Selon António Guterres, la nature complexe des mouvements de population à l'échelle mondiale nécessite de nouvelles stratégies
Selon António Guterres, la nature complexe des mouvements de population à l'échelle mondiale nécessite de nouvelles stratégies
Lundi 1er octobre 2007
GENEVE - Alors que des millions de personnes se déplacent à travers le monde, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres a lancé, lundi, un appel en faveur d'un effort concerté de la communauté internationale pour mieux comprendre et gérer les raisons, l'échelle et la complexité du déplacement global et de la migration.
« Ce siècle est celui du déplacement humain », a affirmé António Guterres lors de l'ouverture du Comité exécutif de l'UNHCR, l'organe directeur de l'agence pour les réfugiés, qui réunit 72 nations. « Chaque perspective économique, chaque navire en partance, chaque catastrophe, chaque conflit est le sceau d'un 21ème siècle marqué par les mouvements de population. »
En insistant sur le fait que l'UNHCR n'est pas une institution chargée de gérer les migrations, António Guterres a noté que l'efficacité de son organisation dans la protection des réfugiés du monde entier dépendait de sa capacité à appréhender la structure profonde des déplacements de population dans le monde contemporain.
Il a évoqué plusieurs raisons expliquant l'accroissement considérable des mouvements migratoires, y compris la pauvreté et la quête d'une vie meilleure. Désireux de s'associer à l'économie mondiale mais incapables de le faire légalement, des milliers de migrants pauvres ont recours aux passeurs et à d'autres moyens dangereux. Pour que l'UNHCR puisse remplir son mandat de protection des réfugiés et des autres personnes ayant besoin de protection au sein de ces vastes mouvements, « il nous faut reconnaître la nature mixte des nombreux mouvements de population contemporains », a expliqué António Guterres aux délégués assistant à cette session d'une durée de cinq jours.
« En Méditerranée, dans le Golfe d'Aden et dans les Caraïbes, le long des frontières nord-sud et, de plus en plus, le long des frontières sud-sud, mêlés aux migrants partis en quête d'une vie meilleure, se trouvent des gens ayant besoin d'une protection - des réfugiés et des demandeurs d'asile, des femmes et des enfants victimes de la traite », a-t-il expliqué. « La capacité de les recenser, de leur assurer un accès physique aux procédures d'asile et à un examen juste de leur demande constitue un élément clé de notre mission. »
Le nombre total de personnes relevant de la compétence de l'UNHCR à la fin 2006 s'élevait à 32,9 millions, y compris près de 10 millions de réfugiés qui ont traversé des frontières internationales, 13 millions de personnes déplacées au sein de leur propre pays et 5,8 millions de personnes apatrides. Après plusieurs années de déclin, le nombre des réfugiés fuyant conflits et persécutions est reparti à la hausse l'année dernière. Cette augmentation s'est poursuivie en 2007, les crises prévalant en Iraq et dans la Corne de l'Afrique ajoutant chaque jour leur lot de déplacés.
Avec le déplacement forcé ayant lieu dans un contexte plus large de pauvreté extrême, de dégradation de l'environnement et de changements climatiques, les causes de la fuite des êtres humains deviennent plus interdépendantes que jamais et exigent des stratégies et des réponses innovantes.
« Nombreux sont ceux qui cherchent tout simplement à fuir la famine », a noté António Guterres. « Lorsque l'exil n'est pas une option mais une nécessité, on ne peut plus parler de pauvreté. Par ailleurs, les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus graves et dévastatrices. La quasi-totalité des prévisions concernant les effets à long terme des changements climatiques font état d'une expansion ininterrompue de la désertification jusqu'à la destruction des moyens d'existence dans de nombreuses régions du globe. Et chaque fois que le niveau de la mer montera d'un centimètre, on comptera un million de déplacés supplémentaire. La communauté internationale semble aussi démunie face à ces nouvelles causes qu'elle ne l'est devant la prévention du conflit et la persécution. »
C'est pourquoi il était extrêmement important d'examiner les raisons, l'échelle et les tendances du déplacement forcé contemporain, a indiqué António Guterres. « Cela va bien au-delà de la simple compréhension de ce que représente la fuite des réfugiés. »
« Au Darfour, par exemple, une attaque des Janjawids sur un village d'une tribu africaine peut être motivée par la crise politique », a-t-il dit. « Mais les résultats ressemblent à un autre type de situation qui se fait jour, une pénurie d'eau qui dresse les éleveurs contre les agriculteurs. Lors de mon récent voyage en Afrique australe, nous avons bien compris avec les gouvernements que les Zimbabwéens en quête d'asile du fait d'une persécution devaient obtenir le statut de réfugié. Mais que faire avec les personnes qui avouent simplement qu'elles ont faim et qu'elles ne peuvent subvenir aux besoins de leur famille ? Pouvons-nous en toute connaissance de cause les renvoyer vers une situation de dénuement ? Il est évident qu'il convient d'aménager une forme d'hébergement temporaire. La réponse à ce dilemme complexe va clairement au-delà de notre propre mandat [celui de l'UNHCR]. Mais il est également de notre devoir d'alerter les Etats sur ces problèmes et de contribuer à la mise au point de solutions aux nouveaux défis qu'ils lancent. »
António Guterres a aussi noté que les plus de quatre millions d'Iraquiens déplacés à l'intérieur et à l'extérieur du pays constituaient le plus grand groupe de personnes déplacées, ainsi que la population de « réfugiés urbains » la plus importante. Sur les plus de deux millions d'entre eux qui se trouvent en dehors de l'Iraq, la majorité vit dans des villes en Syrie et Jordanie. Il en résulte un énorme fardeau assumé par les deux pays, qui les met au nombre des pays généreux du monde en développement - tels que le Pakistan, la République islamique d'Iran, la République-Unie de Tanzanie, le Kenya, le Tchad, la Guinée, la Zambie et l'Equateur - qui ont accueilli un nombre impressionnant de réfugiés.
En plus de financer des programmes pour les réfugiés dans les pays hôtes, António Guterres a souligné le besoin urgent d'une plus grande solidarité internationale via la réinstallation dans des pays tiers. Globalement, l'UNHCR a présenté plus de 54 000 dossiers individuels représentant 70 nationalités, à 26 pays de réinstallation en 2006 et va augmenter ce nombre cette année. Jusqu'à juin de cette année, l'agence a déjà procédé à plus de 42 000 soumissions de cas.
« Notre plus grand défi aujourd'hui en matière de réinstallation est l'Iraq, où l'UNHCR a rapidement développé sa capacité à identifier et à présenter les cas vulnérables », a dit António Guterres. « Les pays de réinstallation ont répondu mais davantage d'efforts sont nécessaires pour accélérer les interviews et les départs. »
Le rapatriement librement consenti est resté la solution privilégiée en 2006, avec quelque 734 000 réfugiés qui sont rentrés chez eux pour reconstruire leur vie, tout comme quelque 1,9 million de déplacés internes.
Le Haut Commissaire a aussi présenté une vue d'ensemble des réformes internes menées actuellement au sein de l'UNHCR, y compris la délocalisation de plus de 120 postes hors de Genève ainsi que d'autres efforts de décentralisation et de régionalisation ayant pour objectif de renforcer la capacité de l'agence sur le terrain.
Après António Guterres, le Coordonnateur des secours d'urgence des Nations Unies, John Holmes, s'est adressé au Comité exécutif. Dans la journée de lundi, António Guterres remettra la distinction Nansen pour les réfugiés à la lauréate 2007, Madame Katrine Camilleri, une avocate employée par le Service Jésuite pour les Réfugiés, qui a passé les dix dernières années à travailler auprès des réfugiés arrivant à Malte.