Un nouveau manuel sur l'apatridie s'intéresse à la situation de 11 millions de personnes « oubliées »
Un nouveau manuel sur l'apatridie s'intéresse à la situation de 11 millions de personnes « oubliées »
GENEVE, 20 octobre (UNHCR) - L'agence des Nations Unies pour les réfugiés et l'Union interparlementaire (UIP) ont publié cette semaine un manuel relatif à la citoyenneté et l'apatridie à l'usage des parlementaires. En effet, des millions d'hommes, de femmes et d'enfants à travers le monde vivent sans nationalité.
Un apatride est une personne qui n'est reconnue comme citoyen par aucun pays. A travers le monde, on estime à 11 millions le nombre de personnes dans cette situation. Elles sont prises au piège dans un vide juridique et ne disposent que d'un accès minimal, voire d'aucun accès, à une protection juridique nationale ou internationale ou à des droits fondamentaux tels que l'éducation et la santé. Les apatrides ont été décrits comme « les personnes les plus oubliées ».
Hannah Arendt, la philosophe juive d'origine allemande, qui fut elle-même réfugiée, avait des impressions marquantes à ce sujet, sans doute à cause de sa propre expérience de l'apatridie après sa fuite de l'Allemagne nazie. « Perdre sa nationalité, c'est disparaître du monde, c'est comme retourner à l'état d'homme des cavernes ou de sauvage », écrivait-elle dans Les Origines du Totalitarisme. « On peut disparaître ou mourir sans laisser de trace, sans avoir contribué en quoi que ce soit au monde des autres. »
H. Arendt a terminé sa vie comme citoyenne américaine, mais beaucoup de personnes moins chanceuses naissent apatrides et le restent jusqu'à leur mort.
Lara, une ancienne apatride, décrit l'effet destructeur de l'apatridie sur le moral d'un individu : « Le pays où je vis me dit « non », le pays où je suis née me dit « non », le pays d'origine de mes parents me dit « non » ; j'entends continuellement « vous n'êtes pas des nôtres » ! J'ai l'impression de n'être personne et je ne sais même pas pourquoi j'existe. Un apatride ressent constamment l'inutilité de son existence. »
Le manuel à l'usage des parlementaires, présenté dans le cadre d'une réunion sur la citoyenneté et l'apatridie lors de la 113e assemblée de l'UIP à Genève, propose des étapes pratiques et des actions concrètes pour prévenir ou résoudre les situations d'apatridie.
La solution à privilégier est l'acquisition d'une citoyenneté effective, un droit garanti par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Parmi les exemples récents de succès dans ce domaine, on peut citer l'attribution de la citoyenneté sri-lankaise à plus de 190 000 Tamouls en 2004, et l'octroi récent de la citoyenneté à des personnes d'origine albanaise ou rom dans l'Ex-République yougoslave de Macédoine. Dans ces deux cas, l'UNHCR a collaboré avec les autorités pour promouvoir l'accès à la citoyenneté.
Il existe des conventions internationales relatives à l'apatridie : la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. Comme l'a souligné le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres, lors de la publication du manuel, l'importance de la Convention de 1954 réside dans le fait qu'elle garantit des droits fondamentaux à des personnes qui n'ont pas accès à ces droits. C'est la raison pour laquelle l'adhésion au traité est cruciale.
« Tous les apatrides devraient avoir la possibilité d'acquérir une citoyenneté effective », a déclaré António Guterres. « Les réfugiés font la une des journaux parce qu'ils sont les victimes visibles de persécutions et de conflits. Le sort des apatrides est similaire en beaucoup d'aspects, mais ils sont presque invisibles. »
En plus du Haut Commissaire, António Guterres, les intervenants de la réunion étaient le Premier Vice-Président du Congrès national chilien, Monsieur Alejandro Navarro, le Directeur du Centre de recherche Innocenti du Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), Madame Marta Santo Pais, et Monsieur Gérard-René de Groot, professeur à l'Université de Maastricht. Le débat était animé par la directrice de la protection internationale de l'UNHCR, Erika Feller.
L'UNHCR s'est réjoui des annonces faites par les délégations parlementaires égyptienne et marocaine : ces deux pays vont introduire de nouvelles lois dans leur législation pour permettre aux enfants d'acquérir la nationalité de leur père ou de leur mère sur une base égale.
Le manuel suggère une mesure fondamentale pour prévenir l'apatridie : l'enregistrement des enfants à la naissance.
« Des millions d'enfants ne sont pas déclarés à la naissance », a expliqué Philippe Leclerc, responsable de l'unité de l'apatridie à l'UNHCR. « Les effets de cette lacune administrative peuvent être catastrophiques pour les enfants. Cela peut les rendre beaucoup plus vulnérables au trafic et à d'autres formes d'exploitation. Cela peut détruire leur vie entière. Pourtant, c'est évitable. »
Grâce à cette publication conjointe, l'UNHCR et l'UIP espèrent que les Parlements prendront des mesures appropriées pour traiter des situations jusqu'à présent non résolues. Deux exemples parmi tant d'autres sont celui des Biharis au Bangladesh et celui des Bidoons dans la région du Golfe persique.
En 1974, et dans des résolutions ultérieures, l'Assemblée générale des Nations Unies a mandaté le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en tant qu'agence responsable de la promotion de la réduction de l'apatridie et de l'octroi de droits fondamentaux aux personnes apatrides.
L'UIP, créée en 1889, est la plus ancienne organisation multilatérale à caractère politique. Son siège se trouve à Genève. Elle rassemble actuellement 141 parlements affiliés et 7 assemblées régionales associées.