Déclaration de Niebla sur la revitalisation de la protection des réfugiés
Déclaration de Niebla sur la revitalisation de la protection des réfugiés
Adoptée à l'occasion des Cinquièmes Journées du Droit International Humanitaire relatives à La Revitalisation de la Protection des Réfugiés, qui ont eu lieu à l'Université de Huelva les 29, 30 novembre et 1 décembre 2001, et organisées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et le Séminaire des Etudes Internationales, avec la collaboration du Ministère des Affaires Etrangères, en commémoration du cinquantenaire de la Convention de Genève sur le Statut de Réfugié du 28 juillet 1951.
A cette occasion,
1. NOUS REAFFIRMONS la validité de l'institution de l'asile et de la Convention de Genève, en particulier les principes de non-refoulement, protection, et assistance.
2. NOUS REAFFIRMONS la nécessité de l'existence du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et de son caractère exclusivement humanitaire. De ce fait, c'est une agence responsable de la garantie d'une protection internationale et d' une assistance des réfugiés, des demandeurs d'asile et de toutes les personnes concernées par son mandat. Nous sollicitons de la part des Etats, l'engagement de garantir la protection effective de ces personnes.
3. NOUS RECONNAISSONS qu'après cinquante ans d'existence, les circonstances et les conditions du monde actuel ont subi des changements fondamentaux par rapport à celles dans lesquelles furent adoptées les dispositions de la Convention de Genève de 1951. C'est la raison pour laquelle, une interprétation actualisée de celle-ci est nécessaire, ainsi que la recherche de nouvelles solutions juridiques, et la mise en place des mesures préventives qu'imposent les flux massifs. Pour cela, les mécanismes tant internationaux que nationaux protégeant les droits de l'homme, dont les droits économiques et sociaux, doivent être renforcés et leur fonctionnement doit être accéléré, notamment par l'instauration de la Court Pénale Internationale.
4. NOUS CONSIDERONS que les Etats de tradition démocratique ayant les plus grandes capacités économiques doivent contribuer à la prévention des conflits et des mouvements massifs de population, au moyen de politiques de développement. Celles-ci supposent un renforcement institutionnel important passant en premier lieu, par la recherche de structures plus démocratiques, et en second lieu, par la création et la diffusion de mécanismes de protection et de défense des Droits de l'Homme et de lutte contre la discrimination et les inégalités.
En conséquence, nous DECLARONS la nécessité de tenir compte des objectifs suivants pour revitaliser la protection et l'assistance des réfugiés.
1. Les Etats devraient appliquer de manière souple et extensive, non seulement la définition des réfugiés, mais aussi les conclusions du Comité Exécutif du HCR. De son côté, l'ONU devrait formuler une série de principes fondamentaux pour permettre la protection et l'assistance notamment par une institution comme le HCR, de toutes les personnes qui sont obligées de quitter leur pays d'origine ou de résidence à cause des violations des droits de l'homme et de la violence généralisée.
2. Les Etats devraient être conscients que les flux massifs de population provoqués par les conflits et la violation des droits de l'homme ne peuvent être supportés par les seuls Etats voisins. Au contraire, il devrait s'imposer un principe de solidarité internationale en vertu duquel les Etats les plus développés apporteraient une aide économique proportionnelle à leur participation au système général de financement des Nations Unies. Pour ce faire, un fond de réserve devrait être établi pour les situations imprévues qui peuvent non seulement mettre en danger la vie de nombreuses personnes, mais aussi la paix et la sécurité internationales.
3. Les Etats, les Institutions Internationales dont le HCR, et en général, tous les responsables de groupes armés doivent préserver le caractère civil de l'asile. Pour garantir la sécurité des réfugiés et des personnes déplacées, ainsi que du personnel humanitaire, les éléments armés doivent être séparés de la population civile, avec la coopération de toute la communauté internationale.
4. En cas de conditions extrêmes, notamment en cas d'arrivée massive de réfugiés, le HCR doit considérer la nécessité de disposer de personnels de sécurité, pour contribuer à désarmer et mettre de côté les éléments armés, de mettre en lieu sûr les armes récupérées. De même, il doit être pourvu à la formation du personnel humanitaire de protection, afin qu'il soit capable de reconnaître les différents éléments armés qui participent à un conflit, et ce, sur la base du mandat exclusivement humanitaire du HCR et du caractère civil du refuge.
5. La Protection Temporaire peut constituer un mécanisme d'urgence utile et efficace afin d'assurer la proportionnalité de la protection immédiate dans les situations de flux massifs. Pour autant, si la situation dans le pays d'origine ne permet pas le retour dans une période raisonnable, la Protection Temporaire doit conduire au Statut de Réfugié, ou à un Statut de Protection Subsidiaire, lequel doit clairement être distingué de la Protection Temporaire.
6. La complexité des crises qui provoquent les exodes massifs (incapacité de l'Etat d'origine, activités de groupes terroristes, paramilitaires, milices irrégulières, délinquance transnationale organisée, corruption, sous-développement ), exige des solutions alternatives. En premier lieu, il est nécessaire d'adopter des mesures immédiates, directes, efficaces, destinées à la protection de victimes et à l'assistance à leur fournir. En second lieu, et de manière complémentaire, la mise en oeuvre de la responsabilité pour les violations d'obligations établies par le droit international doit être assurée.
7. Le Droit des réfugiés doit mettre en place un régime de responsabilités qui incombent tant à l'Etat d'origine, à l'Etat de refuge, qu'aux groupes responsables de pouvoir territorial. Ces responsabilités sont primaires et secondaires (coopération pour mettre fin à la violation, absence de reconnaissance de la situation créée et l'absence d'aides de l'Etat responsable afin de perpétrer la situation). Le Droit International doit mettre en place des mécanismes permettant de les engager.
8. A cette fin, nous invitons les organismes internationaux compétents à créer des commissions d'enquêtes spéciales, chargées d'examiner les situations qui génèrent ou risquent de générer l'exode de réfugiés (Truth Commissions) et, dans le but d'éliminer ces situations, d'offrir leur médiation aux autorités concernées comme aux personnes ou populations menacées. Simultanément, il devrait être établir un Fond International de Compensation pour permettre l'indemnisation des victimes.
9. Le droit à ne pas être déplacé arbitrairement est un droit reconnu par le Droit International. Aucune action délibérée des gouvernements ne devraient avoir pour conséquence l'apparition ou l'aggravation de la situation où des groupes d'êtres humains ont besoin d'un refuge. L'exile forcé, l'expulsion et la déchéance arbitraire ou discriminatoire de la nationalité créent des réfugiés et violent de multiples droits fondamentaux, internationalement garantis. Ces actions sont interdites par le Droit International.
10. Les Dispositions de la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de 1967 doivent s'interpréter et s'appliquer de manière souple, afin que des réponses adaptées puissent être données aux besoins des groupes de personnes quels qu'ils soient. Il paraît nécessaire d'approfondir un développement normatif spécifique pour mieux protéger les femmes réfugiées sollicitant l'asile, et favoriser l'interprétation selon laquelle ces femmes qui subissent des traitements cruels et inhumains contraires aux droits de l'homme internationalement reconnus, pourraient être considérées comme un groupe social déterminé au sens de l'article 1.A de la Convention de Genève de 1951. De son côté, l'Assemblée générale des Nations Unies devrait offrir ses auspices à la mise en place d'un Protocole additionnel relatif aux enfants réfugiés à la Convention sur les droits de l'enfant, afin de développer et préciser l'article 22 de la Convention.
Niebla, le 1er décembre 2001