Je tiens à vous remercier vivement de votre si aimable accueil. C'est pour moi un grand privilège, un grand honneur et un plaisir aussi que de me a trouver parmi vous, de participer aujourd'hui à la réunion du Conseil du CIME et d'avoir l'occasion de vous dire quelques mots. Je de vous dire que je ne vais pas faire un long discours, mais que je me bornerai à présenter quelques remarques et à souligner certains aspects de la tâche que nous nous efforçons d'accomplir en commun.
En parlant tout d'abord du plaisir que j'éprouve à être ici, je tiens à vous dire que je me sens tout à fait à l'aise dans une atmosphère aussi amicale. Nos sessions comme les vôtres se sont tenues dans ces locaux. Je crois que c'est là, dans une certaine mesure, un point commun entre ceux qui se préoccupent de l'aide internationale aux réfugiés : ils se retrouvent en nombre d'occasions, et aujourd'hui je suis particulièrement heureux d'être associé à l'oeuvre de M. Haveman qui, il n'y a pas si longtemps, prenait part à nos propres réunions. C'est la première fois, je crois, que M. Haveman assiste à une session du Conseil en qualité de Directeur du CIME, et je tiens à lui renouveler mes félicitations, à lui présenter mes meilleurs voeux et à lui dire combien j'apprécie sa participation à notre oeuvre commune.
J'ai appris que M. Epinat avait annoncé sa démission prochaine. Je sais qu'en cette occasion on l'a couvert de fleurs, et je voudrais y joindre une petite rose qu'il mérite bien de recevoir de nous. Il a été un des piliers de notre travail commun en faveur des réfugiés et de tant de gens qui ont besoin de la compréhension inspirée par des sentiments humanitaires ; nous éprouvons une profonde gratitude envers M. pour sa contribution à notre oeuvre et nous le verrons partir avec le plus grand regret. Je ne lui dis pas au revoir maintenant car je crois comprendre que nous pouvons compter sur sa présence et sur son aide pendant quelque temps encore cette année.
C'est également un plaisir pour moi que de rencontrer ici les représentants des gouvernements et des sociétés bénévoles qui font tant pour aider à trouver des solutions aux problèmes des réfugiés.
Après ces quelques remarques, je puis peut-être mentionner en passant que mon propre office - le Haut-Commissariat - traverse en ce moment une période de changements assez profonds. Nous sommes en présence du très grave problème des nouveaux réfugiés qui se trouvent hors d'Europe, en Afrique du Nord, au Togo au Congo, au Tanganyika. Vous n'ignorez pas que je viens de me rendre à Alger pour prendre toutes dispositions utiles en vue du retour d'environ 250.000 réfugiés algériens dans leur patrie, puisque les hostilités ont maintenant cessé dans cette partie du monde. Mais quelles que soient les tâches urgentes qui nous incombent du fait de ces nouveaux réfugiés, nous ne perdrons pas de vue le problème des anciens réfugiés d'Europe. L'intérêt que nous portons à la mission traditionnelle du Haut-Commissariat ne faiblira pas. Je dirais plutôt le contraire. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner les propositions relatives au programme pour 1963 que nous venons de soumettre au Comité exécutif du Haut-Commissariat. Ces propositions comprennent deux parties la première à bien nos principaux projets d'aide tous les porte sur la façon de mener a réfugiés européens ; la seconde concerne l'organisation future de notre travail plus courant. Comme je l'ai dit, nous faisons une distinction entre l'achève ment de nos grands projets d'aide et la planification des activités plus courantes. Dans les deux cas, nous aurons besoin du CIME; je dirai même que nous aurons plus que jamais besoin du CIME, et j'ajoute que le Haut-Commissariat est entièrement Satisfait du concours que lui apporte le CM pour essayer de donner une solution satisfaisante au problème des réfugiés en les aidant à se réinstaller dans les meilleures conditions possibles.
Que nous faudra-t-il faire pour mener à bien nos grands projets d'assistance Nous avons examiné les statistiques et pris contact avec les sociétés bénévoles et avec les gouvernements intéressés pour voir ce qui reste à accomplir sur ce plan. Nous avons pu obtenir quelques chiffres approximatifs, mais nous croyons qu'ils sont plutôt supérieurs aux chiffres réels auxquels il faut s'attendre. ils se rapportent aux réfugiés européens qui se trouvent en Europe et qui seraient intéressés à ce que leurs problèmes soient résolus par la réinstallation outre-mer. Ces réfugiés sont au nombre de 15.000 et 8.000 d'entre eux sont des réfugiés handicapés. En considérant les choses sous l'angle de la statistique, ce chiffre de 15.000 réfugiés qui désirent être réinstallés dans des pays d'outre-mer n'a rien d'excessif. Nous devrions 'être en mesure de résoudre ce problème, surtout si nous pouvons compter, comme je l'ai dit, sur l'appui continu, la bonne volonté et la chaleureuse compréhension du CIME.
Mais pour comprendre la tâche qui nous attend en ce qui concerne ces réfugiés, les statistiques seules ne suffisent pas à nous donner une idée complète de la situation. Ce qu'il nous faut comprendre aussi maintenant, c'est qu'au fur et à mesure que nous réglons les cas résiduels des derniers réfugiés d'Europe, les problèmes deviennent plus difficiles à résoudre, et à ce propos je voudrais. souligner toute l'importance de l'effort particulier qui vient d'être entrepris conjointement en Italie, par le CIME, et le Haut-Commissariat, pour identifier que posent les cas les plus difficiles parmi les réfugiés handicapés. Je pense que vous connaissez tous le travail accompli par le docteur Jensen. Les réfugiés dont le cas ne pouvait absolument pas être résolu dans le cadre des programmes actuels et pour lesquels il nous fallait faire un effort spécial sont maintenant identifiés et l'on a constitué à leur sujet, du moins en Italie, des dossiers individuels. On ne demandera donc plus aux gouvernements de s'intéresser à tel ou tel nombre de réfugiés, mais à des cas particuliers ; en leur montrant ainsi dans toute sa réalité la situation de ces réfugiés, nous pensons pouvoir trouver des solutions, même pour ceux dont le cas a paru longtemps désespéré. La plupart de ces réfugiés pourront, nous l'espérons, être acceptés dans les pays d'immigration ; un certain nombre d'entre eux devront finalement recevoir une assistance en Italie même, et si nous pouvons aider le Gouvernement italien à trouver hors d'Italie une solution partielle au problème de ces réfugiés, je crois qu'il sera d'autant plus disposé à faire un effort particulier en faveur de ceux qui devront rester dans le pays.
Les premières réactions suscitées par les dossiers individuels ainsi établis au sujet des réfugiés gravement handicapés qui se trouvent en Italie sont extrêmement encourageantes, notamment celles de la Suède, de la Norvège et du Danemark ; un certain nombre de ces réfugiés, je crois, trouveront bientôt un nouveau foyer et pourront commencer une vie nouvelle. En fait, nous sommes tellement satisfaits de ces premières réactions que nous envisageons d'entreprendre un effort semblable dans certains pays d'Europe. Le prochain sera probablement l'Autriche. Nous pourrons peut-être faire de même en Turquie orientale, et peut-être aussi pour certains cas difficiles qu'il reste à régler parmi les réfugiés d'origine européenne à Hong Kong.
Je crois que grâce à ce rapport du Dr. Jensen, aux dossiers individuels et aux contacts que nous avons avec les gouvernements, un élan très encourageant a été nous efforcerons donné, que nous devrons exploiter et dont nous nous efforcerons de tirer le meilleur parti au cours des dix-huit mois qui viennent. Le Haut-Commissariat fera tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir les meilleurs résultats possibles pendant cette période et il compte, comme par le passé, sur la coopération du Directeur du CIME et sur celle de l'USEP. Nous voulons résoudre le cas de tous les réfugiés européens et nous espérons leur trouver de nouveaux foyers dans les pays d'outre-mer. D'autres signes plutôt encourageants apparaissent à l'horizon, notamment le fait que la loi No 86-648, qui a été si bienfaisante pour de nombreux réfugiés, sera peut-être prorogée au-delà du mois de juin. A ce propos, je voudrais exprimer la gratitude du Haut-Commissariat envers tous ceux qui s'efforcent de maintenir cette porte ouverte, après le mois de juin, sur un espoir nouveau et sur une vie nouvelle aux Etats-Unis.
Je voudrais également saisir cette occasion pour souligner l'importance que nous attachons à la compréhension dont ont fait preuve les pays d'immigration qui nous aident à trouver une solution pour les réfugiés, notamment pour les réfugiés handicapés. et leur exprimer notre gratitude. J'ai mentionné les Etats-Unis d'Amérique. Je devrais mentionner aussi le Canada et l'Australie, ainsi que la France, qui nous a beaucoup aidés en acceptant de recevoir des réfugiés handicapés qui doivent trouver de nouveaux foyers pour abriter leurs vieux jours. Je devrais encore mentionner les pays scandinaves, je devrais encore mentionner la Suisse,
Tout ce que je viens de dire se situe dans le cadre de ce que nous considérons comme un travail de finition, comme un effort final pour régler définitivement le problème des quelques anciens réfugiés qui se trouvent encore en Europe. En même temps, comme je l'ai déjà indiqué, nous organisons nos futures activités à plus long terme et, là encore, nous nous trouverons devant le problème de la réinstallation, dans d'autres pays, de nouveaux réfugiés qui arriveront, dans les pays d'Europe occidentale ou ailleurs. Ce qu'il faut également nous efforcer de faire, c'est d'aborder ces nouveaux problèmes, non pas après qu'ils auront créé de nouveaux points névralgiques mais d'une façon continue, afin de. satisfaire les besoins des réfugiés au fur et à mesure que ces besoins se manifestent. C'est la seule façon efficace de traiter le problème. C'est aussi la seule façon honnête et équitable d'agir à l'égard des réfugiés et, dans ce domaine également, nous avons bénéficié d'une grande compréhension de la part des gouvernements des pays d'immigration et de la part du CIME. Je crois que si nous pouvons poursuivre notre tâche et résoudre le problème de ces nouveaux réfugiés soit en les aidant à s'établir dans un pays de premier asile où ils seront bientôt en mesure de subvenir à 'Leurs propres besoins, soit en les aidant - ce qui sera le cas la plupart du temps - à fonder de nouveaux foyers dans les, pays d'outre-mer, alors nous aurons, je pense, aidé les réfugiés de notre mieux.
C'est à peu près tout ce que j'avais à dire. Il me reste à vous remercier à nouveau de votre attention et à vous exprimer, ainsi qu'au Directeur du CIME et à ses collaborateurs, ma sincère gratitude et mes meilleurs voeux. Je, vous souhaite bonne chance à tous.