Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-NEUVIEME SEANCE

COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-NEUVIEME SEANCE
E/AC.32/SR.29

23 Février 1950

PRESENTS

Président :M. CHANCECanada
Membres :M. CUVELIERBelgique
M. GUERREIROBrésil
M. CHAChine
M. LARSENDanemark
M. ROBINSONIsraël
M. KURALTurquie
Sir Leslie BRASSRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
M. HENKINEtats-Unis d'Amérique
M. PEREZ PEROZOVenezuela
Représentant d'une institution spécialisée :
M. WEISOrganisation internationale pour les réfugiés (OIR)
Consultant d'une organisation non gouvernementale de la catégorie B :
M. MOSKOWITZConseil consultatif d'organisations juives
Secrétariat :
M. GIRAUDDivision des droits de l'homme
M. HOGANSecrétaire du comité

MOYENS DE SUPPRIMER L'APATRIDE (E/1112, E/1112/Add.1, E/1112/Add.1/Corr.1, E/AC32/3, E/AC.32/4, E/CN.6/126, E/AC.32/L.36, E/AC.32/L.37) (SUITE)

1. Le PRESIDENT indique qu'a la suite du débat approfondi qui a eu lieu à la séance précédente (E/AC.32/SR.28) sur la question de la suppression de l'apatride, il a rédigé, en collaboration avec certains membres du Comité, des paragraphes traitant de ce sujet et qui seront insérés dans le rapport si le Comité en approuve la teneur (E/AC.32/L.36). Etant donné le retrait du projet de résolution de la délégation d'Israël (E/AC.32/L.35), ce texte provisoire doit servir de document de base pour la discussion.

2. Le représentant du Danemark, de son côté, a déposé un amendement à la proposition du président, tendant à joindre en annexe aux paragraphes qu'elle contient un projet de convention sur la suppression de l'apatridie (E/AC.32/L.37). Le président rappelle à cet égard que le Comité a déjà décidé, en principe, qu'il ne procéderait pas, au cours de la présente session, à l'élaboration d'un projet de convention sur cette matière.

3. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) est prêt à accepter, dans son ensemble, la solution dont s'inspire la proposition du président, sous réserve de trois modifications qu'il voudrait y voir apporter.

4. Il souhaiterait, en premier lieu, qu'il fût précisé, qu'en cas de changements territoriaux des dispositions devraient être prises par les Etats intéressés pour régler les questions de nationalité qui se poseraient à intéressés pour régler les questions de nationalité qui se poseraient à cette occasion, en vue d'éviter la création de nouveaux cas d'apatridie.

5. Il contenue en outre de prévoir les modalités d'application de la résolution contenue dans cette proposition. Il ne semble pas qu'on doive faire appel à cet effet au Haut Commissaire pour les réfugiés, dont le mandat n'est pas encore nettement défini en ce qui concerne l'apatridie. C'est donc le Secrétaire général qu'il faudrait inviter à procéder aux études nécessaires en vue de l'application des dispositions de ladite résolution.

6. Enfin M. Henkin juge trop vague, le membre de phrase qui vise les lois relatives à la déchéance de la nationalité. Ces lois ni sauraient être considérées sous le seul aspect du problème de l'apatridie, d'autres facteurs entrent en ligne de compte à leur égard, qui ne peuvent être négligés. Ces lois existent dans la plupart des pays et leurs motifs sont si graves dans certains cas, notamment celui de trahison, qu'ils justifient le maintien de ces législations quand bien même les individus qu'elles frappent devraient devenir des apatrides.

7. Le PRESIDENT rappelle qu'en ce qui concerne les cas d'apatridie résultant de changements territoriaux, le Comité a abouti, lors de la précédente séance, à la conclusion qu'il était difficile de poser des règles générales en la matière et qu'il valait mieux que le problème fût réglé séparément dans chaque cas d'espèce. C'est pourquoi, il n'en est pas fait mention dans le texte provisoire.

8. Le Président convient qu'un paragraphe, dont la formule reste à trouver, pourrait être 'ajouté sur les modalités d'application de la résolution.

9. Pour ce qui est des lois sur la déchéance de la nationalité, le président explique qu'il en a fait mention dans son texte parce qu'il à pensé qu'il convenait d'aller plus loin dans ce domaine que ne le fait la Convention de la Haye qui se contente de reconnaître, en général, que l'idéal à atteindre est la suppression des cas d'apatridie. C'est pourquoi il a cité, entre beaucoup d'autres, deux groupes de cas d'apatridie : ceux qui résultent des lois régissant l'acquisition de la nationalité à la naissance et ceux qui résultent des lois sur la déchéance de la nationalité. Il ne semble pas que cette dernière mention doive soulever d'objections puisque les Etats sont simplement invités à reviser leur législation en cette matière et qu'ils ne le feront, bien entendu, qu'en tenant compte de tous les éléments du problème, tel qu'il se pose dans le cadre de leur système juridique.

10. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) estime que le texte provisoire devrait indiquer que, si le cas des femmes mariées n'est pas mentionné dans le projet de résolution, c'est parce que le Comité a tenu compte du fait que leur situation allait être réglée d'un point de vue plus général par la Commission de la condition de la femme.

11. Le PRESIDENT fait remarquer que la mention de cette Commission dans le deuxième paragraphe du texte provisoire devrait suffire à cet égard. Il demande aux représentants des Etats-Unis et du Royaume-Uni de formuler leurs suggestions sous une forme précise, de manière que le Comité puisse se prononcer à leur sujet.

12. M. KURAL (Turquie) indique les deux raisons pour lesquelles sa délégation s'est abstenue d'intervenir jusqu'à présent dans le débat.

13. Tout d'abord, la législation turque applique un système mixte se réclamant à la fois du jus soli et du jus sanguinis, qui supprime toute possibilité d'apatridie résultant de la naissance ou du mariage.

14. En second lieu la délégation turque ne croit pas à l'efficacité d'une recommandation pour résoudre un problème de cette nature. Une recommandation, en effet, ne crée pas d'obligations à la charge des Etats ; elle fait simplement appel à leur bonne volonté. Or le problème de l'apatridie se pose depuis des siècles et les Etats ne se sont guère appliqués à l'éliminer. Les recommandations du Conseil économique et social st de l'Assemblée générale elle-même ont eu peu de succès à cet égard. La seule solution à envisager est donc celle d'une convention internationale. Bien entendu celle-ci ne saurait être élaborée immédiatement et d'est agir très sagement que de renvoyer la question à la Commission du droit international, comme le propose le dernier paragraphe du texte provisoire.

15. Certes une recommandation peut avoir un certain effet psychologique, mais à condition qu'elle n'aille pas au delà de ce qu'il est raisonnable d'attendre de la part des Etats. Or ceux-ci sont particulièrement ombrageux pour tout ce qui concerne la déchéance de la nationalité et il est peu probable qu'il acceptent, au vu d'une simple recommandation, de modifier sur ce point une législation que justifie amplement, à leurs yeux, la gravité des cas, d'ailleurs fort rares, visés par elle.

16. Pour conclure, tout in étant favorable à l'ensemble de la proposition du président, M. Kural voudrait que le membre de phrase où sont mentionnées les lois relatives à la déchéance de la nationalité fût, soit purement et simplement éliminé, soit précisé dans le sens indiqué par le représentant des Etats-Unis.

17. M. CUVELIER (Belgique) fait observer que le texte dont l'insertion au rapport est proposée par le président est incomplet, car d'une part il omet d'indiquer les deux tendances opposées qui se sont manifestées au sein du Comité : l'une préconisant une étude détaillée du fond du problème de la suppression de l'apatridie dans le sens de la proposition du Danemark, L'autre penchant pour une solution rapide consistant en quelques recommandations d'ordre général ; d'autre part il omet également d'indiquer les raisons pour lesquelles le choix du Comité s'est porté sur cette dernière solution. Il conviendrait de combler cette lacune par l'insertion d'un paragraphe supplémentaire dans le projet du président, avant les mots « à la suite de ces délibérations ».

18. M. LARSEN (Danemark) rappelle que, après avoir invité par sa résolution 116 (VI) D le Secrétaire général à étudier les législations nationales et les conventions et accords internationaux relatifs à l'apatridie, le Conseil économique et social, ayant pris connaissance du mémoire rédigé à la suite de cette étude (E/1112 et E/1112/Add.1), a chargé, par sa résolution 248 (IX), le Comité d'étudier les moyens de supprimer le problème de l'apatridie. C'est donc là le mandat essentiel du Comité qui a été spécialement institué à cet effet. Ce n'est que subsidiairement, s'il serait souhaitable s'inviter la Commission du droit international à préparer une étude et à faire des recommandations sur la question.

19. Il convient donc que le Comité procède d'abord lui-même à l'étude de la suppression de l'apatridie. C'est pour lui fournir une base de travail dans ce sens que la délégation danoise a rapidement préparé un projet de convention (E/AC.32/L3) qui tient compte des opinions exprimées au cours de la séance précédente.

20. M. Larsen souligne qu'en abordant le fond du problème et en élaborant un projet de convention le Comité n'engagera nullement la responsabilité des gouvernements, puisque le texte définitif de la convention ne sera probablement arrêté qu'au sein d'une conférence diplomatique internationale spécialement convoquée à cet effet. Mais il serait utile que les gouvernements disposent au préalable d'un document technique qui servirait de base à leur étude de la question et à la discussion juridique qui s'instituera nécessairement sur cette matière.

21. Certes, au stade actuel, le projet du Danemark ne peut être considéré que comme une addition au texte provisoire des paragraphes dont le président propose l'insertion dans le rapport ; mais, même sous cotte forme d'annexe, il peut être de la plus grande utilité pour la solution ultérieure du problème de l'apatridie.

22, Le PRESIDENT estime que, si le projet danois est joint en annexe au texte à insérer dans le rapport, il faudrait ajouter à sa propre proposition un paragraphe indiquant que le représentant du Danemark a présenté une proposition concrète qui est annexée au rapport aux fins d'examen par la Commission du droit international.

23. M. LARSEN (Danemark) suggère que le texte de ce paragraphe supplémentaire soit rédigé en commun par les délégations danoise et belge, de manière qu'il englobe à la fois la référence au projet de convention du Danemark et les indications dont le représentant de la Belgique a demandé d'insertion au rapport.

24. M. CUVELIER (Belgique) ne voudrait pas que, s'il accepte de collaborer à la mise au point de ce texte, on en déduise qu'il approuve le projet de convention danois ou même l'opportunité de le soumettre à une discussion détaillée. Le seul objet de sa propre demande est qu'il soit fait mention au rapport des tendances qui se sont fait jour au Comité et des motifs du choix auquel celui-ci s'est arrêté.

25. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) ne croit pas qu'il soit utile de discuter li projet du Danemark puisque le Comité a déjà fait connaître son opinion sur la plupart des points qui font l'objet de ses dispositions.

26. C'est ainsi que, sur les matières traitées dans les trois premiers articles, le Comité a manifesté sa préférence pour des solutions différentes de celles que préconise le représentant du Danemark à l'égard des cas d'apatridie résultant de la naissance.

27. Le Comité était également en faveur d'une solution plus générale que celle des articles 4 à 6 qui traitent de l'apatridie causée par la mariage.

28 Le Comité a aussi examiné à la séance précédente l'était de la reconnaissance et de l'adoption sur l'apatride : il a estimé que c'était là des questions secondaires et, pour sa part, le représentant du Royaume-Uni pense qu'il n'y a pas lieu de s'y attarder.

29. Sur la question de la renonciation à la nationalité qui fait l'objet de l'article 9, le Comité a déjà décidé de ne faire aucune recommandation.

30. Enfin, le Comité a été d'avis que les questions de nationalité qui se posent à l'occasion de changements territoriaux devaient être réglées séparément chaque fois que ces remaniements se produisent, qu'il était impossible de formuler des règles générales en la matière et que les Etats doivent s'efforcer d'éviter de créer de nouveaux cas d'apatridie lorsqu'ils procèdent à des remaniements territoriaux.

31. Le PRESIDENT estime, comme le représentant du Royaume-Uni, qu'il n'y a pas lieu de revenir sur des décisions déjà prises par le Comité. Le projet du Danemark ne sera donc pas discuté article par article. Rien ne s'oppose toutefois à ce que le Comité décide d'annexer de projet au rapport, où il illustrerait utilement l'une des tendances qui se sont manifestées lors du débat sur le problème de la suppression de l'apatridie.

32. M. LARSEN (Danemark), acceptant la décision du Président, se borne à répondre aux critiques formulées par le représentant du Royaume-Uni contre les dispositions de son projet de convention.

33. A son avis, les articles 1 à 3 aboutissent en fait à un résultat analogue à celui que la majorité du Comité avait en vue lors de la discussion sur les cas d'apatridie dus à la naissance.

34. L'article 4 a pour objet d'empêcher que le mariage ne fasse de la femme une apatride, alors que la Commission de la femme s'attache à résoudre la question très différente de savoir si la femme mariée doit acquérir la nationalité du mari ou conserver sa nationalité d'origine.

35. Quant à l'article 10, c'est bien une règle générale qu'il énonce, puisqu'il oblige en fait les Etats, en cas de changements territoriaux, à prévoir des dispositions concernant la nationalité qui aient pour effet d'éviter toute création de nouveaux apatrides. Une telle règle n'a rien d'incompatible, semble-t-il, avec les intentions de la majorité du Comité, telles qu'elles ont été exprimées à la séance précédente.

36. M. Larsen propose en conséquence d'ajouter à la fin su dernier paragraphe du texte provisoire préparé par le Président le membre de phrase ci-après : « ... en tenant compte des opinions exposées au cours des débats du Comité spécial et du projet de convention figurant à l'annexe du rapport ».

37. Sur Leslie BRASS (Royaume-Uni) objecte que la formule devrait préciser que le Comité ne fait nullement sien ledit projet de convention.

38. Le PRESIDENT estime que le texte proposé par le Danemark n'est guère acceptable.

39. A son avis, il faudrait indiquer que la discussion a porté sur le point de savoir si le Comité peut rédiger un projet de convention sur la suppression de l'apatridie, que la délégation du Danemark a fait une proposition concrète à cette fin, qui figure en annexe au rapport, que néanmoins le Comité a estimé a estimé qu'il ne pouvait examiner le problème que d'un point de vue général. Seraient alors exposées les raisons pour lesquelles le Comité s'est arrêté à cette solution : il me se sentait pas en mesure, après avoir consacré tant de séances à l'élaboration d'une convention sur les réfugiés et d'un protocole sur les apatrides d'accomplir une nouvelle tâche qui s'annonce non moins ardue, dont la réalisation exige une compétence technique particulière et qui entre certainement, en partie du moins, dans les attributions d'autres organes des Nations Unies ; c'est pourquoi le Comité s'est borné à proposer un projet de résolution d'un caractère très général et à suggérer que le soin d'élaborer un projet de convention sur la suppression de l'apatridie fût confié à la Commission du droit international.

40. Le Président estime que les termes mêmes du mandat du Comité indiquent que le Conseil économique et social ne comptait pas, in le rédigeant, que le Comité pût aboutir à une autre solution que celle du renvoi de la question à ladite Commission. Le Comité ne s'en sera pas moins acquitté de sa tâche en toute conscience. Le problème des apatrides aura constamment été présent à son esprit : Il aura beaucoup fait pour eux en élaborant le projet de convention sur les réfugiés et le protocole qui y est annexé. Enfin, ce n'est qu'après une longue discussion qu'il se sera résigné à transmettre à la Commission du droit international le problème de l'élimination de l'apatridie, qu'il n'aura pu examiner que sous un angle très général.

41. M. LARSEN (Danemark) est prêt à se rallier à cette solution si le texte provisoire (E/AC.32/L.36) est amendé dans le sens suggéré par le Président.

42. Le PRESIDENT espère que cet amendement, qui va être préparé en cours de séance, donnera satisfaction à la fois à la délégation belge et au représentant du Danemark.

43. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) donne lecture du paragraphe supplémentaire relatif à l'apatridie de la femme mariée, dont il propose l'insertion dans le texte provisoire, à la suite de l'avant-dernier paragraphe :

« Le Comité n'a pas mentionné expressément, dans le projet de résolution, l'apatridie de la femme résultant du mariage or de la dissolution du mariage, puisque la question de la nationalité de la femme mariée est actuellement examinée d'un point de vue plus général par la commission de la condition de la femme. » (Traduction provisoire).

44. Le PRESIDENT constate l'accord du Comité sur le principe de ce texte additionnel.

45. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) rappelle les observations qu'il a déjà présentées à l'égard du projet de résolution proposé par le Président ; il tient à ajouter qu'il ne serait pas opportun de mentionner les lois sur la déchéance de la nationalité, car ces lois ont une protée qui dépasse Largement la compétence du Comité. Par conséquent, le projet de résolution devrait être muet à ce sujet ; en revanche, le rapport du Comité indiquerait que ces lois n'ont pas été citées dans le projet de résolution parce qu'elles touchent des problèmes autre que ceux de l'apatridie et que le Comité n'était pas habilité pour discuter de leur bien-fondé.

46. M. Henkin présente un texte destiné à remplacer le projet proposé par le président. Il souligne qu'il agit en la matière à la demande du Président et en tant que membre du Comité, et non pas en sa qualité de représentant des Etats-Unis. Le projet de résolution suggéré par M. Henkin est ainsi conçu :

« Le Conseil économique et social

« 1. Invite les Etats à revoir les lois nationales qui régissent l'acquisition de la nationalité à la naissance ou par naturalisation, en vue de réduire, dans toute la mesure du possible, les cas d'apatridie résultant de l'application do ces lois ;

« 2. Invite les Etats à contribuer à l'élimination de l'apatridie en accordant aux apatrides se trouvant sur leurs territoires la possibilité de se faire naturaliser ;

« 3. Recommande aux Etats participant à des changements de souveraineté territoriale d'inclure dans les accords relatifs à ces remaniements les dispositions nécessaires pour éviter les cas d'apatridie qui, en l'absence de telles dispositions, résulteraient des remaniements territoriaux en question ;

« 4. Charge le Secrétaire général de recueillir des renseignements auprès des gouvernements et de procéder à des consultations avec les divers gouvernements en vue de l'application dos dispositions de la présent résolution »

47. .M. ROBINSON (Israël) ne croit pas qu'il lui soit possible d'accepter entièrement le texte proposé part le représentant dos Etats-Unis. Pour expliquer son attitude, il analyse successivement les quatre paragraphes.

48. Le paragraphe 1 repose sur deux prémisses ; la première est correcte, en ce sens que l'apatridie peut être provoquée par les lois qui régissent l'acquisition de la nationalité à la naissance ; la seconde est fausse, car les lois relatives à la naturalisation ne peuvent pas être considérées comme une cause de l'apatridie, les lois sur la naturalisation, qui ont plutôt pour effet de diminuer les cas d'apatridie, ont moins de rapports avec l'apatridie que les lois sur la déchéance de la nationalité, dont on ne veut pas parler dans le projet de résolution.

49. Le paragraphe 2 est inutile, car il est une simple répétition des dispositions du projet de protocole concernant les apatrides et de l'article 29 du projet de convention concernant le statut des réfugiés. Il ne semble pas nécessaire d'appeler encore une fois l'attention sur ces dispositions, sans rien leur ajouter de concret.

50. Le paragraphe 3 est consacré aux changements territoriaux et son but n'apparaît pas très clairement ; en effet les remaniements territoriaux qui ont eu lieu récemment sont do deux ordres ; les une résultent de la deuxième guerre mondiale, les autres de l'émancipation de territoires non autonomes ; quel que soit le cas, il n'y a jamais eu un seul problème d'apatridie. Les Traités do paix conclus avec la Hongrie, la Rumanio et la Bulgarie ne contiennent aucune clause relative à la question de l'apatridie ; seul, le Traité conclu avec l'Italie contient une telle disposition. Le cas encore en suspens de la Sarre posera peut-être, mais ce n'est pas tellement évident, la question de l'apatridie. En ce qui concerne les Etats créés depuis 1945, il n'a même pas été question de l'apatridie, en ce sens qu'aucun cas nouveau n'a été provoqué. Dans ces condition, on peut se demander pourquoi le Comité proposerait une recommandation qui serait pratiquement sans objet. Il faut se rappeler en outre que la Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit déjà que tout individu a droit à une nationalité (article 15) ; il est donc inutile que le projet de résolution répète, sous une forme différente, cette disposition de la Déclaration.

51. M. Robinson appelle en outre l'attention sur un argument d'ordre moral : la notion de remaniement territorial est on général associée à celle de guerre et de conquête ; il ne semble donc pas opportun de faire allusion à des remaniements territoriaux et à leurs conséquences.

52. Le paragraphe 4 pose un problème d'ordre constitutionnel pour l'Organisation des Nations Unies. M. Robinson ne pense pas que le Secrétaire général puisse procéder à des consultations avec les gouvernements en vue de l'application des dispositions d'une résolution ; en tout cas, il n'a encore jamais été appelé à agir de la sorte. Le Comité proposerait donc la création d'un précédent susceptible de donner lieu à de sérieuses difficultés constitutionnelles. M. Robinson doute de la sagesse d'une telle mesure.

53. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare qu'il comprend fort bien les critiques du représentant d'Israël ; il partage même le point de vue qui est la base de ces critiques, à savoir que le Comité ne peut rien faire sans se livrer à une étude très approfondie de l'ensemble du problème de l'apatridie.

54. M. Henkin rappelle qu'il a proposé un texte pour la seule raison que le Comité a estimé qu'il se devait de présenter certaines recommandations : le projet de M. Henkin n'est qu'un amendement au projet proposé par le Président.

55. Reprenant les critiques du représentant d'Israël, M. Henkin fait observer que toutes ne sont pas entièrement justifiées. Tout d'abord, il peut y avoir des modifications territoriales sans guerre ou conquête ; d'autre part, si certains des remaniements territoriaux récents n'ont pas provoqué de problème d'apatridie, c'est précisément parce que les dispositions nécessaires avaient été prises. En second lieu, les lois de naturalisation ont un effet sur l'existence de l'apatridie, en de sens qu'elles empêchent de nombreux apatrides d'obtenir une nationalité. Toutefois, M. Henkin ne formulera pas d'objection si le Comité décide de ne pas mentionner dans le projet de résolution les lois qui régissent l'acquisition de la nationalité pas naturalisation.

56. En ce qui concerne l'observation du représentant d'Israël au sujet du paragraphe 4, M. Henkin ne sait pas si elle set justifiée ou non ; il aimerait connaître l'opinion du Secrétariat.

57. M. GIRAUD (Secrétariat) examine le problèmes de droit constitutionnel des Nations Unies soulevé pas le/paragraphe 4 : que peut faire le Secrétaire général ? La réponse est qu'il peut et doit faire ce que lui demandent les organes supérieurs des Nations Unies. En général, on lui demande de recueillir des informations et de faire des études. Si on de charge de procéder à des consultations, il le fait mais il ne dépasse pas certaines limites, en ce sens qu'il ne peut exercer de pression politique, faire des remonstrances ou des critiques. Le Secrétaire général pose des questions et peut à l'occasion rappeler aux Etats Membres les engagements pris et peur signaler l'opportunité d'adopter certaines mesures, mais il le fait avec la plus grande discrétion possible, comme il sied à un fonctionnaire subordonné à l'Assemblée générale et aux Conseils.

58. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) fait remarquer que l'adoption et l'acceptation d'une convention relative à l'élimination de l'apatridie demanderont un temps assez long. D'ici là, il serait sans doute opportun que les Etats qui n'ont pas encore donné leur adhésion à la Convention de La Haye révisent leur position à cet égard. Le Comité pourrait donc fort bien suggérer au Conseil économique et social de recommander aux Etats Membres de donner leur adhésion à la Convention et au Protocole de La Haye. Cela serait de la part du Comité une mesure concrète, entièrement conforme à son mandat,

59. Le PRESIDENT propose de supprimer dans le paragraphe 1 du projet de M. Henkin les mots : « ou par naturalisation » ; cela donnerait satisfaction au représentant d'Israël et M. Henkin ne s'y oppose pas.

60. M. CUVELIER (Belgique) estime qu'il convient d'élargir la formule proposée pas M. Henkin. Il ne lui semble pas opportun de viser uniquement les lois qui régissent l'acquisition de la nationalité ; aussi préférerait-il que l'on dise simplement. « Invite les Etats à revoir leur législation en matière de nationalité, en vue de ... ».

61. M. ROBINSON (Israël) pense que des trois propositions en présence - celle de M. Henkin, calle du représentant de la Belgique et la sienne - celle du représentant de la Belgique semble être la meilleure, car elle ne précise pas que l'on vise uniquement les lois qui régissent l'acquisition de la nationalité ; elle laisse au contraire entendre que l'on n'exclut pas les lois qui régissent la déchéance de la nationalité.

62. Le PRESIDENT propose d'adopter la suggestion du représentant de la Belgique et de dire : « Invite les Etats à revoir leur législation en matière de nationalité ... ».

Il en est ainsi décidé.

63. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) reconnaît que cette rédaction est préférable, en ce sens qu'elle est conçue en termes généraux ; toutefois, en mentionnant expressément les lois sur la nationalité, elle pose le problème très complexe de la nationalité sur le seul plan de l'apatridie. Or les Etats-Unis estiment que l'apatridie n'est pas l'aspect le plus important de ce problème, étant donné que celui-ci comporte d'autres éléments importants qui relèvent de l'aspect national du problème. C'est ans la mesure où la formule adoptée vise les lois régissant la déchéance que les Etats-Unis critiquent cette façon d'envisager le problème.

64. Le PRESIDENT invite le Comité à se prononcer à l'égard du paragraphe 2.

65. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) ne pense pas que ce paragraphe doive être supprimé du seul fait qu'il énonce des dispositions déjà mentionnées dans le projet de convention concernant le statut des réfugiés et dans le projet de protocole concernant les apatrides. Même si l'on admet que cette répétition n'est pas nécessaire, il faut reconnaître qu'elle ne saurait être nuisible.

66. Le PRESIDENT est enclin à partager le point de vue du représentant d'Israël. Mais il ne voit pas d'inconvénients à ce que l'on conserve le paragraphe 2 ; il propose donc de le maintenir.

Le paragraphe 2 est adopté.

67. Le PRESIDENT propose d'adopter le paragraphe 3.

Le paragraphe 3 est adopté.

68. Le PRESIDENT propose d'adopter le paragraphe 4 en supprimant, sur l'avis du Secrétariat, l'expression : « et de procéder à des consultations avec les divers gouvernements ».

Le paragraphe 4 ainsi amendé est adopté.

69. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) demande s'il ne serait pas opportun d'amender le paragraphe 1 pour dire : « Invite les Etats à revoir leur législation en matière de nationalité et à étudier s'il ne serait pas désirable d'amender ces lois, en vue de ... ».

70. Le PRESIDENT fait observer que le fait d'inviter les Etats à revoir leur législation implique qu'on les invite « a fortiori » à leur apporter les amendements qui se révéleraient nécessaires. L'amendement que propose M. Henkin ne semble donc pas s'imposer.

71. M. ROBINSON (Israël) signale que le texte proposé parle des « Etats » en général et non des « Etats Membres ». Or d'après l'Article 62 de la Charte le Conseil économique et social ne peut s'adresser qu'aux Etats Membres ; seul le Conseil de sécurité, responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales, est habilité à s'adresser à tous les Etats, qu'ils soient ou non Membres de l'Organisation.

72. M. Robinson propose, en conséquence, de remplacer le mot « Etats » par « Etats Membres ».

Il en est ainsi décidé.

73. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) appelle l'attention sur les paragraphes 2 et 4. Il lui semble que le paragraphe 2 n'est pas très précis. En effet les apatrides peuvent être naturalisés, tout comme les autres étrangers, mais les termes du paragraphe 2 semblent indiquer qu'il n'en est pas ainsi. Ne serait-il donc pas plus conforme à l'intention du Comité de dire : en accordent aux apatrides ... des facilités plus étendues pour se faire naturaliser ».

74. Le paragraphe 4 ne parle pas du Haut Commissaire pour les réfugiés ; or ce dernier a, entre autres tâches, celle de procéder à des consultations avec les gouvernements en vue de citer les mesures propres à améliorer le sort des réfugiés ; son mandat lui permet donc d'aborder le problème de la réduction du nombre des apatrides par voie de naturalisation. M. Weis pense qu'il conviendrait de ne pas exclure la compétence du Haut Commissaire.

75. Le PRESIDENT fait remarquer au représentant de l'OIR que le fait de ne pas mentionner le Haut Commissaire n'enlève rien à sa compétence éventuelle en la matière ; par contre, il ne semble pas qu'il soit opportun de citer le Haut Commissaire au paragraphe 4, étant donné que son mandat n'est pas encore exactement défini.

76. C'est à dessein que le paragraphe 2 a été rédigé sous sa forme actuelle, car le Comité ne veut pas entrer dans les détails de la question ; l'amendement que suggère le représentant de l'OIR ne semble donc pas opportun.

77. M. ROBINSON (Israël) appelle l'attention sur le fait que le Secrétariat a établi une distinction très nette entre la question de l'élimination de l'apatridie et celle de la réduction du nombre des apatrides. Il lui semble que cette distinction s'impose et qu'il faudrait modifier le paragraphe 2 en adoptant la formule : « à réduire le nombre des apatrides », à la place de l'expression « à L'élimination de l'apatridie ».

Il en est ainsi décidé.

78. Le PRESIDENT propose de faire précéder le projet de résolution par un exposé conçu dans le sens indiqué par le représentant de la Belgique.

79. Le Président propose le texte suivant :

« Au cours de ses délibérations, les membres du Comité ont développé deux principaux points de vue : a) celui de la majorité des membres du Comité, à savoir que le Comité ne peut en ce moment entreprendre l'élaboration d'un projet de convention sur la question de la suppression de l'apatridie ; b) celui de la minorité, à savoir que le Comité peut et doit élaborer un projet de convention qui servira de base aux discussions d'un autre organe qui sera appelé à donner effet d'une manière plus définitive à la question. On trouvera en annexe, au présent rapport, le texte d'une proposition soumise par le représentant du Danemark à cet effet.

« Les conclusions de la majorité se fondent essentiellement sur les facteur suivants :

a) Le Comité avait déjà, au moment où il a abordé l'examen de ce point de son ordre du jour, achevé le texte d'un projet de convention relatif au statut des réfugiés et d'un protocole relatif au statut des apatrides. Ces travaux ont occupé une grande partie du temps dont disposaient les membres du Comité ;

b) En outre, le Comité a estimé qu'il était difficile, sinon impossible, d'aborder à ce stade, avec tout le détail voulu l'examen d'une question si complexe ». (traduction provisoire).

Le texte proposé par le Président est adopté.

80. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) se demande si le dernier paragraphe du projet du Président (E/AC.32/L.36) ne devrait pas être incorporé dans le corps même du projet de résolution.

81. M. ROBINSON (Israël) estime qu'il doit en être ainsi, car il s'agit d'une recommandation très importante

82. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) propose un texte appelé à remplacer le texte soumis par le Président.

83. M. GUERREIRO (Brésil)et M. LARSEN (Danemark) suggèrent des amendements au texte de M. Henkin.

84. A la suite d'un bref échange de vues, le PRESIDENT soumet au Comité le texte suivant, inspiré de la proposition du représentant des Etats-Unis :

« 1. Considérant que, pour arriver à éliminer l'apatridie, il faut une action commune sur le plan international ;

« 2. Considérant qu'il est nécessaire à cette fin de conduire un ou plusieurs accords généraux ;

« 3. Invite la Commission du droit international à préparer les projets nécessaires aussitôt que possible. » (traduction provisoire)

Ce texte est adopté. Il devient la partie B du projet de résolution.

85. Le PRESIDENT propose d'adopter l'ensemble du projet de résolution dont les paragraphes 1, 2, 3 et 4 constitueront la partie A.

Le projet de résolution est adopté.

86. Le PRESIDENT signale que le Comité a épuisé son ordre du jour, à l'exception du point relatif à l'adoption du rapport.

87. Le projet de rapport du Comité sera examiné à la prochaine séance, qui aura lieu le mercredi 15 février, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 05.