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Une communauté à haut risque reconstruite une consultation après l'autre

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Une communauté à haut risque reconstruite une consultation après l'autre

Un nouveau centre de santé s'emploie à restaurer les liens communautaires dans un quartier harcelé par les gangs, à San Pedro Sula, la deuxième ville du Honduras.
23 Juillet 2018
Des patients attendent leur tour au Centre de soutien global de la Sainte Trinité, administré avec l'appui du HCR à Chamalecón, un quartier de San Pedro Sula, au Honduras.

Dans la chaleur étouffante de l'après-midi, un couple de personnes âgées attend son tour, la main dans la main, dans la salle d'attente du centre de soins gratuits, tout comme une jeune maman qui attend son rendez-vous médical, son bébé endormi contre elle.


« Tout le monde est bienvenu dans ce dispensaire, personne n'est jamais renvoyé », dit Wendy Espinoza, l'infirmière du centre qui connaît tout le monde en ville.

Garder ses portes ouvertes à tous pourrait paraître évident ailleurs, mais c'est une vraie prouesse dans certains des quartiers les plus risqués de San Pedro Sula, la deuxième ville du Honduras.

Depuis des années, le dédale des rues de Chamelecón est le théâtre d'affrontements entre des gangs de rue rivaux, MS-13 et 18th Street, qui tiennent leurs territoires respectifs avec une poigne d'acier, détruisant les espaces communautaires et brisant les liens de voisinage.

« Nous voulons faire de ce lieu un centre de soutien holistique pour la communauté. »

Depuis qu’il a ouvert ses portes le 30 avril, le centre de soutien global de la Sainte Trinité est venu en aide à une centaine de patients par mois, pour la plupart des jeunes et des personnes âgées souffrant d’hypertension, de diabète et de maladies respiratoires. Mais cet espace, situé entre les territoires âprement défendus par les gangs sans être inféodé à aucun d’eux, est plus qu’un simple centre de soins.

« Nous ne voulons pas nous contenter d’offrir des services médicaux de base et des médicaments », dit le Père Luis Estévez, le prêtre catholique local à l’origine du projet. « Nous voulons faire de ce lieu un centre de soutien holistique pour la communauté. »

Ce soutien est plus que nécessaire à Chamelecón, un quartier qui a capté l’attention du monde entier en 2004 quand des membres de gangs ont sauvagement arrosé un bus de tirs d’arme automatique, tuant 28 passagers qui revenaient du centre de San Pedro Sula, à quelques minutes de là.

Fondée par le Père Estévez, des responsables communautaires et le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, le centre de santé joue un rôle déterminant dans la reconstruction de cette communauté et s'inscrit dans un vaste plan régional de soutien et de protection.

Connu sous son acronyme espagnol, MIRPS, ce plan a été élaboré par les gouvernements de la région avec l'appui du HCR en vue de lutter contre les causes profondes des déplacements dans les quartiers rongés par la criminalité, de renforcer les systèmes d'asile et de favoriser la mise en place de solutions durables.

« C'est un lieu où les gens peuvent se sentir en sécurité, où ils peuvent échanger librement et être protégés », explique Yolanda Zapata, responsable du bureau du HCR à San Pedro Sula.

« C'est un lieu où les gens peuvent se sentir en sécurité, où ils peuvent échanger librement. »

Tout d'abord, le centre de soins accueille tous les visiteurs, quel que soit le quartier de Chamelecón où ils habitent, qu'ils soient rattachés aux gangs ou que des membres de leurs familles en fassent partie.

Cette dynamique d’inclusion est importante selon Wendy Espinoza qui a passé sa vie entière dans le quartier et partage son temps entre son métier d'infirmière au centre de santé et l'unité de traumatologie d'un grand hôpital public. Elle y voit régulièrement des membres des gangs et leurs victimes.

Le prêtre de la paroisse, Luis Estevez, gère le centre de soutien global Santísima Trinidad soutenu par le HCR avec l'aide des responsables communautaires de Chamalecón, à San Pedro Sula.

Le dispensaire fournit toute la gamme des soins de santé primaires, et répond notamment aux besoins de santé mentale des innombrables résidents locaux qui ont été victimes ou témoins de violences.

Depuis qu'il a ouvert ses portes en début d'année, le centre bénéficie de l'assistance d'un psychologue qui consulte le samedi et compte aujourd'hui une douzaine de jeunes patients. La demande est telle qu'il faut actuellement plus d'un mois pour obtenir une consultation avec lui.

« Nos patients présentent souvent un traumatisme d'un genre ou d'un autre qu’ils n’arrivent pas à surmonter », dit Karina Ugarte, jeune médecin résident du centre. « Il peut s'agir de traumatismes graves, comme de petites frustrations dont ils veulent se libérer. Sauf qu'il n'existe par ici aucun autre lieu où ils peuvent juste être entendus. »

Vivre dans la violence ou la menace constante d’y être confronté a rendu nombre des résidents craintifs et peu enclins à s'exprimer. La clinique met un point d'honneur de respecter la confidentialité et la discrétion.

« Partout ailleurs, il y a toujours la crainte d'être entendu, alors on passe son temps à s’autocensurer. »

« Partout ailleurs, il y a toujours la crainte d'être entendu, alors on passe son temps à s’auto- censurer », dit l'infirmière Wendy Espinoza. « Ici, cet obstacle tombe de lui-même. »

Pour cette communauté fragile, le centre de soutien veut jouer un rôle plus vaste, et non se borner à fournir des soins de santé primaires. À l'étage, les bureaux et les salles de réunion sont rapidement devenus des espaces où la communauté de Chamelecón peut se reconstruire de l'intérieur.

Dans le droit fil des efforts engagés pour mettre fin à des années de domination par les gangs, le centre a également commencé à se tourner vers les jeunes du quartier, particulièrement touchés par la criminalité et la pauvreté généralisées et constamment incités à rejoindre l’un ou l'autre des groupes criminels.

« Les jeunes ne sont pas vraiment autorisés à s'exprimer car dès un très jeune âge, on apprend à ne pas se faire remarquer et cela rejaillit sur tous les aspects de l'existence », explique Angel Sandoval qui enseigne dans une école locale et coordonne le tout nouveau programme jeunesse du centre. « Ils ont besoin d'un lieu où ils peuvent s'exprimer et se sentir libres. »

Des enfants jouent au basket-ball sur le terrain en face du Centre de soutien global de la Sainte Trinité de Chamalecón, à San Pedro Sula.

Durant la toute première initiative organisée à l'intention des jeunes, les responsables communautaires ont rassemblé 1200 jeunes et organisé un spectacle de jeunes talents dans le parc. C'était la plus grande manifestation communautaire organisée depuis des années à Chamelecón.

Les travailleurs communautaires et les animateurs de jeunesse proposent aussi aux jeunes des formations techniques, des classes d'arts plastiques et de danse et des ateliers sur la santé génésique organisés au centre.

Parallèlement, les membres de la direction – le Père Estévez, Angel Sandoval et d'autres – bâtissent un réseau de protection grandissant car, face à la mainmise des gangs, leurs victimes n'ont nulle part où se tourner en cas de danger.

« Les gens venaient nous dire ‘le gang nous a dit qu'on avait 48 heures pour s'en aller’ et nous, responsables communautaires, nous ne savions pas quoi leur répondre », dit le Père Estévez.

« Nous espérons que les gens en viendront à penser automatiquement au centre de soutien comme le lieu où ils peuvent s'adresser. »

Face à cette situation, les dirigeants communautaires utilisent le centre de soutien pour organiser des formations afin d'enseigner aux responsables locaux comment renvoyer les personnes dans le besoin vers le HCR et d'autres groupes de soutien qui peuvent venir en aide à ceux qui ont été déplacés de leurs foyers.

Dans ce quartier dévasté par les gangs et où la présence publique est des plus limitées, une nouvelle génération de responsables locaux espère changer la donne.

« Nous espérons que les gens en viendront à penser automatiquement au centre de soutien comme le lieu où ils peuvent s'adresser », dit-il.