CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-ET-UNIEME SEANCE
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES, COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-ET-UNIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.31
Distr. double
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES,
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-ET-UNIEME SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève le vendredi 20 juillet 1951, à 14 heures 30.
Présents : | |
Président : | M. LARSEN |
Membres : | |
Australie | M. SHAW |
Autriche | M. FRITZER |
Belgique | M. HERMENT |
Brésil | M. de OLIVEIRA |
Canada | M. CHANCE |
Colombie | M. GIRALDO-JARAMILLO |
Danemark | M. HOEG |
Egypte | MUSTAPHA Bey |
Etats-Unis d'Amérique | M. WARREN |
France | M. ROCHEFORT |
Grèce | M. PAPAYANNIS |
Irak | M. Al PACHACHI |
Israël | M. ROBINSON |
M. KAHANY | |
Italie | M. del DRAGO |
M. THEODOLI | |
Monaco | M. BICHERT |
Norvège | M. ANKER |
M. ARFF | |
Pays-Bas | M. van BOETZELAER |
République fédérale allemande | M. von TRÜTZSCHLER |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | M. HOARE |
Saint-Siège | Mgr BERNARDINI, Archevêque d'Antioche |
Suède | M. PETREN |
Suisse (et Liechtenstein) | M. SCHURCH |
Turquie | M. MIRAS |
Venezuela | M. MONTOYA |
Yougoslavie | M. MAKIEDO |
M. BOZOVIC | |
Haut-Commissaire pour les réfugiés | M. van HEUVEN GOEDHART |
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations gouvernementales. | |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. SCHNITZER |
Conseil de l'Europe | M. TALIANI de MARCHIO |
Représentants d'organisations non gouvernementales : | |
Catégorie A | |
Confédération internationale des syndicats libres | Mlle SENDER |
Catégorie B et registre | |
Caritas Internationalis | M. BRAUN |
M. METTERNICH | |
Comité de coordination d'organisations juives | M. WARBURG |
Comité international de la Croix-Rouge | M. OLGIATI |
Comité consultatif mondial de la Société des Amis | M. BELL |
Congrès juif mondial | M. RIEGNER |
Conseil consultatif d'organisations juives | M. MEYROWITZ |
Secrétariat | |
M. Humphrey | Secrétaire exécutif |
Mlle Kitchen | Secrétaire exécutive adjointe |
1. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5 et Corr.1) (suite)
i) Rapport du Groupe de travail désigné pour étudier le paragraphe 13 de l'annexe au projet de convention relative au statut des réfugiés et le document joint à cette annexe (modèle du titre de voyage) (A/CONF.2/95)
Le PRESIDENT invite la Conférence à examiner le rapport du Groupe de travail sur le paragraphe 13 de l'Annexe et sur le modèle du titre de voyage joint à cette annexe (A/CONF.2/95).
Le Groupe de travail a proposé un nouveau texte pour l'alinéa du paragraphe 13 de l'Annexe, et un nouveau passage à insérer à la fin du paragraphe 3 du modèle de titre de voyage. Tous les membres du Groupe de travail ont accepté ces deux modifications, à l'exception du représentant du Venezuela qui a réservé la position de son Gouvernement à l'égard de la première. L'addition proposée au paragraphe 3 du modèle de titre de voyage constitue une solution de compromis, le représentant de l'Italie, qui à l'origine avait proposé cette addition, ayant accepté de rendre cette disposition facultative, et non plus obligatoire.
En l'absence d'observations, le Président met aux voix le premier des deux amendements proposés.
Par 18 voix contre zéro, l'amendement (A/CONF.2/95, paragraphe 3) à l'alinéa 1 du paragraphe 13 de l'Annexe est adopté.
Par 18 voix contre zéro, le paragraphe 13 du l'Annexe, ainsi amendé, est adopté.
Par 18 voix contre zéro. L'ensemble de l'Annexe au projet de Convention (A/CONF.2/1, pages 23, 25), ainsi amendée, est adopté.
M. HOARE (Royaume-Uni) annonce que, si son intervention ne soulève pas d'objections, il désirerait poser une question concernant l'Annexe et l'article 32 du projet de Convention (Relations avec les conventions antérieures). Il est fait mention à l'article 32 de l'Accord de Londres du 15 octobre 1946, en vertu duquel les titres de voyage sont délivrés aux personnes placées sous la protection, notamment du Comité intergouvernemental pour les réfugiés et de toute institution intergouvernementale appelée à lui succéder. L'organisation qui a succédé au Comité est, en fait, l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR). Les travaux de l'OIR devant bientôt prendre fin, certaines catégories de réfugiés pourront éprouver à l'avenir des difficultés au sujet de leurs titres de voyage.
Dans ces circonstances, le représentant du Royaume-Uni se demande si la Conférence serait disposée à inclure dans l'Acte final une recommandation aux gouvernements signataires de l'Accord de Londres de 1964 de continuer à délivrer et à reconnaître les titres de voyage en vertu de cet instrument, jusqu'au moment où la Convention actuelle entrera en vigueur. Cette recommandation servirait les intérêts des réfugiés et serait également utile aux administrations qui pourraient autrement avoir quelque hésitation quant à la situation juridique de certaines catégories de réfugiés.
Si la Conférence est disposée à examiner cette proposition, M. Hoare soumettra, en temps voulu, un texte approprié.
M. HERMENT (Belgique) appuie, sans réserve, la proposition du représentant du Royaume-Uni. Il voudrait, toutefois, obtenir une précision : à son sens, il s'agit d'une recommandation aux Etats qui ne sont pas parties à l'Accord de Londres de 1964. En effet, les Etats parties restent tenus par les dispositions de cet accord.
Le PRESIDENT décide que l'examen de la question sera repris au moment où la Conférence étudiera l'Acte final.
M. MONTOYA (Venezuela) informe la Conférence que, depuis que le Groupe de travail a adopté son rapport sur le paragraphe 13 de l'Annexe et le modèle du titre de voyage, les délégations des trois pays de l'Amérique latine représentés à la Conférence se sont réunies et ont examiné les amendements proposés dans ce rapport. M. Montoya est maintenant en mesure de déclarer que ces amendements lui donnent entière satisfaction et qu'il retire donc les réserves mentionnées au paragraphe 4 du rapport.
M. SCHURCH (Suisse) désire présenter deux remarques de détail à propos du modèle du titre de voyage. Il note que l'on se propose de se référer au projet de Convention tant sur la couverture du livret que sur la première page. Peut-être pourrait-on laisser ce détail à la discrétion des Etats contractants ? D'autre part, ces derniers seront-ils en mesure d'apporter une modification quelconque au texte proposé ? Dans le cas de pays comme la Suisse où un document officiel doit être imprimé en trois langues, certains ajustements peuvent être nécessaires.
Le PRESIDENT espère que le représentant de la Suisse s'estimera satisfait si ses observations figurent dans le compte rendu analytique de la séance, accompagnées de la mention qu'aucun représentant n'a formulé d'objections.
M. SCHURCH (Suisse) accepte la suggestion du Président.
Par 22 voix contre zéro, le texte (A/CONF.2/59, page 2) dont le Groupe de travail a recommandé l'insertion à la fin du paragraphe 3 du modèle du titre de voyage est adopté.
Par 22 voix contre zéro, le modèle du titre de voyage joint à l'Annexe au projet de Convention (A/CONF.2/1, page 26-29), ainsi amendé, est adopté.
(ii) Article nouveau proposé par la délégation de la Yougoslavie (A/CONF.2/96).
M. MAKIEDO (Yougoslavie) rappelle que la délégation yougoslave, au cours de la Conférence, s'est efforcée de tout faire pour favoriser l'adoption d'une Convention qui contribuera à résoudre le problème des réfugiés. Mais, de l'avis de cette délégation, la meilleure des conventions possibles n'y parviendra pas si l'on ne réussit à éliminer toutes les causes éventuelles de désaccords entre les nations. La proposition yougoslave (A/CONF.2/96) tient compte des difficultés de la situation internationale actuelle et de la nécessité urgente de maintenir la paix. La proposition tient compte, dans une certaine mesure, des expériences que la Yougoslavie a fait dans un passé récent et à l'époque actuelle où, d'une part une poignée de réfugiés ont pu se livrer à des agissements hostiles à leur pays d'origine, tandis que, d'autre part, des ressortissants yougoslaves ont été empêchés de retourner dans leur pays. Il en est résulté la création d'une catégorie spéciale et artificielle de réfugiés. La délégation yougoslave est convaincue que tous les Etats désirent ardemment réduire le nombre des réfugiés, et qu'ils accueilleront donc favorablement une proposition qui a pour but de tenir en échec toutes les pratiques tendant à empêcher le rapatriement. Il n'est pas souhaitable d'ailleurs que les incitations adressées à des ressortissants d'un pays pour qu'ils cherchent refuge dans un autre viennent accroître inutilement le nombre des réfugiés. Il convient de prendre des mesures contre les agissements de ce genre.
Le fait que certains réfugiés se livrent à des activités hostiles à leur pays d'origine crée inévitablement des difficultés dans les rapports entre Etats entre Etats voisins. Le nouvel article proposé n'a pas pour objet d'interdire toutes les organisations politiques de réfugiés mais uniquement celles qui poursuivent des activités hostiles au pays d'origine de ces réfugiés.
Finalement, le Gouvernement yougoslave estime que la création de formations militaires spéciales composées de réfugiés, n'est guère de nature à contribuer au maintien de la paix. Ce Gouvernement propose donc d'interdire la création de ces formations, dont l'existence peut avoir un caractère provocateur et est susceptible, dans une atmosphère de tension internationale, de provoquer un conflit. Le représentant de la Yougoslavie formule l'espoir que sa proposition sera accueillie avec sympathie et recevra l'appui de la Conférence.
M. FRITZER (Autriche) apprécie les intentions du nouvel article proposé, en particulier le principe formulé à la première phrase. Quant au reste du texte, il se voit obligé de signaler que ce texte pourrait causer des difficultés d'ordre constitutionnel au point de vue des garanties existantes en matière de liberté d'opinion, de la liberté de la presse et de la liberté d'association.
Avant de pouvoir participer au vote sur cette proposition, la délégation autrichienne devra donc étudier minutieusement les répercussions constitutionnelles du nouvel article proposé.
M. ROCHEFORT (France) ne doute pas de l'excellence de la valeur des intentions qui ont présidé à la rédaction de l'amendement yougoslave (A/CONF.2/96).
Néanmoins, il regrette de ne pas être en mesure d'accepter ce texte. L'analyse de ses différents points montre, en effet, que son inclusion dans le projet de Convention pourrait entraîner des conséquences dangereuses. C'est ainsi, par exemple, que cette proposition prévoit que les Etats contractants devront interdire toute activité visant « l'incitation des ressortissants des autres pays à se réfugier ». On peut se demander si une émission radio-diffusée, au cours de laquelle seraient lues des informations parfaitement objectives et véridiques prouvant aux réfugiés qu'ils trouveront, dans tel Etat, des conditions de vie
Plus humaines et plus dignes que celles dont ils jouissent, ne pourrait être considérée comme constituant une « incitation à se réfugier », même si le but de l'émission est strictement d'information. D'autre part, les Etats sont également invités à ne pas empêcher le rapatriement volontaire des réfugiés. La délégation française ne peut souscrire à une telle recommandation, non qu'elle n'en approuve pas le principe, mais précisément parce que son vote affirmative impliquerait que la France s'engage à abandonner des pratiques auxquelles, en réalité, elle ne s'est jamais livrée. A Lake-Success, la délégation française a été beaucoup trop vivement accusée - et combien à tort - de faire obstacle au rapatriement des réfugiés, pour pouvoir accepter un texte de cet ordre. Il va sans dire que le Gouvernement français continuera, comme par le passé, à laisser aux réfugiés toute leur liberté dans ce domaine, en souhaitant, cependant, que certains Etats accordent la même latitude aux ressortissants français qui se trouvent sur leur territoire et dont le rapatriement est malheureusement empêché.
De même, l'amendement yougoslave interdit toute activité ayant pour but « d'exploiter la situation difficile des réfugiés ». Voter cette disposition équivaudrait à reconnaître qu'un e telle activité a pu exister et, dans le cas de la France, pareille hypothèse serait inacceptable.
M. HOARE (Royaume-Uni) déclare que l'attitude de la délégation du Royaume-Uni est identique à celle de la France et que cette délégation se verra dans l'obligation de ne pas accepter la proposition de la Yougoslavie pour les raisons indiquées par le représentant de la France et qui sont applicables à de très nombreux pays.
L'adoption d'un texte qui constitue, en fait, une disposition interdisant certaines pratiques que l'en suppose exister ou pouvoir vraisemblablement exister à l'avenir présente un réel danger. Cette décision équivaudrait à faire une concession à certaines formes de la propagande dirigée contre les Etats de l'Europe occidentale ; il est impossible de recommander l'insertion d'une telle clause dans la présente Convention.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) tient à rappeler au représentant de la France que, comme le Président l'a fait observer lors de la séance précédente au sujet de la clause fédérale, la Conférence légifère pour l'avenir. Par exemple, l'insertion, dans le projet de Convention, de l'article 3, relatif à la non-discrimination, ne veut pas dire que des mesures discriminatoires soient, en fait, appliquées. Le Gouvernement yougoslave sait d'expérience que les pratiques mentionnées dans le texte du nouvel article proposé (A/CONF.2/96) sont du domaine des faits. Le représentant de la Yougoslavie craint qu'en l'absence d'un article de ce genre dans la Convention, son Gouvernement n'éprouve quelque difficulté à adhérer à cet instrument.
M. THEODOLI (Italie) estime que non seulement les pratiques mentionnées dans la proposition yougoslave tombent dans la plupart des pays, sous le coup des dispositions du code pénal, mais qu'elles sont aussi visées par l'article 2 du projet de Convention qui a trait aux devoirs de tout réfugié envers le pays dans lequel il se trouve. Si la Conférence désirait réaffirmer le principe posé dans la première phrase du nouvel article proposé, ce serait certes dans le préambule qu'il conviendrait de le faire.
M. ROCHEFORT (France) rappelle que la délégation yougoslave avait fait valoir avec succès à Lake Success que le refus de rapatrier certains réfugiés n'était pas une mesure dont on pouvait la supposer capable et que, bien au contraire, certains Etats retenaient contre leur gré des citoyens yougoslaves sur leur territoire.
La délégation française comprend pleinement les préoccupations du Gouvernement yougoslave et elle s'associe entièrement à la position de la délégation yougoslave. Elle tient, cependant, à faire observer que le texte de la Convention, dans son ensemble, doit être considéré dans d'atmosphère des décisions prises par l'Organisation des Nations Unies, notamment en ce qui concerne le Statut du Haut-Commissariat. Or, ce statut indique - dans un paragraphe préliminaire dont la France a demandé l'insertion - que la solution du problème des réfugiés réside dans le rapatriement librement consenti des intéressés ou, le cas échéant, dans l'assimilation des réfugiés aux communautés nationales. Aussi, pour répondre aux préoccupations de la délégation yougoslave, la délégation française estime qu'on pourrait insérer dans le préambule du projet de Convention la première phrase de la proposition yougoslave, ainsi qu'une clause rappelant la disposition du statut du Haut-Commissariat, dont M. Rochefort vient de faire mention.
Cette formule donnerait satisfaction à la délégation yougoslave et répondrait au voeu du peuple français de voir rapatrier les ressortissants français actuellement retenus contre leur gré dans certains pays.
M. THEODOLI (Italie) est prêt à appuyer le représentant de la France, si celui-ci propose formellement de faire figurer dans le préambule du projet de convention la première phrase de l'article proposé par la Yougoslavie.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) remercie le représentant de la France des observation qu'il a formulées et demande s'il a quelque proposition concrète à présenter.
Si la proposition yougoslave est mise aux voix, H. Makiedo demandera que chaque phrase fasse l'objet d'un vote distinct.
M. ROCHEFORT (France) souligne avec insistance combien il serait délicat pour la Conférence de se prononcer sur la proposition yougoslave. En votant contre cet amendement, les délégations auraient l'air de voter contre les principes qui y sont énoncés, alors que ces principes ne font l'objet d'aucune opposition et que la Conférence est unanime à reconnaître qu'il s'agit essentiellement d'une question de bonne foi.
La délégation française demande donc à la délégation yougoslave de bien vouloir prendre en considération les difficultés que présente sa proposition et d'éviter qu'un vote contraire des délégations ne puisse être interprété défavorablement.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) propose de renvoyer le vote sur le nouvel article proposé jusqu'à ce que la Conférence passe à l'examen du préambule du projet de convention.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) accepte cette proposition.
La proposition du représentant de la République fédérale allemande est adoptée.
iii) Question de l'insertion d'une clause fédérale (A/CONF.2/90, A/CONF.2/97, A/CONF.2/98) (Reprise des délibérations de la trentième séance)
M. CHANCE (Canada) remercie le représentant d'Israël de d'appui qu'il lui a donné en ce qui concerne la clause fédérale : La position du Gouvernement canadien est dictée par des considérations d'ordre constitutionnel. M. Chance aurait pu accepter la proposition israélienne (A/CONF.2/90) mais il a soumis un autre texte (A/CONF.2/98) parce qu'il semble répondre à certaines objections soulevées. Le représentant du Canada répète que le Gouvernement du Canada se verra dans l'impossibilité d'adhérer à la Convention si celle-ci ne comprend pas une clause fédérale.
En ce qui concerne la question des réserves, M. Chance a déjà fait observer, lors de la séance précédente, qu'il ne voit, à première vue, aucune objection à l'encontre de la proposition française tendant à apporter une réserve à la clause fédérale en précisant qu'elle ne prendrait effet que sous réserve des dispositions de l'article 36. Il craint, cependant, qu'une telle restriction n'affaiblisse la Convention elle-même et ne donne lieu à des malentendus. Il n'y a, malheureusement, pas d'autre solution que de prendre les faits tels qu'ils sont et de compter sur la bonne volonté des Etats fédératifs pour l'exécution des disposions de la Convention, M. Chance ne s'apposera pas, cependant, à l'insertion d'une clause restrictive du genre de celle qui est suggérée par le représentant de la France, si la Conférence la juge nécessaire.
M. ROCHEFORT (France) dit que la délégation française ne met nullement en doute la bonne foi des Etats fédératifs. Elle tient à souligner qu'en l'occurrence il s'agit, non pas d'une question de bonne foi, mais d'une question d'obligations réciproques, susceptibles de répercussion telles que des mouvements de réfugiés d'un pays à l'autre. C'est là que réside le véritable problème. La délégation française, pour sa part, ne saurait concevoir que les pays fédératifs puissent apporter les réserves qu'ils jugeront nécessaires aux articles pour lesquels les pays unitaires ne peuvent faire aucune réserve. Sinon, quelle serait la portée pratique d'une convention dont les articles essentiels, comme celui de la définition du réfugié ou celui dont le représentant d'Israël a parlé à une séance précédente et qui vise les droits fondamentaux accordés à tous les être humains, feraient l'objet de réserves graves ? La délégation française voudrait donc voir intervenir une précaution d'ordre juridique prévoyant, dans ce domaine, l'égalité entre les Etats fédératifs et les Etats unitaires.
MUSTAPHA Bey (Egypte) ne se dissimule pas les difficultés que la clause fédérale pose à la Conférence.
Il avait déjà exposé ses doutes sur l'utilité d'une clause de réserve, en soulignant qu'une clause de cette nature aboutirait, en dernière analyse, à la rupture d'équilibre entre les engagements souscrits par les divers Etats contractants. En effet, souscrire sans réserve à des engagements sujets à des réserves de la part d'autres Etats contractants équivaudrait, de l'avis de la délégation égyptienne, à signer un chèque en blanc. Par le jeu de cette clause, certains Etats pourraient formuler des réserves ultérieures susceptibles de modifier la nature du lien contractuel, voire même, le fonctionnement de la Convention. Les explications que le Secrétaire général adjoint, chargé du Département juridique, a bien voulu donner lors d'une séance antérieure n'ont pas convaincu la délégation égyptienne. Ces explications étaient, plus exactement, des commentaires et la question posée par la délégation égyptienne sur le régime juridique des réserves et l'opportunité de prévoir ces réserves au moment de l'adhésion, demeure sans réponse.
La clause fédérale crée une situation beaucoup plus délicate. En fait, on demande aux membres de la Conférence de se départir de la procédure traditionnelle suivie jusqu'à présent lors de la conclusion de traités multilatéraux et d'adopter une procédure nouvelle qui pourrait équivaloir à une ingérence dans le régime interne de chaque Etat contractant.
Il faut noter, à ce propos, que le titre de chaque traité énumère les Parties contractantes, ou plus exactement les chefs des Etats intéressés.
En effet, ce sont ces chefs qui s'engagent par le traité, la conduite des relations extérieures étant, en général, confiée aux chefs d'Etat. La répartition des compétences en matières intérieures et extérieures répond à une nécessité juridique. Dès lors que l'organe compétent pour la conduite des relations extérieures a ratifié un international, l'Etat est considéré comme régulièrement lié par le régime que ce traité établit. Peu importe la manière dont ce traité est reçu dans l'ordre intérieur de chaque Etat contractant. En effet, ce serait dépasser le cadre des relations internationales que de s'ingérer dans cette question, et il incombe à chaque partie contractante de prendre les mesures d'ordre intérieur pour donner effet aux traités régulièrement conclus. Il va de soi que l'Etat qui se heurterait à des difficultés d'ordre intérieur pour respecter les engagements qu'il a pris sur le plan international engagerait sa responsabilité internationale.
Telle est la procédure traditionnelle suivie pour la conclusion de traités et l'on invite la Conférence à s'en écarter sans donner pour cela de raisons valables. On a prétendu faire valoir l'exemple des conventions internationales du Travail. Or, le régime de conclusion de ces conventions constitue une exception du droit international, étant donné qu'elles ne sont pas signées par les délégués qui assistant aux conférences, la représentation étant tripartite et comptant des délégués gouvernementaux, des délégués patronaux et des délégués ouvriers. Les projets de convention sont signés par le Président de la Conférence et par le Directeur du Bureau international du travail, puis communiqués aux Etats, pour ratification. Aussi, n'est-on pas fondé à citer l'exemple des conventions internationales du Travail, puisqu'elles constituent une exception et ne sauraient donc fournir d'analogie valable.
De l'avis de la délégation égyptienne, la meilleure solution serait que la Conférence s'en tînt à la procédure traditionnelle, la seule qui soit saine, conforme à une conception juridique rationnelle et qui, jusqu'à présent, n'ait pu faire l'objet de critiques sérieuses.
M. HERMENT (Belgique) partage, dans une certaine mesure. Les préoccupations du représentant de l'Egypte. A son avis, cependant, il s'agit moins de déterminer les avantages qu'en retireront respectivement les Etats fédéraux et les Etats unitaires que de connaître la portée immédiate et future de l'adhésion que donnerait chaque gouvernement. C'est l'inconnu dans ce domaine, qui peut susciter certaines appréhensions, et la délégation belge, pour sa part, estime que la Conférence devrait s'engager dans une voie susceptible de lui apporter des précisions et une certitude sur la portée des instruments de ratification déposés.
M. FRITZER (Autriche) doit répéter que, aux termes de la Constitution autrichienne, une clause fédérale n'est pas nécessaire. Le Gouvernement fédéral autrichien ne saurait accepter ni la proposition d'Israël (A/CONF.2/90), ni l'amendement du Royaume-Uni à cette proposition (A/CONF.2/97) dans leur rédaction actuelle. M. Fritzer propose donc d'ajouter la phrase ci-après à l'alinéa (b) dans chaque cas :
« Cet alinéa ne sera pas applicable dans un Etat fédératif dont les unités constituantes sont tenues, en vertu de son régime constitutionnel, de prendre de telles mesures législatives ».
Le PRESIDENT comprend parfaitement les difficultés qu'éprouve la délégation de l'Autriche. Elle n'est pas opposée à une clause fédérale dont elle n'a pas besoin elle-même mais elle craint qu'une disposition se référant expressément aux autorités provinciales ne puisse être interprétée on tant que renvoi à ces autorités, même lorsque cela ne sera pas nécessaire . Il est fort possible que les Gouvernements de la République fédérale allemande et de la Suisse fassent valoir le même argument. Il est incontestable qu'il faudra trouver une formule permettant de résoudre la question.
Du point de vue politique, il n'y a que deux autres possibilités : ou bien les Etats contractants désirent voir les Etats fédératifs se joindre à eux même si ces derniers peuvent ne pas être en mesure de prendre immédiatement l'engagement de faire appliquer complètement la Convention par les autorités provinciales, ou bien les Etats fédératifs ne devront signer la Convention qu'après avoir apporté à leur législation interne les modifications nécessaires.
M. ROCHEFORT (France) estime que les délégations qui ont insisté sur la nécessité du d'au moins six ratifications pour que la Convention puisse entrer en vigueur, envisageaient l'application d'une Convention de plein exercice, et non pas la ratification d'un texte privé de sa substance. Même le dépôt de six ratifications ne permettrait guère l'application véritable de la Convention si parmi les signataires, on comptait un ou plusieurs Etats qui auront adopté la clause fédérale et qui, en fait ou en droit, ne pourront assurer, sur leur territoire, l'application de dispositions essentielles de la Convention. C'est ainsi qu'en Europe, par exemple, un Etat pourrait jouer un rôle essentiel en ce qui concerne l'application de la Convention dans d'autres territoires, étant bien entendu que, sur son propre territoire, la Convention ne serait pas mise en oeuvre. Des pays unitaires comme la France, aussi exposés qu'elle l'est elle-même, devront considérer cette situation avec la plus grande attention avant d'être en mesure de donner leur ratification, si la clause fédérale était insérée dans la Convention. M. Rochefort souligne qu'en l'occurrence il ne s'agit pas de l'application intérieure de la Convention dans le territoire de chaque Etat. La plupart des pays européens appliquent, en fait, la majorité des droits prévus à la Convention. Mais il en résulte une situation privilégiée pour les réfugiés dans les pays où la mise en oeuvre de la convention sur le plan intérieur relève d'une obligation internationale et cette situation est susceptible d'attirer dans ce pays un flot de réfugiés.
M. HOARE (Royaume-Uni) juge le texte présenté par le représentant du Canada préférable à celui du représentant d'Israël, car il s'en tient aux faits et n'essaie pas d'interpréter la pratique des Gouvernements. Il désire, toutefois, examiner de plus près les conséquences que pourrait entraîner l'emploi des mots « juridiction » dans les deux premiers alinéas de l'amendement canadien.
Passant à la question générale de savoir s'il y a lieu ou non de faire figurer une clause fédérale dans la Convention, M. Hoare est d'avis que l'insertion d'une telle clause équivaudrait à reconnaître le fait que, de par leur structure constitutionnelle, certains Etats délèguent certains pouvoirs à l'autorité fédérale et d'autres à l'autorité provinciale. Si l'on désire que les Etats fédératifs adhèrent à la Convention, la Conférence doit insérer dans celle-ci une clause fédérale pour tenir compte du fait que la situation constitutionnelle ne peut être modifiée. En réalité, l'ensemble de la question est subordonné à cette considération.
De l'avis du représentant du Royaume-Uni, l'argument concernant les réserves n'est pas valable. Les Etats fédératifs se trouvent dans l'impossibilité de s'engager à assurer l'application de certaines parties de la Convention par les autorités législatives provinciales, puisque la décision, en dernier ressort, relève de la compétence de ces dernières. On ne saurait donc imposer des conditions garantissant que la ratification de la Convention par l'autorité fédérale sera suivie de la mise en oeuvre de ses dispositions par les autorités législatives provinciales.
Les articles de la Convention qui excluent les réserves sont peu nombreux.
Une autorité fédérale sera entièrement liée par l'article contenant la définition de même que par l'article relatif à la discrimination (articles 1 et 3), mais les autorités provinciales ne le seront pas nécessairement. A cet égard, M. Hoare doit néanmoins attirer l'attention de la Conférence sur le fait que, aux, Etats-Unis d'Amérique par exemple, des jugements rendus par les tribunaux des divers Etats dans des cas de discrimination ont parfois été cassés par les tribunaux fédéraux. L'autorité fédérale aura aussi certains pouvoirs en ce qui concerne l'article relatif au droit d'ester en justice (article 11). Quant à l'article 28, qui est d'une importance primordiale, la question de l'expulsion est du ressort de l'autorité fédérale. Ainsi, les cas dans lesquels l'autorité provinciale pourra prendre des mesures dérogeant aux décisions de l'autorité fédérale sont en très petit nombre.
Pour conclure, il fait valoir qu'il est souhaitable que les Etats fédératifs adhèrent à la Convention, qui devrait donc comprendre une clause fédérale rédigée suivant les principes énoncés dans l'amendement du Canada, la Conférence faisant confiance, pour le reste, à la bonne volonté de ces Etats.
M. KAHANY (Israël) rappelle que la délégation d'Israël a présenté sa proposition dans le dessein de faciliter les délibération et qu'il accepte volontiers de la retirer en faveur de la proposition du représentant du Canada, s'il peut ainsi faciliter l'accord.
M. CHANCE (Canada) remercie le représentant d'Israël et indique que, dans ces circonstances, il présentera son texte sous forme d'amendement formel.
M. ROCHEFORT (France) dit que l'exposé du représentant du Royaume-Uni ne le convainc pas complètement. Une difficulté subsiste : des conditions minima sont imposées à la signature des Etats unitaires, en ce sens qu'ils ne doivent pas faire de réserve sur certains articles. Il devient alors évident que ces mêmes réserves doivent être interdites à tous les signataires de la Convention ; sinon l'on accorde à certains une situation préférentielle. On a déjà fait observer que la Convention n'avait pas d'application pratique dans les pays d'immigration ; aussi, malgré tout l'intérêt que présenterait l'application universelle de la Convention, il ne faut pas exagérer l'importance que présenterait la ratification de pays pour qui le problème n'existe pas et sur le territoire desquels la Convention ne s'applique pas. La délégation française a fait un effort pour ne pas se prononcer contre la clause fédérale, en suggérant, toutefois qu'elle soit soumise aux dispositions de l'article 36. Puisque sa suggestion n'a pas été retenue, la délégation française ne pourra voter en faveur de la proposition du représentant du Canada.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) rend hommage à la clarté et à la précision de l'exposé du représentant du Royaume-Uni. A son avis, on ne peut concevoir qu'un Etat fédéral ratifie la Convention sans avoir l'intention d'en appliquer les principales clauses. La délégation des Pays-Bas, pour sa part, est persuadée que les Etats fédéraux appliqueront de bonne foi la Convention.
M. ROCHEFORT (France) précise de nouveau, à l'intention du représentant des Pays-Bas, qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une question de bonne foi mais d'une question d'égalité minimum au départ, entre tous les signataires de la Convention.
Le Président prononce la clôture de la discussion et met tout d'abord aux voix l'amendement du représentant de l'Autriche à la proposition du Canada.
M. FRITZER (Autriche) demande à la Conférence de se prononcer en faveur de son amendement car, s'il n'était pas adopté, le gouvernement fédéral autrichien éprouverait certaines difficultés à adhérer à la Convention.
M. HOARE (Royaume-Uni) propose de passer au vote sur le principe exprimé dans l'amendement de l'Autriche, dont la rédaction précise serait laissée au Comité de style.
Il en est ainsi décidé.
Par 13 voix contre zéro avec 9 abstentions, l'amendement autrichien à la proposition du Canada, (A/CONF.2/98) est adopté en principe.
Par 12 voix contre 2, avec 7 abstentions, la proposition par le Canada, d'un texte de clause fédérale, ainsi amendé en principe, est adopté.
M. BOZOVIC (Yougoslavie) déclare, pour expliquer son vote, que la délégation yougoslave a fréquemment défini sa position sur la question de la clause fédérale.
Il n'a pas pu voter en faveur de la proposition du Canada, car elle n'est pas conforme à l'intérêt des réfugiés et créera deux catégories d'Etats contractants, ayant des obligations différentes. En outre, il ne sera pas possible de savoir quand les dispositions de la Convention seront effectivement appliquées sur le territoire d'Etats fédératifs. Son intervention ne tend en aucune façon à suggérer qu'il éprouve le moindre doute quant à la bonne volonté de ces Etats.
2. EXAMEN DU PROJET DE PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES APATRIDES (Point 5 b) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1, A/CONF.2/91 et A/CONF.2/93).
Le PRESIDENT invite la Conférence à aborder la question du projet de protocole relatif au statut des apatrides. La Conférence est saisie d'un amendement présenté par la délégation autrichienne (A/CONF.2/91) et du projet de clauses finales préparé par le Secrétariat (A/CONF.2/93).
M. FRITZER (Autriche) déclare que le Gouvernement fédéral autrichien est disposé à donner son appui au projet de Protocole relatif au statut des apatrides. Dans son troisième paragraphe, toutefois, ce projet dispose que certaines clauses de la Convention relative au statut des réfugiés s'appliqueront aussi aux apatrides. Le représentant de l'Autriche croit comprendre que cette disposition implique que le système des réserves applicable à la Convention vaut également pour le projet de Protocole. Il ne peut accepter toutefois, que l'article 27 de la Convention devienne applicable aux apatrides, car il ne voit aucune raison pour laquelle la souveraineté d'un Etat doive être restreinte au point que cet Etat ne puisse plus expulser un apatride, sauf pour des motifs de sécurité nationale ou d'ordre public. La question d'un apatride qui est expulsé et auquel est refusé l'accès d'un pays voisin pose un autre problème. Le fait demeure qu'il n'existe pas de bonnes raisons pour qu'un Etat renonce à son droit d'expulser un apatride.
M. ROBINSON (Israël) considère que la véritable différence entre réfugiés et apatrides est la suivante : alors que les premiers peuvent posséder un titre de voyage quelconque et qu'un pays déterminé peut revendiquer leur allégeance, les apatrides n'ont ni titre de voyage ni pays d'allégeance. Aux termes du second paragraphe de l'article 28, un réfugié peut être renvoyé dans son propre pays ; mais un apatride peut seulement être expulsé et chercher à se faire admettre dans un autre pays où sa présence, là non plus, n'est pas souhaitée. A cet égard, le cas de l'apatride est beaucoup plus grave que celui du réfugié ; il justifie donc une protection plus sérieuse contre les mesures d'expulsion.
M. HERMENT (Belgique) rappelle que le projet de protocole est issu de la première session du Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes tenue en janvier et en février 1950. Le Comité avait pour tâche d'examiner les moyens de supprimer l'apatridie et d'étudier la question de savoir s'il serait souhaitable d'inviter la Commission du droit international à préparer une étude et à formuler des recommandations. Le Comité n'a pu, faute de temps, procéder à une étude approfondie, et il s'est borné à recommander au Conseil Economique et Social d'inviter les Etats Membres de l'Organisation des Nations Unions à revoir leur législation interne sur la question, dans l'intention d'abolir l'apatridie. Toutefois, le Comité avait également rédigé un projet de protocole. Au cours de sa deuxième session tenue à Genève en juillet-août 1950, le Comité - devenu le Comité spécial pour les réfugiés et les apatrides - n'a pu encore, faute de temps, étudier ce protocole de façon approfondie.
La délégation belge tient à préciser que, si son gouvernement est disposé à accorder aux réfugiés le maximum de droits et d'avantages possibles, son attitude est néanmoins quelque peu différente en ce qui concerne les apatrides. Il existe, en effet, une différence fondamentale entre ces deux catégories de personnes.
Les réfugiés méritent qu'on leur accorde des avantages particuliers ; mais, si le cas de certains apatrides est très intéressant, on ne peut dire que, dans leur ensemble, ils méritent un régime de faveur. A titre d'exemple, M. Herment cite le cas d'un ex-ressortissant d'un pays qui a été déchu de sa nationalité pour trahison. Cette personne deviendrait apatride et la question se pose alors de savoir si l'on envisagerait de lui accorder un régime plus favorable que celui dont jouissent les étrangers en général. La même question se poserait à l'égard d'un national qui serait déchu de sa nationalité pour avoir refusé d'accomplir son service militaire. Ces exemples suffiront à montrer les conséquences trop étendues que risquerait d'avoir l'adoption du protocole. De l'avis du gouvernement belge, les apatrides doivent jouir des mêmes droits que les étrangers, sans pour autant, bénéficier des avantages spéciaux qui accompagnent le statut de réfugié. Il est d'avis qu'en accordant aux apatrides le titre de voyage délivré aux réfugiés, dont le prestige va croissant, on risque d'en diminuer la valeur et de nuire par là même aux intérêts des réfugiés eux-mêmes.
M. HOEG (Danemark) déclare que le gouvernement danois adopte la même attitude que celle du gouvernement belge. La question d'un protocole relatif au statut des apatrides n'a pas été très approfondie par le Comité spécial, et la délégation danoise s'est opposée au projet de protocole qui a été établi à ce moment, pour les mêmes raisons que celles que le représentant de la Belgique a invoquées. En conséquence, la délégation danoise se voit obligée de réserver sa position à l'égard du texte sous sa forme actuelle.
M. PETREN (Suède) fait connaître que le gouvernement suédois est dans la même situation. Il n'a pas encore suffisamment étudié l'ensemble de la question pour pouvoir prendre position. Les observations formulées par le représentant de la Belgique ont donné à la Conférence matière à réflexion., M. Petren tient à ajouter un nouvel avertissement en signalant que projet de protocole ne fixe pas de date - limite pour la définition qu'il donne des apatrides.
M. ANKER (Norvège) déclare à son que la délégation norvégienne se trouve dans la même situation que les autres délégations scandinaves.
M. THEODOLI (Italie) explique que la loi italienne a adopté certaines dispositions à l'égard des apatrides, et qu'elle cherche à limiter les causes de l'apatridie. Dans ces conditions, l'assertion contenue dans le second paragraphe du projet de protocole et indiquant qu'il existe un grand nombre d'apatrides non visées par la Convention relative au statut des réfugiés qui ne bénéficient d'aucune protection nationale, n'est pas vraie en ce qui concerne l'Italie.
M. Theodoli estime qu'il doit également formuler une réserve sur le projet de protocole afin d'assurer que dans les cas où le traitement accordé aux apatrides résidant déjà en Italie est équivalent à celui qui est accordé aux ressortissants italiens, ce traitement ne devienne pas moins favorable, par suite de l'adoption du protocole.
M. HERMENT (Belgique) dit que, pour résoudre les difficultés auxquelles le protocole semble donner lieu, la délégation belge serait prête à déposer un amendement prévoyant que les apatrides bénéficieront du régime accordé aux étrangers en général.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) précise que le gouvernement des Pays-Bas accorde aux apatrides un régime analogue à celui que prévoit le protocole. Sa délégation aurait, toutefois, souhaite qu'on limitât la période d'application de ce régime, afin d'accélérer l'assimilation des apatrides à la communauté nationale. Elle a fait valoir un point de vue analogue lors d'une réunion antérieure mais, en raison des objections que le Protocole a soulevées à la séance précédente, elle n'y reviendra pas.
La délégation néerlandaise pour sa part est disposée à voter le texte actuel du projet de protocole, cependant il semble que la question ne puisse pas, dès à présent, faire l'objet d'une décision. La meilleure solution serait donc d'adopter une recommandation renvoyant la question pour complément d'étude, aux organes compétents des Nations Unies.
En conséquence, M. van Boetzelaer propose le texte suivant :
« La Conférence de plénipotentiaires sur statut des réfugiés et des apatrides,
Ayant examiné le projet de protocole relatif au statut des apatrides,
Considérant que cette question exige une étude plus approfondie,
Décide de ne pas prendre de décision au cours de la présente Conférence, et
Renvoie le projet de protocole, pour plus ample étude, aux organes appropriés des Nations Unies. »
M. PETREN (Suède) appuie la proposition des Pays-Bas. Il précis que le traitement accordé aux apatrides en Suède est des plus favorables ; néanmoins, la délégation suédoise ne pense pas, elle non plus, que ce problème puisse être réglé dès à présent.
M. ROCHEFORT (France) appuie la proposition des Pays-Bas. Il signale que, par le jeu du protocole et de l'article 30 du projet de Convention, on introduirait dans le mandat du Haut Commissariat pour les réfugiés une catégorie de personnes que l'assemblée générale n'y avait pas prévue.
M. Rochefort indique que tous les droits spécifiés dans le protocole sont déjà accord en France aux apatrides. Néanmoins, de la délégation française le problème des apatrides est un problème distinct de celui des réfugiés, l'un ayant un caractère plus politique, l'autre caractère plus juridique. A l'origine, une « Etude sur l'apatridie », préparée par le Secrétariat général, avait préconisé le remplacement de la notion de réfugié par celle d'apatridie et la délégation française avait été l'une de celles qui s'étaient opposées à cette façon de procéder en soulignant les différences profondes qui séparaient les deux problèmes. La position actuelle de la délégation française ne signifie nullement que le gouvernement français n'ait pas le plus vif souci de voir les apatrides posséder un statut. Toutefois, ce statut devra faire l'objet d'une étude approfondie à laquelle, jusqu'à présent, les organes compétents ne se sont pas livrés.
Selon M. HOARE (Royaume-Uni), les observations formulées par le représentant de la Belgique et par d'autres membres de la Conférence montrent que l'on se heurte à une difficulté réelle en cherchant à appliquer en bloc aux apatrides les articles du projet de Convention dont il est fait mention dans le projet de Protocole. Il reconnaît que l'une des principales objections consiste en ce que la définition convenue du terme « réfugié » peut être interprétée comme étant circonscrite dans le temps et dans l'espace.
La proposition des Pays-Bas est une solution possible, bien qu'elle soit équivalente à l'aveu d'un échec. Dans ces conditions, M. Hoare se demande si la suggestion de la Belgique ne pourrait pas recueillir l'assentiment général. Le représentant de la Belgique désire vraisemblablement que les clauses, de la Convention où il est dit que le traitement à accorder aux réfugiés doit être celui qui est réservé aux nationaux, ou celui de la nation la plus favorisée soient appliquées par le protocole seulement dans la mesure où elles fourniront aux apatrides le traitement accordé aux étrangers en général. M. Hoare croit que cet arrangement est de nature à satisfaire la plupart des membres de la Conférence, puisque, notamment, il semble évident que, dans leur grande majorité, les pays représentés à la Conférence réservent aux apatrides un traitement qui correspond, pour le moins, à celui des étrangers en général.
M. ROCHEFORT (France) désirerait obtenir du Haut-Commissaire pour les réfugiés une précision sur une question d'interprétation : il voudrait savoir si, à son avis, au cas où le Protocole serait signé, le Haut-Commissariat deviendrait compétent pour protéger les apatrides, en vertu de l'article 30 du projet de Convention, bien que les apatrides ne relèvent pas du statut du Haut-Commissariat, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée générale.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) fait observer que l'article 30 ne figure pas parmi les articles énumérés au protocole. Aussi, la réponse à la question posée par le représentant de la France est-elle négative.
M. ROCHEFORT (France) accepte cette interprétation, qu'il ne considère cependant pas comme décisive. On peut en effet, estimer que la Convention et le protocole forment un tout et que, lorsque l'article 30 parle de la Convention, il sous-entend en même temps les protocoles qui y sont joints. On pourrait donc considérer qu'en vertu de l'article 30, le Haut-Commissaire pourrait avoir la responsabilité d'appliquer le protocole.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) signale qu'à l'article 30 il n'est question que de la Convention. On n'est donc pas fondé à établir entre le protocole et la Convention un lien qui n'est pas prévu à l'article 30.
M. ROCHEFORT (France) accepte cette interprétation et souhaiterait qu'elle soit inscrite au compte rendu analytique de la séance.
Le PRESIDENT déclare qu'il commencera par mettre aux voix la proposition des Pays-Bas, qui s'écarte le plus du texte original du projet de protocole. Si elle est adoptée, elle sera insérée dans l'Acte final de la Conférence, sous réserve des modifications de style qui pourraient y être apportées par le Comité de style.
Par 13 voix contre 2, avec 8 abstentions, le projet de résolution proposé par le représentant des Pays-Bas est adopté.
3. RAPPORT COMPLEMENTAIRE CONCERNANT LA VERIFICATION DES POUVOIRS
Le PRESIDENT fait connaître, au nom de la Commission de vérification des pouvoirs, que le Gouvernement de la Grèce a fait parvenir des lettres de créance autorisant son représentant à participer à la Conférence.
4. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5 et Corr.1 (suite)
iv) Préambule (A/CONF.2/1-A/CONF.2/1-A/CONF.1/96-A/CONF.2/99)
Le PRESIDENT suggère que les heures de travail du Comité de style permettant au représentant d'Israël de participer aux travaux, ce dernier soit invité à siéger au Comité.
Il en est ainsi décidé.
Le PRESIDENT invite la Conférence à passer à l'examen du préambule au projet de Convention, l'amendement du Royaume-Uni à ce préambule (A/CONF.2/99) ayant été distribué en anglais et en français.
M. HOARE (Royaume-Uni), présentant l'Amendement qui émane de sa délégation, déclare que, si le préambule n'a guère de portée juridique et ne constitue qu'une simple introduction, il importe néanmoins qu'il se rapporte assez étroitement aux origines des travaux qui ont été confiés à la Conférence, ainsi qu'aux objectifs généraux de la Convention. C'est en gardant cette considération présente à l'esprit que la délégation du Royaume-Uni a présenté l'amendement figurant au document A/CONF.2/99, dans l'espoir de donner au préambule un caractère plus harmonieux et plus logique.
Pour commencer, M. Hoare voudrait appeler l'attention de tous les représentants sur le fait que le paragraphe 7 du texte original a été omis dans son amendement. A son avis, bien que la Conférence soit fondée à exprimer un sentiment tel que celui qui fait l'objet de ce paragraphe, il vaudrait mieux le faire au moyen d'une recommandation ajoutée à la fin de la Convention, car cette déclaration sort des limites d'une déclaration générale relative au texte de la Convention. Le premier paragraphe de l'amendement reprend le paragraphe 1 du texte original, en remplaçant toutefois le mot « posent » par l'expression » ont réaffirmé ». Ainsi modifié, ce paragraphe correspond mieux aux faits. Le deuxième paragraphe de son amendement se distingue du paragraphe 2 du projet original en ce sens qu'il mentionne la préoccupation, exprimée à plusieurs reprises par l'Organisation des Nations Unies d'assurer la protection internationale des réfugiés au lieu de faire allusion au fait que l'Organisation s'est efforcée d'assurer à ceux-ci l'exercice le plus large possible des de l'homme et des libertés fondamentales. Il est difficile de préciser dans quelle mesure la Convention assure l'exercice le plus large possible de ces droits et de ces libertés. Le point essentiel et l'objet principal des préoccupations de la Conférence, c'est la nécessité de protéger les réfugiés. Le paragraphe 3 du texte original a été omis, car il énonce un fait d'évidence et donc pas nécessaire.
Le paragraphe 4 est remplacé par le quatrième paragraphe de l'amendement et le paragraphe 5, remanié en termes plus généraux, est devenu le troisième paragraphe de l'amendement. Le dernier paragraphe de l'amendement est, en gros, le même que le paragraphe 6 du préambule original. La délégation du Royaume-Uni ne considère pas ce texte comme intangible dans sa rédaction actuelle ; il s'agit d'une simple suggestion soumise à l'examen de la Conférence.
M. ROCHEFORT (France) reconnaît que la rédaction présentée par la délégation du Royaume-Uni (A/CONF.2/99) améliore certains points du texte du préambule, notamment en ce qui concerne la modification du paragraphe 1 et la suppression du paragraphe 7. La délégation française n'attache qu'une importance secondaire aux paragraphes 3 et 4, encore qu'elle estime bon de maintenir l'allusion à la protection prévue par les accords antérieurs conclus en faveur des réfugiés. Cependant, elle conserve des doutes au sujet des paragraphes 2, 5 et 6 du nouveau libellé du Royaume-Uni. Pour ce qui est du paragraphe 2, elle préfère voir maintenir la formule du texte initial, qui vise l'exercice le plus large possible des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisqu'aussi bien c'est exactement ce que la Conférence s'est efforcée de réaliser. En outre, on a inclus dans le préambule certaines dispositions que la délégation française aurait souhaité voir figurer dans la convention même, et notamment les paragraphes affirmant la nécessité d'une solidarité internationale (paragraphes 5 et 6). Le paragraphe 5 du texte initial, qui fait allusion à la situation exceptionnelle de certains pays est, de l'avis de la délégation française, une clause indispensable pour les pays continentaux exposés à un afflux massif de réfugiés. On a fait valoir que la Convention ne règle pas la question de l'admission, mais en l'occurrence, les pays continentaux n'ont pas le choix. En présence d'un flot de réfugiés se présentant sur leurs frontières, ces pays ne pourront faire autrement que de leur accorder le droit d'asile et éventuellement le statut de réfugiés. Dans le cas cité par M. Rochefort, le jeu normal de la Convention peut se trouver complètement faussé. Si, par exemple, un Etat devait brusquement accueillir un demi-million de réfugiés, et le cas s'est déjà vu, certaines dispositions de la Convention, et notamment celles qui concernent le logement et le droit au travail, ne peuvent être appliquées sans que des problèmes insolubles, tout au moins provisoirement, se posent aux divers Etats. Dans ce cas, il doit exister une solidarité internationale et c'est pourquoi ce n'est pas trop demander aux pays d'immigration que de les inviter à maintenir l'appel implicite qui figure au paragraphe 5. La délégation française pense, comme il est dit dans l'amendement du Royaume-Uni, que les problèmes qui se poseront en la matière devront être résolus par la coopération entre les Etats et le Haut-Commissaire pour les réfugiés. Néanmoins, il est des cas où le problème de la protection des réfugiés devient un problème d'assistance. Si la solidarité internationale n'intervient pas, ce problème ne pourra être résolu. Le représentant du Royaume-Uni a indiqué qu'il n'avait pas d'opposition très ferme à l'égard du texte primitif du préambule et c'est pourquoi la délégation française lui demande d'accepter le maintien des paragraphes 5 et 6, sous réserve d'améliorations de rédaction. La délégation française voudrait, en particulier, que l'expression « solidarité internationale » soit conservée dans le texte du préambule.
M. THEODOLI (Italie) rappelle que la constitution italienne accorde le droit d'asile aux réfugiés. Cependant, la délégation italienne a toujours estimé que le problème des réfugiés relevait d'une responsabilité internationale et non pas nationale. Elle s'associe donc aux observations du représentant de la France, notamment en ce qui concerne le paragraphe 5 que l'amendement du Royaume-Uni tend à amenuiser. Pour ce qui est du paragraphe 6, relatif au rôle que jouera le Haut-Commissaire dans l'application de la Convention, la délégation italienne est prête à accepter le texte du Royaume-Uni étant entendu que cette coopération avec le Haut-Commissariat fera l'objet d'un accord conclu entre le Haut-Commissariat et le gouvernement italien.
MUSTAPHA Bey (Egypte) constate que certains Etats protègent et assistent de nombreux réfugiés, bien qu'ils ne soient liés par aucun engagement contractuel dans ce domaine. C'est pourquoi la délégation égyptienne estime indispensable de maintenir, dans le préambule, la notion de solidarité internationale qui figure dans le texte initial. A ce propos, elle fait entièrement siennes les considérations exposées par le représentant de la France.
M. ROBINSON (Israël) rappelle que, alors que le Préambule de la Charte déclare que les peuples des Nations Unies sont résolus à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, il est fait allusion à ces droits dans sept autres passages de la Charte, qui va donc au delà d'une simple réaffirmation de ce principe. Il se demande également comment on peut appliquer l'expression » ont réaffirmé » à la Déclaration universelle des droits de l'homme qui est l'exposé d'idéaux à atteindre et non de résultats déjà obtenus.
En ce qui concerne le deuxième paragraphe de l'amendement du Royaume-Uni, M. Robinson fait observer qu'il existe, au sujet des réfugiés, des résolutions de l'Assemblée générale postérieures à la résolution 319 (IV) A, et il serait, à son avis, raisonnable d'y faire également allusion. Il croit comprendre, d'après l'exposé du représentant du Royaume-Uni, que celui-ci a voulu reprendre, dans le troisième paragraphe de son amendement, la substance du paragraphe 5 du texte original. En conséquence, le soin de faire allusion à la solidarité internationale de la façon la mieux appropriée pourrait être laissé au Comité de style.
M. SCHURCH (Suisse) indique que, conformément à l'exposé général présenté par le chef de la délégation suisse à la troisième séance, il partage sans réserve l'opinion formulée par le représentant de la France au sujet du paragraphe 5 du texte original. En dehors de cette considération, la délégation suisse acceptera toute modification de forme qui serait de nature à améliorer la rédaction du préambule.
M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) appuie énergiquement en sa qualité de représentant d'un pays d'asile, les déclarations des représentants de la France et de l'Italie touchant les paragraphes 5 et 6 du texte original du préambule.
M. PETREN (Suède) apprécie la valeur d'un grand nombre des changements introduits dans le texte du Royaume-Uni. Cependant, il se range, lui aussi, à l'opinion du représentant de la France au sujet du paragraphe 5 du texte original.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) partage également les vues du représentant de la France sur le paragraphe 5 du texte original. Il désire toutefois proposer, afin d'éviter tout risque d'interprétation erronée, de remplacer les mots « droits d'asile » par les mots « droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays », expression qui est utilisés au paragraphe de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Le PRESIDENT croit que la différence entre le texte du paragraphe 5 et celui du premier paragraphe de l'article 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme est due au fait que, dans ladite Déclaration, il est question du droit de toute personne à chercher asile et à bénéficier de l'asile en d'autres pays, alors qu'il est question dans le paragraphe 5, du droit reconnu à un Etat d'accorder asile.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) estime que le point qu'il a soulevé pourrait être renvoyé au Comité de style.
M. CHANCE (Canada) juge que la Conférence réunit un trop grand nombre de représentants pour pouvoir traiter rapidement de questions de rédaction au cours de ses séances plénières et que, les différences étant minimes, elles peuvent être réglées par le Comité de style.
M. HOARE (Royaume-Uni) ne s'opposera pas au maintien du paragraphe 5 du texte initial qui reçoit l'appui d'un grand nombre de délégations. La question soulevée par le représentant des Pays-Bas n'est pas sans importance ; elle pourrait peut être résolue par le remplacement des mots « de l'exercice du droit » par les mots « de l'octroi du droit », à la première ligne du paragraphe 5.
Pour ce qui est des observations formulées par le représentant d'Israël, M. Hoare fait valoir que le principe selon lequel « les être humains, sans distinction, doivent jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales » a été accepté bien avant la rédaction de la Charte des Nations Unies et que, par conséquent, la Charte l'a réaffirmé. De même, la Déclaration universelle des droits de l'homme ne constitue pas un pas un énoncé de principes nouveaux, mais l'affirmation plus détaillée de principes déjà reconnus. Toutefois, afin de donner satisfaction au représentant d'Israël, il peut accepter les mots « ont affirmé » au lieu de « ont réaffirmé » dans le premier paragraphe de l'amendement du Royaume-Uni. Il ne s'oppose pas non plus à ce qu'il soit fait mention, dans le deuxième paragraphe, des résolutions plus récentes de l'Assemblée générale sous réserve que ces références soient opportunes et absolument nécessaires. Enfin, M. Hoare espère que le représentant de la France comprendra que le paragraphe 5 du projet original n'a pas été omis, dans l'amendement de la délégation britannique, pour marquer une divergence d'opinion sur le fait qui y est mentionné et dont personne ne méconnaît l'importance. Le représentant du Royaume-Uni a simplement douté qu'il fût utile d'introduire en quelques mots, dans le Préambule, l'idée qu'il est nécessaire d'agir sur plan international sous une autre forme. Si l'on maintient la mention de solidarité internationale, cette mention sera interprétée, de l'avis de M. Hoare, comme une simple allusion à la solidarité internationale réalisée par la signature et la ratification de la présente Convention.
Toutefois, si la Conférence juge souhaitable de maintenir ces mots, la délégation du Royaume-Uni ne s'y opposera pas.
M. ROCHEFORT (France) remercie le représentant du Royaume-Uni d'avoir bien voulu accepter le maintien du paragraphe 5. Il précise que la délégation française souhait, en l'occurrence, moins l'expression d'un engagement précis que la reconnaissance d'une situation de fait. Il existe, en effet, des pays qui peuvent se trouver en présence d'une situation si grave dans ce domaine, que le problème dépassera celui de la protection des réfugiés pour relever de l'assistance internationale. En outre, en ce qui concerne le dernier paragraphe de l'amendement du Royaume-Uni, la délégation française aimerait qu'il y fût précisé que la coopération avec le Haut-Commissaire peut ne pas répondre aux nécessités de toutes les situations ; on pourrait insérer, à cette fin, le membre de phrase suivant : « et, dans une large mesure, de la coopération internationale »,
M. Rochefort est certain que le Comité de style pourra trouver une formule tenant compte de ces différents points de vue et susceptible de donner satisfaction à toutes les délégations.
Après une nouvelle discussion, le PRESIDENT propose que toute la question de la rédaction du préambule soit renvoyée au Comité de style.
Il en est ainsi décidé.
Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur la proposition de nouvel article présenté par la Yougoslavie (A/CONF.2/96). Il rappelle qu'il avait été précédemment décidé d'étudier cette proposition dans le cadre du préambule.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) croit que les membres de la Conférence n'éprouveront aucune difficulté à voter sa proposition, dont les dispositions sont empruntées en grande partie à la Constitution de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR).
M. ROCHEFORT (France) comprend les préoccupations dont s'inspire la proposition de la Yougoslavie. Il tient, toutefois, à faire observer que les dispositions en question ont été insérées dans la constitution de l'OIR pour des raisons historiques, dont la nécessité peut ne plus se faire sentir à l'heure actuelle. Il demande au représentant de la Yougoslavie de bien vouloir ne pas insister sur sa proposition ; néanmoins, on pourrait peut-être conserver la première phrase de ce texte et y ajouter une référence à l'article premier du statut du Haut-Commissariat où il est prévu que le problème des réfugiés doit être finalement résolu par le rapatriement volontaire des intéressés ou par leur assimilation aux communautés nationales.
M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer qu'il existe une différence considérable entre le règlement intérieur régissant une organisation internationale et la formulation d'un texte imposant aux Etats l'obligation d'interdire certaines activités. Si la Conférence songe à introduire dans le préambule une clause de ce genre, la plus grande partie des termes proposés par la délégation yougoslave devront être abandonnées, et il en sera de même si on a l'intention de faire de ce texte un article distinct. Le représentant du Royaume-Uni demande instamment à la délégation yougoslave de ne pas insister sur sa proposition ; son insistance, en effet, embarrasserait un grand nombre de membres qui apprécient les raisons dont s'inspire cette proposition.
Le PRESIDENT expose que l'instrument en cours d'élaboration est une Convention relative au statut des réfugiés, et que la Conférence a été chargée d'élaborer les dispositions qui assureront un statut juridique aux réfugiés. Le Président ne pense pas que la délégation yougoslave que la Conférence vote sur un texte dont l'adoption ou le rejet pourrait prêter à une interprétation dont aucun des membres présents ne voudrait assumer la responsabilité.
M. MAKIEDO (Yougoslavie) dit qu'il fait confiance au Président pour trouver la meilleure manière de traiter cette question. Ne serait-il pas possible à un comité de rédaction restreint de remanier le texte de la proposition yougoslave de manière à en permettre l'insertion dans le préambule.
Le PRESIDENT estime que le Comité de style pourrait examiner la proposition yougoslave et faire rapport à ce sujet. Cette solution permettra, le cas échéant, à la délégation de la Yougoslavie de poser à nouveau la question en seconde lecture. Le Comité de style devrait inciter la délégation yougoslave à être présente lorsque sa proposition sera examinée.
M. ROCHEFORT (France)pense que, pour simplifier le travail du Comité de style, la Conférence pourrait se prononcer dès à présent sur deux questions de principe ; premièrement sur l'inclusion, dans le préambule, d'un texte reprenant, quant au fond, la première phrase de l'amendement yougoslave ; et, deuxièmement, sur l'inclusion, dans le préambule, du passage emprunté au statut du Haut-Commissariat pour les réfugiés, que M. Rochefort a antérieurement mentionné.
Le PRESIDENT n'a pas d'objection à mettre aux voix les points suggérés par la délégation française. Tout compte fait, il est néanmoins d'avis que la procédure suggérée par lui serait préférable.
La procédure suggérée par le Président est adoptée.
v) Déclaration du représentant de l'Italie au sujet de l'article 37 du projet de convention
Le PRESIDENT donne la parole au représentant de l'Italie pour une déclaration que celui-ci espérait faire lors de la seconde lecture, à laquelle il lui sera malheureusement impossible d'assister.
M. del DRAGO (Italie) précise que sa déclaration a trait à l'article 37 du projet de Convention. La délégation italienne s'était prononcée en faveur de la mise en vigueur de la Convention après le dépôt de dix instruments de ratification. A défaut du meilleure solution, elle a accepté et voté le chiffre de six instruments de ratification. Elle demeure d'avis que ces six gouvernements devront être des gouvernements ayant un intérêt majeur dans le problème des réfugiés. Certaines délégations ont fait valoir que la Convention devrait entrer en vigueur aussitôt que possible ; et l'on a exprimé la crainte que la nécessité de réunir un trop grand nombre d'instruments de ratification ne retarde cette entrée en vigueur. Le délégué de l'Italie est néanmoins certain que, parmi tous les gouvernements représentés à la Conférence, il doit y en avoir au moins six qui sont prêts à signer et à ratifier la Convention sur le champ. Le Gouvernement italien porte à cette Convention un très vif intérêt ; il estime toutefois qu'il serait peu sage d'agir avec trop de précipitation.
L'importance attribuée à la question d'urgence n'est pas un compliment à l'adresse de l'Italie, où la loi et les mesures administratives prévoient dans tous leurs détails l'accueil et la protection des réfugiés. M, del Drago signale deux centres d'accueil pour les réfugiés en Italie, et énumère les avantages qu'ils peuvent y trouver. Il croit pouvoir dire que le sort des réfugiés en Italie, étant donné les arrangements existants, et avant même que la Convention ne soit signée et n'entre en vigueur, ne sera jamais lamentable, bien que, naturellement, le sort d'aucun réfugié, même au mieux, ne soit pas particulièrement enviable.
vi) Projet de recommandation soumis par la délégation du Royaume-Uni en vue de son inclusion dans l'Acte final de conférence (A/CONF.2/100)
Le PRESIDENT annonce que le dernier point dont la Conférence ait à s'occuper en première lecture du projet de Convention, est le projet de recommandation soumis par le Royaume-Uni (A/CONF.2/100) destiné à figurer dans l'Acte final de la Conférence. Cette proposition a trait aux titres de voyage délivrés aux réfugiés aux termes de l'Accord de Londres du 15 octobre 1946 et a déjà été présentée verbalement par le représentant du Royaume-Uni au début de la présente séance.
La Conférence désire-t-elle examiner cette proposition dès maintenant ?
M. HERMENT (Belgique) fait observer que la discussion de cette proposition n'était pas prévue à l'ordre du jour. Il se peut que d'autres suggestions soient présentées ; il serait donc préférable de ne pas aborder ce problème à présent.
La Conférence décide de revenir à l'examen de la proposition du Royaume-Uni lorsqu'elle aura été saisie d'un projet d'Acte final.
La séance est levée à 18 h. 10.