Déclaration faite par le Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la 1519ème séance de la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies
Déclaration faite par le Prince Sadruddin Aga Khan, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la 1519ème séance de la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies
Le 20 novembre 1967
Je voudrais tout d'abord, Madame le Président, puisque c'est la première fois que je m'adresse à l'Assemblée générale cette année, vous féliciter très vivement pour votre élection et féliciter de même les autres membres du Bureau de la Troisième Commission, le distingué Vice-Président et le Rapporteur. Je voudrais également vous dire, Madame le Président, Mesdames, Messieurs, combien je suis heureux de me retrouver ici, à la Troisième Commission. Notre action dans le domaine de l'assistance aux réfugiés dépend, vous le savez, de l'adhésion de tous les gouvernements ici représentés à certains grands principes humanitaires sur lesquels véritablement repose notre action. L'Assemblée générale est mon guide et mon support ; elle définit l'orientation à donner à notre oeuvre sociale et humanitaire. Cela est d'une particulière importance alors que nous traversons une période difficile, une période que je qualifierai d'évolutive, marquée chaque jour, dans les différents pays où s'appliquent les programmes du haut Commissaire, par des changements politiques qui nous obligent à adapter et à réviser complètement notre action. C'est vous dire combien j'ai besoin à l'heure actuelle de l'aide de la Troisième Commission, de ses directives et de ses conseils.
Mon souci, dans l'action que nous menons, reste double ; l'efficacité tout d'abord, afin que l'effort financier représenté par mon programme ne soit pas vain et que les réfugiés recouvrent le plus rapidement possible des conditions de vie normales ; l'apaisement d'autre part, afin que disparaissent les causes de tension qui sont à l'origine des problèmes de réfugiés et les causes de discorde qui existent immanquablement chaque fois qu'il est question de réfugiés.
En Afrique et en Asie, où se situent malheureusement les principaux problèmes dont nous nous occupons aujourd'hui, la confirmation nous a été apportée pendant l'année écoulée de l'étroite liaison existant entre les problèmes de réfugiés et ceux du développement. Cette interdépendance est un élément fondamental et assez nouveau que je voudrais souligner ici, comme l'ont fait du reste plusieurs délégués à la dernière réunion de mon Comité exécutif qui s'est tenu il y a quelques semaines à Genève. Il n'y a pas aujourd'hui en Afrique d'efficacité possible pour notre travail sans une conjugaison appropriée de toutes les formes de l'aide multilatérale au développement et de celle que le Haut Commissaire est en mesure d'accorder aux réfugiés.
Il m'est inutile de rappeler que le rôle du Haut Commissaire est purement humanitaire et social, donc totalement apolitique. Cela toutefois ne signifie pas que nous devions pratiquer la politique de l'autruche et ignorer la réalité, l'aspect souvent brûlant des problèmes politiques qui s'inscrivent autour de l'existence même de groupes de réfugiés. Bien au contraire, nous devons, je crois, nous en pénétrer ; car c'est dans la mesure où le Haut Commissariat est conscient de la réalité de ces problèmes politiques qu'il peut contribuer à dépolitiser les situations nées de l'existence des réfugiés, et aider, ce faisant, les réfugiés eux-mêmes. Pour prévenir ou atténuer ainsi les difficultés politiques dues à la présence des réfugiés dans les pays d'accueil, le Haut Commissariat cherche Possible Pour notre travail sans une conjugaison appropriée de toutes les formes de l'aide multilatérale au développement et de celle que le Haut Commissaire est en mesure d'accorder aux réfugiés.
Il m'est inutile de rappeler que le râle du Haut Commissaire est purement humanitaire et social, donc totalement apolitique. Cela toutefois ne signifie pas que nous devions pratiquer la politique de l'autruche et ignorer la réalité, l'aspect souvent brûlant des problèmes politiques qui s'inscrivent autour de l'existence même de groupes de réfugiés. Bien au contraire, nous devons, je crois, nous en pénétrer ; car c'est dans la mesure où le Haut Commissariat est conscient de la réalité de ces problèmes politiques qu'il peut contribuer à dépolitiser les situations nées de l'existence des réfugiés, et aider, ce faisant, les réfugiés eux-mêmes. Pour prévenir ou atténuer ainsi les difficultés politiques dues à la présence des réfugiés dans les pays d'accueil, le Haut Commissariat cherche à établir ces derniers dans des régions aussi éloignées que possible ,des frontières. Cela répond d'ailleurs au voeu de l'Organisation de l'unité africaine qui, à plusieurs reprises, et j'y reviendrai plus tard, a souligné la nécessité d'une installation pacifique, aussi éloignée que possible des frontières. Toujours dans le même but et dans le même esprit, le Haut Commissaire n'a cessé de multiplie r les contacts avec tous les gouvernements, en particulier avec les gouvernements des pays de provenance des réfugiés. Grâce à ces contacts, le Haut Commissaire peut parfois, si la bonne volonté existe, si les gouvernements le désirent, si les gouvernements l'invitent à le faire, dissiper des malentendus, apaiser ou prévenir des conflits naissants.
Ceci dit, il est évident que le rôle du Haut Commissariat reste essentiellement curatif, l'Office. vous le savez bien, ne pouvant agir sur les causes mêmes des problèmes de réfugiés. Encore peut-il par des contacts et certaines actions appropriées préparer une des principales et, à mon avis, une des meilleures solutions à tous les problèmes de réfugiés, je veux dire le rapatriement librement consenti. En prodiguant des encouragements et des conseils en sa qualité d'intermédiaire neutre et objectif, et dans le cadre de ses bons offices tels que l'Assemblée générale les a définis, le Haut Commissaire peut en effet orienter certains des problèmes, particulièrement en Afrique, vers cette solution qui répond au souhait formulé par les gouvernements eux-mêmes, souhait si souvent exprimé au sein de l'Organisation de l'unité africaine, et qui répond également très souvent aux voeux des réfugiés eux-mêmes.
Une vue d'ensemble sur l'année en cours ne révèle aucun changement dramatique dans l'état des problèmes de réfugiés. Certains événements se sont produits, que nous avons tous présents à l'esprit, et je pense plus particulièrement aux événements, du Proche-Orient, qui ont affecté également les réfugiés relevant de ma compétence. Et je ne parle, bien entendu, pas ici des réfugiés de Palestine qui relèvent de la compétence de l'Organisation de travaux et de secours pour les réfugiés de Palestine. Tel a été le cas aussi dans certaines régions de l'Afrique, et notamment en République démocratique du Congo où la situation tendue qui existait, et qui dans une certaine mesure existe encore dans certaines régions de ce pays, notamment dans les provinces de l'Est, a créé des difficultés pour mes programmes. Ces événements donc et leurs séquelles ont nécessité très souvent de nouvelles démarches, nous ont obligés à ajuster nos programmes et nos dépenses et également notre représentation sur place. Il est intéressant de noter, par exemple, que les événements du Proche-Orient ont provoqué une recrudescence des arrivées de réfugiés en Europe. En effet certaines personnes qui habitaient les régions où s'est situé le conflit, ou certaines minorités qui ont été contraintes de partir et se sont dirigées vers l'Europe, ont été déracinées du fait de ces événements. Lorsqu'elles ne se trouvent sous la protection d'aucun pays, elles peuvent parfois relever du mandat du Haut Commissaire. Certains réfugiés d'autre part, qui se trouvaient sur place, prit eu à subir également les effets des mêmes événements ; leur situation économique a souffert et c'est ainsi que dans certains pays du Proche-Orient où nous avions des programmes, notamment pour le logement ou l'assistance individuelle à divers groupes de réfugiés, nous avons été obligés, afin de parer à ces besoins, de prélever des fonds inattendus sur nos réserves pour 1967 et également de prévoir une augmentation du programme pour le Proche-Orient pour l'année 1968.
En Europe, le nombre des réfugiés décroît, et nous nous en félicitons. En effet, non seulement il n'y a pas de nouveaux problèmes de réfugiés en Europe - celui, momentané, dont je viens de parler, mis à part - mais la solution des problèmes du passé progresse chaque jour davantage.
A l'inverse, le nombre des réfugiés s'accroît constamment, hélas, en Afrique. Depuis le début de cette année, le nombre de réfugiés africains est passé ainsi de 740 000 à 800 000 environ. Nous n'avons pourtant à signaler aucun mouvement de très grande amplitude, ni pour les nouveaux arrivés, ni malheureusement dans le sens du rapatriement, qui continue de se poursuivre lentement. Nous aurions pu, à un moment donné, espérer voir un très grand nombre de réfugiés africains rentrer dans leur pays. Cela pourtant n'a pas été le cas, en dépit de nos efforts. Cela, sans doute, est dû au fait que les conditions préalables à tout rapatriement librement consenti, et je pense particulièrement aux conditions politiques, économiques et sociales dans les pays d'origine, ne se trouvaient pas encore entièrement réunies.
Si je devais caractériser notre action en 1967, le terme que j'emploierais le plus volontiers est celui de consolidation. Il y a eu en effet consolidation dans tous les domaines, à commencer par la protection internationale qui est, comme vous le savez, l'un des aspects essentiels de mes responsabilités.
Je me dois de souligner en tout premier lieu que le Protocole à la Convention de 1951, que la Troisième Commission avait examiné ici même l'an passé, est maintenant entré en vigueur, ayant été signé déjà par les Etats suivants, par ordre d'accession : le Saint-Siège, la République centrafricain, Cameroun, la Gambie, le Sénégal et la Suède. J'ajouterai, que de nombreux autres pays ont également fait part de leur désir d'accéder prochainement à cet instrument, notamment durant la dernière réunion de mon Comité exécutif à Genève et que, il y a quelques jours seulement, l'Algérie a annoncé son accession au Protocole. Je trouve très remarquable que ce Protocole ait pu être mis en vigueur si peu de temps après que la Troisième Commission l'ait examiné et que le Secrétaire général l'ait ouvert à la signature des gouvernements. Ceci est, pour, le Haut Commissaire, très encourageant et je veux espérer que le merveilleux exemple ainsi donné par les pays que je viens de mentionner sera suivi très prochainement par beaucoup d'autres pays.
En ce qui concerne la Convention de 1951 qui reste l'instrument de base, la Charte des réfugiés, je suis heureux de pouvoir annoncer que, grâce à l'accession récente de Madagascar, le nombre des pays signataires s'élève maintenant à 53.
Mes collègues et moi-même ont été extrêmement heureux, d'autre part, de voir que la Sixième Commission a très récemment adoptée à l'unanimité, le projet de Déclaration sur l'asile territorial. Cela ne manquera pas de faciliter grandement notre tâche. Ai-je besoin de rappeler en effet que, sans l'asile, l'oeuvre pour les réfugiés n'aurait plus aucun sens ?
J'aimerais également signaler les progrès accomplis sur le plan régional. Le Conseil de l'Europe, en juin dernier, a adopté une résolution invitant les gouvernements membres à appliquer les principes qui gouvernent l'asile et à témoigner d'un esprit de solidarité et de responsabilité collective dans ce domaine. Egalement sur le plan européen, de nouvelles législations sont en préparation dans divers payse qui tendent à modifier sur le plan interne, dans un sens très libérale les dispositions intéressent les réfugiés. C'est le cas notamment en Autriche pour la Loi sur la résidence des étrangers qui s'applique également aux réfugiés, et en Grande-Bretagne, où des modifications, s'inspirant en grande partie du langage utilisé dans la Convention de 1951, sont en train d'être apportées au « Fugitive Offenders Act ». J'aimerais signaler enfin à la Troisième Commission les progrès enregistrés dans mes négociations avec le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne au sujet de l'indemnisation des réfugiés persécutés en raison dé leur nationalité par le régime national socialiste ; j'espère que ces négociations seront très prochainement couronnées de résultats tangibles.
En ce qui concerne l'Afrique, je voudrais tout d'abord signaler la conférence extrêmement importante qui s'est tenue récemment dans la capitale éthiopienne, et où tous les aspects du problème des réfugiés en Afrique ont été étudiés en détail aspects juridiques, économiques et sociaux et, dans une certains mesure également, politiques. J'ai assisté moi-même à l'ouverture de cette Conférence et ai pu me rendre compte de l'esprit dans lequel les gouvernements africains ont abordé ce problème. Ils ont traité du statut juridique, de la protection des réfugiés, de l'assistance matérielle, de l'implantation des réfugiés dans les régions où ils se trouvent, du rapatriement librement consenti, du problème des titres de voyage. L'un des faits pour moi les plus remarquables est que ces 21 pays africains réunis à Addis-Abéba aient d'emblée, dans leurs recommandations donné une adhésion à la fois spontanée et réfléchie à des concepts lentement élaborés en Europe, après la première et la seconde guerre mondiale. Ceci a été fait avec une rapidité remarquable et je me dois ici de souligner que le sens de leurs responsabilités individuelles et collectives dont les pays africains ont témoigne à cette occasion prouve l'attention qu'ils portent au problème des réfugiés, et est une source de vive satisfaction et un très grand encouragement pour le Haut Commissariat.
La Conférence d'Addis-Abéba avait été précédée d'une réunion au' sommet, tenue à Kinshasa, de l'organisation de l'unité africaine durant laquelle les chefs d'Etat avaient réitéré leur intérêt pour le travail du Haut Commissariat en Afrique et encouragé une adhésion beaucoup plus vaste de la part des Etats membres de OUA à la Convention de 1951 et au Protocole. Il s'étaient également penchés sur le problème du séjour et du transit qui se pose pour les réfugiés en provenance de territoires non encore indépendants et avaient souligné la nécessite d'éliminer les sources de friction entre les pays d'accueil et les pays de provenance, ce qui est tout à fait conforme à la vocation et à la politique du Haut Commissariat. Ils avaient souligné enfin le rôle d'intermédiaire que l'Organisation de l'unité africaine pourrait jouer en vue de faciliter le rapatriement librement consenti.
Je rappellerai en outre le Cycle d'études international sur l'apartheid qui s'est tenu récemment à Kitwe, en Zambie, et où la question des documents de voyage et des facilités de transit à accorder aux réfugiés en provenance d'Afrique du Sud a été également évoquée, ainsi qu'il en est, du reste, rendu compte dans le document de l'Assemblée A/6818 du 29 septembre 1967, chapitre VI (XIX). Je me félicite vivement de la concordance de vues exprimées en des occasions aussi diverses sur la nécessité de délivrer des titres de voyage aux réfugiés africains ; cela ne peut en effet que m'aider dans Inaccomplissement de ma tâche de protection.
En Amérique latine, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a adopté de même le 20 octobre dernier, une résolution recommandant aux Etats Membres de l'Organisation des Etats américains d'adhérer à la Convention et au Protocole.
Je ne saurais certainement quitter le chapitre de la protection sans formuler le souhait que l'Année internationale des droits de l'homme soit, l'an prochain, l'occasion pour de nombreux Etats d'adhérer aux instruments internationaux intéressant le statut des réfugiés : la Convention de 1951 bien sûr et le Protocole ; mais aussi la Convention de 1954 sur le statut des apatrides, la Convention de 1961 sur la réduction de l'apatride et là Convention de 1957 sur les réfugiés marins.
Je participe activement, bien entendu, en liaison avec la Division des droits de l'homme, mon ami ici présent M. Schreiber, et avec l'Organisation des Nations Unies en général, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, à la préparation de cet te Année des droits de l'homme.
Je voudrais maintenant me pencher sur la situation des réfugiés telle que je la vois, au terme d'une analyse succincte, continent par continent. Je procéderai par ordre alphabétique, ce qui malheureusement d'ailleurs, coïncide cette année avec l'ordre d'importance des problèmes. Je commencerai donc par l'Afrique.
En Afrique, la consolidation que j'évoquais il y a un instant s'est révélée plus nécessaire encore en raison de l'ampleur même des problèmes, et de la présence de ces 800 000 réfugiés dont j'ai parlé. Nécessaire aussi parce que des considérations de sécurité, intérieure et extérieure, ont obligé certains pays africains à déplacer les réfugiés qui se trouvaient chez eux pour les installer dans des régions se trouvant plus à l'intérieur de leur pays, ce qui nous a obligés à remanier certains programmes. C'est ainsi que des pays comme l'Ouganda, comme la République centrafricaine, ont été amenés à organiser une nouvelle migration à l'intérieur même de leurs frontières pour les réfugiés qui étaient venus de l'extérieur, nos programmes ayant dû être ajustés en conséquence. Bien entendu, nous l'avons fait dans un esprit d'économie maximum, en assurant autant que possible le ramassage des récoltes, permettant ainsi aux réfugiés d'emporter avec eux le produit de leur travail et d'arriver dans leur nouvelle zone d'implantation avec déjà un certain bagage, de nature à faciliter leur réinstallation.
Ce que je voudrais souligner avec une note d'optimisme - optimisme tempéré certes, mais optimisme tout de même - c'est le fait à mon avis très remarquable - et la Troisième Commission partagera j'espère ce sentiment avec moi - que sur les 800 000 réfugiés dont nous nous occupons en Afrique, 500 000 au moins sont actuellement en état de subvenir à leurs besoins essentiels. Notre aide a donc été efficace, le rôle de promoteur, de catalyseur du Haut Commissaire s'est révélé utile. Ces réfugiés aujourd'hui sont établis pacifiquement, ne relèvent plus d'une charité extérieure ; ils plantent leurs propres semences, récoltent ce qu'ils ont semé et apportent même, dans plusieurs pays africains, une contribution concrète à l'évolution économique et sociale des pays qui les ont accueillis. Quant aux autres, ceux qui ne sont pas en état dé subvenir à leurs propres besoins et dépendent encore d'une aide d'urgence du Haut Commissaire, du Programme alimentaire mondial, ou du Programme alimentaire du Gouvernement des Etats-Unis, j'espère que, pour eux aussi, comme pour les 500 000 que j'ai : mentionnés, une solution prochaine est en vue et qu'ils ne tarderont pas, eux non plus, à être en mesure de vivre du produit de leur travail. Tous, quoi qu'il en soit, à l'exception de quelques groupes se trouvant dans les régions qui ont été affectées par les bouleversements politiques, comme les provinces, de l'Est de la République démocratique du Congo, sont maintenant inclus, à des titres divers, dans des projets en cours de réalisation. Dans les régions oïl, en raison des circonstances, aucun projet n'a encore pu être mis sur pied, nous suivons de très près l'évolution de la situation politique, avec l'espoir de pouvoir très prochainement commencer notre action.
Si la masse des réfugiés en Afrique s'intègrent dans les régions rurales, nous nous trouvons de plus en plus en présence d'un nouveau problème, d'une nouvelle catégorie de réfugiés : les étudiants d'une part, qui sont en quelque sorte l'élite des réfugiés africains, et des réfugiés d'autre part qui appartiennent à des professions autres qu'agricoles, et qui se concentrent actuellement dans les régions urbaines, dans les grandes capitales africaines. C'est là précisément l'un des problèmes sur lesquels s'est penchée la récente Conférence d'Addis-Abéba qui a prévu, entre autres, la création d'un Bureau pour l'éducation et le placement de ces réfugiés. Intégré à l'Organisation de l'unité africaine, ce bureau sera chargé de centraliser les informations sur les possibilités d'admission dans des établissements d'enseignement en Afrique, ainsi que d'examiner les possibilités de placement, de travail dans les agglomérations urbaines. Ce bureau recherchera également de nouveaux pays d'accueil, afin de soulager éventuellement les pays, de premier asile, là où la concentration des réfugiés dont j'ai parlé, dans les villes principales, pourrait poser des problèmes. Ce bureau travaillera en liaison avec le Haut Commissariat, avec l'UNESCO, avec le Bureau international du Travail, avec la Commission économique pour l'Afrique, et également avec les agences bénévoles non gouvernementales. Cela est un des résultats importants et tangibles de cette conférence d'Addis-Abéba.
Passons maintenant, et toujours dans l'ordre alphabétique, à l'Amérique latine. Nous nous occupons là essentiellement de réfugiés âgés, de cas handicapés de cas mentaux, de malades chroniques. Nous continuons nos programmes en faveur de ces réfugiés qui, n'ayant pas de famille, ou pas d'économies suffisantes se trouvent parfois dans une extrême misère. Leur nombre heureusement est limité. Mais on notera avec intérêt que, grâce à nos efforts, 660 places ont jusqu'à présent été créées, ou sont en cours de création, dans des asiles ou des institutions appropriés pour ces vieillards, ces malades ou ces cas mentaux. Dans cette tâche, nous avons eu beaucoup à compter sur les agences bénévoles. S'appuyant sur les résultats d'une enquête menée par un médecin spécialiste, ancien consultant du Haut Commissariat elles sont avec nous à la recherche des meilleures solutions possibles aux problèmes de ces cas mentaux. En Amérique latine, de même, nous venons fréquemment en aide à des réfugiés qui désirent regagner leur pays, en intervenant pour résoudre les difficultés d'ordre administratif, les problèmes de visas, etc, ou en participant à leurs frais de voyage, facilitant ainsi le rapatriement de ces réfugiés à destination de leur pays d'origine.
En Asie, nous nous trouvons en présence de problèmes que la Troisième Commission connaît déjà je veux parler des 50 000 réfugiés tibétains en Inde et des 7 000 réfugiés tibétains au Népal. Là, je voudrais souligner l'effort remarquable qui a été entrepris par le Gouvernement indien pour installer ces réfugiés, et également mentionner que la campagne européenne, dont nous avons parlé ici même durant la vingt et unième session, et au cours de laquelle des fonds de sources privées ont été collectés pour les réfugiés en Afrique et en Asie, permettra à un grand nombre de ces réfugiés tibétains d'être installés définitivement et de subvenir à leurs propres besoins. Une grande partie des fonds récoltés durant cette campagne est, en effet, réservée aux réfugiés tibétains, selon le voeu des organisations participantes. Il est intéressant de noter, par exemple, qu'en Inde les quelque 20 000 réfugiés tibétains qui n'étaient pas encore installés et qui travaillaient essentiellement dans les constructions de routes sur le territoire indien seront, grâce à cette campagne, en mesure d'être installés, eux aussi, définitivement. Au Népal, je voudrais souligner le concours extrêmement important que nous avons reçu des autorités et de la Croix-Rouge népalaises, grâce auxquelles le problème des réfugiés tibétains au Népal est en voie de solution, et également remercier la Coopération technique suisse pour l'aide extrêmement importante que les autorités suisses de l'Assistance technique nous ont donnée au Népal.
Un point sombre malheureusement en Asie : Macao. La situation politique très instable qui règne à Macao a suscité des retards dans la gestion de os programmes pour les réfugiés chinois. Néanmoins, je crois qu'il est encourageant de noter qu'en dépit de ces circonstances, le Centre de formation professionnelle que nous avons construit à Taïpa et l'autre centre construit à Coloane sont maintenant terminés. D'autre part, le foyer édifié pour les jeunes filles réfugiées fonctionne normalement. Nous nous employons à sauvegarder la situation des réfugiés autant que possible, et je continue d'avoir un bureau à Macao.
En Europe, le programme courant fait face aux besoins. Le mécanisme d'émigration est bien rodé et il est important, bien entendu, de maintenir les possibilités d'émigration pour pouvoir faire en sorte que les réfugiés qui désirent encore émigrer dans les pays d'outre-mer ou d'autres pays puissent le faire. L'émigration reste en effet la soupape de sûreté indispensable 1 pour éviter une nouvelle accumulation de réfugiés, surtout de réfugiés handicapés, qui devraient normalement pouvoir être inclus dans les quotas d'immigration. Je suis heureux de pouvoir dire à la Troisième Commission que l'appel que j'ai lancé l'an passé aux gouvernements pour une attitude plus particulièrement libérale et humanitaire à l'égard des réfugiés handicapés a donné de très bons résultats. « Grâce à la compréhension témoignée déjà par de nombreux gouvernements, il y a tout lieu de penser que ce grave problème des réfugiés sérieusement handicapés longtemps confinés dans des camps connaîtra une fin prochaine.
En Europe également, l'extension aux réfugiés de mesures prises pour les nationaux dans le cadre de certains accords régionaux facilite et accélère l'évolution favorable vers une intégration totale des réfugiés, laquelle se trouve également facilitée par l'amélioration de la situation économique et sociale des pays européens, et, nous nous en félicitons, par celle des relations entre ces mêmes pays.
J'ai déjà fait allusion à la Campagne de collecte de fonds organisée en octobre 1966. Cette campagne a produit 18 millions de dollars, 18 millions de dollars récoltés en Europe, ainsi qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande, pour les réfugiés en Afrique et en Asie. Le bénéfice de cette action remarquable, due en grande partie à l'initiative de S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas qui présidait le Comité de travail chargé de coordonner les efforts déployés au cours de la Campagne, ira essentiellement à des projets se situant en dehors du programme du Haut Commissaire, mais destinés à en compléter les effets. Je reviendrai là-dessus quand j'aborderai le problème du financement du programme, mais je voulais d'ores et déjà souligner qu'en dépit de la faible part affectée aux projets du Haut Commissariat en 1967, c'est grâce à la Campagne européenne qu'une partie du déficit financier du programme pour l'année en cours pourra être comblée. Mais la portée politique et pratique de la Campagne dépasse de loin ses résultats immédiats, et l'amélioration qu'elle permettra d'apporter au sort de dizaines de milliers de réfugiés, tibétains notamment. Cette campagne a contribué en effet à rendre l'opinion publique en Europe plus consciente de la réalité et de la gravité des problèmes de réfugiés en Afrique et en Asie ; elle représente le premier effort vraiment organisé en faveur de ces réfugiés. C'est la raison pour laquelle nous sommes particulièrement heureux que S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas se soit vu décerner récemment, à Genève, la Médaille Nansen en témoignage de gratitude pour la part personnelle si large et déterminante qu'il a prise à cette généreuse initiative.
Il me faut maintenant revenir un, instant à l'Afrique, et à cette remarque que je faisais au début de mon exposé quand j'évoquais là lien étroit qui existe entre le travail du Haut Commissaire et le développement. En Afrique, la Troisième Commission le sait déjà, l'implantation dans l'agriculture est la solution la mieux adaptée aux données de la situation. Or. ceci nous conduit deux constatations qui, à mon avis, sont très importantes. D'abord, l'interdépendance entre le problème des réfugiés et celui du développement, qui apparaît avec une particulière évidence au stade de la consolidation, laquelle n'est possible que dans le cadre du développement global des régions dans lesquelles les réfugiés se trouvent. Ceci est une réalité dont il faut tenir compte dès le départ. Cette approche intégrée des problèmes de réfugiés et de celui du développement, cette conjonction de l'aide multilatérale sous toutes ses formes, et éventuellement de l'aide bilatérale, permettent seules de réaliser une économie maxima des moyens à mettre en oeuvre, d'éviter le double emploi et le gâchis. La seconde constatation sur laquelle se sont arrêtés de nombreux délégués à la dernière, réunion de mon Comité exécutif à Genève - et je pense ici plus spécialement aux interventions du distingué délégué du Royaume-Uni, Mr. Harry Randall, membre du Parlement, qui revenait lui-même d'une visite aux centres d'implantation de réfugiés en Afrique où il avait pu se rendre compte en personne des progrès qui y ont été accomplis - la seconde constatation donc, c'est qu'il faut assurer la soudure entre l'assistance du Haut Commissaire et le relais des programmes de développement que les autres instances des Nations Unies sont en mesure d'assurer. Car s'il ne devait pas y avoir de soudure, s'il ne devait pas y avoir de relais, certains gouvernements se trouveraient en face d'un nouveau problème d'urgence au moment où prendraient fin les programmes d'assistance du Haut Commissaire. Car celui-ci ne peut assumer une tâche qui n'est pas la sienne et s'occuper de développement, après que les réfugiés aient été déjà 'en' mesure de subvenir à leurs propres besoins. Le développement en effet relève d'autres instances et n'intéresse pas seulement les réfugiés, mais également la population autochtone des pays dans lesquels nous avons nos programmes. Or, si ces derniers se terminaient avant que d'autres instances, nationales ou internationales, ne soient prêtes a prendre le relais de ces activités, alors nous risquerions de nous trouver devant une situation très grave,' qui pourrait nécessiter de nouveau l'intervention du Haut Commissaire et entraîner de nouvelles dépenses. Il est essentiel donc de coordonner nos efforts ; il est essentiel que les agences de développement, les institutions spécialisées des Nations Unies accordent une priorité, appliquent une procédure d'urgence aux requêtes qui leur sont adressées par des pays et pour des régions dans lesquelles se trouvent des réfugiés.
Dans ce but, j'ai multiplié mes contacts et mes efforts avec tous les organes des Nations Unies chargés du développement. La compréhension que j'ai trouvée, le soutien qui m'a été accordé sont des plus encourageants. Nous avons, je crois, réussi à faire accepter l'argument selon lequel un plan de développement qui ignorerait la présence d'une masse très importante de réfugiés, se chiffrant parfois à des centaines de milliers de personnes venues s'ajouter à la population locale, un tel plan serait tout simplement voué à l'échec. De l'excellente coopéra nous avons ainsi avec le Programme des Nations Unies pour le développement et avec les institutions spécialisées, coopération qui répond à une nécessité pratique et impératives je voudrais donner seulement quelques exemples. Le Programme alimentaire mondial nous a accordé depuis le début de nos efforts en Afrique, près de six millions de dollars de vivres. Le Programme alimentaire des Etats-Unis d'Amérique a accordé, grosso modo, pour les réfugiés africains plus d'un million et demi de dollars en 1967 seulement. Certainement le Haut Commissaire n'aurait pu faire face à sa tâche sans cette aide, qui doit se poursuivre et se renforcer encore à l'avenir. Pour citer quelques cas concrets, je dirai que, dans les provinces de l'Est du Congo notamment, nous travaillons conjointement avec le Bureau international du Travail pour un plan de développement zonal élargi. Au Burundi un projet pilote de développement non plus sectoriel mais global est actuellement l'étude il couvrirait la plupart des régions où se trouvent les réfugiés, soit environ un cinquième du territoire national. Ainsi la relève du Haut Commissariat pourrait-elle être convenablement assurée par le Programme des Nations Unies pour le développement, la FAO, le BIT et les autres instances spécialisées appelées à participer à ce projet. Nos relations avec ces organismes seront encore renforcées si l'Assemblée générale approuve, comme je le souhaite, la suggestion du Conseil' économique et social et de mon Comité exécutif, de voir à l'avenir le Haut Commissaire invité aux réunions du Bureau consultatif interorganisations du Programme. des Nations Unies pour le développement.
Je voudrais, puisque nous parlons du problème du relais, de cette soudure à assurer entre l'aide aux réfugiés et le développement des pays dans lesquels se trouvent les réfugiés, attirer également l'attention des gouvernements africains qui ont un problème de réfugiés chez eux sur le fait qu'ils doivent eux-mêmes, pour que leurs requêtes puissent être prises en considération, les adresser avec une priorité suffisante aux instances compétentes. Car c'est finalement sur la base de ces requêtes, et seulement sur cette base, que les instances de développement multilatérales peuvent agir. Le Haut Commissaire ne peut évidement se substituer aux gouvernements souverains des pays ou se trouvent des réfugiés, lorsque la situation paraît démontrer que ceux-ci ne seront pas en mesure d'être rapatriés aussi vite qu'on eût pu l'espérer. Le rôle du Haut Commissaire, certes, se poursuivra aussi longtemps qu'il est nécessaire. Maïs pour un développement plus large, intéressant l'ensemble des populations locales de vastes régions, les requêtes appropriées doivent être adressées par les gouvernements, aussitôt que possible. Car ces programmes doivent être étudiés longtemps à l'avance, des experts doivent en examiner tous les aspects, établir des dossiers qui souvent prennent beaucoup de temps, et naturellement le relais ne peut être assuré avec une rapidité suffisante que si les requêtes reçoivent, de la part des gouvernements d'asile eux-mêmes, toute la priorité qu'elles méritent.
Je voudrais, à cet égard, signaler l'exemple extrêmement encourageant de la République centrafricaine où récemment un plan intégré, qui intéressera tous les réfugiés : se trouvant dans ce pays, a été discuté entre les autorités de Bangui et les représentants du Programme des Nations Unies pour le développement seulement les réfugiés peuvent-ils devenir l'occasion, l'élément du développement économique et social de leur pays d'accueil. Cela est, bien sûr, tout à fait conforme à notre philosophie qui, je vous le rappelle, est de voir les réfugiés apporter le plus tôt possible une contribution positive à l'essor économique et social des pays qui les reçoivent. Cela également concorde avec le souci exprimé notamment dans le rapport du Secrétaire général au sujet d'une utilisation complète et rationnelle des ressources humaines. Ainsi est-il extrêmement réconforterait de constater qu'en maintes occasions les réfugiés ont effectivement ouvert la voie au développement des régions où les gouvernements, avec notre aide, les ont installés.
Dans ce domaine de la coopération interorganisations, je, me dois également de souligner la collaboration excellente qui existe avec l'UNESCO qui vient de détacher un fonctionnaire d'un rang élevé à mon Bureau de Genève pour nous aider à définir notre politique pour l'éducation des réfugiés, surtout en Afrique, et organiser nos activités dans ce sens. Je voudrais aussi, puisque nous parlons de l'éducation, saisir cette occasion pour exprimer ma vive reconnaissance aux Gouvernements et aux peuples scandinaves qui ont si généreusement contribué à notre Compte spécial pour l'éducation des réfugiés. Cet exemple mériterait d'être suivi, car l'éducation est une des conditions essentielles à une intégration complète et durable. Ceci qui est vrai pour l'enseignement primaire, l'est aussi pour l'enseignement technique et, dans une certaine mesure, pour l'enseignement supérieur qui n'est pas non plus un luxe dès lors qu'il s'applique à un nombre limité de réfugiés, convenablement sélectionnés.
J'en arrive maintenant à une note moins encourageante, mais dont je me dois de faire part à l'Assemblée générale, comme je l'ai fait récemment à mon Comité exécutif : il s'agit du problème toujours brûlant du financement de notre programme. Notre action, et je crois que ce que je viens de dire le prouve, enregistre chaque jour des progrès que nous nous appliquons à consolider. Une seule exception tranche fâcheusement sur ce tableau encourageant c'est le problème du financement de nos activités. En effet le déficit de 1967, qui S'élevait à 1 800 000 dollars, a pu être comblé en partie seulement par la Campagne européenne dont j'ai parlé déjà. En dépit des contributions très généreuses émanant des groupes privés qui ont organisé cette Campagne il nous reste encore, à l'heure actuelle, un déficit de 30O 000 dollars environ. mais ce qui m'inquiète bien davantage encore, c'est le programme pour l'année prochaine. Pour 1968 en effet, mon Comité exécutif vient d'approuver un programme de 4 631 000 dollars. Ceci est un programme minimum, représentant le minimum de, ce qui doit être fait chaque année dans le monde entier pour les réfugiés qui relèvent de ma compétence ; c'est aussi le noyau de base autour duquel toutes les autres contributions, tant multilatérales que bilatérales, viennent ensuite s'agréger. Ce programme cependant risque, si les contributions ne sont pas augmentées d'une manière substantielle, de connaître à nouveau un déficit d'un million de dollars au moins. Pour l'instant en effet, les contributions gouvernementales ne représentent que 60 p. 100 environ du montant du programme, le reste étant couvert chaque année, en tout ou parfois hélas seulement en partie, par des contributions de sources privées. Je voudrais adresser un appel, que je renouvellerais du reste lors de la séance plénière pour l'annonce des contributions qui se tiendra au début du mois de décembre ici même, je voudrais adresser un appel à tous les gouvernements pour que leur part, dans le financement du programme soit portée à 80 p.100 au moins de son montant total, au lieu des 60 p.100 actuels. Ceci permettrait de notre part une attention encore plus vigilante, une action encore plus suivie, et des résultats plus satisfaisants encore que ceux que nous avons pu enregistrer jusqu'à présent.
Il est clair, d'autre part, qu'on ne peut escompter voir se renouveler chaque année des campagnes du genre de celle qui a eu lieu en octobre 1966. Au bout d'un certain temps en effet, un phénomène de saturation se produit ; les gens ne peuvent faire preuve de la même générosité à l'égard d'une oeuvre comme la nôtre, si utile soit-elle. Les organisations privées, qui ont participé si généreusement et d'une façon si spectaculaire à cette campagne, n'entendent pas d'autre part que leurs efforts viennent constamment suppléer ceux des gouvernements, pour le financement d'un programme destiné à couvrir des besoins essentiels et immédiats. Ces organisations veulent au contraire ajouter à ce que font ou devraient faire les gouvernements pour compléter l'action menée, en leur nom, par le Haut Commissariat.
Je pense, pour tout dire, qu'on ne peut, dans le même temps, se féliciter de, ce que fait le Haut Commissaire, des résultats concrets qu'il a obtenus plus spécialement en Afrique où son action a permis de venir à bout de très graves problèmes de réfugiés, et s'abstenir lorsqu'il s'agit de financer le programme destiné à ces mêmes réfugiés. Il y a là une contradiction qu'il faudra bien un jour surmonter. Sans doute devrais-je également rappeler à l'Assemblée que si ce programme, ce programme minimum et à mon avis raisonnable qui est le nôtre, était financé plus largement par les gouvernements, le Haut Commissaire, au lieu d'utiliser chaque année son énergie à rechercher les fonds dont il a besoin pour en assurer le financement, au lieu de se transformer en ne sorte de « fund-raiser » professionnel, pourrait se concentrer davantage sur ce qui est vraiment sa tâche, c'est-à-dire l'élaboration de solutions aux problèmes de réfugiés.
Puisque nous parlons des questions financières, je voudrais signaler à la Troisième Commission que mon Comité exécutif, sur la base d'un rapport que je lui avais soumis, et prenant en considération la recommandation du Comité des Quatorze, a décidé à Genève récemment de ne plus tenir qu'une seule session ordinaire par année, au lieu des deux sessions habituelles. Cette décision a été prise dans un esprit d'efficacité et d'économie selon le voeu du Comité des Quatorze, entériné par la Cinquième Commission. Me serait-il permis de suggérer que le souci d'économie que reflète cette décision contribue à renforcer les gouvernements dans la conviction que les fonds mis à la disposition du Haut Commissaire pour son programme d'assistance sont utilisés avec le même soin, avec la même parcimonie, et que ceci donc leur inspire une générosité accrue.
Je voudrais, en conclusion, rappeler que l'un des aspects essentiels de notre tâche est de circonscrire les problèmes de réfugiés, de les ramener à leurs justes proportions, en limitant leurs effets pour les pays les plus directement intéressés, c'est-à-dire les pays d'accueil et les pays de provenance, et en allégeant bien entendu au maximum les souffrances des réfugiés eux-mêmes.
Mais circonscrire n'est pas traiter sans méthode. Une approche commune est de toute évidence nécessaire, non seulement sur le plan technique et pratique, ainsi que nous l'avons vu à propos de la coopération interorganisations, mais aussi sur le plan politique. Il faut une communauté d'inspiration, une communauté d'action fondée sur un idéal et sur des règles universellement acceptées : l'asile, par exemple, conçu comme un geste humanitaire et non politique ; les facilités accordées au rapatriement librement consenti qui demeure, lorsqu'il est possible, l'une des meilleures solutions à tout problème de réfugiés ; l'octroi enfin aux réfugiés d'un statut leur garantissant les droits essentiels de la personne humaine. C'est cet idéal, qui a été réaffirmé récemment encore à Kinshasa par l'Organisation de l'unité africaine, par les vingt et un Etats africains représentés à la Conférence d'Addis-Abéba, par le Conseil de l'Europe et par l'Organisation des Etats américains. C'est cette action commune que le Haut Commissaire désire mettre en oeuvre, et qui fait précisément que la vocation du Haut Commissariat est universelle.
Je considère que mon office n'aura pas tout à fait atteint son but tant que son action n'aura pas reçu une consécration, une adhésion véritablement universelle, se traduisant par un appui concret et sans réserve de tous les pays.
Avec le retour des réfugiés dans leur pays d'origine ou leur réinstallation pacifique dans des pays de premier ou de second asile, c'est la contribution que le Haut Commissariat pour les réfugiés, en tant qu'organe des Nations Unies, peut et doit apporter à la paix et à la bonne entente entre les peuples.