Le Haut Commissaire António Guterres ouvre la réunion annuelle du Comité exécutif
Le Haut Commissaire António Guterres ouvre la réunion annuelle du Comité exécutif
Le 3 octobre 2005
GENEVE - Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a aujourd'hui exhorté la communauté internationale à s'unir pour combattre ensemble l'intolérance, préserver l'institution de l'asile et combler le fossé entre l'aide humanitaire d'urgence et le développement à long terme, afin que des millions de personnes déracinées puissent commencer une nouvelle vie sans craindre la guerre et le déplacement forcé.
M. Guterres, qui inaugurait la session annuelle de cinq jours du Comité exécutif de l'agence constitué de 68 Etats membres, a déclaré que la mission principale de l'UNHCR consiste à protéger les réfugiés et que l'ensemble de son personnel doit assumer cette responsabilité. Plus de 6 000 employés de l'UNHCR, déployés dans le monde entier, assistent quelque 19 millions de réfugiés et autres personnes qui relèvent de la compétence de l'agence.
M. Guterres, qui est entré en fonction en juin dernier, a affirmé que la lutte contre l'intolérance est peut-être le plus grand défi que l'UNHCR et ses partenaires opérationnels doivent relever aujourd'hui. Chaque jour, le personnel de l'agence et ceux qu'ils tentent d'aider doivent faire face aux conséquences perverses de l'intolérance, a-t-il ajouté, tout en montrant du doigt la montée d'une démagogie politique et des campagnes médiatiques populistes qui cherchent cyniquement à manipuler l'opinion publique et à miser sur les peurs et les préjudices des gens.
« La montée du populisme a entraîné une confusion systématique et délibérée au sein de l'opinion publique, où se mélangent les problèmes liés à la sécurité, au terrorisme, aux flux migratoires et aux questions concernant les réfugiés et le droit d'asile », a-t-il affirmé aux participants de la réunion qui se tient au siège européen des Nations Unies à Genève. « Préserver l'asile signifie contester la notion que les réfugiés et les demandeurs d'asile sont les agents de l'insécurité ou même du terrorisme plutôt que leurs victimes. Malheureusement, dans plusieurs endroits du monde aujourd'hui, le concept de l'asile est mal compris, voire assimilé au terrorisme. Il est certain que le terrorisme doit être combattu avec détermination, mais l'asile est et doit demeurer un principe central de la démocratie. »
L'ancien Premier Ministre portugais a demandé aux gouvernements responsables et à la société civile « d'unir leurs forces pour confronter d'une même voix cette approche populiste ».
Alors que le nombre de réfugiés - les personnes qui ont été forcées de fuir leur pays à cause des persécutions et de la violence - est à son niveau le plus bas depuis 25 ans, M. Guterres a signalé qu'il y a encore aujourd'hui dans le monde environ 25 millions de personnes déplacées qui ont été obligées de quitter leur foyer mais qui sont restées à l'intérieur de leur pays et qui ne sont, par conséquent, pas couvertes par la Convention de 1951 sur les réfugiés.
M. Guterres a souligné le plein engagement de l'UNHCR avec les autres agences onusiennes afin d'optimiser l'assistance aux personnes déplacées. Le déplacement interne est certes la responsabilité de l'Etat, a-t-il ajouté, mais l'incapacité de la communauté internationale à s'attaquer au problème du déplacement interne constitue son plus grand échec humanitaire. Le Coordinateur de l'aide humanitaire de l'ONU, Jan Egeland, qui dirige la mise en place de cette approche globale, devrait être présent à la session de lundi.
« Le fléau du déplacement interne démontre la force et la vitalité du racisme, de la xénophobie, des conflits ethniques, du nationalisme violent et du fondamentalisme religieux », a déclaré M. Guterres. « Nous ne pouvons les vaincre qu'au nom de la tolérance, valeur qui n'appartient pas à une civilisation spécifique mais à la civilisation toute entière. »
Une autre préoccupation majeure est celle de travailler avec les gouvernements pour déterminer qui, parmi tous ceux qui frappent à leur porte, sont des migrants et qui sont des demandeurs d'asile. M. Guterres a par ailleurs souligné que les questions relatives à la migration et à la sécurité font toujours partie du débat public mais leur combinaison est en train d'exercer une énorme pression sur les systèmes et la législation relatifs à l'asile.
« Préserver l'asile demande notre compétence pour trouver les personnes qui, cachées dans un flux migratoire complexe, ont besoin d'une protection, comme c'est le cas en mer Méditerranée et dans le Golfe d'Aden », a-t-il dit, faisant allusion aux milliers d'Africains qui tentent d'arriver en Europe et au Moyen-Orient. « Tous les pays se doivent de surveiller leurs frontières et d'adopter des politiques migratoires adaptées. Ils devraient aussi agir avec force afin d'éliminer les passeurs clandestins et la traite d'êtres humains, punissant sévèrement les fautifs. Mais la surveillance des frontières ne doit pas empêcher l'accès à la procédure d'asile ou à une détermination juste du statut de réfugié à ceux qui en sont habilités selon le droit international. Des mesures de répression énergiques et sans complaisance contre des criminels odieux doivent aller de pair avec une préoccupation humaniste de protéger leurs victimes sans défense. »
S'assurer que ceux qui ont réellement besoin d'une protection puissent l'obtenir nécessite, de la part de l'UNHCR et de ses partenaires, une défense obstinée et une intervention en temps voulu, y compris l'accès aux nouveaux arrivants et une meilleure procédure de sélection des individus. Cela implique aussi réunir les informations et bien les utiliser, a ajouté M. Guterres.
« Permettez moi d'être très clair », a-t-il dit, « les mesures contre la fraude et les abus sont nécessaires pour assurer la protection et indispensables pour établir la crédibilité du système d'asile. Je suis conscient des dilemmes devant lesquels se trouvent souvent les gouvernements, mais mon organisation se tient prête à leur venir en aide... »
Un troisième défi est celui du fossé qui existe entre l'assistance humanitaire d'urgence fournie par des agences qui interviennent sur le terrain, comme l'UNHCR, et le développement à plus long terme. M. Guterres a décrit ce fossé comme étant un 'handicap majeur' provoqué en partie par un manque de collaboration, de coordination et de planification entre les agences de secours et de développement, souvent exacerbé par des stratégies conflictuelles et la mauvaise coordination de certains pays donateurs. Pour que les réfugiés puissent retourner chez eux, et y rester, a-t-il affirmé, il faudra assurer une transition sans heurts de l'assistance à court terme à celle à long terme afin de permettre la reconstruction des sociétés dévastées.
« Près de la moitié des situations post-conflit dégénèrent de nouveau après cinq ans », a dit M. Guterres. « La prévention et la gestion des situations post-conflit sont donc d'une importance primordiale pour empêcher le déplacement des populations. C'est la raison de l'enthousiasme dont fait preuve l'UNHCR pour l'établissement de la Commission pour la recherche de la paix » proposée récemment par le Sommet mondial de l'ONU à New York. L'UNHCR jouera un rôle décisif pour soutenir cette Commission car « la consolidation de la paix comprend nécessairement des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées ».
Le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan devrait s'adresser au Comité exécutif jeudi.