Compte Rendu Analytique de la 491ème séance tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 4 octobre 1994, à 10 heures.
Compte Rendu Analytique de la 491ème séance tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 4 octobre 1994, à 10 heures.
A/AC.96/SR.491
COMITE EXECUTIF DU PROGRAMME DU HAUT COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES POUR LES REFUGIES
Quarante-quatrième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 483ème SEANCE tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 4 octobre 1994, à 10 heures.
Président : M. KAMAL (Pakistan)
SOMMAIRE
Débat général (suite)
Le présent compte rendu est sujet à rectifications.
Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.
Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.
La séance est ouverte à 10 h 10.
DEBAT GENERAL (point 4 de l'ordre du jour) (suite)
1. M. CERVANTES VILLARREAL (Observateur du Mexique), prenant la parole au nom des pays membres de la Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains (CIREFCA) à savoir le Belize, le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et le Mexique, évoque le processus de la CIREFCA qui, engagé en 1989, s'est achevé en juin 1994 à Mexico. La CIREFCA a facilité la recherche concertée de solutions au grave problème des réfugiés en Amérique centrale. Les participants à la CIREFCA sont convaincus que la paix, la démocratie et le développement sont indissociables et qu'il ne peut y avoir de paix durable sans initiative visant à régler les problèmes des populations déplacées du fait des conflits armés. Pour la première fois, la Conférence a aussi établi un lien entre la législation relative aux réfugiés et le respect des droits de l'homme, ainsi qu'entre le problème des réfugiés et celui des rapatriés et personnes déplacées, en recherchant pour chacun de ces groupes des solutions souples.
2. Tous les participants à la Conférence - pays membres, pays coopérants, organisations non gouvernementales et système des Nations Unies, dans le cadre duquel les Hauts Commissaires successifs des Nations Unies pour les réfugiés, et en particulier Mme Ogata, ont joué un rôle fondamental - ont contribué au succès dont on se félicite aujourd'hui. Grâce au consensus et au dialogue, la CIREFCA a trouvé des moyens spécifiques pour résoudre les problèmes des populations touchées par les conflits en Amérique centrale. Elle a obtenu l'appui de la communauté internationale, s'est transformée en un mécanisme novateur et est devenue un exemple dans le domaine de la protection internationale, ce qui a beaucoup contribué au processus de paix dans la région. Reste maintenant à espérer qu'il n'y aura bientôt plus de réfugiés en Amérique centrale.
3. Les pays membres de la CIREFCA considèrent que la conclusion de ce processus ne marque pas la fin de leur collaboration mais est au contraire un point de départ pour prendre de nouveaux engagements et faire à l'avenir plus facilement face avec succès aux graves problèmes qui n'ont pas encore été réglés. A la troisième et dernière session de la CIREFCA, ils se sont engagés à s'efforcer d'atteindre des objectifs encore plus ambitieux. Ils ont en effet mis au point pour les années à venir une stratégie axée sur l'épanouissement de l'être humain dans un certain nombre de zones géographiques de la région, où seront menées des politiques nationales concertées visant à renforcer la paix et éliminer l'extrême pauvreté.
4. Il reste encore notamment à définir, de concert avec le HCR, la solution durable la plus appropriée, essentiellement le rapatriement librement consenti, au problème des réfugiés guatémaltèques hébergés pour la plupart au Mexique. Les pays membres de la CIREFCA se félicitent à ce propos des progrès réalisés dans les négociations en cours visant à instaurer une paix solide et durable au Guatemala. Parmi les autres tâches que la Conférence s'est fixées figurent notamment la promotion des droits de l'homme et des processus démocratiques, la préservation des valeurs culturelles et le renforcement de l'appui à la réinsertion des personnes rapatriées et des populations déplacées. Les pays membres de la Conférence sont convaincus qu'en s'attaquant aux causes des déplacements de populations et de l'exclusion sociale - et non pas seulement à leurs conséquences - ils parviendront à supprimer ces phénomènes dans la région.
5. Pour atteindre ces objectifs, ils ont fait preuve de volonté politique, ont fait appel à leur imagination et à leur expérience et ont travaillé sans relâche. Ils sont convaincus que dans la nouvelle phase qui s'ouvre, ils pourront compter sur la collaboration active de la communauté internationale et du système des Nations Unies.
6. Mme ALGOBSHAWI (Soudan) indique que, du fait de sa position géographique, le Soudan continue de faire face à un afflux de réfugiés qui a notamment des effets négatifs sur sa population et ses infrastructures. Le Soudan est convaincu de la nécessité d'accueillir les réfugiés, mais considère que la communauté internationale devrait essayer de trouver des solutions durables aux problèmes humanitaires et d'encourager le rapatriement librement consenti. Un accord avait été conclu en février 1993 pour le rapatriement d'environ 350 000 réfugiés éthiopiens. Le Soudan est en train d'achever les préparatifs nécessaires au rapatriement de 12 000 d'entre eux, prévu pour la fin octobre 1994, chiffre qui ne représente qu'une infime partie du nombre total de réfugiés accueillis au Soudan. Le Soudan continue d'oeuvrer en faveur de la signature d'un accord tripartite avec l'Erythrée et le HCR, mais malheureusement l'Erythrée s'y refuse. Il a donc dû se contenter de signer le 6 septembre 1994 un accord bilatéral avec le HCR pour le rapatriement librement consenti des Erythréens. Un projet pilote devrait être lancé pour le rapatriement d'environ 25 000 réfugiés de ce pays. Le Soudan espère que cet accord sera respecté, même par ceux qui ne l'ont pas signé et refuse catégoriquement que le rapatriement s'opère en fonction de critères sélectifs.
7. Le Soudan constate que la communauté internationale est très réticente à aider les réfugiés et que l'assistance financière diminue année après année. Le Soudan n'est pas riche, mais continue néanmoins d'aider les réfugiés conformément à des principes purement humanitaires. Il est certain que des considérations politiques entrent en jeu et nuisent à la situation des réfugiés. L'Union européenne, par exemple, refuse pour des raisons politiques d'accorder une assistance aux réfugiés dans certaines régions. Il arrive aussi souvent que des missions humanitaires quittent le pays du jour au lendemain sans aucune raison apparente, alors que le Soudan avait déjà tout prévu pour leur faciliter la tâche.
8. Le Soudan estime que les fonds du HCR ne sont pas équitablement répartis entre les pays qui accueillent des réfugiés. En 1994, par exemple, deux pays accueillant l'un entre 250 000 et 300 000 réfugiés et l'autre 540 000 ont reçu une assistance de 24 millions et 35 millions de dollars respectivement, alors que le Soudan avec plus de 745 000 réfugiés n'a reçu que 12,6 millions de dollars.
9. Le Soudan s'acquitte résolument de ses obligations internationales humanitaires et a participé à des actions humanitaires visant à accueillir des réfugiés sur son sol. Il leur offre de nombreux avantages et certains peuvent même exploiter des terres. Les réfugiés ont toute liberté d'action et de circulation au Soudan et beaucoup ont reçu une aide pour accomplir les formalités administratives nécessaires pour mener des activités commerciales et économiques. Les avantages dont bénéficient les réfugiés au Soudan sont comparables à ceux dont bénéficient tous les étrangers qui s'y livrent à des activités commerciales ou économiques. Le Soudan s'occupe des réfugiés sans tenir compte de considérations politiques. Le HCR devrait, quant à lui, assumer pleinement ses responsabilités en contribuant à la remise en état des infrastructures qui ont beaucoup souffert des afflux de réfugiés, surtout dans les régions qui n'étaient pas préparées à en accueillir autant.
10. Le Soudan n'oublie pas qu'il y a aussi environ 250 000 réfugiés soudanais dans des pays voisins et constate avec regret qu'ils ne reçoivent pas toujours la protection à laquelle ils pourraient prétendre. En outre, plusieurs milliers de réfugiés soudanais sont victimes de pratiques de coercition et de discrimination auxquelles sont mêlées certaines personnalités soi-disant fort respectables. Un réfugié soudanais dans un pays frère a été refoulé parce qu'il était accusé de vouloir semer la discorde et le désordre. Ceci est contraire aux pratiques humanitaires. Les réfugiés doivent bénéficier d'une assistance sans distinction de couleur, de race et d'appartenance sociale et le pays concerné devrait remédier à la situation. Le Soudan est soucieux de voir assurée la protection de ses citoyens dans les pays voisins et voudrait garantir leur rapatriement librement consenti, mais s'est heurté à de nombreux obstacles à cet égard. Il lance un appel au HCR pour qu'il joue un rôle positif en convainquant les pays d'accueil des réfugiés soudanais de permettre aux autorités soudanaises de rendre visite à ceux-ci. Au Soudan, les portes sont toujours ouvertes au HCR et à tous ceux qui veulent rendre visite à leurs concitoyens qui y sont réfugiés.
11. Le Soudan vient d'être le théâtre d'un crime contre l'humanité. Vingt mille enfants soudanais ont été enlevés et des terrains minés pour empêcher toutes représailles. Il s'agit là d'agissements horribles et condamnables, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants qui risquent d'être engagés dans la guerre. Le Soudan exhorte le HCR, le CICR, les divers pays concernés et la communauté internationale tout entière à l'aider à sauver ces enfants.
12. La représentante du Soudan relève avec surprise qu'un rapport du HCR donne à entendre que la guerre qui sévit dans le sud a pour seule origine l'application de la charia. Cette information est totalement fausse car l'application de la charia comme loi fondamentale a été décidée fin septembre 1983 alors que la guerre avait commencé bien avant, à la fin de l'été 1983. Cette guerre s'explique par les politiques abjectes, horribles du colonialisme. Les chrétiens et les adeptes d'autres religions peuvent en effet pratiquer librement leur religion et ne sont nullement inquiétés.
13. Il est affirmé dans une autre partie du rapport en question que le Gouvernement soudanais favorise certaines parties dans la guerre menée dans le sud du pays. Le Gouvernement soudanais a pourtant essayé de distribuer des denrées alimentaires, notamment du maïs, à tous les réfugiés, même dans la zone de conflit. Le Soudan a aussi ouvert son espace aérien pour permettre à des missions étrangères de traverser le pays pour aller mettre un terme à cette guerre. Malheureusement, certains fonctionnaires de l'ONU ont été assassinés dans la région. Le Soudan ne peut accepter les allégations sans fondement qui figurent dans le rapport du HCR. La représentante du Soudan tient d'ailleurs à ajouter que le Gouvernement soudanais a créé un conseil supérieur de la paix chargé de la reconstruction dans le sud et a engagé des pourparlers avec les rebelles de cette région.
14. Selon un autre paragraphe du rapport, le Gouvernement soudanais n'aurait pris aucune mesure pour régler les problèmes qui se posent dans le sud du pays. Cette allégation est elle aussi absolument dénuée de tout fondement. Les autorités soudanaises se sont efforcées de donner toutes les facilités possibles aux réfugiés et aux immigrés dans les domaines de la santé, de l'hygiène et de l'éducation notamment. Elles ont essayé de transférer dans les camps de réfugiés bien organisés certains rebelles qui avaient été blessés et ne pouvaient recevoir sur place l'assistance médicale dont ils avaient besoin. Elles ont facilité les déplacements des missions des Nations Unies. Chacun peut venir voir ce qui se passe dans les camps et se faire une idée exacte de la réalité.
15. Le Soudan souhaite que les organisations internationales vérifient les fondements de leurs affirmations. La délégation soudanaise suit avec intérêt les efforts faits pour améliorer la coopération entre les ONG et les organismes des Nations Unies. Elle estime qu'il faudrait réexaminer les recommandations faites par la Conférence d'Oslo en juin 1994 et les reformuler pour qu'elles correspondent davantage à la réalité et puissent favoriser l'exécution de divers projets.
16. M. ENNACEUR (Tunisie), parlant au nom de la présidence de l'Organisation de l'unité africaine, rend hommage au Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés pour le dévouement dont elle fait preuve au service de la cause des réfugiés partout dans le monde et en Afrique en particulier, premier continent par le nombre de réfugiés avec près de 40 % de la population réfugiée dans le monde. L'Afrique est particulièrement reconnaissante aux pays donateurs et aux organisations humanitaires pour l'assistance qu'ils ont fournie aux réfugiés et aux personnes déplacées en Afrique et pour les efforts qu'ils ont consentis pour atténuer leurs souffrances. L'OUA tient à rendre hommage aux pays africains limitrophes des régions sinistrées qui ont accueilli et secouru des réfugiés au prix de lourds sacrifices.
17. La présidence de l'OUA est résolue à n'épargner aucun effort pour renforcer les processus de conciliation nationale entre toutes les parties en conflit et s'efforce de contribuer à créer des conditions propices au rapatriement librement consenti des réfugiés dans leur pays d'origine. La communauté internationale devrait donc appuyer les efforts faits par l'OUA en incitant les pays donateurs à soutenir financièrement l'appareil central du mécanisme de prévention et de règlement des conflits en Afrique et à accorder la priorité au développement économique et social sur ce continent de manière à y instaurer un climat favorable à la démocratie et au respect des droits de l'homme. Tout en se félicitant de l'accroissement de l'assistance aux réfugiés, les pays africains estiment qu'il ne faut pas que l'octroi de cette assistance se fasse aux dépens de l'aide au développement parce que la plupart des mouvements de populations s'expliquent par un développement insuffisant et par l'incapacité de certains Etats à répondre aux besoins essentiels de leur population. S'il faut par la diplomatie préventive empêcher le déclenchement de conflits, il faut, lorsqu'ils se sont produits, empêcher leur réapparition en établissant une paix durable et en menant pour ce faire une action soutenue et concertée dans les domaines économique, social, culturel et humanitaire.
18. Dans son message à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de l'adoption de la Convention de l'OUA, régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, le Président de la République tunisienne et Président en exercice de l'OUA a indiqué que le renforcement de la sécurité et de la stabilité et le développement économique et social devaient permettre d'assurer le retour de tous les réfugiés dans leur pays sur le continent africain. Il a aussi appelé à nouveau la communauté internationale et tout d'abord les Etats bailleurs de fonds à placer l'aide à l'Afrique au premier plan de leurs préoccupations. Evoquant, dans un message adressé au Groupe des sept pays les plus industrialisés, les événements survenus récemment au Rwanda, le Président tunisien a insisté sur la nécessité pour la communauté internationale d'apporter un soutien effectif aux efforts des Africains et aux mécanismes de règlement des conflits de l'OUA et sur la nécessité d'une coordination étroite entre l'OUA et l'Organisation des Nations Unies, d'une part, et d'une coopération entre tous les Etats et forces épris de paix, d'autre part.
19. Le trentième sommet de l'OUA tenu à Tunis en juin 1994 s'est intéressé tout particulièrement au problème lancinant des réfugiés et a adopté une série de mesures pratiques à cet égard. Les chefs d'Etats et de gouvernements africains ont exprimé leur profonde gratitude au HCR et aux pays limitrophes des foyers de tension qui ont accueilli des réfugiés. Ils ont insisté sur la nécessité de remédier à la détérioration de l'économie et de l'environnement dans les pays d'asile et aux effets néfastes que les afflux de réfugiés avaient sur les services publics et le processus de développement dans ces pays. Il faut donc coordonner le travail des organisations à vocation humanitaire et fournir une assistance adéquate sur les plans financier, médical et matériel aux personnes en difficulté et en particulier aux groupes les plus vulnérables. Les participants au sommet de l'OUA ont dans ce contexte proposé la convocation, au plus tard en décembre 1994 à Bujumbura (Burundi), d'une conférence régionale sur l'assistance aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées en Afrique centrale. Le HCR et les pays donateurs ont accueilli favorablement cette proposition.
20. Des manifestations ont été organisées à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Convention de l'OUA sur les réfugiés. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés y a contribué et a fait part de sa détermination à appuyer le renforcement de cette Convention et la coopération entre le HCR et l'OUA en général. Le Président en exercice de l'OUA a adressé aux participants à ces manifestations un message dans lequel il a plaidé notamment pour une gestion radicale à long terme du problème des réfugiés et pour une action préventive visant au renforcement de la sécurité et au développement socio-économique du continent africain, sachant que l'avenir de la sécurité et de la stabilité dans le monde dépend en grande partie du développement.
21. La délégation tunisienne a pris note avec intérêt de la Déclaration et du Plan d'action adoptés par la Conférence mondiale sur le processus PARinAC tenue à Oslo en juin 1994. Les pays africains qui ont participé activement à ce processus depuis les réunions préparatoires de la Conférence estiment qu'il a un rôle capital à jouer dans l'examen de tous les aspects de la question des réfugiés. La complexité du problème des réfugiés exige en effet désormais une meilleure collaboration entre toutes les parties, gouvernements, organismes des Nations Unies, organisations intergouvernementales et ONG. Les pays africains espèrent donc que la mise en oeuvre du Plan d'action contribuera à renforcer les capacités des organisations humanitaires locales et leur participation aux divers stades de l'assistance et des opérations de secours en faveur des réfugiés.
22. M. VILAGOSI (Hongrie) constate que l'accueil des réfugiés est un impératif pour la communauté internationale et souligne que la Hongrie a depuis longtemps pour tradition de recevoir les persécutés. La politique de la Hongrie en matière de réfugiés, qui repose sur un consensus national, bénéficie du soutien de la population hongroise et de la coopération des ONG concernées. En Hongrie, nombreux sont les réfugiés qui sont hébergés dans des familles. Depuis 1988, 126 000 demandeurs d'asile ont été accueillis.
23. La Hongrie est fermement attachée à la coopération internationale en faveur de la protection des réfugiés. Sa collaboration avec le HCR a débuté cinq ans plus tôt, après la chute du rideau de fer, lorsqu'elle s'est trouvée confrontée à de graves problèmes imprévus d'ordre humanitaire. S'ajoutant à la crise que traversent les Slaves du Sud, les mouvements de réfugiés et les courants migratoires affectent à présent une grande partie du territoire de l'ex-Union soviétique. Cette évolution appelle de la part du Haut Commissaire des efforts concertés dans une perspective régionale. La Hongrie est favorable à la convocation d'une conférence internationale rassemblant les Etats concernés, dont l'idée a été avancée par le Haut Commissaire et qui aurait pour objet d'examiner les problèmes complexes liés aux réfugiés, aux personnes déplacées et autres personnes entraînées dans des courants de migration forcée en vue de définir une stratégie globale.
24. La Hongrie espère qu'une coopération plus étroite s'établira entre le HCR et le Haut Commissaire aux droits de l'homme. Cette coopération devrait avoir pour but tant de répondre aux questions soulevées par les déplacements forcés que d'étudier de près la situation dans les pays d'origine avant de procéder à des rapatriements librement consentis, et de veiller attentivement à la sécurité des personnes rapatriées dans le plein respect de leurs droits fondamentaux tels qu'ils sont énoncés dans les instruments juridiques internationaux. Une telle coopération serait extrêmement opportune et utile dans la perspective d'un règlement de la crise yougoslave.
25. De plus, étant donné les risques de mouvements de population dans la région de la CSCE et l'idée généralement admise selon laquelle le HCR est compétent pour l'ensemble des questions que de tels mouvements soulèvent - de la prévention des conflits à leur solution et à la réinstallation - le Haut Commissaire devrait être encouragé à nouer des relations plus étroites avec le mécanisme de la CSCE. Les tâches toujours plus difficiles auxquelles est confrontée la communauté internationale appellent en outre le renforcement de la coopération entre le HCR et ses partenaires naturels, les organisations non gouvernementales. Les recommandations de grande portée figurant dans le Plan d'action d'Oslo pourraient offrir un cadre judicieux à des efforts conjoints visant à donner une suite pratique au processus « Partenariat en action ».
26. Le représentant de la Hongrie note avec satisfaction que de hauts fonctionnaires du HCR ont contribué aux travaux de plusieurs instances et conférences concernant les réfugiés qui se sont réunies dans son pays et exprime l'espoir que ce type d'assistance se poursuivra. La politique de la Hongrie en matière de réfugiés repose entre autres principes sur celui selon lequel toute nation ou communauté possède le droit inaliénable de vivre dans sa patrie et d'y voir ses droits fondamentaux respectés. Le rapatriement librement consenti demeure certes la solution préférable aux problèmes de réfugiés mais en cas d'impossibilité, l'installation dans le pays d'asile se révèle souvent une solution adaptée, même à titre temporaire. Les pays d'asile doivent donc bénéficier de la solidarité internationale.
27. Accueil, soins médicaux, hébergement, restauration, administration des centres pour les réfugiés sont désormais autant d'activités de routine bien établies en Hongrie, mais à présent se profile une tâche d'un autre ordre complètement nouvelle : résoudre le problème que représentent les milliers de réfugiés vivant depuis plusieurs années dans les camps. La solution la plus évidente semble en théorie être l'intégration, mais dans la pratique se posent plusieurs problèmes : la majorité des personnes bénéficiant d'une protection temporaire ne souhaitent pas s'installer en Hongrie, mais préféreraient retourner dans leur pays d'origine ou s'installer dans un pays tiers, alors que leurs chances de réinstallation vont en s'amenuisant rapidement; parmi les personnes bénéficiant d'une protection temporaire nombreuses sont les personnes âgées ou handicapées et un établissement d'hygiène mentale accueille même des patients ayant besoin de soins médicaux permanents, qui n'ont aucune chance d'« intégration ». En fait, compte tenu des difficultés économiques actuelles de la Hongrie, seule l'insertion d'un tout petit nombre de personnes bénéficiant d'une protection temporaire est envisageable dans de bonnes conditions.
28. Aider les réfugiés et les personnes bénéficiant d'une protection temporaire et mettre en place un système de soins d'un type nouveau exige des efforts financiers et sociaux énormes. La Hongrie a mis en route plusieurs activités nouvelles visant à faire face à ces besoins, notamment : programme d'intégration en faveur des réfugiés susceptibles de s'installer en Hongrie, amélioration des infrastructures, des services sociaux et des soins médicaux dans les centres d'accueil, une attention spéciale étant portée à la formation psychologique, mise en place dans les centres pour réfugiés d'un enseignement de niveaux préscolaire, primaire et secondaire dispensé dans la langue maternelle des enfants, organisation de cours de formation professionnelle à l'intention des jeunes générations, l'envoi une fois par an de tous les enfants réfugiés dans des colonies de vacances situées en différents endroits du pays, adoption de dispositions spéciales pour permettre aux nombreux réfugiés musulmans de pratiquer leur religion.
29. Le succès de ces programmes suppose une assistance continue de la part du HCR. La coordination entre les différents organes et organismes s'occupant de réfugiés a été grandement améliorée au niveau tant national qu'international avec la création de l'Office pour les réfugiés et les migrations. La coopération avec la délégation du HCR à Budapest est désormais plus directe et plus fonctionnelle.
30. La Hongrie poursuit ses activités dans le domaine de la législation et de la codification et espère qu'une loi d'ensemble sur les réfugiés, conforme aux normes européennes, sera adoptée pendant l'actuelle législature. Elle accueillera volontiers toute assistance internationale susceptible de lui faciliter la tâche, en particulier le concours de fonctionnaires et experts du HCR. La Hongrie quant à elle continuera à soutenir l'action du HCR.
31. M. MAELAND (Norvège) souhaite aborder certaines questions que le Gouvernement norvégien juge particulièrement importantes à ce stade critique de l'activité du HCR et de son Comité exécutif, tout en s'associant pleinement à la déclaration faite par l'Allemagne au nom des membres de l'Union européenne et des Etats sur le point d'y adhérer.
32. Depuis la précédente session du Comité, la tendance à des conflits et catastrophes humanitaires à grande échelle s'est poursuivie sans discontinuer. Des progrès ont été accomplis dans certaines parties d'Afrique australe, d'Amérique centrale et du Moyen-Orient, mais l'ex-Yougoslavie est sur le point d'entrer dans son troisième hiver de guerre. Plusieurs pays sont en proie aux violences ethniques, aux conflits sectaires et à l'effondrement des structures d'Etat. La tragédie humanitaire du Rwanda est loin d'être achevée. Ces conflits se sont soldés par d'importants courants de réfugiés et un accroissement du nombre de personnes déplacées dans leur propre pays.
33. Les membres du Comité ont pour responsabilité spéciale d'aider le Haut Commissaire à faire face à des besoins grandissants. Il leur faut continuer à définir en collaboration avec le HCR les stratégies, priorités et modalités d'exécution. Il leur faut également déterminer comment renforcer le partenariat avec les autres organismes et les ONG. Comme l'a indiqué le Haut Commissaire dans son intervention, leur tâche est d'élaborer un ordre du jour viable pour les actions humanitaires à venir. Dans l'exercice de cette responsabilité, les membres du Comité doivent premièrement s'attacher à conforter les attributions uniques du HCR en matière de protection; il s'agit d'adapter les instruments du passé aux besoins du présent. Le respect tant des droits fondamentaux de l'homme que des principes du droit des réfugiés et du droit humanitaire par les parties concernées constitue un impératif à cet égard.
34. Presque partout dans le monde, le problème des réfugiés est en train de prendre des proportions critiques, soumettant à rude épreuve les structures et institutions en place dans le domaine de la protection internationale. La Convention de 1951 et le Protocole de 1967, qui devaient à l'origine servir de cadre juridique à la protection des individus fuyant les persécutions, demeurent la clef de voûte du droit international des réfugiés et les seuls instruments universels en faveur de la protection des réfugiés. Or le nombre de personnes ayant besoin d'une protection internationale a considérablement augmenté et il faut donc s'attaquer plus systématiquement aux questions de protection dans les cas d'exodes massifs provoqués par une guerre ou un conflit.
35. Comme le HCR, la Norvège estime qu'il faut définir de nouveaux moyens d'assurer une protection internationale aux personnes en ayant besoin dans certaines situations spécifiques même si parfois elles n'entrent pas directement dans le champ des instruments juridiques en vigueur. La notion de protection temporaire constitue à cet égard un outil positif dans la mesure où elle permet d'assurer instantanément une protection internationale. Une harmonisation régionale accrue des législations nationales touchant la protection des réfugiés représente une autre option à prendre en considération. Une déclaration globale mais non contraignante énonçant les principes directeurs à suivre en matière de protection internationale, dont l'idée a été avancée par le Haut Commissaire, ouvre d'autres perspectives intéressantes sur la manière de remédier aux lacunes actuelles du corpus juridique international. Le Gouvernement norvégien est reconnaissant au HCR d'avoir examiné de manière si approfondie les notions en rapport avec la protection et d'avoir placé cette question dans un contexte élargi. La Norvège attend avec intérêt d'examiner plus avant avec le HCR les moyens de donner corps à ces notions.
36. Deuxièmement, l'action humanitaire ne peut à elle seule éviter les crises de réfugiés ni y apporter de solutions. Comme l'a signalé le Haut Commissaire dans son allocution d'ouverture, l'action humanitaire s'inscrit toujours davantage dans une approche plus globale de la gestion des conflits. Dans de telles circonstances, l'action humanitaire possède sa valeur propre en ce qu'elle permet de porter secours aux personnes qui en ont besoin tout en possédant une valeur ajoutée, en s'inscrivant dans une action politique plus large. Assistance humanitaire et programme de réinsertion peuvent souvent concourir pour beaucoup à rapprocher les différentes sections de sociétés ravagées par la guerre, tant au cours de la phase d'urgence que dans la phase de consolidation de la paix postérieure au conflit. La réussite de tout effort global passe par une stratégie d'ensemble aux objectifs bien définis, des ressources suffisantes et une répartition précise des tâches entre les organismes concernés. Les enseignements du Rwanda donnent à penser que ce volet de l'action des Nations Unies est améliorable. Les dysfonctionnements systémiques dénoncés par certains rejaillissent négativement sur tous les organismes en jeu et les gouvernements membres. L'action humanitaire revêt une importance particulière durant la phase d'urgence des conflits et la capacité d'intervention en cas d'urgence est donc vitale. Elle suppose une solide base organisationnelle propre à permettre l'élaboration de plans d'intervention, un déploiement rapide et la coordination de l'effort humanitaire d'ensemble. Le HCR aura le plus souvent besoin de faire appel aux ressources des pays membres et des organisations non gouvernementales. Le Gouvernement norvégien ne manque pas d'être impressionné par les efforts entrepris par le HCR pour améliorer sa capacité d'intervention en cas d'urgence et continuera d'oeuvrer avec lui et les autres organismes humanitaires pour renforcer encore la capacité collective à soutenir cette action cruciale.
37. Troisièmement, vu que l'action humanitaire prend souvent place en période de conflit ou de guerre, il faut continuer à préciser la relation entre ce type d'action et les opérations de maintien de la paix. Traditionnellement, on dissociait l'une des autres pour sauvegarder la nature non politique et l'impartialité de l'action humanitaire, ce qui demeure un objectif prépondérant. Mais en Bosnie-Herzégovine, en Somalie et à l'occasion d'autres conflits encore, pour assurer l'acheminement des secours humanitaires et la protection du personnel humanitaire, il a été nécessaire de faire appel à la protection militaire des forces de maintien de la paix de l'ONU. Dans le cadre des opérations intégrées de l'ONU, la coopération se fait toujours plus grande entre les volets action humanitaire, maintien de la paix, médiation politique, observation des droits de l'homme et autres. Pour améliorer la logistique et la capacité globale de réponse, une coopération accrue avec les militaires et les responsables de la défense civile s'impose. Il faut veiller avec le plus grand soin à ménager l'espace humanitaire dans le cadre de telles opérations concertées. L'action humanitaire se déroulant dans un contexte politique, il faut résister aux efforts tendant à politiser la protection ou l'accès aux secours humanitaires. La force ne doit être utilisée qu'en tout dernier recours et toute situation où l'effort humanitaire risque de devenir otage des parties au conflit doit être évitée. Les organes coordonnant l'effort global doivent faire une place aux considérations humanitaires.
38. Quatrièmement, la nécessité d'assurer un continuum allant des secours au développement durable n'a rien perdu de son importance. Il sera toujours crucial pour le HCR d'assurer des conditions propres à garantir le retour en toute sécurité des réfugiés. La consolidation de la paix exige un processus politique propre à éviter l'éclatement de nouveaux conflits (accord de cessation des hostilités, accord politique faisant une place à des mesures globales de renforcement de la confiance, réconciliation nationale et respect des droits de l'homme). Parfois il y a en outre lieu d'assurer le rétablissement de certains pans fondamentaux de l'appareil d'Etat, tels que système judiciaire et services de santé et d'éducation, ainsi que le redémarrage de la société civile. Le rapatriement des réfugiés doit être conçu en conjonction avec ces éléments. Le retour des réfugiés ne s'effectue dans un environnement idéal que si le conflit a été résolu, ce qui est rarement le cas. Le rapatriement s'effectue donc souvent alors que persistent instabilité ou insécurité. Assurer la protection des rapatriés soulève alors de nouveaux défis majeurs. Le déploiement d'observateurs des droits de l'homme dans de telles circonstances constitue un instrument nouveau qui mérite un appui accru. La participation active des parties concernées constitue une condition préalable fondamentale à l'élimination des obstacles à la protection existant en cas de situation fragile. Les rapatriements devraient donc s'effectuer dans un cadre coordonné par le HCR, conforme à ses principes directeurs.
39. Cinquièmement, certaines tragédies humanitaires sont d'une ampleur et d'une complexité telles que le HCR n'a pas les moyens à lui seul de faire face aux problèmes que soulèvent prévention et solution. Le Gouvernement norvégien est favorable au rôle catalyseur du Haut Commissaire et appuie ses efforts visant à établir et renforcer des partenariats avec divers acteurs intergouvernementaux et non gouvernementaux; c'est avec plaisir qu'il a accueilli la Conférence mondiale « Partenariat en action » au mois de juin de l'année en cours. La Déclaration et le Plan d'action d'Oslo adoptés à cette occasion comportent un nombre impressionnant de recommandations judicieuses quant aux moyens de renforcer les rapports opérationnels entre HCR et ONG. Le Protocole conclu entre le Haut Commissariat et les ONG constitue un schéma de base solide propre à servir de support au développement d'un partenariat viable. La poursuite de ce processus appelle un soutien actif du Comité exécutif et des Etats membres. Le processus du « Partenariat en action » ne sera toutefois un succès que s'il produit des résultats concrets, en particulier sur le terrain.
40. Le représentant de la Norvège souligne, en conclusion, qu'il faut s'attacher à assurer une meilleure répartition des charges sur le plan de la mobilisation des ressources et définir un ordre de priorité aux fins de leur utilisation. Depuis de nombreuses années la contribution de la Norvège au HCR figure parmi les plus élevées (en valeur absolue et par rapport à sa population). Le représentant de la Norvège indique que pour l'année en cours son pays a déjà versé 218 millions de couronnes norvégiennes au programme du Haut Commissariat et annonce une contribution supplémentaire en espèces d'un montant de cinq millions de couronnes norvégiennes au programme du HCR en faveur de l'ex-Yougoslavie ainsi, sous réserve d'approbation parlementaire, qu'une nouvelle contribution de cinq millions de couronnes norvégiennes pour l'opération de rapatriement au Mozambique.
41. L'insuffisance chronique des fonds disponibles au titre du programme général est inquiétante et il recommande au Comité exécutif de lancer un appel énergique en faveur d'une meilleure répartition des charges. Il se joint en outre aux membres de l'Union européenne pour souligner la nécessité d'accroître le nombre des donateurs. Tout en encourageant le HCR à continuer de s'attacher à la définition d'une politique stratégique et à la gestion des programmes aux fins d'assurer une utilisation optimale des ressources, il l'engage à poursuivre son étroite collaboration avec tous les organes compétents des Nations Unies pour être mieux préparé à faire face aux situations d'urgence extrêmement complexes et à oeuvrer conjointement à l'instauration de conditions propices à des solutions et à la prévention.
42. M. KRYLOV (Observateur de la Fédération de Russie) formule l'espoir que la session en cours du Comité exécutif sera la dernière à laquelle la Russie participera en qualité d'observateur et qu'à la prochaine le processus d'admission de son pays au Comité en qualité de membre aura été mené à son terme. De nombreuses considérations, notamment d'ordre juridique, éthique et pratique, vont dans ce sens puisque la Russie joue indéniablement un rôle actif dans l'action de la communauté internationale en faveur de la protection des réfugiés et autres personnes entraînées dans des courants de migration forcée.
43. L'évolution de la situation dans des régions aussi différentes et aussi éloignées les unes des autres que l'Afrique centrale, la Bosnie, l'Abkhazie et la Somalie ont inculqué à tous la notion douloureuse de catastrophe humanitaire. Il est tragique que la communauté internationale ne soit pas parvenue à répondre aux exigences du moment. L'intensité de ces souffrances humaines doit amener non seulement à faire face à la situation mais aussi à réfléchir à la mise en place de mécanismes efficaces propres à éviter que le cours des événements prenne un tour incontrôlable.
44. Dans toutes les régions du monde, les catastrophes humanitaires ont des causes profondes identiques : l'instabilité sociale et économique, la montée du nationalisme et de la xénophobie, l'intolérance ethnique, clanique et religieuse, le mépris des droits de l'homme fondamentaux. Pour la Russie et les autres pays issus de l'ex-Union soviétique, il ne s'agit pas là d'une notion abstraite mais d'une réalité quotidienne. La singularité de la situation de la Russie tient à ce que des problèmes humanitaires persistent dans toute leur acuité au moment où les réformes démocratiques se poursuivent dans le pays. La Russie est confrontée à des problèmes nouveaux d'une telle ampleur que ses moyens ne suffisent pas à les résoudre. Elle se trouve à proximité immédiate de zones d'instabilité et de conflits régionaux, essentiellement dans le Caucase et en Asie centrale. Les flux de réfugiés et autres courants de migration forcée de ces régions vers la Russie s'amplifient et touchent à présent près de deux millions de personnes. Le nombre grandissant de Russes de souche désireux de s'installer en Russie constitue quant à lui un sujet de préoccupation pressant puisque même dans un pays relativement sûr comme l'Ouzbékistan, leur nombre a été multiplié par plus de huit entre janvier et août.
45. La Russie se heurte en outre à de grandes difficultés liées au nombre grandissant de réfugiés en provenance de pays d'Asie et d'Afrique, dont la majorité ne voient en elle qu'un lieu d'asile provisoire en attendant de faire route vers l'Europe occidentale ou l'Amérique. Mais avec le durcissement des conditions d'admission dans certains pays acceptant traditionnellement des réfugiés s'accroît le danger de voir ces personnes s'installer en Russie, laquelle risquerait alors d'être transformée en « réserve » d'immigrants illégaux.
46. La Russie est parfaitement consciente qu'il lui appartient au premier chef de régler elle-même ses problèmes, ce qui n'est pas seulement un devoir moral mais aussi une obligation en vertu des nombreux instruments internationaux auxquels elle est partie. Certains progrès ont été accomplis dans l'application de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Un programme fédéral de migration a ainsi récemment été approuvé et le gouvernement a pris un certain nombre de décisions concernant la réglementation des migrations, la détermination du statut, les relations avec les réfugiés et les migrations non contrôlées. Des progrès ont également été réalisés au niveau de l'interaction entre partenaires de la CEI. Un accord sur l'aide aux réfugiés et aux autres personnes entraînées dans des courants de migration forcée a été signé et un projet de convention sur les droits des minorités ethniques élaboré. En outre, beaucoup a été fait pour stabiliser la situation économique et politique dans les pays de la CEI, ce qui constitue sans doute le moyen le plus efficace de réduire le nombre de réfugiés et de migrants.
47. Le représentant de la Russie fait état avec une vive reconnaissance de l'appui moral et matériel apporté par les organisations internationales, en particulier le HCR, et déclare son pays soucieux d'acquérir davantage d'expérience dans le cadre d'activités communes telles que la mise en oeuvre de l'accord quadripartite sur le rapatriement librement consenti des réfugiés et personnes déplacées d'Abkhazie. La prochaine entreprise consistera à instaurer conjointement des conditions propices au retour des réfugiés d'Ossétie du Nord et du Tadjikistan.
48. La Russie estime que sa coopération avec le HCR peut être sensiblement élargie et s'attend à ce que cette organisation attache une plus grande attention à la situation qui règne chez elle. Aucun être sensé ne saurait souhaiter que la Russie devienne une source d'instabilité, un pays déversant des flots incontrôlables de réfugiés agressifs. A ce propos, les régions de Russie qui acceptent des réfugiés pourraient bénéficier à titre prioritaire d'une assistance technique ou autre du HCR et des autres organisations internationales; la coopération pourrait être étendue à la formation d'experts russes aux questions liées aux réfugiés, des projets du PNUD pouvant servir de cadre à une telle entreprise.
49. La Russie est tout à fait favorable à une large coopération internationale qui pourrait notamment donner lieu à la convocation d'une conférence internationale sur les réfugiés et autres migrants sur le territoire de l'ex-Union soviétique. Une telle conférence aurait pour objet de permettre aux participants d'analyser objectivement les problèmes actuels et potentiels et de définir dans ses grandes lignes un programme global visant à résoudre la question ainsi qu'à empêcher de nouveaux courants de réfugiés. Cette conférence pourrait en outre contribuer à sensibiliser l'opinion publique des Etats participants à la nécessité d'aider les réfugiés. La Russie s'est quant à elle déjà engagée sans retard sur la voie d'une telle conférence en établissant un projet de rapport national, se dotant d'une base juridique pour la définition du statut des réfugiés et en améliorant la coordination entre organismes s'occupant des réfugiés. Les consultations que la Russie a menées avec de nombreux Etats ont confirmé qu'ils étaient favorables à l'organisation d'une telle conférence. C'est là un signe encourageant qui témoigne que la communauté internationale n'a pas l'intention de prendre ses distances à l'égard des problèmes de l'espace postsoviétique, ce dont la Russie lui est reconnaissante.
50. La Russie ne pense cependant pas qu'à elle-même et a conscience qu'être membre du Comité exécutif du HCR suppose de participer aux efforts internationaux en faveur des réfugiés dans d'autres pays. La Russie prend part aux opérations du HCR en Yougoslavie et a déjà fourni une contribution d'un montant de 500 000 dollars pour le Rwanda. Elle est disposée à prendre part à des opérations du HCR dans plusieurs pays de l'ex-URSS, notamment dans le Caucase et en Asie centrale. La Russie fournit en outre une assistance humanitaire bilatérale à certains pays, notamment l'Albanie, Cuba, la Colombie, l'Inde, Madagascar et l'Afghanistan.
51. Soucieuse de devenir un membre actif du Comité exécutif, la Russie a élaboré des propositions relatives à certaines mesures ayant pour objet d'éviter les catastrophes humanitaires. Elle est favorable à la création d'un système d'échange de renseignements sur les signes annonciateurs de courants massifs de réfugiés ainsi qu'à l'élaboration et à l'adoption rapide de mesures propres à prévenir et enrayer les exodes massifs. Lors de la mise en place d'un tel système, il faudrait tenir compte des indicateurs avancés relatifs aux situations d'urgence en cours de définition par le Département des affaires humanitaires du Secrétariat de l'ONU. La coordination entre les différentes composantes du système des Nations Unies qui s'occupent de questions humanitaires devrait d'ailleurs être améliorée.
52. La relation entre violations systématiques des droits de l'homme, déplacements forcés de population et menace à la paix et à la sécurité internationales constitue une des questions d'actualité les plus pressantes. Comme le HCR, la Russie est favorable à l'intégration dans les opérations de maintien de la paix et les règlements pacifiques négociés d'un dispositif de surveillance des droits de l'homme à titre de mesure préventive. Seuls des efforts conjoints de la part de la communauté internationale, compte dûment tenu des possibilités de chaque participant et de la spécificité des conditions nationales et régionales, permettront d'éviter des tragédies comme celles du Rwanda, de Sarajevo ou de la Somalie. Ainsi que le Haut Commissaire l'a dit à juste titre, c'est en protégeant les individus que l'on atténue les tensions au sein de la société et que l'on renforce la sécurité globale de l'humanité. C'est seulement ainsi que seront jetées des bases solides pour un développement progressif et durable de l'humanité dans le siècle à venir, au cours duquel le degré de respect effectif des droits de l'être humain et de satisfaction de ses besoins est appelé à devenir le véritable critère du progrès de la civilisation.
53. M. DEMEKSA (Ethiopie) dit que la pratique de l'aide humanitaire doit reposer sur une analyse des causes profondes du problème des réfugiés et être conforme aux principes de la solidarité internationale et du partage des coûts. Dans la plupart des cas, ces causes sont à rechercher dans la gestion des problèmes socio-économiques et politiques et dans le non-respect ou le respect insuffisant des droits de l'homme. Il importe donc, pour venir à bout du problème des réfugiés, de voir quels sont les obstacles qui empêchent une croissance et un développement durables sur le plan socio-économique et sur le plan politique, non seulement dans tel ou tel pays mais aussi aux niveaux sous-régional, régional et mondial, en tenant compte des instruments internationaux relatifs à la protection des réfugiés.
54. En ce qui concerne l'approche suivie en matière de programmation, approche qui reflète peut-être les défauts inhérents aux principes qui sous-tendent la politique d'aide humanitaire, il semble que, jusqu'ici, on ait privilégié les arrangements ponctuels sans véritablement chercher à définir des méthodes propres à permettre d'enchaîner opérations de secours d'urgence et activités visant à mettre en valeur le potentiel dont disposent les bénéficiaires, c'est-à-dire les réfugiés et les rapatriés, ce qui pourtant ne pourrait que faciliter la recherche de solutions durables. Parallèlement aux activités consacrées aux soins et à l'entretien des réfugiés, il faudrait, pour promouvoir ces solutions durables et surtout le rapatriement librement consenti, s'efforcer de bien synchroniser les opérations de secours dans les pays d'asile et les activités visant à faciliter la réinsertion des réfugiés dans les pays d'origine. Ce type d'action qui devrait bénéficier d'un financement plus important pourrait grandement faciliter le maintien ou le rétablissement de la paix dans différentes sous-régions et régions, entraînant à terme une réduction des dépenses.
55. Le Gouvernement éthiopien est relativement satisfait de voir qu'une part importante des activités en matière de protection internationale est consacrée à la corne de l'Afrique où la présence de réfugiés et de rapatriés est révélatrice des forces sociologiques, économiques, sociales, psychologiques et politiques à l'oeuvre dans la sous-région. A son avis, l'application d'un plan d'action global peut grandement aider à surmonter les obstacles qui empêchent le rétablissement de la paix et de la stabilité et l'instauration d'un développement durable axé sur l'homme, c'est-à-dire d'un développement qui permette de répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre l'avenir. Mais l'aide internationale est loin d'être aussi importante qu'elle pourrait l'être. Le cas de l'Ethiopie est particulièrement instructif. Ce pays accueille actuellement un peu plus de 284 000 réfugiés venus de pays voisins ou plus éloignés. Il veille aussi à la réinsertion d'environ 865 000 Ethiopiens qui, après la chute du régime dictatorial, ont décidé, de leur plein gré, de regagner leur pays, soit par leurs propres moyens, soit dans le cadre d'une opération de rapatriement organisée. L'aide fournie à ces rapatriés s'ajoute aux secours alimentaires qui sont distribués à quelque 7 millions d'Ethiopiens victimes de la sécheresse afin, notamment, de prévenir tout exode.
56. Dans le cadre de la recherche de solutions durables au problème des réfugiés, le Gouvernement éthiopien s'emploie à promouvoir le rapatriement librement consenti, comme en témoigne le regroupement dans des camps situés à l'est du pays, en septembre 1994, de réfugiés somalis en vue de leur rapatriement. Le nombre des réfugiés répartis dans les différents camps s'élève à 181 000 (mais 631 000 cartes de rationnement ont été distribuées). La délégation éthiopienne espère vivement que l'opération de rapatriement librement consenti va pouvoir s'accélérer. Mais, l'expérience a montré que, souvent, les programmes internationaux consacrés aux réfugiés et aux rapatriés ne répondaient pas à l'attente que l'on avait mise en eux en raison d'un contenu ou d'un financement insuffisant. S'ajoute à cela l'utilisation tardive sur le terrain des crédits ouverts du fait de retards dans les versements. Dans ces conditions, et alors même que les gouvernements réclament une gestion plus rationnelle des programmes et une amélioration du rapport coût/efficacité des services d'appui correspondants, il est de plus en plus difficile pour les pays et pour la communauté humanitaire internationale qui appuie leurs efforts, de maîtriser le problème des réfugiés qui prend une dimension de plus en plus tragique.
57. L'effort de rationalisation et de simplification doit donc de toute évidence se poursuivre. Il faudrait notamment mieux coordonner les initiatives prises par les organisations intergouvernementales sous-régionales et mondiales ainsi que les efforts déployés par le HCR et les autres organisations intergouvernementales et par les gouvernements des pays afin de gérer plus efficacement les programmes généraux et spéciaux en accordant davantage d'attention aux préoccupations des femmes et des enfants et à la protection de l'environnement. Il faudrait aussi appuyer les programmes et les projets qui visent à combiner les activités en faveur des réfugiés et rapatriés (secours et aide à la réinsertion) avec les activités de caractère plus général tendant à promouvoir un développement durable dans les pays qui accueillent des réfugiés et/ou des rapatriés, et promouvoir, aux niveaux mondial, régional et national, l'instauration, dans le cadre des programmes en faveur des réfugiés et des rapatriés, d'un véritable continuum en enchaînant opérations de secours, activités visant à faciliter la réinsertion des réfugiés et activités de développement. Il faudrait enfin soutenir plus activement, grâce, notamment, à l'octroi d'une assistance technique aux agents d'exécution nationaux, les efforts entrepris par les pays pour renforcer leurs compétences dans le domaine des réfugiés.
58. M. FASEHUN (Nigéria) tient tout d'abord à saluer le courage dont le Haut Commissaire a fait preuve en entreprenant des activités humanitaires qui, parfois, débordaient le cadre du mandat du HCR. Si le mandat du Haut Commissariat tel qu'il est énoncé dans la Convention de 1951 et dans le Protocole de 1967 n'a jamais été modifié, les tâches confiées à cette organisation se sont, elles, considérablement accrues. Le HCR s'est efforcé, dans la limite des ressources mises à sa disposition, de venir en aide aux réfugiés de plus en plus nombreux - ils seraient désormais une vingtaine de millions à travers le monde - et de résoudre les problèmes humanitaires extrêmement variés engendrés par les bouleversements internes et l'effondrement de certains Etats.
59. Toutefois, devant l'ampleur prise par les migrations forcées - et, à cet égard, la tragédie rwandaise est exemplaire - le Haut Commissariat semble désormais avoir du mal à faire face. En fait, ce qui s'est passé au Rwanda montre bien qu'il est indispensable de s'attaquer aux causes profondes des problèmes de réfugiés avant que ceux-ci ne dégénèrent et de concevoir des mesures préventives. Mais c'est aux institutions politiques intergouvernementales et non au HCR qu'il appartient de prendre ce genre d'initiative.
60. Il est vrai que le HCR a, avant tout, pour mission de protéger ceux qui fuient la persécution dans leur pays d'origine. Mais la protection, aussi importante soit-elle, ne doit pas être une fin en soi. Elle doit plutôt être considérée comme un moyen d'atténuer les conséquences des migrations forcées en attendant que soient trouvées des solutions aux problèmes qui sont à l'origine de ces migrations.
61. La délégation nigériane qui est sensible aux efforts déployés par le HCR pour permettre aux réfugiés de s'instruire et d'acquérir une formation avant de regagner, de leur plein gré, leur pays d'origine, estime que l'enseignement de la tolérance et du respect mutuel devrait tenir une place importante dans les programmes d'instruction dispensés aux réfugiés. Les autres organismes ont également un rôle important à jouer pour améliorer la qualité de la vie des réfugiés et les préparer à reprendre une vie normale. Les institutions issues des Accords de Bretton Woods devraient contribuer à financer le rétablissement des infrastructures et surtout le développement économique de façon à encourager le rapatriement. Pour trouver des solutions durables au problème des réfugiés, il ne suffit pas de s'attaquer à la question de la pauvreté et du sous-développement; il faut aussi essayer de venir à bout des autres phénomènes qui sont à l'origine du problème à savoir, notamment, l'intolérance, les tensions sociales et l'exclusion économique.
62. Pour s'occuper du problème des personnes déplacées sur le territoire de leur propre pays, lesquelles sont plus nombreuses que les réfugiés, il faudrait mettre en place un organe particulier, doté d'un mandat bien défini. Toutefois, en attendant la création de cet organe, c'est le HCR qui devrait venir en aide aux personnes déplacées.
63. La délégation nigériane tient à exprimer sa profonde reconnaissance aux pays donateurs et à ceux qui, en dépit de leurs maigres ressources, accueillent des réfugiés. Elle tient également à saluer l'action remarquable menée dans des conditions difficiles par plusieurs organisations non gouvernementales. Pour sa part, le Nigéria a contribué et continuera de contribuer, dans la limite de ses ressources, à fournir un appui matériel et financier aux réfugiés et aux personnes déplacées sur le territoire national. Comme on le sait, il a participé très activement à la recherche d'une solution à la crise libérienne et a envoyé des troupes de maintien de la paix au Libéria. Il a également apporté son concours à des activités d'assistance humanitaire non seulement en Afrique mais aussi dans d'autres régions du monde. En dépit du coût financier de ces mesures, le Nigéria continuera de participer à l'action louable menée en faveur des réfugiés.
64. M. Fasehun voudrait enfin rendre hommage aux divers gouvernements, ainsi qu'au HCR, à l'UNICEF, au CICR et aux ONG pour les efforts qu'ils ont déployés afin d'apporter aux victimes des conflits armés les secours d'urgence dont elles avaient désespérément besoin. L'accroissement considérable du nombre de réfugiés et de personnes déplacées sur le territoire national de même que la complexité des questions en jeu représentent un défi considérable que la communauté internationale se doit de relever en entreprenant une action résolue et efficace. La délégation nigériane demande instamment au HCR de coopérer plus activement avec toutes les organisations compétentes dans l'intérêt des réfugiés et invite les gouvernements des pays donateurs à fournir un appui accru au HCR. Pour parvenir à une solution globale et durable, un programme d'aide économique et humanitaire efficace doit venir compléter les initiatives d'ordre politique.
65. M. LARSEN (Danemark) dit que tout en s'associant pleinement à la déclaration faite à la séance précédente par le représentant de l'Allemagne au nom de l'Union européenne, il voudrait faire quelques observations sur les deux défis majeurs que le HCR va devoir relever, à savoir le défi de la croissance et le défi de la protection.
66. Le premier de ces défis n'a rien de nouveau. Au cours des 10 dernières années, le HCR a dû faire face à un accroissement régulier du nombre total de réfugiés. Mais à ce phénomène s'en ajoute désormais un autre qui est la complexité croissante des situations d'urgence entraînant des mouvements massifs de population. Jusqu'ici, le HCR a réussi à faire face à cette évolution et, sous la direction de Mme Ogata, le processus qu'il a engagé pour renforcer rapidement ses capacités a été parfaitement maîtrisé. Les événements survenus au cours de l'année écoulée montrent aussi que le HCR est parvenu à améliorer sensiblement sa capacité de réaction aux situations d'urgence. A cet égard, M. Larsen tient à féliciter le Haut Commissariat de l'efficacité et de la célérité avec laquelle il est intervenu dans la crise rwandaise.
67. Quoi qu'il en soit, le moment est venu, semble-t-il, de se demander si, avec un budget total de l'ordre de 1,3 milliard de dollars des Etats-Unis, le HCR n'a pas atteint structurellement les limites de sa croissance. Certes, cette croissance pourrait encore se poursuivre - et le HCR saurait, si on le lui demandait, comment faire face à de nouvelles responsabilités - mais elle ne ferait qu'aggraver les tensions structurelles déjà perceptibles. Il faudrait donc - avant qu'une nouvelle crise majeure ne survienne - étudier les moyens d'alléger la charge imposée au HCR. Certaines mesures devront être prises par le Haut Commissariat lui-même, d'autres sont du ressort de divers organismes des Nations Unies et d'autres encore exigeront une action concertée de la communauté internationale.
68. Avant toute chose, il est urgent de pousser plus loin la division du travail et la coordination entre les différentes entités intervenant dans les crises majeures et d'examiner les défauts que présente le dispositif mis en place à l'échelle du système des Nations Unies pour faire face aux situations d'urgence. Si l'on se contente d'améliorer la capacité de réaction du HCR sans renforcer, en même temps, celle de ses partenaires, on ne réussira qu'à alourdir la charge imposée à cette organisation. Une répartition plus rationnelle des tâches tirant parti de l'avantage comparatif de chaque organisation s'impose. Trop souvent le Haut Commissariat a dû assumer des fonctions dont d'autres auraient pu se charger. L'amélioration de la situation à cet égard nécessitera une action concertée de la part des organes directeurs d'un certain nombre d'organismes et de programmes des Nations Unies et, par conséquent, une certaine harmonisation des politiques suivies par les pays membres. On pourrait notamment veiller à ce que le Comité permanent interorganisations joue un rôle plus actif.
69. Le renforcement de la coopération entre le HCR et ses partenaires chargés de l'exécution, tel qu'il est prévu dans le processus PARinAC, contribuera à alléger la charge financière du HCR et à améliorer la planification et l'exécution des programmes. La délégation danoise qui y est très favorable espère que la coopération plus étroite que le HCR entend établir avec les ONG reposera sur des critères de résultat précis et sur des contrôles périodiques des résultats obtenus.
70. L'ampleur de la crise rwandaise a démontré qu'il était nécessaire d'étudier des formules novatrices pour que le HCR puisse mieux se préparer à faire face aux situations d'urgence et soit davantage à même de répondre à des besoins considérables. Le mécanisme prévoyant la prestation d'un ensemble complet de services que le HCR a mis sur pied pour associer les gouvernements donateurs et les ONG à l'exécution de ses programmes représente une formule intéressante qui mériterait d'être développée. Pour ce faire, on pourrait, sur le modèle des accords d'aide éventuelle existants, élaborer des accords de caractère plus général qui porteraient non seulement sur les ressources en personnel mais aussi sur l'exécution de programmes dans des domaines bien définis. A cet égard, M. Larsen signale que son gouvernement a décidé de mettre en place un nouveau dispositif d'intervention d'urgence qui relèvera du Ministère des affaires étrangères.
71. Etant de plus en plus sollicité, le HCR doit, plus que jamais, gérer de façon rationnelle les ressources dont il dispose. Au moment où les pays donateurs, dont le Danemark, insistent sur la nécessité d'appliquer strictement le principe de la responsabilité et de renforcer l'efficacité du système des Nations Unies, la délégation danoise note avec satisfaction les progrès que le Haut Commissariat a réalisés, sur le plan de la gestion et de l'exécution des programmes. Elle se félicite de la mise en oeuvre rapide des recommandations du Groupe de travail interne sur la gestion des programmes et la capacité opérationnelle et note également avec plaisir que le HCR a engagé une vaste réforme du système de gestion du personnel. Mais, manifestement, il est nécessaire d'examiner plus en détail la gestion des ressources. La délégation danoise souhaiterait que la création du Service d'inspection et d'évaluation et le renforcement de la capacité de planification des politiques conduisent à mettre encore plus l'accent sur une gestion rationnelle des ressources.
72. En ce qui concerne le financement des opérations du HCR, question qui est du ressort des donateurs, la délégation danoise se félicite de voir que le Sous-Comité plénier chargé des questions administratives et financières va se pencher sur la question plus générale des modalités de financement des opérations du HCR et chercher à déterminer, notamment, si la distinction entre programmes généraux et programmes spéciaux est toujours utile. Ce qu'il faut surtout, c'est assurer aux programmes du HCR une base de financement plus stable et plus sûre. En outre, le Danemark étant l'un des sept donateurs qui assurent 70 % du financement des programmes généraux, la délégation danoise demande instamment que l'on revoie complètement le système de financement afin de mieux répartir la charge financière entre les donateurs et d'augmenter sensiblement le nombre de ces derniers.
73. Passant au second défi majeur que le HCR doit relever, celui de la protection, M. Larsen constate que la Note sur la protection internationale soumise au Comité exécutif est consacrée à un examen approfondi des instruments juridiques disponibles pour répondre au besoin de protection internationale. Cet examen qui vient à point nommé a permis de mettre en évidence un certain nombre de lacunes dans les instruments existants, notamment en ce qui concerne la protection des personnes qui fuient les conflits armés. Le Danemark souhaiterait que l'on discute de ces lacunes car, sans les instruments nécessaires, ni le HCR ni les pays d'asile ne pourront relever le défi de la protection. Il convient, toutefois, de noter que l'une des lacunes importantes dans le régime de protection internationale actuel tient au fait que la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 ne sont pas encore des instruments vraiment universels. Certains pays n'y ont toujours pas adhéré et d'autres continuent d'en limiter le champ d'application géographique. Avant d'engager des discussions pour déterminer s'il est nécessaire d'élaborer de nouveaux instruments ou de nouvelles directives, il faut donc lancer un appel à tous les Etats pour que la Convention et le Protocole soient intégralement et universellement appliqués.
74. La réaction de la communauté internationale face à l'afflux massif de réfugiés en provenance de l'ex-Yougoslavie semble, par ailleurs, indiquer qu'une action internationale concertée et coordonnée par le HCR est un bon moyen de régler les questions relatives à la protection en cas de mouvement de population de grande ampleur. La multiplication des programmes de protection temporaire rend plus que jamais nécessaire l'établissement d'un dialogue permanent entre les pays et le HCR, dialogue que, pour sa part, le Danemark - qui accorde une protection temporaire à environ 20 000 personnes en provenance de l'ex-Yougoslavie - a déjà noué.
75. Enfin, M. Larsen tient à annoncer que - sous réserve de l'approbation du Parlement - le Gouvernement danois entend verser prochainement plusieurs nouvelles contributions. Ces contributions de l'ordre de 56 millions de couronnes danoises, soit quelque 9 millions de dollars des Etats-Unis, porteront le montant total de la contribution du Danemark pour 1994 à près de 210 millions de couronnes danoises, soit approximativement 33 millions de dollars des Etats-Unis.
76. M. ALI SHAH (Pakistan) informe le Comité exécutif que l'opération de rapatriement entreprise par le HCR en collaboration avec le Gouvernement pakistanais et les autres organismes des Nations Unies concernés a permis à plus de la moitié des réfugiés afghans qui se trouvaient au Pakistan de regagner leur pays d'origine. Toutefois, il reste encore sur le territoire pakistanais plus de 1,6 million de réfugiés afghans - 1,4 million d'après les chiffres du HCR - et l'évolution de la situation en Afghanistan depuis 1993 et surtout depuis janvier 1994 a fortement perturbé le processus de rapatriement. Celui-ci s'est beaucoup ralenti et, qui plus est, le Pakistan doit faire face à un nouvel afflux de réfugiés. Depuis mai 1992, il en est arrivé plus de 160 000. Il faut ajouter à ces chiffres ceux des personnes déplacées sur le territoire afghan. Environ 120 000 sont regroupées dans des camps près de Jalalabad.
77. La présence au Pakistan de millions de réfugiés afghans accompagnés de vastes troupeaux a provoqué, ces 14 dernières années, d'énormes dégâts écologiques. A cet égard, le représentant du Pakistan demande au HCR de bien vouloir insister auprès des bailleurs de fonds pour qu'ils aident généreusement à la remise en état des zones touchées.
78. Malgré les efforts de rapatriement qu'a déployés le HCR avec l'appui du Gouvernement pakistanais, 1,4 million de réfugiés afghans sont encore forcés de vivre dans des camps au Pakistan où leur survie dépend du HCR et du Programme alimentaire mondial (PAM). Or, il semble que ces organismes prévoient de supprimer progressivement leurs programmes de soins, d'entretien et d'alimentation au bénéfice des réfugiés afghans au Pakistan d'ici à septembre 1995. Une telle mesure ne manquerait pas d'avoir de graves conséquences pour l'économie pakistanaise et accentuerait la détresse des réfugiés afghans. Il semblerait en outre que l'on envisage de promouvoir l'installation des réfugiés afghans au Pakistan. Cette idée est inacceptable pour diverses raisons socio-économiques et politiques aussi bien pour le Gouvernement pakistanais que pour le Gouvernement afghan et les réfugiés afghans eux-mêmes.
79. Enfin, le rapatriement et la réinsertion sociale des réfugiés en Afghanistan sont tributaires de la création, dans ce pays, d'un climat pacifique propice. Le HCR pourrait y contribuer en incitant les bailleurs de fonds à entreprendre les travaux de remise en état et de redressement prévus dans le plan d'action du PNUD pour l'Afghanistan.
80. M. CHEBROT (Ouganda) dit que la situation des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde semble avoir empiré depuis la dernière réunion du Conseil exécutif du HCR. Ce problème, qui se nourrit de la pauvreté, de l'incompétence, de la cupidité et d'autres situations conflictuelles, exige une volonté de changement chez les pays d'origine et un engagement de la part de la communauté internationale.
81. Le colloque sur les réfugiés tenu dernièrement à Addis-Abeba sous les auspices de l'OUA et du HCR témoigne clairement de la volonté de la communauté internationale. Cependant, l'Afrique doit reconnaître que le problème des réfugiés dans ce continent est avant tout un problème africain. L'Ouganda, quant à lui, est submergé par un afflux de réfugiés provenant notamment du sud du Soudan. Se réservant de préciser ultérieurement sa position quant à la déclaration faite dans la matinée par la délégation soudanaise, M. Chebrot précise que le nombre total de réfugiés soudanais enregistré en Ouganda avoisine les 250 000 individus, que le nombre de demandeurs d'asile somaliens est estimé à 3 000 personnes et que plus de 10 000 réfugiés sont arrivés du Rwanda, sans compter les Rwandais qui s'introduisent dans le pays par le Zaïre. Cet état de choses crée une situation d'insécurité qui justifie d'autant moins l'attitude de certains Etats voisins qui continuent de considérer comme un acte d'hostilité l'asile accordé par l'Ouganda, à titre humanitaire, à leurs ressortissants.
82. L'Ouganda, dont l'infrastructure a été pratiquement détruite par plusieurs décennies de guerre, a dû faire face au retour de plus de 500 000 Ougandais depuis la mise en place du nouveau gouvernement de réconciliation nationale. Alors que certains progrès commençaient à être enregistrés sur le front du rapatriement des exilés, le gouvernement a été débordé par l'arrivée de centaines de milliers de réfugiés soudanais. Pour que l'Ouganda puisse continuer de jouer son rôle en tant que pays d'asile, il faudrait que l'aide humanitaire soit liée à l'aide au développement. A cet égard, la délégation ougandaise demande au HCR d'aider le ministère responsable des affaires des réfugiés à réaliser une enquête socio-économique afin de déterminer l'impact de la présence des réfugiés sur la population. Les conclusions de cette enquête serviraient ainsi à étayer les demandes d'assistance formulées auprès des donateurs.
83. Par ailleurs, l'environnement a souffert de la présence de réfugiés à la recherche de combustible et de matériaux de construction et il faudrait élaborer un programme intégré associant le reboisement à d'autres aspects pertinents de l'agriculture et de la gestion des ressources en eau. Il serait donc utile que les experts du HCR en matière d'environnement revoient leurs recommandations à la lumière des toutes dernières technologies dans les domaines de l'agriculture et de la maîtrise de l'eau.
84. Certes, le rapatriement librement consenti est la solution la plus souhaitable au problème des réfugiés, mais elle est aussi la plus difficile à mettre en oeuvre. Pour faciliter le retour spontané des réfugiés rwandais dans leur pays, il faudrait que le HCR et les bailleurs de fonds aident le nouveau Gouvernement rwandais à mettre sur pied un programme de réinstallation viable tenant compte des divers intérêts du peuple rwandais.
85. Par ailleurs, depuis le début de l'exode des réfugiés rwandais vers la République-Unie de Tanzanie et le Zaïre, les camps de réfugiés en Ouganda connaissent des pénuries chroniques de vivres qui ont souvent déclenché des émeutes. Tout en réaffirmant son attachement à la cause des réfugiés, le Gouvernement ougandais ne saurait continuer de tolérer que des actes criminels soient perpétrés à l'encontre de ses ressortissants dans les camps.
86. Le Gouvernement ougandais a réservé à la réinstallation des réfugiés des terres d'une superficie pouvant accueillir 75 000 personnes et a alloué notamment 8 000 hectares aux réfugiés soudanais. La délégation du HCR à Kampala a été priée de prendre rapidement des mesures pour que la population réfugiée se trouvant à proximité de la frontière puisse être réinstallée dans ces zones.
87. Enfin, M. Chebrot tient à remercier toutes les institutions des Nations Unies et tous les organismes bénévoles qui ont partagé avec l'Ouganda le fardeau des réfugiés. Il exprime sa gratitude aux bailleurs de fonds pour leur appui moral et matériel constant et le HCR pour avoir adopté une politique d'assistance aussi bien aux réfugiés qu'aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
88. M. AKTAN (Turquie) déplore que, sous l'effet des conflits armés et de la pression médiatique, la communauté internationale soit amenée à agir sur le plan humanitaire plutôt qu'à réfléchir aux causes profondes des tragédies qui produisent des réfugiés et des personnes déplacées. Dans ces circonstances, la prévention demeure un élément essentiel des programmes du Haut Commissariat pour les réfugiés. Toutefois, il est difficile de savoir à l'avance quand une crise risque de dégénérer en conflit et de donner l'alerte à temps. Il existe des pays sujets aux crises qui savent vivre avec leurs problèmes. Organiser une intervention internationale de caractère préventif en pareil cas risque d'accélérer le processus au lieu d'éliminer un éventuel conflit.
89. La violence a toujours fait partie de l'histoire. Ce qui est nouveau, c'est la tentative de la maîtriser en faisant valoir les droits de l'homme et la démocratie dans des situations de conflit où sévissent l'anarchie ou la famine. La démocratie et les droits de l'homme exigent non seulement une infrastructure socio-économique, mais aussi un ordre politique, dont la condition préalable réside dans le respect de la souveraineté de l'Etat, notion que l'on a quelquefois tendance à considérer comme obsolète.
90. Cependant, l'histoire n'est pas la seule à devoir être mise en cause dans toutes les situations de crise que l'on constate dans certains pays. Il semble qu'une dislocation subite des affaires internationales ait bouleversé pratiquement en même temps un nombre exceptionnellement important de pays. Les différends ethniques, religieux ou culturels ne sont pas les causes de cette dislocation; ils en sont les effets et il n'est pas certain qu'une attitude préventive puisse être efficace en l'occurrence. Une telle approche recèle un piège humanitaire qui est beaucoup plus grave qu'il n'y paraît à première vue. En effet, elle occulte le fait, terrible, qu'un ordre politique qui s'est effondré se rétablit par la violence et que la règle de droit qui est censée restreindre les activités coercitives de l'Etat peut être instituée ultérieurement. Dans l'intervalle, les actes de violence de tout genre font partie intégrante du processus.
91. Ce piège humanitaire se caractérise en outre par la tendance, obsessionnelle, de la communauté internationale à brandir les droits ethniques, religieux et culturels pour étouffer les conflits potentiels sans aucun égard pour les équilibres traditionnels des pays concernés, contribuant ainsi aux problèmes qu'elle tentera plus tard de résoudre. Cette situation est notamment le fait, dans les pays développés, d'une gauche politique désintégrée qui semble identifier son sort pitoyable à celui de groupes ethniques qui paraissent réprimés, marginalisés ou bafoués. Les ONG, dont la plupart tentent d'exorciser leurs problèmes existentiels de manière dévoyée, ne peuvent qu'exacerber les problèmes d'autrui, fondamentalement différents des leurs.
92. L'approche purement humanitaire ne peut compenser l'effondrement du dialogue Nord-Sud ni se substituer à la volonté et à l'action politiques qu'exigent les situations de conflit. C'est la raison pour laquelle un ordre nouveau, qui a certes dégénéré en rhétorique creuse, reste la seule réponse globale aux maux de l'après-guerre froide.
93. Dans son rapport sur la protection internationale, le Haut Commissaire, conscient des lacunes du régime juridique international en faveur des réfugiés, a créé la notion de « protection temporaire ». Il s'agit là d'un concept révolutionnaire, fruit d'une approche pragmatique. Lorsqu'elle est appliquée dans les faits, la protection temporaire devrait être décidée au cas par cas et pour une durée clairement limitée. Passé ce délai, la protection des intéressés doit être assumée par l'ensemble de la communauté internationale. La protection temporaire devrait se traduire de préférence par un rapatriement librement consenti à bref délai dans le pays d'origine où le nécessaire aura été fait pour préparer à cette éventualité. Toute autre option risquerait d'inviter au refoulement, et donc au rejet définitif de cette solution pragmatique. Il faudra donc considérer cette approche souple comme un expédient et ne la codifier d'aucune manière.
94. M. EL-KARIB (Soudan), relevant que l'Ouganda a dit avoir l'intention de répondre ultérieurement à la déclaration faite par son pays, tient à dissiper tout malentendu qu'aurait pu provoquer l'interprétation de l'arabe en précisant en anglais les propos tenus par sa délégation dans la matinée. Lorsqu'elle a évoqué la situation des réfugiés soudanais dans les pays voisins, la délégation soudanaise a déclaré que la plupart des 350 000 intéressés qui se trouvaient dans ces pays n'y bénéficiaient pas d'une aide suffisante. Cet argument a d'ailleurs été repris par le représentant de l'Ouganda lorsqu'il a lancé un appel à la communauté internationale, et notamment au HCR. Le Soudan a déclaré également que certains de ces réfugiés étaient la cible de mouvements rebelles qui tentaient de les contraindre à prendre les armes contre le Gouvernement soudanais. Ce faisant, la délégation soudanaise n'a voulu attaquer aucun gouvernement. Bien plus, elle a observé avec reconnaissance que, malgré les problèmes que cela représentait pour eux, ces pays frères avaient bien voulu accepter d'accueillir ces réfugiés.
95. M. CHEBROT (Ouganda) dit constater une différence entre ce que vient de déclarer le représentant du Soudan et ce que lui avait restitué l'interprète dans la matinée. Il demande donc au secrétariat de bien vouloir lui fournir une interprétation en anglais du libellé exact du texte arabe, dont il tient lui-même copie.
96. Le PRESIDENT dit que le secrétariat aidera à élucider cette question à la lumière du texte original.
La séance est levée à 13 h 5.