L'exode de centaines de milliers de déplacés iraquiens
L'exode de centaines de milliers de déplacés iraquiens
L'UNHCR a informé les gouvernements donateurs à Amman en Jordanie, cette semaine sur notre inquiétude croissante face à la rapide détérioration de la situation humanitaire à laquelle font face des centaines de milliers de déplacés iraquiens, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
Nos délégués pour l'Iraq, la Jordanie, la Syrie et le Liban ont expliqué lors de cette réunion des donateurs mercredi que les déplacements provoqués par des violences sectaires permanentes en Iraq ont nécessité une réévaluation de notre travail et de nos priorités dans toute la région - faisant passer au second plan l'assistance aux retours et l'aide pour quelque 50 000 réfugiés non iraquiens en Iraq pour fournir plus d'aide à quelque dizaines de milliers d'Iraquiens qui fuient maintenant leur maison chaque mois. Beaucoup d'entre eux se déplacent vers d'autres pays dans ce qui pourrait être qualifié d'exode régulier et silencieux.
Le Gouvernement iraquien, l'UNHCR et ses partenaires estiment qu'il y a actuellement plus de 1,5 million de personnes déplacées en Iraq même, incluant notamment plus de 365 000 nouveaux déplacés qui ont fui leurs maisons et leurs communautés depuis les bombardements de Samara en février. L'augmentation des déplacements internes a également des répercussions à l'extérieur de l'Iraq, où nous avons vu plus d'arrivées d'irakiens dans les pays voisins et au-delà. Nous estimons que plus de 1,6 millions d'irakiens se trouvent maintenant hors des frontières de leur pays, la plupart d'entre eux en Jordanie et en Syrie. D'autres sont en Iran. Il y aurait déjà quelque 500 000 Iraquiens en Jordanie et quelque 450 000 en Syrie. Certains se trouvent hors d'Iraq depuis 10 ans ou plus, mais beaucoup ont fui depuis 2003 et nous voyons maintenant une augmentation régulière du nombre des arrivées. Les équipes de contrôle de l'UNHCR à la frontière en Syrie, par exemple, rapportent maintenant qu'au moins 40 000 Iraquiens arrivent chaque mois.
D'autres Iraquiens, par dizaines de milliers, se déplacent vers la Turquie, le Liban, l'Egypte, les Pays du Golfe et l'Europe. Sur quelque 40 nationalités de demandeurs d'asile dans les pays européens pour le premier semestre 2006, les Iraquiens arrivent au premier rang avec plus de 8 100 demandes. Des statistiques reçues de 36 pays industrialisés pour les 6 premiers mois de 2006 ont montré une augmentation de 50 % des demandes d'asile de la part d'Iraquiens par rapport à la même période.
Alors que l'année dernière, nous avions vu plus de 50 000 Iraquiens rentrer chez eux depuis les pays voisins, cette année, nous avons constaté seulement environ 1 000 retours. Ceux qui partent sont bien plus nombreux.
En Iraq, le gouvernement estime que plus de 50 000 personnes quittent leurs maisons chaque mois, rejoignant les 365 000 personnes qui sont devenues des déplacées internes depuis février. Certains gouvernorats ont enregistré une augmentation de 1 à 10 du nombre de déplacés internes depuis le début de cette année. Ces déplacements à cause de la violence permanente en Iraq représentent un immense défi humanitaire et un poids énorme aussi bien pour les déplacés que pour les familles iraquiennes qui essaient de les aider dans des communautés d'accueil. Les immenses besoins, la violence persistante et les difficultés pour atteindre les déplacés font qu'il s'agit d'un problème quasiment au-delà des capacités des agences humanitaires, y compris de l'UNHCR.
Plus cette situation dure, plus il est difficile aussi bien pour les déplacés internes que pour leurs communautés d'accueil de trouver des ressources. Des milliers de déplacés sans lien familial ou sans argent vivent dans des bâtiments publics et des écoles, souvent dans des installations totalement improvisées et dans des camps gouvernementaux administrés par le Croissant Rouge iraquien. Il y a donc un besoin urgent d'hébergement, de matériel d'aide, de nourriture, d'accès à l'eau et au travail. Ceux qui ont fui vers les autres gouvernorats rencontrent souvent des difficultés pour avoir accès aux services de base tels que des soins de santé ou l'école. Souvent les déplacés n'ont aucun papier d'identité et se faire enregistrer dans un nouveau lieu prend parfois des mois. Les femmes et les enfants déplacés internes risquent de devenir de plus en plus vulnérables face à toute forme d'exploitation et d'abus.
Aussi bien en Iraq que dans les pays voisins, un nombre de plus en plus important de familles deviennent dépendantes et démunies. Beaucoup de ceux qui ont fui ont maintenant peu d'argent, et ceux qui avaient fui auparavant se trouvent sans ressources. La tradition d'accueil est également en train de disparaître dans certains pays voisins, qui étaient auparavant extrêmement généreux dans l'accueil de certains Iraquiens. Alors qu'ils sont encore tolérés, nous voyons des mesures de plus en plus restrictives se mettre en place quant à la durée du séjour et l'extension des visas. Les loyers sont élevés, et on reproche aux Iraquiens de faire monter les prix. Les prix sur les marchés augmentent également et les centres de santé et les écoles sont de plus en plus surchargés dans certaines régions.
Nous lançons donc un appel aux pays voisins pour qu'ils continuent à faire preuve d'hospitalité et d'offrir une protection temporaire aux Iraquiens, et pour les pays plus éloignés que ceux de la région, de les aider à supporter le fardeau.
Lors de la réunion des donateurs mercredi, l'UNHCR a expliqué que sur les 29 millions de dollars pour son budget 2006 pour l'opération iraquienne, il manquait quelque neuf millions et qu'il y avait maintenant beaucoup de nouveaux groupes vulnérables qui avaient besoin d'une aide urgente. Des activités courent le risque d'être coupées avant la fin de l'année si les fonds ne rentrent pas. Les donateurs ont également été informés que l'UNHCR menait actuellement une nouvelle évaluation régionale face à l'augmentation des besoins d'un nombre de plus en plus grand de personnes déplacées et pour la plupart vulnérables.