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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte rendu analytique de la Dixième Séance

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte rendu analytique de la Dixième Séance
A/CONF.2/SR.10

21 Novembre 1951

Présidents :

Président : M. LARSEN

Membres :
AustralieM. BURBAGE
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
BrésilM. de OLIVEIRA
CanadaM. CHANCE
DanemarkM. HOEG
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT
GrèceM. PAPAYANNIS
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
M. KAHANY
ItalieM. THEODOLI
NorvègeM. ANKER
Pays-BasM. van BOETZELAER
République fédérale allemandeM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. ZUTTER
TurquieM. MIRAS
YougoslavieM. MAKIEDO
Observateurs :
IranM. KAFAI
Haut-Commissaire pour les réfugiés :M. van HEUVEN GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations internationales :
Organisation internationale pour les réfugiésM. SCHNITZER
Conseil de l'EuropeM. von SCHMIEDEN
Représentants d'organisations non gouvernementales :
Catégorie A
Union interparlementaireM. ROLLIN
M. BOISSIER
M. ROBINET de CLERY
Catégorie B et Registre
Caritas InternationalisM. BRAUN
M. METTERNICH
Comité consultatif mondial de la société des amisM. BELL
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ
Conseil international des femmesDr GIROD
Fédération internationale des amies de laMme FIECHTER
jeune filleMIle van WERVEKE
Pax RomanaM. BUENSOD
Union catholique internationale de service socialMlle de ROMER
Union internationale des ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat :
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

1. DECLARATION DU REPRESENTANT DE L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

Le PRESIDENT annonce qu'avant de demander à la Conférence de poursuivre l'examen du projet de convention, il désire inviter M. Rollin à faire une déclaration au nom de l'Union interparlementaire.

M. ROLLIN (Union interparlementaire) remercie les membres de la Conférence de donner à l'Union interparlementaire l'occasion de lui faire connaître le texte de la résolution qu'elle a adoptée lors de sa dernière réunion, tenue à Monaco au mois de mars 1951. C'est la première fois que l'Union interparlementaire saisit directement une conférence diplomatique et l'on peut espérer que cela ne sera pas la dernière. L'activité internationale a considérablement augmenté au cours des dernières années, son champ d'intérêt s'est élargi et elle englobe maintenant toute une série de questions normalement traitées dans le cadre des parlements des divers pays. Aussi, la procédure qui laissait aux seuls gouvernements et ministères le soin d'élaborer des conventions, ne laissant aux parlements que l'alternative de l'adopter ou de la rejeter, ne se révèle plus satisfaisante. C'est pourquoi les Etats représentés à la Conférence ont accepté d'associer directement une organisation non gouvernementale à l'élaboration de la convention qu'ils étudient. Il faut noter, à ce propos, que la Conférence interparlementaire des trois Etats du Benelux a récemment émis le voeu qu'à l'avenir les gouvernements soumettent à l'examen d'une commission mixte, où seraient représentés les parlements, le texte des conventions qu'ils envisagent de signer. Dans le même ordre d'idées, la Charte des Nations Unies a prévu la représentation et la consultation des organisations non gouvernementales. L'Union interparlementaire entend utiliser la possibilité qui lui est offerte, tout d'abord pour prouver l'intérêt qu'elle porte à la convention dont se préoccupe la Conférence, et, en second lieu, pour attirer l'attention des membres de la Conférence sur un certain nombre d'observations qui sont importantes, car elles reflètent les préoccupations qui pourraient être ultérieurement exprimées au sein des divers parlements. Le Conseil de l'Union interparlementaire doit se réunir le mois prochain. Néanmoins, il a voulu prendre ses responsabilités en la matière et, après consultation avec ses commissions juridique et politique, communiquer à la Conférence les réflexions que lui inspirait le texte du projet de convention relative au statut des réfugiés. La résolution qui traduit le point de vue de l'Union interparlementaire et dont le texte sera ultérieurement distribué aux membres de la Conférence a le mérite d'être brève. Sur les six alinéas qu'elle comporte, quatre seulement contiennent des commentaires sur la convention ; le premier se borne en effet à approuver le projet soumis à la Conférence, dont l'Union interparlementaire a apprécié la précision et la netteté, et le dernier à adresser le texte de la résolution aux membres de la Conférence.

En ce qui concerne le projet de convention, l'Union interparlementaire en approuve les grandes lignes et souhaite que la Conférence en fasse la base d'une convention qui serait ratifiée par tous les gouvernements ; elle estime néanmoins nécessaire de présenter quatre observations particulières, qui ne sauraient pourtant être considérées comme un jugement final porté sur la valeur du projet. Le peu de temps dont a disposé l'Union interparlementaire ne lui a pas permis de se faire une opinion définitive. Ses observations concernent donc simplement les imperfections qui l'ont frappée le plus directement et qu'elle estime susceptibles d'être revissées avec succès.

En ce qui concerne l'article 4, qui vise la dispense de réciprocité, l'Union interparlementaire estime que le deuxième alinéa du paragraphe 2 peut prêter à équivoque. En effet, il dispose que les autres réfugiés (c'est-à-dire ceux qui ne bénéficieraient pas à la date de l'entrée en vigueur de la convention des avantages visés au premier alinéa du paragraphe 2), bénéficieront de ces mêmes droits et avantages en l'absence de réciprocité, lorsqu'ils seront établis depuis un certain délai sur le territoire de l'Etat contractant. Par « même droits et avantages », on entend donc les droits et avantages dont certains réfugiés bénéficiaient sans réciprocité, ce qui revient à promettre aux réfugiés le régime des étrangers les plus favorisés par la clause de réciprocité. Les résultats seront donc différents dans chaque pays, selon les droits et avantages accordés étrangers en vertu d'une telle clause.

En outre, pour ce qui est de la clause de réciprocité, l'Union interparlementaire estime essentiel de régler cette disposition dans l'esprit le plus libéral. Or, dans le projet de convention, on a prévu trois régimes différents selon les droits dont il s'agit : en ce qui concerne la protection de la propriété artistique, industrielle et scientifique, les réfugiés auront le même traitement que les nationaux. Dans d'autres cas (article 10 et article 12 sur le droit d'association et les professions salariées), ils recevront le traitement le plus favorable accordé aux étrangers. Enfin, ils peuvent également avoir le traitement qui est accordé aux étrangers en général. En outre, certaines dispositions prévoient l'adoucissement de ces conditions en spécifiant que les réfugiés se verront accorder le traitement le plus favorable possible et, au minimum, le traitement des étrangers en général.

La question se pose de savoir si l'expression « le traitement le plus favorable possible » a une portée juridique, ou si son application sera laissée à la discrétion des Etats contractants, ceux-ci pouvant apprécier à leur seule discrétion l'étendue des droits qu'il leur est possible d'accorder aux réfugiés.

Par ailleurs, on prévoit la dispense de réciprocité lorsque les réfugiés sont établis sur le territoire de l'Etat contractant depuis « un certain délai ». De l'avis de l'Union interparlementaire, il conviendrait de revoir cette disposition et d'envisager la possibilité d'accorder cette dispense immédiatement.

En effet, dans les pays dont les réfugiés sont originaires les conditions sont en général telles qu'il est peu probable qu'un accord prévoyant l'octroi de certains droits à titre de réciprocité intervienne entre l'un de ces pays et d'autres Etats. D'autre part, même si des traités dans ce sens existaient entre les Etats d'origine et le pays d'accueil, le réfugié, qui ne jouirait d'aucune sympathie de la part de son gouvernement, ne pourrait pas s'en prévaloir. Par ailleurs, si certains Etats estimaient impossible d'accorder immédiatement la dispense de réciprocité, leur point de vue pourrait parfaitement être concilié avec celui des Etats qui seraient partisans d'une telle dispense, car l'article 36 du projet de convention prévoit, pour les parties contractantes, la possibilité de formuler des réserves pouvant porter sur plusieurs articles, dont l'article 4.

Examinant alors l'article 6 sur la continuité de résidence, M. Rollin souligne que, pour tenter d'établir une classification parmi les réfugiés, il importe de se fonder essentiellement sur des considérations d'ordre humain et psychologique. Il existe en effet des réfugiés qui n'ont ni l'espoir, ni le désir de retourner jamais dans leur pays, et d'autres pour qui l'exil n'est que temporaire. Les premiers aspirent avant tout à sortir de leur condition de réfugiés et se faire naturaliser, s'intégrant ainsi dans la nation qui les a accueillis. Il s'agit souvent d'apatrides qui attendent avant tout de la Conférence qu'elle adopte des dispositions favorisent leur naturalisation. L'article 6 répond partiellement à ces préoccupations, car la naturalisation est subordonnée en général à un délai de résidence et il est intéressant, pour un réfugié se trouvant dans ce premier groupe, de se voir compter comme résidence soit le temps qu'il a passé contre son gré en déportation, soit la période qui précède et qui suit la déportation, au cas où le réfugié retournerait dans son pays d'accueil pour y établir de nouveau sa résidence. Cette dernière disposition est d'autant plus intéressante qu'aux termes de certaines législations nationales le délai de résidence normalement prévu doit être augmenté si la résidence a été interrompue. Néanmoins, les dispositions de l'article 6 n'apportent de remède qu'à une situation occasionnelle, due à la seconde guerre mondiale, sans donner de solution au cas des réfugiés de la première catégorie dont M. Rollin a déjà parlé. C'est pourquoi l'Union interparlementaire émet le voeu que la Conférence envisage de réduire la durée de séjour requise pour la naturalisation. M. Rollin souligne que la naturalisation n'en deviendrait pas pour cela un droit et que l'octroi de la nationalité demeurerait soumis à l'appréciation des autorités compétentes.

Cependant, dans le cas où ne se pose aucun obstacle d'ordre politique, la réduction du délai de séjour améliorerait considérablement le sort des réfugiés qui souhaitent être naturalisés. En outre, il s'agit là d'une question de simple bon sens. La longueur des délais imposés aux candidats à la naturalisation a pour objet de permettre de vérifier que le lien qui existait jadis entre eux et leur pays d'origine a bien été rompu. Dans le cas des apatrides ou des réfugiés, l'on peut présumer, avec plus de force que dans le cas d'autres étrangers, qu'ils sont sincèrement attachés à leur pays d'accueil.

Pour toutes ces raisons, l'Union interparlementaire recommande que les Etats envisagent la possibilité d'accorder aux réfugiés désireux d'être naturalisés, la réduction du délai de résidence, tout au moins dans le cas des apatrides.

En ce qui concerne l'article 7, qui prévoit que le statut personnel de tout réfugié sera régi par les lois du pays de son domicile ou, à défaut, par les lois du pays de sa résidence, M. Rollin rappelle qu'un grand nombre de pays de l'Europe continentale ont traditionnellement apprécié le statut personnel des étrangers en fonction de leurs lois nationales. Il semble dons, à première vue, qu'il leur sera plus simple d'appliquer uniformément leurs lois nationales aux réfugiés résidant sur leur territoire, quel que soit le pays d'origine de ces réfugiés.

Néanmoins, il faut souligner certaines difficultés qu'entraînerait l'application de ces dispositions au cas de réfugiés. Qu'un réfugié politique qui a horreur de son pays d'origine et n'a aucunement l'intention d'y retourner, se voie appliquer le statut personnel prévu par la législation de son pays d'accueil, cela semble raisonnable ; mais on peut se demander s'il serait raisonnable d'imposer aux réfugiés demeurés attachés à leur patrie d'origine, ne vivent que dans l'espoir d'y retourner (comme jadis les antifascistes allemands ou, à l'heure actuelle les républicains espagnols) un statut personnel qui peut varier considérablement selon leur pays de résidence, et de laisser prendre cette mesure, appliquée au hasard du pays de domicile, sans que l'intéressé ait eu la possibilité de manifester sa volonté en la matière. Par ailleurs, la réserve que prévoit le paragraphe 2 de l'article 7, lorsqu'il parle du respect des droits précédemment acquis, est assez équivoque. C'est ainsi, par exemple, qu'un réfugié qui aurait été marié sous le régime de la séparation de biens à défaut de contrat et qui viendrait en Belgique, serait soumis, en raison de la législation de ce pays, au régime de la communauté des biens en l'absence de contrat. Dans le cas où ce réfugié hériterait de biens mobiliers, la question se poserait de savoir si ces biens seront régis par les droits découlant du mariage dans le pays d'origine ou par le régime existant en la matière dans le pays d'accueil. Les tribunaux pourront faire valoir qu'en contractant mariage, le réfugié avait acquis à l'égard de ces biens non pas un droit, mais une aptitude à acquérir un droit et que, en raison de son statut nouveau, ces biens doivent revenir à la communauté conjugale. C'est là un exemple qui illustre les difficultés pratiques auxquelles l'application de l'article 7 peut donner lieu et c'est pourquoi il semble préférable de limiter le retrait du statut personnel national aux seuls apatrides. L'union interparlementaire émet un voeu à la Conférence dans ce sens et elle demande également qu'on réexamine la question du retrait du statut personnel du réfugié.

M. Rollin aborde alors l'article 33, qui prévoit les modalités de règlement des différends. L'Union interparlementaire, qui a conquis ses lettres de noblesse dans la campagne en faveur de l'arbitrage, ne saurait élever aucune objection contre le principe dont s'inspire cet article. Cependant, il lui semble que le libellé n'en est pas suffisamment clair pour assurer un contrôle raisonnable l'application de la convention. En effet, cet article concerne uniquement des différends qui pourraient s'élever entre les Etats ; or, les vrais intéressés sont en l'occurrence non pas les Etats, mais des individus qui ne posséderont pas la nationalité des Etats contractants et qui ne seront pas protégés par leur pays d'origine. L'Organisation des Nations Unies a récemment créé un embryon d'organisation internationale, comportant un Haut-Commissariat pour les réfugiés, et qui aurait pour tâche d'aider les réfugiés dans les divers pays. L'Union interparlementaire suggère donc, et c'est là un point auquel elle attache une importance essentielle, qu'il serait judicieux d'assurer l'observation de la convention par une procédure autre que celle prévue à l'article 33. Il ne s'agit nullement de remplacer cet article par un nouveau texte, mais plutôt d'y ajouter des dispositions complémentaires. De l'avis de l'Union interparlementaire, on pourrait accorder au Haut-Commissaire une compétence consulaire qui lui permettrait de rendre d'inappréciables services tant aux réfugiés que aux Etats contractants eux-mêmes et lui permettre de demander, le cas échéant, des avis consultatifs à la Cour internationale de Justice. Cette dernière suggestion dépasse peut-être les pouvoirs dévolus à la Conférence et c'est pourquoi on pourrait peut-être les pouvoirs dévolus à la Conférence et c'est pourquoi on pourrait peut-être ne pas insérer de dispositions formelles à cet effet dans le texte même de la convention, mais exprimer un voeu, qui serait inscrit dans une annexe. Le tout serait adressé à l'Assemblée générale, à qui il appartiendrait de trancher cette question. M. Rollin rappelle qui lorsqu'on a élaboré le projet de Pacte international relatif aux droits de l'homme, on a adopté une disposition dans ce sens et, sans donner aux individus accès à Cour internationale de Justice ou même à une Cour européenne, on a prévu qu'ils pourraient s'adresser à une commission qui, elle, pourrait éventuellement saisir la Cour européenne d'un différend compte tenu de ce fait. La demande que formule l'Union interparlementaire semble très modérée. Il est légitime d'utiliser la possibilité prévue par la Charte, et selon laquelle les organisations subordonnées à l'Organisation des Nations Unies peuvent demander des avis consultatifs à la Cour internationales de Justice ; et l'on pourrait confier ces pouvoirs au Haut-Commissaire pour les réfugiés, de qui dépendra en fait l'application pratique de la convention.

En terminant, M. Rollin formule le voeu que Genève, où la Société des Nations a laissé un témoignage durable de son oeuvre, puisse être de nouveau le théâtre d'un événement international marquant et que l'oeuvre de la Conférence apporte une solution constructive à l'un des problèmes les plus douloureux du monde moderne.

Le PRESIDENT, au nom de la Conférence, remercie le représentant de l'Union interparlementaire de son admirable et lumineux exposé. Lorsque le texte de la résolution adoptée par l'Union interparlementaire aura été distribué1, les membres de la Conférence ne manqueront pas de l'examiner attentivement et ils ne perdront pas de vue les questions qui y sont traitées.

M. ROLLIN (Union interparlementaire) se retire.

2. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5) (suite de la neuvième séance) :

Le PRESIDENT invite les représentants à poursuivre l'examen du projet de convention et met en discussion l'article 15.

i) Article 15 - Rationnement

Par 17 voix contre zéro, avec une abstention, l'article 15 est adopté.

ii) Article 16 - Logement (A/CONF.2/31)

M. MAKIEDO (Yougoslavie) déclare que la délégation yougoslave a présenté un amendement à l'article 16 (A/CONF.2/31) ; ce serait, en effet, commettre une injustice à l'égard des réfugiés qui se trouvent dans les pays où le logement est soumis au contrôle des autorités publiques que de leur réserver un traitement différent de celui qui est accordé aux nationaux en ce qui concerne le logement.

Il sera impossible aux réfugiés de trouver à se loger s'ils ne jouissent pas du même traitement.

Par 9 voix contre une, avec 7 abstentions, l'amendement de la Yougoslavie est rejeté.

Par 17 voix contre zéro, avec une abstention, l'article 16 est adopté.

iii) Article 17 - Education publique (A/CONF.2/31, A/CONF.2/45)

Le PRESIDENT rappelle que des amendements à l'article 17, qui traite de l'éducation publique, ont été présentés par la Yougoslavie (A/CONF.2/31) et la République fédérale allemande (A/CONF.2/45).

M. MAKIEDO (Yougoslavie) retire son amendement en faveur de celui soumis par la délégation de la République fédérale allemande (A/CONF.2/45). La délégation yougoslave estime qu'en matière d'éducation il n'y a pas lieu d'établir de distinction entre réfugiés et nationaux.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) déclare que la première phrase du paragraphe 1 de son amendement (A/CONF.2/45) vise à permettre aux réfugiés d'accéder à l'enseignement tant élémentaire que supérieur. Les réfugiés ne seront pas les seuls à bénéficier d'une telle générosité ; les pays où ils résident en bénéficieront aussi. D'ailleurs, les pouvoirs publics sont en quelque sorte tenus moralement d'aider des jeunes gens qui se trouvent dans une situation défavorisée sans en être responsables. En outre, s'il est difficile pour les gens d'un certain âge de s'assimiler, il faut s'efforcer par tous les moyens de permettre et de faciliter aux jeunes gens une participation complète à la vie de leur pays d'adoption. Ils devraient par conséquent être autorisés à avoir accès à toutes les catégories d'enseignement dans leur nouvelle patrie. C'est en partant de ce principe que l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) a créé des universités qui ont effectué un travail excellent en faveur des jeunes réfugiés.

L'Etat n'a que trop tendance à considérer les réfugiés comme une charge et uniquement comme une charge. Il ne faudrait pas oublier que jadis des émigrants ont apporté une utile contribution à la culture de leur pays d'adoption ; l'orateur se bornera à mentionner, si le représentant de la France veut bien l'y autoriser, les réfugiés français qui avaient gagné l'Allemagne après la révocation de l'Edit de Nantes et qui ont joué un rôle très important dans la vie de l'Allemagne.

Il faut tenir compte, il est vrai, de ce qu'il en coûte pour accéder aux professions libérales et de la concurrence qui y règne. Mais le nombre des personnes intéressées reste limité, puisque la Convention, en fixant une date limite (Paragraphe A (2) de l'article premier) réduira, le nombre de réfugiés qui en bénéficieront. En outre, les conséquences de la concurrence ne se forent pas sentir immédiatement ; il faut espérer qu'avec le temps, la situation évoluera de manière satisfaisante.

La deuxième phrase du paragraphe 1 de l'amendement proposé par M. von Trützschler ne va pas tout à fait aussi loin que l'aurait voulu sa délégation ; elle n'accorde pas, en effet, aux réfugiés le même traitement qu'aux nationaux on ce qui concerne l'attribution de bourses et la remise dos droits et taxes. A ce point de vue, le système des Länder en matière d'éducation soulèvent en Allemagne certaines difficultés d'ordre constitutionnel.

En ce qui concerne le paragraphe 2 de son amendement, l'orateur tient à souligner que les réfugiés ne devraient pas seulement être autorisés à se présenter aux examens, mais devraient encore pouvoir obtenir les diplômes appropriés. L'article relatif à l'éducation devrait, il en est convaincu, traiter expressément cette question, d'autant plus que cet article concorde avec les dispositions de l'article 14, qui traite de la reconnaissance des diplômes dans les professions libérales. La législation allemande a, pour l'exercice des professions libérales, accordé aux réfugiés les même droits qu'aux ressortissants allemands. S'il s'avère impossible de prévoir la délivrance de diplômes, les réfugiés devraient du moins être autorisés à se présenter aux examens qui leur seront utiles dans leur carrière.

M. ROCHEFORT (France) serait heureux d'appuyer l'amendement présenté par la République fédérale allemande (A/CONF.2/45) s'il était compatible avec les instructions de sa délégation.

Si cet amendement était adopté, il faudrait revenir, afin que ces dispositions ne restent pas illusoires, sur les décisions déjà proses au sujet du droit au travail.

Le Gouvernement français considère qu'il ne doit pas faciliter par bourses, sauf pour les cas d'élite, des études qui ne comporteraient pas en France des débouchés professionnels. D'autre part, tous les établissements d'enseignement sont ouverts aux étrangers à l'exception de certaines grandes écoles nationales.

M. RIEGNER (Congrès juif mondial), prenant la parole sur l'invitation du PRESIDENT, appelle l'attention de la Conférence sur la proposition, semblable à celle qui est actuellement à l'examen, présentée par le Congrès juif mondial dans le mémorandum qu'il a soumis à la Conférence (A/CONF.2/NGO.1). Il désire ajouter au quelques mots, en tant que vice-président du World University Service.

En cette qualité, il a ou l'occasion de connaître le point de vue des étudiants d'universités représentant de nombreuses nationalités, religions et conceptions politiques. D'ailleurs, le World University Service, à l'instigation de sa section française, a étudié attentivement l'ensemble de la question de l'éducation des réfugiés. L'article 17 du projet de Convention, qui s'inspire d'articles analogues contenus dans des conventions antérieures, n'est pas satisfaisant. La question des bourses est de la plus haute importance pour les étudiants ; mais aux ternes de l'article 17 tel qu'il se présente actuellement, les réfugiés ne recevront pas le traitement le plus favorable accordé aux étrangers. En effet, ce traitement résulte d'accords bilatéraux qui prévoient un certain nombre de bourses fixes et l'échange d'étudiants entre les Etats contractants. De cette manière, le paragraphe 2 de l'article 17 ne sera pas effectivement applicable aux étudiants réfugiés, à moins qui la question ne soit régie par des actes législatifs généraux et non par des accords bilatéraux. L'enquête effectuée par le World University Service a montré que le système des accords bilatéraux serait inapplicable aux réfugiés. La question est d'autant plus grave qu'ils cesseront sous peu de bénéficier de l'assistance généreuse et précieuse fournie aux étudiants par l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR).

Une autre difficulté dont il faut tenir compte est celle la reconnaissance des diplômes. Le problème mérite d'être étudié avec soin. L'orateur craint que le texte du paragraphe 2 de l'amendement soumis par la République fédérale allemande ne soit en pratique au détriment des étudiants réfugiés.

M. ROCHEFORT (France) tient à préciser qu'en France il existe une distinction entre les bourses accordés en vertu de traités bilatéraux et celles dont bénéficient les réfugiés. Dans ce dernier cas, les subventions de l'OIR ne couvrent qu'une partie des crédits nécessaires et la disposition de ces subventions ne mettra pas fin aux efforts du Gouvernement français dans ce domaine. A l'heure actuelle, un grand nombre de réfugiés bénéficient de ces bourses et si le Gouvernement français est disposé à accorder aux réfugiés toute l'aide possible dans ce domaine, il peut se permettre d'aller au delà des mesures qu'il a déjà prises.

M. HOARE (Royaume-Uni) déclare que l'article 17 crée certaines difficultés au gouvernement du Royaume-Uni. On ne peut que souscrire au but général de cet article, mais M. Hoare croit devoir faire observer que, s'il est vrai que l'article 17 s'intitule « Education publique », le paragraphe 1 mentionne « l'enseignement primaire » et non pas « l'enseignement primaire public ». Or, le titre ne figurera pas dans le texte définitif de la Convention et il convient donc do bien préciser que le paragraphe 1 vise l'enseignement primaire et que l'accès des élèves à l'école primaire est contrôlé par l'Etat. Il existe au Royaume-Uni et ailleurs des institutions reconnues comme établissements d'enseignement et sur lesquelles l'Etat n'exerce aucun contrôle, qu'il s'agisse de leur administration ou de l'admission et de l'exclusion des élèves. Ce que la Conférence doit faire, c'est obliger les Etats à accorder l'égalité de traitement aux réfugiés dans les établissements sur lesquels l'Etat exerce un contrôle.

La difficulté latente que soulève le paragraphe 2 - difficulté que d'autres représentants ont déjà mentionnée - se présente également pour le Royaume-Uni. Accorder aux réfugiés le traitement le plus favorable dont bénéficient les ressortissants d'un pays étranger soulève le problème des arrangements particuliers qui ont pu être conclus entre différents pays. C'est ainsi par exemple que le Royaume-Uni a pris des dispositions spéciales de grande envergure, en particulier pour l'instruction des soldats polonais qui sont restés dans le pays à la fin de la récente guerre. Il a fallu pour cela voter une législation spéciale qui est beaucoup plus favorable que celle qui est normalement appliquée aux étrangers. Le Gouvernement du Royaume-Uni est d'avis que le paragraphe 2 lui imposerait l'obligation juridique d'étendre à tous les réfugiés le traitement de faveur qu'il a accordé à un certain groupe. Les pays liés par le traité de Bruxelles s'efforcent également d'étendre dans un grand nombre de domaines les accords réciproques qu'ils ont conclus entre eux. Il se peut que des plans prévoyant des échanges d'étudiants et l'octroi de bourses soient mis sur pied. Voilà encore un exemple d'accords particuliers qui ne sauraient s'appliquer aux réfugiés. C'est pourquoi le représentant du Royaume-Uni propose d'adopter pour le paragraphe 2 une expression plus générale qui pourrait être celle-ci : « un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux étrangers en général dans les mêmes circonstances ». Si l'on ne modifie pas dans ce sens le texte de ce paragraphe, le Gouvernement du Royaume-Uni se verra obligé de faire des réserves sur le paragraphe 2 et M. Hoare est d'avis qu'il serait préférable d'en modifier le texte de façon à le rendre acceptable pour tous plutôt que de l'adopter sous sa forme actuelle et d'obliger un certain nombre de gouvernements à formuler des réserves.

M. FRITZER (Autriche) désire, comme le représentant du Royaume-Uni, que l'on fasse figurer explicitement au paragraphe 1 l'expression « enseignement primaire public ».

M. HERMENT (Belgique) appuie, lui aussi, le point de vue du représentant du Royaume-Uni. Les mêmes difficultés se posent en Belgique. Pour ces raisons, la délégation belge est on mesure d'appuyer le paragraphe 1 de l'article 17 ; on ce qui concerne le paragraphe 2, elle estime nécessaire de prévoir que les réfugiés recevront le traitement accordé aux étrangers en général ; autrement, elle devra formuler une réserve expresse dans ce domaine.

M. THEODOLI (Italie) souscrit aux déclarations des représentants de la Belgique et du Royaume-Uni et déclare que, comme eux, il devra formuler une réserve sur le paragraphe 2.

M. ZUTTER (Suisse) déclare que la délégation suisse peut accepter le texte de l'article 17 tel qu'il figure dans le projet de convention. Par contre, elle ne pourra appuyer l'amendement de la République fédérale allemande, car en Suisse, l'enseignement est du ressort des cantons et non pas de la Confédération.

M. Zutter indique par ailleurs que le Gouvernement fédéral helvétique continuera d'accorder aux réfugiés toutes les facilités nécessaires pour leur permettre de poursuivre leurs études, comme il l'a déjà fait dans le passé.

M. CHANCE (Canada) précise que le Canada se trouve dans une situation qui lui permet d'adopter une attitude très libérale au sujet du paragraphe 2 de l'article 17, mais il estime que l'argument du représentant du Royaume-Uni est valable et, pour cette raison, il appuiera un amendement rédigé dans le sens indiqué par ce représentant. M. Chance est également d'avis que l'« enseignement primaire public » devrait être explicitement mentionné au paragraphe 1.

En outre, il croit devoir indiquer, étant donné que l'enseignement au Canada n'est pas du ressort du gouvernement fédéral que l'insertion de l'article généralement désigné sous le nom de « clause fédérale », paraît indispensable à son gouvernement à propos de l'ensemble de l'article 17.

Le PRESIDENT demande au représentant de la République fédérale allemande de vouloir bien préciser, sur un point particulier, l'amendement qu'il a propose.

Dans certains pays l'enseignement supérieur se donne dans des institutions privées, après quoi, l'étudiant suit dans une université des cours sanctionnée par un diplôme qui lui permet d'exercer une profession. Dans d'autres pays, - et le Président croit se rappeler que c'est le cas en Allemagne - le diplôme obtenu dans certaines spécialités telles que le droit par exemple est sans valeur s'il n'est pas suivi d'un stage pratique effectué sous les auspices des autorités gouvernementales. Ce n'est qu'à la fin d'une période probatoire de deux ou trois ans que l'étudiant subit un examen final et qu'il et qu'il peut enfin exercer sa profession. Le paragraphe 2 de l'amendement (A/CONF.2/45) vise-t-il un tel système lorsqu'il mentionne le « droit de se présenter aux examens ».

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) déclare que dans sa pensée son amendement s'applique a l'ensemble de l'enseignement public et à tous les examens y compris ceux qui confèrent un diplôme d'Etat. Si un réfugié remplit toutes les conditions exigées d'un ressortissant allemand, il aura le droit de se présenter à l'examen final, même si cela implique un stage pratique dans une administration officielle. Il ne pense pas toutefois qu'il puisse pour autant devenir fonctionnaire à moins qu'il n'acquière la nationalité allemande.

M. HERMENT (Belgique) estime nécessaire de préciser que le simple fait d'être admis aux examens universitaires ne confère nullement le droit d'exercer une profession. En effet, il peut s'agir d'un diplôme universitaire purement scientifique ; aussi, pour répondre aux préoccupations qui font l'objet du paragraphe 2 de l'article 17, aurait-il fallu préciser qu'il s'agit des examens donnant le droit d'exercer une profession et non pas en général de tous les examens reconnus par l'Etat.

M. ROCHEFORT (France) précise que la délégation française ne s'oppose pas à l'article 17 bien qu'elle eût préféré une formule tenant compte des difficultés mentionnées par les orateurs précédents. Les réserves qu'elle a formulées concernent l'octroi de bourses aux étrangers et, à ce propos, il faut noter qu'on France tous les étrangers peuvent être admis dans tous les établissements d'enseignement, sauf dans certaines grandes écoles donnant accès à des fonctions dont les étrangers sont exclus, comme par exemple l'Ecole normale supérieure, l'Ecole polytechnique, etc, et encore ils peuvent y entrer dans certaines conditions, à titre étranger.

Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark indique qu'il croit savoir qu'en matière d'enseignement on ne fait aucune distinction dans les pays scandinaves entre nationaux et étrangers, mais s'il n'en était pas ainsi, les pays scandinaves pourraient être amenés à faire, en tant que groupe régional, une réserve générale sur l'article 17.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) appuie le proposition d'amendement du paragraphe 1 formulée par le représentant du Royaume-Uni, et déclare qu'il se pourrait que son Gouvernement soit amené à formuler, à propos du paragraphe 2, une réserve analogue à colle dont ont parlé d'autres représentants.

M. PETREN (Suède) ne saurait affirmer que la situation dans tous les Etats scandinaves soit exactement telle que le Président l'a décrite ; aussi préfère-t-il adopter la même attitude que le représentant du Royaume-Uni.

Le PRESIDENT fait observer que le titre « éducation publique » ne figurera pas dans le texte définitif comme l'a fait remarquer le représentant du Royaume-Uni. Il sera donc nécessaire de modifier ce texte pour bien préciser qu'il s'agit seulement de l'enseignement public. Mais c'est là une tâche que l'on peut laisser au Comité du style.

M. BUENSOD (Pax Romana) prenant la parole sur l'invitation du Président, fait remarquer que le paragraphe 2 de l'article 16 concerne l'obtention des diplômes universitaires. Or, il existe, comme on l'a déjà dit, une différence entre le fait d'acquérir un tel diplôme et celui d'exercer une profession libérale ; aussi, en accordant aux réfugiés la possibilité de se présenter aux examens reconnus par l'Etat dans les mêmes conditions que les nationaux, les Etats conserveraient cependant la possibilité de restreindre l'accès aux professions libérales.

Le PRESIDENT met aux voix l'amendement déposé par la délégation de la République fédérale allemande (A/CONF.2/45).

Par 10 voix contre 3, avec 6 abstentions, cet amendement est rejeté.

Le PRESIDENT met aux voix l'amendement au paragraphe 2 présenté par la délégation du Royaume-Uni et tendant à remplacer les mots « le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants d'un pays étranger » par les mots « un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux étrangers en général dans les mêmes circonstances. »

Par 12 voix contre une. Avec 5 abstentions, l'amendement du Royaume-Uni est adopté.

Le PRESIDENT met aux voix l'article 17 ainsi amendé.

Par 16 voix contre zéro, avec 2 abstentions, l'article 17 ainsi amendé est adopte.

iv) Article 18 - Assistance publique

M. THEODOLI (Italie) rappelle que le Gouvernement italien a fait un effort spécial en novembre 1950 lorsqu'il s'est engagé vis-à-vis de l'Organisation internationale pour les réfugiés à accueillir un grand nombre de réfugiés parmi lesquels figuraient mille malades qui devaient être hospitalisés. Pour ces malades, le Gouvernement italien a accepté de payer leur vie durant les mêmes prestations que pour les Italiens bénéficiant de l'assistance publique. Cette décision a entraîné une charge très lourde, particulièrement en raison du fait qu'il est peu probable que ces malades puissent jamais travailler. Le Gouvernement italien éprouverait de grandes difficultés à prendre l'engagement prévu à l'article 18 à l'égard d'un nombre indéterminé de réfugiés. C'est pour cette raison que la délégation de l'Italie désire préciser à la Conférence qu'après avoir demandé de nouvelles instructions à son Gouvernement elle devra peut-être faire une réserve au sujet de cet article. M. Theodoli désire ajouter que si un organe des Nations Unies devait à l'Italie apporterait sa contribution à l'effort collectif entrepris en faveur des deshérités de cette catégorie.

Le PRESIDENT met l'article 18 est adopté.

A l'unanimité, l'article 18 est adopté.

v) Article 19 - Législation du travail et sécurité sociale

Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark, indique que dans son pays une personne assurée ne verse qu'une contribution symbolique à la sécurité sociale et qu'en réalité c'est l'Etat qui alimente les divers fonds. Le Gouvernement danois est prêt à étendre les avantages de la sécurité sociale aux réfugiés, mais d'après le système danois, il serait nécessaire que les prestations payées aux réfugiés proviennent d'autres fonds que ceux de l'assurance-vieillesse ou d'autres caisses similaires. S'il est bien entendu qu'un tel arrangement ne peut être considéré comme une infraction aux dispositions de l'article 19, la délégation danoise n'insistera pas faire une réserve sur ce point.

M. HOARE (Royaume-Uni) relève que l'on rencontre la même situation au Royaume-Uni. Il existe certaines pensions de vieillards auxquelles les étrangers n'ont pas droit, mais leur octroi dépend des ressources du demandeur, et un étranger payant des ressources équivalentes recevrait le du demandeur, et un étranger payant des ressources équivalentes recevrait le même secours aux termes de la loi sur la sécurité sociale. Il avait pensé que l'on pourrait interpréter l'article 19 dans un sens suffisamment large pour répondre aux conditions particulières du Danemark et du Royaume-Uni dans ce domaine.

M. ZUTTER (Suisse) dit que la délégation suisse ne saurait entièrement souscrire aux dispositions de l'article 19, Bien qu'elle approuve les dispositions de l'alinéa a) du paragraphe 1, elle se voit contrainte de rester sur une certaine réserve en ce qui concerne l'apprentissage et la formation professionnelle. A cet égard, les réfugiés sont certes traités avec bienveillance en Suisse ; néanmoins, la Suisse ne pourrait pas s'engager sans conditions à les traiter sur un pied d'égalité avec ses nationaux et à leur procurer, par exemple, des places d'apprentissage, même lorsque, dans certaines professions, le nombre de ces places serait insuffisant pour répondre aux besoins des jeunes Suisses. Dans ce domaine, les réfugiés devront par conséquent être traités comme le sont les autres étrangers. Il faut entendre par là qu'ils ne seront soumis à aucune restriction s'ils possèdent une autorisation d'établissement en Suisse. Par contre, s'ils jouissent simplement d'une autorisation de séjour, ils devront demander une autorisation spéciale dans chaque cas d'espèce, cette demande étant d'ailleurs examinée avec bienveillance dans le cas des réfugiés.

En ce qui concerne l'octroi aux réfugiés d'un traitement identique à celui des nationaux dans le domaine de la sécurité sociale, une telle mesure soulèverait certaines difficultés en ce qui concerne l'assurance - chômage et l'assurance - vieillesse.

En effet, selon la loi suisse, les travailleurs étrangers ne peuvent, en principe, s'assurer contre le chômage que s'ils sont autorisés à accepter un emploi, c'est-à-dire si aucune prescription de la police des étrangers ne compromet leurs possibilités de trouver du travail. Les étrangers qui séjournent en Suisse depuis un temps assez bref et qui, par conséquent, ne jouissent pas d'une autorisation d'établissement, sont soumis à de telles restrictions. Il arrive donc qu'ils ne peuvent être employés, et par conséquent, qu'ils ne soient pas assurables. Néanmoins, on tend de plus en plus à supprimer les restrictions auxquelles les réfugiés sont soumis pour l'emploi et la plupart d'entre eux peuvent s'assurer. De ce fait, ils sont traités la plupart du temps aussi bien, sinon mieux, que les autres étrangers. Par contre, le Gouvernement fédéral suisse ne pourra s'engager formellement à leur accorder le même traitement qu'aux nationaux. Il devra donc formuler une réserve précisant que le traitement accordé aux réfugiés dans le domaine de l'assurance-chômage est identique à celui des étrangers en général.

Pour ce qui est de l'assurance-vieillesse et des allocations versées aux survivants, la réglementation actuelle en Suisse est encore plus complexe. Bien que les étrangers, et par conséquent les réfugiés, soient aussi assurés, ils font l'objet de certaines dispositions spéciales. A l'heure actuelle, le Gouvernement fédéral suisse ne voit pas la possibilité de modifier la loi relative à l'assurance-vieillesse et aux allocations versées aux survivants. Il sera donc contraint de formuler au sujet de l'alinéa (b) du paragraphe 1 de l'article 19, une réserve précisant que dans ce domaine les réfugiés ne bénéficieront pas du traitement accordé aux nationaux, mais de celui dont jouissent les étrangers en général.

M. CHANCE (Canada) fait observer qu'au Canada certaines des questions traitées dans l'article 19 sont du ressort des autorités fédérales, d'autres du ressort des autorités provinciales. Il n'y a aucune distinction entre les nationaux et les étrangers ou les réfugiés, bien qu'il existe des différences entre les lois des différentes provinces, Sous réserve de la reconnaissance de cette situation, la délégation du Canada peut appuyer l'article 19 sans difficulté.

M. PETREN (Suède) déclare que, d'une manière générale, la délégation suédoise peut accepter l'article 19. Il tient à souligner cependant, en ce qui concerne l'alinéa b) du paragraphe 1 que, si la plupart des prestations de la sécurité sociale sont accordées, on Suède, de la même façon aux étrangers et aux nationaux dans certains cas - en particulier en ce qui concerne l'assurance vieillesse l'assistance peut être, on fait, apportée d'une façon différente aux uns et aux autres. Le Gouvernement suédois pourrait donc estimer nécessaire de faire certaines réserves à l'égard de ce paragraphe.

Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark, indique que le Gouvernement danois n'aurait aucune difficulté à se conformer aux obligations stipulées dans le paragraphe 1 mais qu'il pourrait estimer nécessaire de formuler certaines réserves à propos du paragraphe 2. Les Danois ne sont pas autorisés à percevoir des pensions lorsqu'ils résident à l'étranger, de sorte qu'il pourrait ne pas être possible, par exemple, d'autoriser le transfert à une veuve résidant en dehors du pays de la prestation à laquelle elle aurait droit à la suite de la mort d'un réfugié..

M. HOARE (Royaume-Uni) n'est pas sûr que le Royaume-Uni puisse se conformer à la stipulation prévue au paragraphe 2, pour la raison qui a été indiquée par le représentant du Danemark.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale allemande) indique que la délégation allemande se trouve dans une situation analogue. Il n'avait pas pensé cependant que les mots « les droits à prestation » impliquaient le transfert d'une telle prestation en dehors du territoire de l'Etat contractant.

M. THEODOLI (Italie) rappelle à la Conférence la déclaration faite par la délégation italienne à propos des articles 12 à 14 du projet de Convention et ajoute qu'en Italie les lois régissant la sécurité sociale et le travail sont étroite ment liées à la question du travail rémunéré.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) déclare que la délégation des Pays-Bas se trouvera dans l'obigation de faire une réserve à propos du paragraphe 2, en raison de la possibilité de transfert des prestations qui est régi par la réglementation relative aux changes.

M. ANKER (Norvège) rappelle les remarques sur la législation norvégienne en matière d'assurances sociales qu'il a faites au cours d'une séance précédente dans sa déclaration générale. La position de la Norvège est la même que celle de la Suède et du Danemark et il s'associe aux observations qui ont été formulées par les représentants de ces deux pays. Certaines disposition du système norvégien de sécurité sociale s'appliquent à tous les habitants du pays ; les pensions aux vieillards, par exemple, sont payées à tous les habitants sons réserve d'une période minimum de résidence dans le pays. Mais d'autres dispositions ne s'appliquent qu'aux ressortissants norvégiens. En conséquence, le Gouvernement norvégien ne peut approuver les dispositions de l'alinéa b) du paragraphe 1 sans modifier sa législation, et il se trouvera dans l'obligation de formuler une réserve à propos de cet alinéa, bien qu'il ait l'intention de s'efforcer d'obtenir l'égalité de traitement entre nationaux et réfugiés.

M. HOARE (Royaume-Uni) relève que le paragraphe 3 semble destiné à faire bénéficier les réfugiés des accords conclus entre les Etats en vue de permettre aux ressortissants d'un pays de conserver dans un autre pays tous les droits à la sécurité sociale ou certains de ces droits acquis dans leur pays. Le représentant du Royaume-Uni n'a aucune objection à formuler à l'égard du principe selon lequel ces accorde - qui sont nombreux - devraient s'appliquer aux réfugiés comme aux nationaux ; le texte du paragraphe 3 tel qu'il est rédigé semble toutefois admettre la possibilité qu'un Etat partie à la Convention soit tenu, par un accord bilatéral, d'appliquer aux réfugiés provenant d'un Etat non partie à la convention les mêmes conditions que celles qu'il applique à ses propres ressortissants. Une telle obligation unilatérale constituerait pour l'Etat partie à la convention une charge injustifiée et l'orateur doute qu'elle soit applicable sans la coopération de l'Etat non partie à la Convention. Le représentant du Royaume-Uni croit qu'à l'origine on avait eu l'intention de dire que. Lorsque de tels accords existaient entre les Etats contractants, ils devraient s'appliquer automatiquement aux réfugiés des deux pays. Dans ces conditions, il propose de remplacer les mots « ces accords », à la troisième ligne du paragraphe 3, par les mots « tout accord qui pourrait être on vigueur entre les Etats contractants »

M. ROBINSON (Israël) croit que la portée du paragraphe 3 est plus limitée que ne l'a laissé entendre le représentant du Royaume-Uni. Le Comité spécial avait envisagé, au sujet des avantages dont devaient jouir les citoyens des deux pays, le cas hypothétique d'un accord entre la France et la Pologne, et la question avait été posée de savoir si un réfugié de Pologne pendrait les droits qu'il avait acquis dans ce pays avant de le quitter, s'il demandait au Gouvernement français de le traiter comme un réfugié. Tel est, pense-t-il, le cas qui est envisagé dans le paragraphe 3.

M. HOARE (Royaume-Uni) relève que c'est là une interprétation possible de l'objet du paragraphe 3 ; toutefois, il ne connaît pas l'historique de la question. Dans le domaine de la sécurité sociale, la plupart des accords bilatéraux sont de date récente et il doute que dos accords de cette nature aient été conclus entre d'éventuels Etats contractants et des Etats où sévirait, dit-on, la persécution.

M. HERMENT (Belgique) précise qu'à sa connaissance, il existe notamment un accord de ce genre, conclu entre la Belgique et la France. Cet accord vise le cas de personnes qui auraient versé des cotisations on vue de bénéficier ultérieurement des assurances sociales et qui transféreraient leur résidence d'un pays à l'autre. L'accord prévoit que les cotisations versées dans le premier des pays seront, au point de vue de l'admission aux avantages de la sécurité sociale, considérées comme si elles avaient été versées dans le second pays de résidence, que le travailleur soit ressortissant de l'un ou l'autre des deux pays.

Un avenant est intervenu ultérieurement entre la France et la Belgique étendant le bénéfice de cet accord aux réfugiés qui ont contribué aux Assurances sociales dans l'un ou l'autre des doux pays.

M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer que le représentant d'Israël a pu penser à la disposition figurant dans le paragraphe 4 plutôt qu'à celle du paragraphe 3. Il souscrit aux observations du représentant de la Belgique.

M. HERMENT (Belgique) se déclare entièrement d'accord avec l'interprétation donnée par le représentant du Royaume-Uni. Des accords de cette nature comportent un engagement signé entre les Etats contractants. Dans le cas présent, le Haut Commissaire pour les réfugiés pourrait intervenir auprès des Etats contractants pour les engager à étendre aux réfugiés le bénéfice des dispositions accordées aux nationaux des deux pays. Il faut noter à ce propos qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une obligation, mais d'une simple recommandation.

M. ROBINSON (Israël) reconnaît que le paragraphe 4 prévoit le cas auquel il pensait. Il approuve également les observations du représentant de la Belgique. Il estime toutefois qu'avant de voter sur cette question particulièrement importante, il serait judicieux de consulter les rendus des discussions qui ont déjà été consacrées au sujet.

Le PRESIDENT demande au représentant d'Israël d'examiner ces comptes rendus et de renseigner la Conférence lors de sa prochaine séance. En attendant, il met aux voix les paragraphes 1 et 2 de l'article 19.

Par 17 voix contre zéro, avec une abstention, les paragraphes 1 et 2 de l'article 19 sont adoptés.

La séance est levée à 17 h. 45.


1 Voir le document A/CONF.2/NGO.8