Approches régionales globales face aux problèmes des réfugiés
Approches régionales globales face aux problèmes des réfugiés
EC/1994/SCP/CRP.3
I. INTRODUCTION
1. A sa quarante-quatrième session d'octobre 1993, le Comité exécutif a souligné l'importance de se pencher sur les questions de la prévention, de la protection et des solutions sous un angle régional et a encouragé le Haut Commissaire à consulter les Etats, les organisations internationales et les organes régionaux sur la possibilité de mesures et d'initiatives additionnelles dans des domaines spécifiques connaissant des problèmes complexes de mouvements de population forcés (A/AC.96/821, par. 19 n)). Ces points ont été soulignés dans la résolution 48/116 de l'Assemblée générale.
2. Ce document décrit la participation du HCR à l'étude de certains problèmes de réfugiés dans le cadre d'une approche régionale globale, souligne les éléments de protection de ces approches et indique les aspects à discuter plus avant.
3. Alors que l'éventail de personnes reconnues comme ayant un besoin de protection internationale s'est élargi depuis la création du HCR, la portée de ses activités a également passé d'une approche foncièrement assimilable à une réaction focalisée sur la protection et l'assistance dans les pays d'asile à une approche où la protection, avec l'asile comme instrument indispensable, fournit la base d'une stratégie de prévention, de préparation et de solutions, avec un accent croissant mis sur les activités dans les pays d'origine. De nouveaux défis ont surgi, tant pour la protection des réfugiés que pour la solution de leurs problèmes à mesure que le déplacement forcé et le risque d'un déplacement ultérieur se sont accrus dans le sillage des tensions nationales et communautaires. D'autres mouvements migratoires sont devenus plus importants et plus complexes, avec de graves conséquences pour la protection des réfugiés. Afin de relever ces défis dans des contextes régionaux spécifiques, des approches régionales globales (ou enveloppes) ont été conçues comme moyens de combiner la protection internationale à ceux qui en ont besoin, la promotion de solutions appropriées - particulièrement le rapatriement librement consenti - et l'action préventive pour supprimer ou atténuer les causes du déplacement forcé.
II. APPROCHES REGIONALES GLOBALES
4. Dans son sens large, une approche globale est l'application d'un certain nombre de mesures différentes mais concertées pour briser le cycle de l'exil, du retour, du déplacement intérieur et de l'exil. L'objectif ultime de cette approche est de promouvoir la stabilité globale d'une société et le respect du droit de ses citoyens, y compris les réfugiés et les rapatriés, et ainsi de remédier aux facteurs causant le déplacement. Le maintien de la paix et de la sécurité, la promotion du développement économique et social, et le respect des droits de l'homme doivent être considérés comme des éléments essentiels de toute approche globale. Plus précisément, le concept peut être compris sous l'angle des acteurs (organisations gouvernementales, intergouvernementales et non gouvernementales et communautés et individus touchés) et sous l'angle des composantes (politique, maintien de la paix, humanitaire, droits de l'homme, développement). Pour le HCR, en tant que l'un des acteurs clés dans une approche globale, le concept s'applique à la nature de l'action de l'Organisation sur un spectre allant de la protection et de l'assistance aux solutions et à la prévention dans le cadre d'une région ou face à un problème commun.
5. L'intérêt du HCR pour des approches régionales globales se fonde sur la nécessité d'adopter une approche globale face au problème des déplacements et sur le fait que le Haut Commissariat peut, par le biais de sa présence dans les pays d'origine ainsi que dans les pays d'asile, jouer un rôle actif et catalytique dans la promotion et l'application de mesures contribuant à la prévention et à la solution des problèmes de réfugiés. Dans les domaines tels que l'alerte précoce, la diplomatie préventive, la promotion des droits de l'homme et le développement économique et social, le Haut Commissariat peut encourager des activités dont d'autres institutions prendraient la tête. En même temps, le HCR continue d'assurer la protection internationale des réfugiés (ainsi que des demandeurs d'asile sur la demande desquels il n'a pas été statué) et veiller à la sécurité des rapatriés, mettre en oeuvre des stratégies d'assistance compatibles aux objectifs de développement plus larges et couvrir les besoins des bénéficiaires sans prolonger ou encourager le déplacement ou exacerber les tensions entre différents groupes. L'assistance et, si nécessaire et réalisable, la protection des populations déplacées à l'intérieur du territoire, peuvent constituer des éléments critiques de « l'enveloppe »; en contribuant à stabiliser ces populations elles peuvent réduire le risque de nouveaux déplacements et faciliter la mise en oeuvre d'une solution globale.
6. La notion de « globalité » a varié selon la situation et la nature du problème envisagé. Etant donné la diversité des situations, il ne saurait y avoir de panacée. La nature des mesures dépendra beaucoup de l'importance attachée à la prévention, la protection ou les solutions et tous les aspects peuvent être présents à des degrés divers. L'essence de dispositions globales est que les différentes composantes doivent être liées et se renforcer mutuellement.
7. Le Groupe de travail interne sur la protection internationale, créé en 1992, a identifié trois indicateurs de situations propices à l'adoption d'approches globales face aux problèmes de réfugiés et de déplacements massifs :
a) si une région tout entière, ou un ensemble de pays, est touché par un problème commun de réfugiés ou une même cause de fuite et si sa solution implique une approche sous-régionale ou régionale;
b) lorsque des obstacles majeurs à l'asile et aux solutions (comme le conflit ou la concentration de forces militaires) sont tels que le HCR ne peut à lui seul les franchir; et
c) lorsque le HCR doit servir de pont entre les initiatives nationales, régionales et internationales pour s'attaquer aux problèmes liés aux réfugiés.
III. ELEMENTS D'APPROCHES GLOBALES
A. Traitement des causes par le biais de la prévention
8. Les causes immédiates des mouvements de réfugiés peuvent être faciles à cerner, comme les graves violations des droits de l'homme, les troubles politiques et sociaux ou un conflit civil ou international. Des causes engendrant spécifiquement des réfugiés peuvent se conjuguer ou être elles-mêmes provoquées par des facteurs apparemment endémiques, y compris le sous-développement et le désordre économique, le chômage massif, la pression démographique - éventuellement aggravée par les divisions ethniques - et les problèmes du milieu comme la sécheresse, les inondations et la famine. Le mélange de facteurs peut estomper la distinction entre déplacement « volontaire » et « involontaire ». L'exode d'un pays ou d'une région peut inclure des personnes fuyant la persécution, d'autres fuyant un conflit armé (avec ou sans persécution) et d'autres cherchant à échapper aux privations économiques; la persécution peut se manifester à travers le ciblage de mesures économiques. Afin d'identifier les réponses adéquates, une distinction claire doit être établie entre les réfugiés fuyant la persécution et les conflits armés et les migrants cherchant à fuir la pauvreté.
9. La responsabilité de s'attaquer aux causes profondes des problèmes de réfugiés incombe clairement, dans un premier temps, aux gouvernements. Pour s'acquitter de cette responsabilité, ils peuvent devoir faire appel à la communauté internationale, y compris différentes institutions multinationales et internationales. Compte tenu du large éventail de causes identifiées, il est évident que la capacité d'aider les gouvernements à y faire face doit être cherchée dans des instances autres que le HCR et, pour ce qui concerne la prévention, en particulier, les rôles des autres acteurs sont primordiaux. Les rôles respectifs du HCR et des autres institutions, y compris les organes politiques des Nations Unies, doivent être définis selon les exigences spécifiques de chaque situation. Les éléments liés à la protection que le HCR peut, le cas échéant, et si nécessaire, apporter à une stratégie préventive, inclut l'alerte précoce, la promotion des droits de l'homme - y compris le suivi, la formation et la création d'institutions, la diplomatie préventive (particulièrement la diplomatie humanitaire) et la médiation.
10. Concernant la diplomatie préventive, définie par le Secrétaire général dans son Agenda pour la paix (A/47/277-S/24111) comme une action visant à empêcher l'émergence de conflits entre les parties, éviter que les différends existants ne dégénèrent en conflits et limiter l'extension de ces conflits lorsqu'ils se déclenchent; deux aspects sont d'une importance particulière pour le HCR en matière d'approches globales. L'un est l'importance de l'assistance humanitaire fournie de façon impartiale dans les situations de plus en plus fréquentes où le HCR opère avec les forces de maintien de la paix des Nations Unies en cas de conflit intérieur, parfois dans le cadre d'un accord de paix global. Deuxièmement, l'imposition de la paix peut être facilitée par l'espace humanitaire et apolitique créé par l'action humanitaire en faveur des réfugiés et des personnes déplacées.
B. Promotion des solutions
11. La promotion du rapatriement librement consenti est le créneau où le HCR introduit dans toute approche globale les mesures permettant à la fois de remédier aux déplacements antérieurs et de prévenir les déplacements ultérieurs. Ces mesures requièrent l'engagement actif des gouvernements directement concernés ainsi que celui d'autres acteurs régionaux et internationaux. Comme pour la prévention, le succès du rapatriement librement consenti dépend, par dessus tout, de la volonté et de la capacité des gouvernements des pays d'origine à assumer leurs responsabilités pour protéger leur population.
12. Les éléments de protection du processus de rapatriement librement consenti incluent :
a) assurer le caractère volontaire et le mouvement de rapatriement dans des conditions de sécurité et de dignité;
b) aide à la réintégration;
c) accès du HCR;
d) le suivi des amnisties ou garanties fournies aux réfugiés; et, de plus en plus,
e) la promotion, en coopération avec les autorités, d'un environnement sûr pour les rapatriés;
f) l'intégration de mesures parallèles de paix et de rétablissement de la confiance dans un plan global régional ou international de réconciliation, réadaptation et stabilisation, et
g) le renforcement de la capacité d'exécution des structures régionales et internationales des droits de l'homme.
13. Les activités opérationnelles du HCR dans le pays d'origine sont conçues comme provisoires et complémentaires aux efforts de stabilisation plus ambitieux. Toutefois, la durée de la présence du HCR dépend également de la satisfaction des besoins de protection et d'assistance spécifiques des rapatriés. Les mécanismes complexes qui sont nécessaires pour rendre possible le rapatriement librement consenti en termes d'exigences de protection et de modalités d'assistance sont largement reconnus. L'aspect relatif à la réintégration d'une approche globale est discuté dans un document de séance sur ce thème (EC/1994/SC.2/CRP.12) présenté à la réunion du 17 mai 1994 du Sous-Comité chargé des questions administratives et financières.
C. Protection des réfugiés
14. Le droit de chercher asile et d'autres principes fondamentaux de protection, y compris le respect des dispositions de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés et autres instruments régionaux pertinents, restent les éléments essentiels de toute approche régionale globale. Parmi les mesures clés de protection internationale nécessitant peu d'explications supplémentaires, il convient de signaler :
a) la garantie d'une admission dans une zone sûre;
b) le respect du non-refoulement, y compris le non-rejet aux frontières;
c) le respect des droits fondamentaux de l'homme;
d) la garantie de la sécurité de la personne et de l'assistance matérielle nécessaire;
e) l'accès du HCR aux demandeurs d'asile, aux réfugiés et aux rapatriés;
f) une protection et une assistance appropriées pour les femmes, les enfants et les groupes vulnérables, y compris l'enregistrement, les soins et la recherche de famille pour les enfants non accompagnés; ainsi que
g) le regroupement familial.
15. Parmi les autres apports éventuels du HCR dans le contexte d'approches régionales globales, il convient de mentionner diverses approches en matière d'asile, y compris la protection temporaire et les activités de protection et d'assistance en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire. Ces activités peuvent inclure les programmes d'assistance humanitaire, les mesures de sécurité et le suivi de la situation des personnes déplacées en matière de droits de l'homme. Là comme ailleurs, les activités en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire nécessitent le consentement et la coopération entière des autorités du pays d'origine. La protection des personnes déplacées à l'intérieur du territoire est étudiée dans la « Note sur les aspects de protection des activités du HCR en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire » (EC/1994/SCP/CRP.2)
IV. EXEMPLES D'APPROCHES GLOBALES
16. Les exemples suivants d'approches régionales globales illustrent certains des indicateurs mentionnés au paragraphe 7 ci-dessus. Leurs caractéristiques différent mais, dans chaque cas, une région et un ensemble de pays connaissent un problème commun; des obstacles importants s'opposent à l'asile ou aux solutions. Dans les cas examinés, concernant tous d'importants exodes, aucun n'est semblable à l'autre, ce qui rend difficile l'établissement de comparaisons directes.
A. Amérique centrale : La Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains
17. La Conférence internationale sur les réfugiés centraméricains (CIREFCA) a été convoquée en 1989. Elle a suivi la signature de l'accord de paix d'Esquipulas II en 1987 en vertu duquel les Etats signataires ont déclaré officiellement qu'une solution au problème des réfugiés devait faire partie intégrante des initiatives de paix lancées dans la région. Le plan d'action de la CIREFCA se caractérise par des engagements de grande envergure de la part des sept pays concernés. Dans la recherche de solutions durables au sort des deux millions de réfugiés et de personnes déplacées dans la région, les Etats se sont engagés à :
a) abandonner leur approche exclusivement orientée vers l'assistance en fermant les camps de réfugiés;
b) intégrer les personnes déracinées dans des programmes de développement plus larges;
c) respecter les principes fondamentaux de traitement humanitaire pour toutes les catégories de personnes déracinées (réfugiés, rapatriés et personnes déplacées); et
d) entamer un dialogue au niveau national, particulièrement avec les ONG, afin d'aboutir à la réconciliation nationale.
18. La Conférence a décidé de ne pas établir de distinction en matière de déplacement forcé et de lier l'assistance aux personnes déplacées aux plans de développement nationaux. Elle a établi des mécanismes de suivi spécifiques aux niveaux international, régional et national afin d'impliquer tous les acteurs clés et de dégager un consensus. Le HCR et le PNUD ont été chargés de l'appui technique du plan d'action qui, en dehors de leurs programmes respectifs dans les sept pays, s'est principalement exprimé par le biais de l'Unité d'appui conjointe de la CIREFCA, dotée en ressources humaines et financières par les deux institutions. Cette Unité a joué un rôle clé en matière d'appui technique, de mobilisation de ressources et d'établissement de rapports globaux tout au long du processus.
19. A son achèvement en mai 1994, après cinq ans d'existence, le processus de la CIREFCA aura atteint bon nombre de ses objectifs, particulièrement la promotion et la réalisation du rapatriement librement consenti ou de l'intégration sur place en tant que solutions au problème des réfugiés centraméricains. La principale tâche restant à accomplir concerne le rapatriement et la réintégration des réfugiés guatémaltèques au Mexique. Le processus n'a pas entièrement réussi à résoudre les problèmes des personnes déplacées à l'intérieur du territoire qui constituent au moins la moitié de la population cible. En outre, le succès du retour et de la réintégration en Amérique centrale dépendra en tout dernier ressort de l'application de politiques et de pratiques de développement s'attaquant aux causes profondes du conflit social et du déplacement de populations dans la région. Compte tenu de la fragilité socio-économique extrême de la situation en Amérique centrale et de l'éventualité de nouveaux exodes, le HCR mettra l'accent sur les stratégies de prévention dans la période qui suivra la CIREFCA, notamment l'accélération de la promotion et la diffusion du droit des réfugiés ainsi que la formation en matière des droits de l'homme des partenaires d'exécution et continuera d'appuyer les initiatives de paix du Secrétaire général dans la région.
20. L'une des contributions les plus précieuses de la CIREFCA a été que l'accent mis sur les questions de réfugiés et les déplacements connexes d'intérêt mutuel a ouvert un espace humanitaire au sein d'un dialogue politique délicat aux niveaux régional et national. En conséquence, le processus de paix et le processus de la CIREFCA se sont mutuellement renforcés.
B. Asie du sud-est : le Plan d'action global pour les réfugiés indochinois
21. Jusqu'en 1989, la réponse internationale au problème des réfugiés indochinois a été la combinaison de l'asile temporaire dans les pays de la région et la réinstallation internationale. En 1987, les pays de premier asile ont fait face à une augmentation marquée des afflux alors que les possibilités de réinstallation s'amenuisaient. De plus en plus, les raisons avancées par ceux qui fuient ont trait à la pauvreté plutôt qu'à la persécution. La Conférence sur les réfugiés indochinois (juin 1989), parrainée par le HCR, s'est efforcée de définir un nouveau cadre garantissant la protection des réfugiés et permettant le rapatriement des migrants non réfugiés compte tenu des préoccupations des pays d'origine, de premier asile et de réinstallation.
22. La Conférence a adopté le Plan d'action global comprenant les points suivants :
a) l'élaboration de mesures, y compris une campagne d'information de masse dans le pays d'origine pour dissuader les départs clandestins des non réfugiés;
b) l'accélération et l'intensification de l'émigration par le biais des procédures de départ organisé et d'autres programmes de migration;
c) l'octroi d'un refuge temporaire aux arrivants dans la région et l'accès non entravé du HCR à tous les arrivants;
d) l'établissement de procédures de détermination du statut de réfugié dans les pays de premier asile aux personnes arrivant après la date limite;
e) la poursuite et le renforcement de la réinstallation des Vietnamiens arrivés avant l'établissement de procédures de détermination de statut de réfugié et des personnes reconnues comme réfugiés;
f) la réaffirmation du principe selon lequel les cas rejetés doivent rentrer dans leur pays d'origine et la confirmation que tous les efforts doivent être faits pour les encourager à regagner leur foyer; et
g) l'établissement d'un Comité directeur pour la coordination de l'action au titre du plan d'action global et une adaptation de ce plan lui-même.
23. Une assistance matérielle a été fournie aux rapatriés vietnamiens ainsi qu'à leur communauté d'accueil. Grâce à ces mesures et dans un cadre politique complexe, le PAG a représenté un effort multilatéral important pour résoudre le problème des réfugiés vietnamiens. Ce plan représente une combinaison de mesures relatives au premier asile, à la détermination du statut de réfugié, à la réinstallation et au retour pour les demandeurs d'asile lao.
24. Le PAG a permis de réduire de façon constante l'exode du Viet Nam : au moment où ce rapport a été rédigé, le nombre d'arrivants dans la région s'établissait en 1994 à moins de 200. Environ 60 000 personnes sont rentrées chez elles de leur plein gré. Le nombre des rapatriés dépasse maintenant celui de la population résiduelle dans les camps d'Asie du sud-est.
D. Cambodge : le Règlement politique global
25. Dans le cadre des conférences de paix de Paris, les autorités de Phnom Penh, l'Alliance de l'opposition et les autres Etats concernés ont adopté le règlement politique global du conflit au Cambodge. L'autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) a été établie pour remplir la fonction de maintien de la paix, s'acquitter de responsabilités civiles connexes, préparer et superviser les élections. Le HCR a été prié d'organiser le retour et, en coopération avec d'autres organes, la réintégration d'environ 370 000 Cambodgiens vivant dans des camps à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge.
26. Grâce à l'appui diplomatique et économique d'Etats clés, et à l'étroite coopération interinstitutions, la paix a été rétablie sur l'essentiel du territoire cambodgien, bien que le processus ait connu des revers et des ruptures d'engagement. Le HCR a géré avec succès le rapatriement, avec d'autres institutions, principalement le PNUD, et avec l'appui des donateurs, il a pu offrir différentes formes d'aide au rapatriement, y compris des matériaux de construction, des terres arables et des contributions en espèces. D'autres donateurs bilatéraux et établissements financiers et de développement ont joué un rôle moteur dans la reconstruction et le développement. Les programmes de déminage et d'information sur la présence de mines ont constitué des éléments importants du programme de rapatriement/réintégration. L'éducation en matière de droits de l'homme a été complétée par un programme d'information de masse. Cette approche s'est caractérisée par un appui diplomatique très important qui a permis d'imprimer l'élan nécessaire.
27. Le rapatriement a fait partie intégrante de la mission globale des Nations Unies et la présence de cette mission élargie a fourni au HCR un réseau plus important de ressources pour l'établissement d'un dispositif de suivi ainsi que pour la protection et l'assistance. Toutefois, elle a également ajouté des tensions politiques au processus de rapatriement.
28. La paix au cours de la période post-électorale s'est révélée fragile, de nouveaux déplacements ayant été enregistrés : on constate une augmentation marquée du nombre de nouvelles personnes déplacées à l'intérieur du territoire dont un tiers sont des rapatriés. L'incapacité de fournir des terres déminées et arables à tous les rapatriés et le caractère attractif de l'option relative à la subvention en espèces impliquent qu'un grand nombre de rapatriés n'ont aucun moyen d'assurer leur autosuffisance à long terme. La coopération interinstitutions en matière d'assistance à la réintégration n'a pas permis la mise en place de mécanismes satisfaisants et viables. Le départ de l'APRONUC a laissé des lacunes au plan de la sécurité et de l'administration et le retrait graduel du HCR a réduit la capacité de suivi.
E. Ex-Yougoslavie : la Réponse globale à la crise humanitaire
29. En novembre 1991, le HCR a été désigné par le Secrétaire général comme élément moteur de la coordination des secours humanitaires en ex-Yougoslavie. En coopération avec l'UNICEF, l'OMS et le CICR et avec l'appui de la FORPRONU, le HCR a lancé un programme visant à fournir protection et assistance aux millions de réfugiés, de personnes déplacées et de personnes touchées par la guerre. Le HCR a proposé la Réponse globale à la crise humanitaire en ex-Yougoslavie le 29 juillet 1992 lors de la Réunion internationale sur l'aide humanitaire aux victimes du conflit en ex-Yougoslavie. Demandant cette Réponse, le HCR a déclaré qu'une approche humanitaire ne pouvait à elle seule offrir des solutions mais pouvait créer un climat propice à l'action politique.
30. Les éléments de la Réponse globale à la crise humanitaire en ex-Yougoslavie sont les suivants :
a) respect des droits de l'homme et du droit humanitaire;
b) fourniture d'une protection et d'une assistance aux victimes du conflit qui, sinon, seraient contraintes de se déplacer;
c) accès humanitaire aux personnes ayant besoin d'une protection et d'une assistance;
d) attention spéciale à ceux qui ont besoin d'une évacuation médicale et à d'autres groupes vulnérables;
e) fourniture d'une protection temporaire;
f) fourniture d'une assistance matérielle;
g) organisation d'une aide à la réadaptation et création de conditions propices au retour.
31. Ce train de mesures a été avalisé par la communauté internationale et est devenu le fondement de l'action humanitaire en ex-Yougoslavie, régulièrement évaluée au sein des différents mécanismes de suivi. Toutefois, comme son nom l'indique clairement, il s'agit d'un effort pour répondre à la crise humanitaire. Il présuppose, et espère susciter, des efforts politiques parallèles pour mettre un terme à la guerre et à la persécution et permettre en conséquence une solution durable et réellement globale du problème des réfugiés.
32. En proposant la Réponse globale, le HCR a constaté qu'elle nécessitait l'engagement et la contribution d'un certain nombre de parties, y compris les Etats nés du démembrement de l'ancienne Yougoslavie. En l'absence de l'engagement total de l'ensemble des parties, bon nombre d'éléments n'ont pas pu être mis en oeuvre de façon satisfaisante, notamment le premier, c'est-à-dire le respect des droits de l'homme et des droits humanitaires. En outre, l'exigence primordiale de toute approche globale, c'est-à-dire la paix, n'a pas été remplie non plus.
33. Les difficultés rencontrées par le HCR et d'autres institutions humanitaires en ex-Yougoslavie illustrent que la résolution du conflit est un élément indispensable, ou une condition préalable, de toute approche globale couronnée de succès. Alors que l'assistance de la communauté internationale a sauvé de la famine environ deux millions de personnes déplacées et touchées par la guerre en Bosnie-Herzégovine, elle n'a pas pu empêcher le déplacement dû à la guerre et à la persécution. Les limites du concept de la fourniture d'une protection aux personnes déplacées à l'intérieur du territoire et aux personnes qui ne sont pas encore déplacées, en l'absence d'un règlement des causes profondes, ont été soulignées. Si les Etats se sont montrés prêts à fournir une protection temporaire aux personnes fuyant la guerre et les violations des droits de l'homme en ex-Yougoslavie, certains éléments cités ci-dessus n'ont pas pu être mis en oeuvre en l'absence d'une solution politique globale. D'autres ont pu l'être partiellement, et encore au prix de risques élevés pour le personnel humanitaire.
F. Mozambique
34. Suite à la signature de l'accord de paix global en octobre 1992, la situation politique et en matière de sécurité au Mozambique s'est améliorée de façon considérable, les élections générales étant prévues pour octobre 1994 et des mesures étant prises par les parties pour entamer la démobilisation de leurs forces armées. Le programme du HCR en vue du rapatriement et de la réintégration d'environ 1,7 million de réfugiés mozambicains dans la région contribue à stabiliser la situation.
35. Le HCR a conclu des accords relatifs à l'établissement de commissions tripartites pour promouvoir le retour, avec le Gouvernement du Mozambique et six gouvernements de la région (Malawi, Afrique du sud, Swaziland, République-Unie de Tanzanie, Zambie et Zimbabwe). Ces commissions tripartites seront responsables de la gestion et de la planification régionale du rapatriement et établiront le cadre juridique de cette opération.
36. Les dispositions de réintégration, mises en oeuvre en collaboration avec l'Office des Nations Unies pour la coordination de l'assistance humanitaire, les Etats donateurs et les ONG portent essentiellement sur la recherche de l'autosuffisance des rapatriés, la remise en état des infrastructures de base, des services de santé publique et des écoles. Plutôt que de se concentrer exclusivement sur les rapatriés, elles visent les régions de retour où ces apports bénéficieront à la communauté tout entière. Ces mesures ont pour but d'aider à la reconstruction des économies rurales, locales et d'améliorer les chances de développement économique viable. Afin d'éviter un développement inégal, l'assistance à la réintégration est mise en oeuvre dans le cadre de plans de reconstruction nationale plus larges. Des mémoranda d'accord ont été signés avec l'UNICEF et le PNUD dans le contexte d'une stratégie de réadaptation globale qui pourrait permettre d'assurer une transition sans heurt des secours immédiats au développement intermédiaire et à plus long terme.
37. Dans le cas du Mozambique, l'initiative d'un accord de paix global a été lancée et suivie par les Etats concernés. L'existence de l'accord a ouvert la voie à une approche incluant les éléments cités ci-dessus, en particulier une assistance intégrée aux rapatriés et à d'autres groupes nécessiteux et le mélange de la réintégration et de la programmation générale de la réadaptation et du développement.
38. Alors que le problème du HCR en 1993 portait sur la réintégration de quelque 600 000 rapatriés spontanés, les programmes de 1995 viseront également à se doter d'une capacité d'accroître les mouvements organisés. Il est possible qu'avec la stabilisation au Mozambique, les travailleurs migrants rentrent massivement et viennent s'ajouter au nombre de chômeurs. Le programme ne couvre pas la question des travailleurs migrants, bien que l'augmentation prévue de la capacité d'absorption bénéficie à l'ensemble de la communauté dans les régions rurales.
G. Projet d'approche globale pour l'Europe
39. Depuis 1992, le Haut Commissaire a souligné la nécessité de l'élaboration d'une politique globale en Europe pour s'attaquer aux questions actuelles de réfugiés et de migration. La prévention, la protection et les solutions offrent un large cadre conceptuel pour une telle stratégie globale. Ces éléments doivent inclure des approches variables à l'égard de l'asile telles que la protection temporaire; l'adoption de mesures d'immigration pour contrer l'utilisation des procédures d'asile par les candidats à l'émigration n'ayant pas besoin d'une protection internationale; des campagnes d'information de masse du type adopté au Viet Nam puis en Roumanie et en Albanie, une aide au développement ciblant la création de possibilités d'emploi dans les régions d'exode réel ou potentiel, et la promotion concertée des droits de l'homme. Par dessus tout, les éléments disparates doivent être réunis de façon cohérente.
40. Les gouvernements européens et les organisations régionales se réfèrent de plus en plus à la nécessité d'efforts globaux et concertés pour traiter des questions des réfugiés et de l'asile. A cet égard, il a été observé que le HCR a été invité à préparer un rapport pour la prochaine Assemblée générale des Nations Unies, conformément à sa résolution 48/113 (décembre 1993) concernant l'opportunité d'une Conférence des Nations Unies pour examiner l'ensemble de la situation des réfugiés, des rapatriés, des personnes déplacées et des migrants. En consultation avec le Ministre russe des affaires étrangères, le Haut Commissaire est convenu d'organiser une réunion début juillet pour passer en revue cette situation dans les Etats nouvellement indépendants, avec la participation d'autres organisations et Etats intéressés.
H. Remarques de conclusion
41. Les exemples ci-dessus montrent que si le HCR peut jouer un rôle moteur ou catalytique dans l'élaboration d'approches régionales globales, bon nombre des mesures essentielles seront prises au niveau politique. En l'absence d'une volonté politique des protagonistes dans une région particulière, et sans l'appui de la communauté internationale, aucune action préventive ou orientée vers les solutions ne peut être entreprise.
42. Chaque exemple illustre donc la nécessité d'une volonté politique qui, dans les cas couronnés de succès, imprime l'élan nécessaire aux activités coordonnées et à l'appui financier. L'expérience de la CIREFCA atteste l'impact de mécanismes orientés vers les solutions pour stimuler la création du consensus régional et la construction de la paix. Suite à la signature de l'accord de paix, des mesures concrètes pour résoudre les problèmes de réfugiés et de personnes déplacées ont contribué à la paix et à la stabilité dans la région. La Réponse globale à la crise en ex-Yougoslavie se penche sur la phase du déplacement dans le souci de minimiser les souffrances de la population. Toutefois, la guerre qui fait rage et le fait que les parties n'honorent pas leurs engagements ont limité les objectifs et l'impact de cette approche globale.
43. Le rapatriement au Cambodge, dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de paix de Paris, illustre le potentiel de retour et l'ampleur de l'engagement du HCR en concertation avec d'autres institutions. Le PAG, en Asie du sud-est, traite du problème de l'exode constant et important, au caractère migratoire de plus en plus marqué, face auquel la réinstallation a longtemps été la seule réponse possible. En dépit de la complexité du climat politique, la préoccupation de la communauté internationale et l'engagement du pays d'origine, alliés à un appui multilatéral important, ont permis de trouver une solution. Les approches globales au Cambodge et au Mozambique ont trait à des situations complexes où les négociations de paix ont exigé plusieurs années d'efforts mais où, en dernière analyse, le rapatriement a fait partie intégrante de la solution.
44. Il est évident que lorsque les violations des droits et/ou les privations économiques sont des facteurs importants du déplacement forcé, une approche globale orientée vers les solutions doit embrasser un ensemble de mesures plus complexes et plus larges. Lorsque le conflit a pris fin ou lorsqu'une solution est en cours, le rôle du HCR dans la promotion du rapatriement librement consenti sera nécessairement lié aux activités menées à bien dans le sens de la réadaptation, de la reconstruction, du développement et du maintien de la paix, si toutefois il n'en dépend pas. Le HCR peut participer en se joignant à des commissions visant à déterminer et à superviser les garanties du retour dans la sécurité des réfugiés et à assurer le suivi de ces retours, directement et par le biais des agences d'exécution. En outre, le HCR est bien placé pour jouer un rôle auprès des autorités nationales ainsi qu'auprès des mécanismes régionaux et des droits de l'homme. Le HCR contribue grandement à la réintégration des rapatriés dans leur communauté nationale, ce qui est essentiel pour une solution authentiquement durable et constitue un facteur préventif important en vue de la stabilité future. La ligne de démarcation entre l'aide à la réintégration et le développement peut être mince et la coopération étroite avec les organes de développement, les établissements de prêts et les donateurs bilatéraux est essentielle pour rendre la composante du HCR intégrée et conforme aux plans nationaux dans leur ensemble.
45. Lorsque le conflit entre dans la dynamique du déplacement, l'existence ou la restauration de la paix est l'ingrédient le plus fondamental du succès d'une approche réellement globale. L'expérience montre qu'un accord politique global, ou du moins un dénouement de la crise, doit intervenir et que les parties doivent avoir la volonté de coopérer avant que les agents extra-nationaux et extra-régionaux ne prennent de nouvelles mesures. En l'absence d'un engagement total du pays, ou des pays d'origine dans un premier temps, ainsi que de la communauté internationale, une approche globale a peu de chances de réussir.
46. Pour évaluer et assurer l'adéquation des solutions proposées, la communauté internationale doit appuyer la présence constante de mécanismes de suivi. La période de transition peut être plus longue que prévu et l'absence d'un appui constant peut hypothéquer la mise en oeuvre de la solution.
47. Le Groupe de travail interne du HCR sur la protection internationale créé en 1992, a noté que les approches globales doivent inclure des mesures adéquates pour traiter les aspects politiques, économiques et sociaux du problème des réfugiés. Il a conclu que le HCR devait jouer un rôle créatif et positif dans l'élaboration de réponses globales aux problèmes des réfugiés avec les Etats concernés et les organisations régionales et bilatérales, le cas échéant, afin de veiller à ce que les principes fondamentaux de protection, y compris le droit de quitter son pays et d'y revenir, l'asile, le non-refoulement et la non discrimination soient respectés et que les principes de la responsabilité de l'Etat, de la solidarité internationale du partage de la charge soient acceptés.
48. Des leçons précieuses peuvent être tirées des approches globales déjà adoptées. La nécessité de mesures politiques d'anticipation ne saurait être affirmée avec trop de force. Outre l'engagement du ou des pays d'origine, la communauté internationale doit consentir tous les efforts possibles et montrer sa volonté politique de parvenir à des règlements pacifiques. Le fait que les exodes ont souvent été composés d'un mélange de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du territoire, et parfois de migrants, signifie que la réponse doit se pencher sur tout l'éventail de ces facteurs. Dans la mesure où bon nombre de ces facteurs sont profondément enracinés et ont longtemps défié la sagesse collective et la volonté politique de la communauté internationale dans son ensemble, le succès d'une approche globale ne peut être garanti mais les réussites en vigueur, pour modestes et imparfaites qu'elles soient, attestent la valeur de l'effort. Un degré élevé de coordination, ainsi qu'un appui pratique substantiel seront requis. Enfin, les efforts qui ont été combinés aux mesures de prévention, aux mesures de protection et aux solutions requièrent des mécanismes de suivi pour continuer sur l'élan. Sans elles, le cycle du déplacement sera réamorcé.