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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte Rendu Analytique de la Troisième Séance

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte Rendu Analytique de la Troisième Séance
A/CONF.2/SR.5

19 Novembre 1951
Présents :
Président :M. LARSEN
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
CanadaM. CHANCE
ColombieM. GIRALDO-JARAMILLO
EgypteMUSTAPHA Bey
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT
GrèceM. PHILON
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. THEODOLI
LuxembourgM. STURM
NorvègeM. ANKER
Pays-BasM. van BOETZELAER
République fédérale d'AllemagneM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. ZUTTER
TurquieM. MIRAS
YougoslavieM. MAKIEDO
Observateurs :
IranM. KAFAI
Haut-Commissaire pour les réfugiésM. van HEUVEN GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et autres organisations intergouvernementales
Organisation internationale pour les réfugiésM. SCHNITZER
Conseil de l'EuropeM. von SCHMIEDEN
Représentants d'organisations non-gouvernementales
Catégorie B et Registre
Caritas InternationalisM. METTERNICH
M. BRAUN
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Comité internationale de la Croix RougeM. PILLAND
Commission des Eglises pour les affaires internationalesM. REES
Conférence permanente des organisations bénévolesM. REES
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil consultatif d'organisations juivesM. NEYROWITZ
Conseil internationale des femmesMme GIROD
Union catholique internationale de service socialMlle de ROMER
Union internationale des Ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (POINT.5 a) DE L'ORDRE DU JOUR) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5) (suite de la discussion)

1. Article 3 - Non-discrimination (A/CONF.2/25, A/CONF.2/28, A/CONF.2/29) (suite)

Le PRESIDENT signale à l'attention de la Conférence l'amendement de la France à l'article 3 (A/CONF.2/29) présenté verbalement à la séance précédente. Il rappelle qu'il était Vice-Président du Comité spécial lors de la seconde session et il explique que si les mots dont l'amendement français propose la suppression ont été insérés, c'est afin de dissiper l'inquiétude manifestée par les représentants des pays d'immigration au sujet de l'emploi du membre de phrase : « ou encore parce qu'il est réfugié ». Les membres du Comité avaient pensé que si un émigrant non réfugié n'arrive pas à s'établir de façon satisfaisante dans son pays d'adoption, il lui est toujours loisible de retourner dans son pays d'origine, tandis qu'il n'en va pas de même pour les réfugiés. Ils ont donc estimé souhaitable de prévoir une aide pour leur installation dans leur nouveau pays en leur accordant des contrats qui leur seront un appui au début de leur séjour. Or, puisqu'on a supprimé au cours de la séance précédente les mots « ou encore parce qu'il est réfugié », il n'y a plus de raison de conserver les termes « sur son territoire ».

M. CHANCE (Canada) explique que la suppression des mots « sur son territoire créera de sérieuses difficultés aux pays d'immigration ; il demande donc au représentant de la France de ne pas insister pour faire adopter son amendement. Dès le début, c'est-à-dire depuis le moment où le Comité spécial a commencé ses travaux, le but visé a toujours été de rédiger un instrument qui soit acceptable par le plus grand nombre possible d'Etats. Si l'on supprime le passage en question, certains pays d'immigration pourront trouver difficile d'accepter la Convention.

M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) déclare que tous les représentants sont d'accord pour estimer qu'il ne doit pas être fait de discrimination contre les réfugiés. Il donne au mot « discrimination » son véritable sens, c'est-à-dire le fait de refuser à une certaine catégorie de personnes des droits et des privilèges dont jouissent d'autres personnes qui se trouvent dans une situation identique.

Si l'on fait la genèse de la rédaction de l'article 3, on constate qu'après la suppression des mots « sur son territoire », la Convention portera sur l'ensemble du domaine de la politique d'immigration. La question de l'admission des réfugiés est étroitement liée à celle de la politique et de la législation des divers pays en matière d'immigration quelles que soient les modifications apportées à la politique et la législation pour prévoir le cas particulier des réfugiés. Dans la plupart des pays, l'immigration s'opère d'après un choix ; le Mexique, par exemple, accepte plus volontiers les réfugiés espagnols que ceux d'autres pays, ce qui d'ailleurs est dans l'intérêt des réfugiés eux-mêmes. Il n'y a pas de sujet sur lequel les gouvernements soient plus susceptibles ou plus jaloux de leur indépendance que lorsqu'il s'agit de déterminer la politique d'immigration. Cette politique fait l'objet, dans tous les pays, de vifs débats au Parlement. Si l'on opère la suppression proposée, il est à craindre que certains gouvernements croient que la convention limite leur liberté d'action et il se peut donc qu'ils hésitent davantage à y adhérer. Il se joint au représentant du Canada pour demander au représentant de la France de retirer son amendement.

M. ROCHEFORT (France) fait observer que la France est à la fois un pays d'accueil et un pays d'immigration. Elle se rend donc parfaitement compte des difficultés éprouvées par les uns et par les autres. En présentant son amendement, qui tendait surtout à fixer une position morale, la délégation française ne pressait pas qu'il pouvait gêner les pays d'immigration. Elle répond donc volontiers à l'appel qui lui a été adressé par les représentants du Canada et des Etats-Unis et elle consent à retirer son amendement.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) rappelle que l'on a déjà signalé à la séance précédente qu'il y a divergence entre le texte anglais et le texte français au sujet de l'expression « sur son territoire ». Il lui semble que le texte anglais est plus exact, mais il faut en tout cas faire concorder les deux versions.

M. ROCHEFORT (France) dit qu'il est en faveur de la rédaction française, qui correspond exactement à la position de la France.

Le PRESIDENT propose de renvoyer cette question et les autres points de rédaction de ce genre qui pourraient être soulevés au cours de la discussion à un comité du style qui serait créé ultérieurement.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) fait observer qu'il ne s'agit pas simplement d'une question d'ordre linguistique, mais aussi d'une question de principe.

Le PRESIDENT répond que s'il en est ainsi, la Conférence devra donner certaines directives au Comité du style à ce sujet.

Il demande ensuite aux délégations de langue française si, du point de vue purement linguistique, il serait possible de remanier le texte français de la façon suivante :

« Aucun Etat contractant ne prendra sur son territoire de mesures discriminatoires contre un réfugié. »

M. ROCHEFORT (France) n'a pas d'objection à présenter à la formule proposée par le Président qui est excellente, mais inéprouvée quelques scrupules à l'appuyer, car elle équivaut en fait à reprendre, par une voie détournée, l'amendement qu'il a retiré.

Le PRESIDENT demande ensuite s'il serait possible de dire :

« Aucun Etat contractant ne prendre de mesures discriminatoires contre un réfugié sur son territoire.. »

Si l'on remaniait ainsi le texte, les deux rédactions, française et anglaise, concorderaient. Il faudrait alors décider si, du point de vue du fond, c'est le texte anglais ou l'original français qui doit être adopté.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) estime que la formule proposée ne fait que déplacer la difficulté sans la résoudre. Il faudrait, pour être claire, faire précéder les mots « sur son territoire » des mots « se trouvant ».

M. ROCHEFORT (France) dit que la proposition du représentant des Pays-Bas comporte des incidences qui peuvent modifier la position de la France. On ne sait pas, en effet, de quelles mesures discriminatoires il peut s'agir, ni comment la clause territoriale peut jouer contre les dispositions de l'article. Dans ces conditions, le représentant de la France fait toutes réserves et devra demander des instructions à son gouvernement.

M. HERMENT (Belgique) appuie la proposition du représentant des Pays-Bas, qui ferait exactement concorder le texte français avec le texte anglais. Toutefois, la modification ainsi apportée au texte ne porterait pas seulement sur la forme, mais aussi sur le fond de l'article et il faudrait donc savoir si le texte remanié serait acceptable pour la majorité des représentants

M. ROBINSON (Israël) déclare que si l'on considère l'article 3, qui constitue l'une des dispositions générales de la convention et doit, par conséquent, régir tous les articles des chapitres II à B inclusivement, comme ne s'appliquant qu'aux réfugiés qui se trouvent sur le territoire d'un Etat donné, il sera difficile de faire cadrer cette disposition avec celles des articles relatifs à des questions extra - territoriales, notamment l'article 23 intitulé « Titres de voyage ». A son avis, il ne s'agit pas, pour la Conférence, de résoudre une question de fond, mais de rédiger l'article 3 de manière à le mettre en harmonie avec tous les autres articles. Il appuie la proposition du Président, tendant à renvoyer la discussion du texte à un comité du style.

M. ROCHEFORT (France) demande s'il ne serait pas possible de retrouver rapidement l'origine de ce texte de l'article 3. Il semble que ce soit une proposition belge, présentée à la deuxième session du comité spécial.

Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur le paragraphe 21 du rapport du Comité spécial sur les travaux de sa deuxième session (E/1850), où il est signalé que le Comité a décidé d'ajouter l'expression « sur son territoire » à cet article pour montrer que les testes ne visent pas les conditions spéciales d'immigration imposées aux étrangers, mais seulement le traitement appliquée aux étrangers qui se trouvent sur le territoire d'un Etat contractant.

M. HERMENT (Belgique) fait observer qu'il n'a jamais été question d'une discrimination entre les réfugié, comme on a maintenant tendance à le croire, mais bien contre les réfugiés, ce qui est tout différent.

M. SHAW (Australie) explique qu'il a présenté son amendement (A/CONF.2/14) parce que, dans l'article 3, le sens des mots « mesures discriminatoires » n'est pas clair ; on peut comprendre en effet qu'il s'agit d'une discrimination entre les réfugiés et les ressortissants du pays d'accueil, entre les réfugiés et d'autres étrangers, entre les diverses catégories de réfugiés et d'autres étrangers ou encore entre les diverses catégories de réfugiés eux-mêmes. Il pense que le terme doit s'entendre de la discrimination entre les réfugiés et d'autres étrangers parce que, en Australie au moins, aucune discrimination n'est faite entre ces deux catégories, bien que l'on applique à tous les étrangers certaines mesures restrictives auxquelles ne sont pas assujettis les ressortissants du pays.

Par contre, si par les termes « mesures discriminatoires » on entend une discrimination s'exerçant entre diverses catégories de réfugiés, il suffirait alors de remplacer les mots « contre un réfugié » par les mots « entre les réfugiés », en maintenant les mots « sur son territoire ».

M. ROCHEFORT (France) estime qu'il ne peut s'agir d'une discrimination entre les réfugiés, car cela ouvrirait la porte à toutes les mesures discriminatoires. Il suffirait, par exemple, qu'un Etat contractant réserve un traitement préjudiciel à tous les réfugiés pour ne pas contrevenir aux dispositions de la convention.

M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) fait observer que l'article 4, (Dispense de réciprocité) de la Convention prévoit que, dans certains cas, les réfugiés bénéficieront d'un traitement plus favorable que d'autres étrangers. Ceci peut en soi-même, être considéré comme une mesure discriminatoire.

M. HERMENT (Belgique) estime que l'objection formulée par le représentant des Etats-Unis est de pure forme. Il ne peut en effet s'agir d'interdire les mesures discriminatoires en faveur des réfugiés, mais seulement celles qui seraient au détriment des réfugiés.

Peut-être pourrait-on trouver une solution à la difficulté soulevée en disant « contre et entre les réfugiés ». Cette formule couvrirait toutes les possibilités de discrimination.

Le PRESIDENT suggère que les représentants de l'Australie, de la Belgique, des Etats-Unis d'Amérique, de la France et d'Israël se réunissent en groupe de rédaction pour examiner le texte en question et soumettre ensuite à la Conférence un projet sur lequel ils se seront mis d'accord.

M. HERMENT (Belgique) accepte la proposition du Président.

M. Van BOETZELAER (Pays-Bas) pense que le groupe de rédaction pourrait utilement se référer à l'article 3 de la Convention de la Croix-Rouge.

La suggestion du Président est adoptée.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) rappelle qu'au cours de la précédente séance il a retiré son amendement (A/CONF.2/22) à l'article 3, parce qu'on avait estimé qu'il élargissait trop la portée de l'article 3. Il croit cependant qu'il faudrait étendre dans une certaine mesure la portée de cet article, car celui-ci ne mentionne que trois raisons de discrimination à savoir : la race, la religion et le pays d'origine. L'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme mentionne d'autres raisons telles que : la couleur, le sexe, la langue et la fortune. Il ne serait peut-être pas possible d'inclure toutes ces raisons dans l'article 3 mais il serait cependant souhaitable d'y faire figurer avant les mots : « en raison de sa race ... » le mot « particulièrement » et après les mots « pays d'origine » les mots « ou de son sexe ». Il ne faut pas oublier qu'une discrimination fondée sur le sexe pourrait entraîner une dispersion des familles.

M. ROCHEFORT (France) ne voit pas d'objection à l'introduction dans le texte du mot « particulièrement », mais il s'opposera à l'adjonction des mots « de son sexe » qui laisseraient entendre que certains pays pratiquent actuellement une discrimination fondée sur le sexe. Or, tel n'est pas le cas.

M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer que l'insertion du mot « particulièrement » va considérablement élargir la portée de l'article 3 parce que dans ce cas, les motifs de discrimination qui y sont indiqués n'auront plus qu'une valeur d'exemple et le terme « mesures discriminatoires » est de portée si large lui-même qu'il faudra le définir davantage.

En ce qui concerne la mention d'une discrimination fondée sur le sexe, il rappelle que la question de l'égalité des sexes relève des législations nationales. Prenant le cas d'une femme réfugiée qui obtiendrait un emploi dans les services gouvernementaux d'un Etat où les salaires des femmes sont inférieurs aux salaires des hommes, il se demande si en l'occurrence on pourrait alléguer que cette réfugiée fait l'objet d'une mesure discriminatoire. C'est là un exemple qui n'a probablement qu'une valeur théorique mais qui permet d'illustrer les difficultés que pourrait éventuellement faire naître l'adoption du deuxième amendement yougoslave.

M. THEODOLI (Italie) déclare que si l'on devait faire figurer au nombre des raisons de discrimination des considérations de sexe, on serait alors également justifié à retenir les motifs d'âge et de santé. Un certain nombre de réfugiés italiens ont été envoyés dans d'autres pays sous les auspices de l'Organisation internationale pour les réfugiés et certains d'entre eux ont été renvoyés en Italie parce qu'ils étaient atteints de tuberculose ou en raison de leur âge. Cette mesure a eu pour conséquence un démembrement des familles. Il estime que ce point devrait être examiné par le comité du style.

Le PRESIDENT craint que cette question provoque au sein du Comité du style une longue discussion qui serait de nouveau reprise par la Conférence elle-même. C'est pourquoi il hésite, au stade actuel des débats, à renvoyer la question au comité du style. Il croit que l'article 3 avait à l'origine pour objet d'éviter que les personnes qui ont été persécutées en raison par exemple de leur race ou de leur religion, ne soient exposées à un sort semblable dans le pays d'accueil. Il ne croit vraiment pas que l'on puisse envisager des cas de persécutions en raison du sexe.

M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) estime avec le représentant du Royaume-Uni que l'insertion du mot « particulièrement » et la mention de discrimination pour des raisons de sexe, élargiraient notablement la portée de l'article 3. Si cela était adopté certains Etats dont par exemple la législation réglemente différemment la durée du travail des hommes et des femmes pourraient hésiter à adhérer à la convention

Le PRESIDENT ajoute qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 7 du projet de convention, les femmes mariées pourraient être empêchées, par la législation du pays de fixer leur propre domicile. En conséquence, la mention à l'article 3 du sexe comme cause de discrimination pourrait susciter certaines difficultés d'ordre législatif à l'Etat en question

M. FRITZER (Autriche) se prononce contre l'insertion du mot « particulièrement » qui étendrait outre mesure la portée de l'article 3. Le représentant de la Yougoslavie voudrait insérer une liste d'exemples et l'on pourrait lui donner satisfaction en mentionnant une notion d'ordre général telle que celle des « droits de l'homme ».

En plus le fait de mentionner le sexe pourrait être une source de conflits avec les législations nationales et le représentant de l'Autriche se prononce également contre une telle insertion. Pour prendre un exemple, il rappelle que pendant la période de rationnement du tabac en Autriche, la ration des femmes était inférieure à celle des hommes. On a fait valoir auprès des tribunaux compétents que cette mesure constituait une violation de l'égalité des sexes, mais dans leurs conclusions, les tribunaux ont déclaré que les femmes avaient besoin de moins de tabac que les hommes. Ainsi, en mentionnant la discrimination fondée sur le sexe, la convention pourrait être en contradiction avec la législation nationale car il se pourrait qu'une réfugiée reçoive moins de cigarettes qu'un réfugié. Tel n'est certainement pas l'objet de l'article 3.

M. ZUTTER (Suisse) pense qu'il y a une certaine contradiction entre les deux amendements yougoslaves. En effet, si l'on ajoute dans le texte le mot « particulièrement », on élargit de ce fait les motifs de discrimination et il n'est pas alors nécessaire d'y ajouter le sexe. La délégation helvétique se prononce contre tout élargissement de la potée de l'article et approuve le texte de l'article 3 tel qu'il a déjà été amendé par la Conférence.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) partage le point de vue du représentant de la Suisse. Au surplus, l'article 7 du projet de convention prévoit déjà que le statut personnel de tout réfugié sera régi par la loi du pays de sont domicile. Il se prononce donc contre les amendements de la Yougoslavie.

M. MIRAS (Turquie) est également en faveur du maintien du texte de l'article 3 tel qu'il a été amendé à la séance de la veille.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) reconnaît que les représentants out raison lorsqu'ils estiment que l'insertion du mot « particulièrement » après les mots « sur son territoire » élargira sensiblement la portée de l'article 3. C'était d'ailleurs bien là son intention lorsqu'il a présenté cet amendement. Le Président a déclaré que le texte était satisfaisant parce qu'il énumère tous les motifs pour lesquels les réfugiés sont en général persécutés. Il en existe cependant d'autres, par exemple le fait d'avoir certaines opinions politiques. Il est donc nécessaire d'élargir la portée du texte actuel de l'article 3. Comme ce résultat sera atteint par l'insertion du mot « particulièrement », il est disposé à retirer son deuxième amendement consistant à ajouter après le mot « d'origine » les mots « ou de sexe ».

Le PRESIDENT met aux voix la proposition de la Yougoslavie tendant à insérer après les mots « sur son territoire » le mot « particulièrement ».

Par 17 voix contre une, avec 5 abstentions, la proposition yougoslave est repoussée.

Le PRESIDENT ouvre ensuite la discussion sur l'amendement de l'Egypte (A/CONF.2/28) proposant d'ajouter au texte de l'article 3 les mots « sous réserve des exigences de l'ordre public et des bonnes moeurs ».

MUSTAPHA Bey (Egypte) s'est abstenu au cours du vote qui vient d'avoir lieu parce qu'il doute de toute l' utilisé de l'article 3. Les débats sur cet article ont, en effet, fait apparaître que le régime appliqué aux étrangers n'est pas le même dans tous les pays.

L'amendement présenté par l'Egypte (A/CONF.2/28), représente simplement, ainsi qu'il l'a déjà indiqué à la séance précédente, la réserve de style que l'on introduit habituellement dans un texte qui limite la souveraineté des Etats.

L'Egypte connaît bien les dangers de l'immigration massive et elle estime qu'il est nécessaire que les Etats contractants puissent prendre, le ces échéant, les mesures qu'il pose le maintien de l'ordre public.

M. PHILON (Grèce) estime que l'amendement de l'Egypte est fondé sur des considérations pratiques et justifiées. Toutefois, il peut, au premier abord, donner lieu à diverses interprétations. Il semble que l'on pourrait adopter une formule plus restrictive qui se concilierait mieux avec le principe fondamental de la non-discrimination. A cet effet, la délégation de la Grèce propose d'ajouter à la fin du texte actuel de l'article 3 les mots « sauf dans la mesure nécessitée par des considérations légitimes de sécurité publique »

Il ne s'agit là que d'une formule provisoire qui pourrait sans doute être améliorée, mais qui laisserait aux Etats contractants la faculté de prendre certaines mesures nécessaires pour le maintien de l'ordre public.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) approuve la formule proposée par le représentant de l'Egypte. Elle est claire et conforme aux principes juridiques généraux. La Constitution colombienne comporte d'ailleurs des réserves du même genre, notamment au sujet de l'exercice des cultes.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) signale que l'amendement présenté par la délégation égyptienne restreindrait encore la portée d'une disposition déjà trop limitée.

M. HOARE (Royaume-Uni) se demande si l'adjonction des mots proposés par le représentant de l'Egypte n'est pas superflue. Il n'y a pas besoin de protéger le droit que tout Etat possède en propre d'imposer des restrictions aux personnes qui se trouvent sur son territoire, en vue du maintien de l'ordre public, de la sécurité et même des bonnes moeurs. Ce droit n'est d'ailleurs pas contesté par les termes de l'article 3 qui indique seulement que l'on ne doit pas prendre de mesures discriminatoires contre un réfugié uniquement en raison de sa race, de sa religion ou de son pays d'origine. Tant qu'on ne démontrera pas qu'il est véritablement utile d'insérer ce membre de phrase, il hésitera beaucoup à accepter cet amendement qui aura sans aucun doute un effet limitatif.

M. ROCHEFORT (France) ne veut pas augmenter la confusion du débat, mais il se demande si les dispositions de l'article 3 ne se trouveraient pas mieux à leur place dans le préambule. D'ailleurs, le premier paragraphe du préambule ne suffirait-il pas pour répondre à toutes les préoccupations et l'article 3 est-il, à vrai dire, nécessaire ?

M. MUSTAPHA Bey (Egypte) voudrait avoir quelques éclaircissements sur les déclarations que viennent de faire les représentants de la Yougoslavie et du Royaume-Uni et selon lesquelles son amendement aurait un caractère limitatif. Dans quel sens les représentants de la Yougoslavie et du Royaume-Uni entendent-ils cette remarque ?

M. HOARE (Royaume-Uni) déclare à nouveau qu'il est reconnu qu'un Etat a le droit de prendre des mesures en vue du maintien de l'ordre public et des bonnes moeurs ; ceci n'a rien à voir avec le sujet traité par l'article 3 et l'addition proposée par l'amendement égyptien ne fera qu'affaiblir le texte de l'article.

M. van TRÜTZSCHLER (République fédérale d'Allemagne) et M. MAKIEDO (Yougoslavie) appuient le point de vue du représentant du Royaume-Uni.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) partage également l'opinion du représentant du Royaume-Uni. Selon lui, l'article 2 impose aux réfugiés des obligations qui sont de nature à apaiser les craintes du représentant de l'Egypte. Il serait dangereux d'ajouter à l'article 3 une disposition qui en affaiblirait la portée et qui, de plus, ne semble pas nécessaire.

Le PRESIDENT met aux voix l'amendement de l'Egypte (A/CONF.2/28) tendant à ajouter au texte de l'article 3 les mots « sous réserve des exigences de l'ordre public et des bonnes moeurs ».

Par 14 voix contre 4 avec 4 abstentions, l'amendement de l'Egypte est rejeté.

Le PRESIDENT invite la Conférence à examiner ensuite la proposition australienne (A/CONF.2/25/ qui vise à ajouter un nouvel article avant l'article 3.

M. SHAW (Australie) indique qu'il désire apporter deux légères modifications de rédaction au texte qui a été déposé par sa délégation. Il s'agit de remplacer les mots « as absolving » par les mots « to absolve » (ceci ne modifie pas le texte français), puis d'insérer les mots « ou sera » entre les mots « avait été » et « subordonnée ». Le but du deuxième amendement est de montrer que la disposition s'applique à tous les réfugiés en non uniquement à ceux qui ont déjà été admis sur le territoire d'un Etat contractant.

Le nouvel article proposé a pour objet de reconnaître le fait que les Etats doivent être libres de prescrire les conditions d'admission des réfugiés sur leur territoire, conditions que, de leur côté, les réfugiés sont toujours tenus de respecter, Il importe de veiller à ce que les réfugiés observent ces conditions indépendamment de toutes les autres dispositions du projet de convention notamment de celles qui figurent aux articles 3, 12, 13, 14 et 21. L'opinion du Gouvernement australien en la matière a été précédemment exposée fort longuement en plusieurs occasions et il n'est pas nécessaire maintenant de la définir à nouveau.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) appuie sans réserve la proposition de l'Australie. L'insertion de ces dispositions dans le projet de convention présente une très grande importance pour les pays d'immigration.

M. ROCHEFORT (France) ne s'oppose pas à la proposition australienne mais, à vrai dire, il ne souhaite pas voir insérer ce nouvel article dans le projet de convention, car il permettrait aux pays d'accueil, et non pas seulement aux pays d'immigration, de subordonner à certaines conditions l'autorisation de séjour accordée aux réfugiés.

M. HOARE (Royaume-Uni) comprend, dans une certaine mesure, les préoccupations du Gouvernement australien, mais il doute que l'insertion du nouvel article proposé puisse éviter la difficulté que l'on craint, étant donné que cela ne supprime pas le fait que d'autres dispositions du projet de convention peuvent empêcher les gouvernements d'imposer certaines conditions à l'entrée des réfugiés sur leur territoire.

M. HERMENT (Belgique) éprouve certaines inquiétudes après la déclaration du représentant du Royaume-Uni qui vient de soulever la question de la relation qui existe entre la proposition de l'Australie et d'autres articles de la Convention. Le nouvel article envisagé permettra-t-il à un Etat contractant, par exemple, d'exiger qu'un réfugié se trouvant sur son territoire accepte, pour obtenir une autorisation de séjour, d'effectuer un travail déterminé ?

M. ROCHEFORT (France) fait observer que ce sont les pays qui ne peuvent procéder à un triage des réfugiés qui se trouvent dans la situation la plus difficile. L'amendement de l'Australie ne serait acceptable que si l'équilibre était conservé entre les pays d'accueil et les pays d'immigration.

M. SHAW (Australie) précise que le Gouvernement australien n'a aucunement l'intention d'imposer de nouvelles conditions aux réfugiés après leur admission sur son territoire. Il leur est seulement demandé de se conformer à certaines conditions stipulées avant leur entrée.

M. ROCHEFORT (France) demande au représentant de l'Australie quelle devra être, selon lui, l'attitude d'un gouvernement à l'égard de réfugiés entrés clandestinement sur son territoire. Ce gouvernement aura-t-il le droit d'imposer à ces réfugiés certaines conditions de séjour fondées sur la race, la religion le pays d'origine et non sur des appréciations d'ordre général, sécurité, etc.

M. SHAW (Australie) répond que le cas envisagé par le représentant de la France serait considéré comme une entrée illégale. Il ne pense pas que l'on ait l'intention de modifier les dispositions juridiques en vigueur à cet égard.

M. HERMENT (Belgique) dit que la réponse du représentant de l'Australie ne lui apparaît pas satisfaisante. Au cas où un réfugié entré clandestinement sur le territoire d'un Etat contractant intenterait une action judiciaire, bénéficierait-il des droits et privilèges prévus à l'article 11, et notamment de l'exemption de la caution judicatum solvi ?

M. ROCHEFORT (France) fait remarquer que l'article 26 du projet de convention prévoit que les sanctions pénales ne pourront être appliquées aux réfugiés du fait de leur entrée ou de leur séjour irrégulier sur le territoire d'un Etat contractant. La position adoptée par le représentant de l'Australie équivaut à une négation du droit d'asile.

M. CHANCE (Canada) fait observer que le fait, pour les réfugiés, de quitter un emploi pour en prendre un autre en rompant leur contrat n'a pas posé de problèmes graves dans son pays. Mais le problème capital dont il s'agit est la différence essentielle qui existe entre l'attitude des gouvernements des pays d'outre-mer et celle des gouvernements des pays de premier accueil. Il serait extrêmement regrettable d'insérer dans la convention une disposition qui, répondant à la position particulière d'un pays d'immigration, nuirait grandement à la valeur générale de la Convention elle-même. C'est pourquoi M. Chance demande instamment au représentant de l'Australie de définir les réserves du gouvernement australien au lieu d'essayer de faire insérer dans la convention une disposition qui affaiblirait la situation des réfugiés dans le monde entier.

M. SHAW (Australie) se rend compte du fait que son opinion n'est pas partagée par la majorité des gouvernements représentés à la Conférence, et il hésite à insister pour demander l'insertion d'une disposition qui ne recueillerait pas l'adhésion générale. Dans ces conditions, il est prêt à renoncer à sa proposition mais il tient à dire que le Gouvernement de l'Australie a examiné les diverses possibilités, à savoir la présentation d'une réserve ou d'un amendement à l'article premier, mais qu'il a constaté qu'aucune n'était satisfaisante. Comme il l'a déjà indiqué, si une telle disposition ne figure pas dans la convention, le Gouvernement australien éprouvera beaucoup plus de difficulté à la ratifier.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) dit qu'il est évident que les lois et les dispositions adoptées par un Etat contractant postérieurement à l'entrée d'un réfugié sur son territoire ne sauraient s'appliquer à ce réfugié. La loi pénale, en particulier, ne peut avoir d'effet rétroactif. Il est certain que l'introduction dans la convention du nouvel article proposé par la délégation de l'Australie faciliterait aux pays d'accueil et aux pays d'immigration leur adhésion à la convention.

Le PRESIDENT met aux voix la proposition australienne (A/ACNF.2/25).

Par 6 voix contre 5, avec 11 abstentions, la proposition australienne est rejetée.

L'article 3 est adopté dans sa forme amendée sous réserve des modifications de forme qui pourront lui être apportées par le Comité du style créé précédemment au cours de la présente séance

2. Article 3 (A)

Le PRESIDENT fait observer qu'il existe une légère divergence entre les textes anglais et français ; le texte anglais dit « prior to or apart from » et le texte français « indépendamment de ».

M. HERMENT (Belgique) se demande si les mots prior to or sont bien nécessaires. L'article 4 du projet de convention comporte déjà, en effet, une réserve quant aux droits acquis par les réfugiés. Toutefois, il ne s'opposera pas à l'insertion de cette expression dans l'article 3(A)

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale d'Allemagne) souligne que le paragraphe 2 de l'article 4 ne traite que des droits et avantages qui sont accordés aux étrangers sous condition de réciprocité. L'article 3 (A) est d'une portée plus étendue.

Le PRESIDENT estime que les mots prior to or sont superflus, mais il propose de laisser au Comité du style le soin de trancher cette question.

Il en est ainsi décidé.

L'article 3 (A) est adopté sous cette réserve.

3. Article 3 (B) (A/CONF.2/14)

Le PRESIDENT appelle l'attention des représentants sur l'amendement australien (A/CONF.2/14),

M. SHAW (Australie) indique que puisque la rédaction de l'article 3 doit être renvoyée au Comité du style, il retire son amendement à l'article 3 (B) qui était destiné à supprimer toute ambiguïté possible en ce qui concerne l'interprétation du terme « discriminatoire ».

M. ROBINSON (Israël) considère que les clauses interprétatives qui figurent à l'article 3 (B) seraient mieux à leur place, du point de vue de la rédaction, à la fin du projet de convention.

Il a, en outre, une objection de fond plus importante à formuler à l'égard de l'article 3 (B). Il faut reconnaître que dans certains cas les réfugiés ne peuvent remplir les conditions qui sont exigées des nationaux. Par exemple, dans certains pays de l'Europe orientale, certaines conditions de résidence sont nécessaires pour pouvoir bénéficier de la sécurité sociale. La définition qui figure à l'alinéa a) est trop stricte et elle affaiblirait la portée de la convention. Le même argument vaut pour l'alinéa b). Il convient de reconnaître les conditions spéciales dans lesquelles se trouvent les réfugiés et, tout en acceptant le principe fondamental sur lequel reposent les définitions données à l'article 3 (B) le représentant d'Israël estime que celles-ci devraient être rédigées d'une façon quelque peu différente.

M. HOARE (Royaume-Uni) se déclare d'accord, d'une manière générale, avec les arguments avancés par le représentant d'Israël ; il n'a pas, pour le moment, d'autre rédaction à proposer, mais il croit qu'il ne serait pas impossible de trouver un texte plus satisfaisant. Il faut apporter un soin tout particulier à la définition de l'expression « dans les mêmes circonstances ». Une définition satisfaisante de cette expression permettrait peut-être de faire disparaître certaines des hésitations du Gouvernement australien.

Le PRESIDENT suggère que les représentants d'Israël et du Royaume-Uni s'efforcent à eux deux de rédiger un texte satisfaisant pour la prochaine séance.

La séance est levée à 13 heures.