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Déclaration de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, Rabat, Maroc, le 10-11 juillet 2006

Discours et déclarations

Déclaration de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, Rabat, Maroc, le 10-11 juillet 2006

10 Juillet 2006

Excellences, Mesdames et Messieurs,

C'est un grand honneur pour moi d'être parmi vous aujourd'hui afin de participer à cette Conférence ministérielle sur la migration et le développement.

Il est tout à fait pertinent que cette réunion ait lieu au Maroc, pays étroitement lié à l'Europe et au reste de l'Afrique. Le Maroc est engagé dans un processus de développement impressionnant et compte un pourcentage élevé de ses citoyens vivant et travaillant à l'étranger. De plus, le Maroc est devenu ces derniers temps un lieu de transit et de destination pour un nombre croissant de migrants en provenance d'autres Etats.

Le moment choisi pour cette réunion est particulièrement judicieux. Les mouvements actuels de personnes en provenance de l'Afrique vers l'Europe, compte tenu de leur caractère irrégulier, présentent un certain nombre de défis importants aux Etats représentés ici. J'espère que cette Conférence nous permettra de mieux évaluer comment cette situation inquiétante peut être gérée de façon cohérente.

* * *

Mesdames et Messieurs,

Dans la mesure où notre temps nous est quelque peu compté ce matin, j'aimerais présenter brièvement six commentaires concernant les intérêts spécifiques du Haut Commissariat pour les réfugiés eu égard à la question de la migration et du développement.

Premièrement, je suis convaincu que le concept du développement devrait être interprété de façon large et non comme simple synonyme de croissance économique. Dans ce contexte, permettez-moi de vous rappeler la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement qui affirme que « le droit au développement est un droit inaliénable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés. »

Deuxièmement, c'est précisément parce qu'ils ne sont pas en mesure d'exercer leur droit au développement que tant de gens se sentent contraints de quitter leur propre pays, que ce soient des migrants à la recherche de meilleures conditions de vie ou des réfugiés en quête de sécurité.

Même si cette distinction fondamentale entre réfugiés et migrants reste importante, nous devons reconnaître que ces deux phénomènes naissent souvent dans la problématique plus large du sous-développement. J'espère que cette Conférence renforcera la collaboration entre les Etats d'Afrique et d'Europe afin de faire face au défi du développement et de créer des conditions propices à une migration volontaire et non forcée.

Troisièmement, et ceci est un point important dans le contexte actuel, nous devons accorder une attention toute particulière au fait que les flux migratoires d'aujourd'hui sont souvent « mixtes », c'est-à-dire que les migrants et les réfugiés se déplacent côte à côte, souvent de façon irrégulière, utilisant les mêmes itinéraires et les mêmes modes de transport.

Tout en reconnaissant les difficultés que ces flux migratoires peuvent poser aux Etats en termes de sécurité nationale et régionale, nous devons veiller à ce que les mesures prises pour restreindre la migration irrégulière n'empêchent pas les réfugiés d'obtenir la protection internationale dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit.

Nous devons nous assurer que les réfugiés et les migrants puissent trouver une solution appropriée à leur problème en temps voulu. Il est particulièrement important de fournir aux réfugiés une protection et des solutions dans des régions proches de leurs pays d'origine. Personne ne devrait être obligé d'effectuer des voyages risqués et coûteux d'un continent à l'autre en quête de sécurité.

Ce défi complexe demande une action coordonnée et concertée de la part de différents acteurs. Pour faciliter cet engagement, l'UNHCR a proposé un Plan d'Action pour faire face aux flux migratoires dit « mixtes », que je serais heureux de partager avec vous. Il propose une approche novatrice, présentant un ensemble de mesures cohérentes devant recueillir l'accord des pays d'origine, de transit et de destination, ainsi que le soutien des organisations internationales concernées.

L'UNHCR n'est pas - et n'a pas l'intention de devenir - une institution chargée de la migration. Mais afin que mon Organisation puisse exercer son mandat de protection des réfugiés, elle doit également s'engager dans la problématique plus large de la migration internationale. Notre Plan d'Action montre comment le mandat, les compétences et les ressources du Haut Commissariat pourraient aider les Etats à résoudre ce problème de façon efficace et équitable.

Je comprends que certains Etats représentés ici aujourd'hui peuvent avoir quelques réticences à voir le Haut Commissariat s'impliquer dans la question des flux migratoires mixtes et irréguliers. Je vous demande de reconsidérer cette position. Il est évident que l'UNHCR ne peut résoudre ce problème à votre place. Mais je suis convaincu que nous pouvons vous aider à aborder cette question conformément aux normes internationales et sans présenter un danger pour la sécurité ou la souveraineté de votre pays.

Il est également essentiel de reconnaître que la résolution de ce problème n'incombe pas aux seuls Etats situés au sud de la Méditerranée. Les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants vont continuer à arriver en Europe. La logique de la mondialisation et des changements démographiques est telle que leur nombre a toutes les chances de croître dans les années à venir.

J'encourage nos partenaires européens à réagir à cette situation de manière positive, en partageant les responsabilités, en protégeant les personnes qui en ont besoin et en veillant à ce que le débat public sur l'asile et la migration se déroule de façon calme et rationnelle.

Puis-je également suggérer que le renforcement des capacités est aussi pertinent pour les pays au nord de la Méditerranée que pour les pays du Maghreb et de l'Afrique sub-saharienne. A travers l'Europe, j'ai pu remarquer que les Etats n'ont pas toujours réussi à formuler des politiques en matière de migration, de réfugiés et d'asile qui répondent à l'ampleur et à la complexité croissantes du phénomène de la mobilité humaine.

Pour en venir à mon quatrième point, j'aimerais encourager cette Conférence, ainsi que le prochain Dialogue de Haut Niveau sur les Migrations Internationales et le Développement, à examiner les moyens possibles pour que les réfugiés puissent contribuer au processus de développement.

Effectivement, les réfugiés peuvent devenir des agents de développement si on leur en donne la possibilité. Les afflux de réfugiés, particulièrement lorsqu'ils sont importants et concentrés dans des régions spécifiques, peuvent avoir des retombées néfastes sur le développement des pays et des communautés hôtes. Notre expérience a toutefois montré que les réfugiés peuvent contribuer à l'économie locale s'ils ont accès au marché du travail, aux terres agricoles, et s'ils peuvent se lancer dans des activités génératrices de revenus. Malheureusement, cela n'est pas le cas dans de nombreux pays.

Si nous voulons que les réfugiés contribuent à l'économie de leur pays d'asile, il nous faut établir des conditions propices à leur auto-suffisance. Il n'est dans l'intérêt de personne de voir les réfugiés dans le dénuement.

Pour éviter ceci, j'encourage les Etats à réexaminer les services et les moyens d'existence mis à la disposition des réfugiés. En parallèle, j'encourage la communauté internationale à cibler l'aide au développement sur les régions accueillant des réfugiés et à s'assurer que ces régions soient intégrées dans les plans de développement nationaux, ainsi que dans les stratégies de réduction de la pauvreté. Les réfugiés tout comme les citoyens doivent pouvoir bénéficier de nos efforts pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.

En cinquième lieu, nous devons saisir les possibilités qui se présentent lorsque les conflits armés prennent fin et qu'un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées rentrent chez eux. Il est important d'impliquer au plus tôt les instances du développement dans la planification du retour et de la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées. Ceci permettra d'assurer une transition efficace entre l'aide humanitaire immédiate et les initiatives de développement à plus long-terme dans les régions accueillant des rapatriés.

Enfin, j'aimerais suggérer que la promotion de l'inclusion sociale et de la tolérance contribue à assurer un impact positif sur le développement. Les réfugiés et les migrants sont confrontés à la xénophobie dans de nombreuses régions du monde et courent souvent le risque d'être marginalisés sur le plan social et économique.

Je me sens obligé d'attirer votre attention sur les dangers de cette situation, tant pour les droits et le bien-être des réfugiés et des migrants que pour la cohésion des sociétés où ils vivent. J'encourage donc tous les Etats participant à cette Conférence à lutter contre toutes les formes d'intolérance et à prendre des mesures concrètes pour promouvoir l'insertion et la participation économique des réfugiés et des migrants.

* * *

Excellences, Mesdames et Messieurs,

La région euro-africaine est actuellement confrontée à des problèmes complexes liés aux flux migratoires mixtes et irréguliers. J'aimerais réitérer ma conviction que l'UNHCR a l'expérience et les compétences requises pour vous aider à faire face à ce défi.

Ceci n'est pas un problème de réfugiés en soi. Toutefois, l'asile en est un facteur. Il ne s'agit pas d'une situation ingérable mais plutôt d'une situation qui doit être gérée efficacement. C'est un problème qui concerne plusieurs Etats mais qui ne connaît pas de frontière géographique. Nous sommes tous, respectivement et à différents niveaux, responsables d'un aspect de ce problème. La collaboration internationale nous offre les meilleures chances de succès.

Je vous remercie de votre attention.