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Un médecin alarmé par le taux de décès et de malnutrition parmi les réfugiés somaliens

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Un médecin alarmé par le taux de décès et de malnutrition parmi les réfugiés somaliens

Le Dr Spiegel, chef du Service du HCR pour la Santé publique et la lutte contre le VIH/SIDA, a travaillé dans de nombreuses urgences. Ce qu'il a vu en Ethiopie était choquant.
21 Juillet 2011
Jeunes réfugiés somaliens dans un centre de nutrition à Dollo Ado, au sud de l'Ethiopie.

GENEVE, 21 juillet (HCR) - La famine, la sécheresse et le conflit ont déjà forcé cette année plus de 160 000 Somaliens à fuir dans la région en quête d'aide. Un grand nombre d'entre eux sont arrivés dans les pays voisins, à Djibouti, en Ethiopie et au Kenya dans un état de santé alarmant - ils étaient épuisés, émaciés et souffraient de malnutrition aiguë. Le docteur Spiegel, qui dirige le Service du HCR pour la Santé publique et la lutte contre le VIH/SIDA, est récemment parti en mission dans la région de Dollo Ado en Ethiopie, près de la frontière somalienne, pour rencontrer les nouveaux arrivants. Il s'est entretenu avec Cécile Pouilly, du Service du HCR pour la Collecte de fonds auprès du secteur privé.

Comment s'est passée votre récente mission dans la corne de l'Afrique ?

Je me suis rendu à Dollo Ado après avoir reçu des informations sur le taux très élevé de malnutrition parmi les réfugiés. Nous avons envoyé une équipe d'urgence composée de médecins, de nutritionnistes et d'experts sur l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Je voulais mieux comprendre la situation et aider l'équipe à établir un plan concret pour gérer cette situation d'urgence et négocier avec le Gouvernement éthiopien pour faire avancer les choses.

Qu'avez-vous vu sur place ?

C'est une situation très difficile dans l'ensemble à cause du grand nombre d'arrivants chaque jour. Tous nos camps sont pleins et de nouveaux camps sont en cours de construction. En moyenne, entre 1 500 et 2 000 nouvelles personnes arrivent chaque jour. Nous avons ouvert un nouveau camp appelé Kobe mais nous n'avons pas eu assez de temps pour le préparer suffisamment, alors il n'y a pas assez d'eau potable, de latrines ou même d'infrastructures basiques. Tous les nouveaux arrivants sont envoyés dans ce camp de Kobe qui est déjà pratiquement plein.

La situation était-elle pire qu'attendue ?

Même si les informations que j'avais reçues faisaient penser à une situation très grave, ce que j'ai trouvé sur place était encore pire. Quand vous le voyez de vos propres yeux, cela fait une grande différence.

Quel est l'état de santé des nouveaux arrivants ?

Ils arrivent quasiment sans rien, juste les vêtements qu'ils portent et quelques jerrycans, après un long voyage, certains ont marché durant plus d'un mois, alors ils sont en très mauvaise santé et épuisés. Malheureusement, du fait du nombre important d'arrivants, à la fois la capacité du gouvernement et celle du HCR ont été débordées pour l'enregistrement. Depuis, nous avons intensifié nos ressources et le temps d'attente est réduit. Nous assurons également que les personnes, à la fois dans les centres de réception et de transit, reçoivent désormais des repas chauds.

Dans les camps, quelles sont les populations qui sont les plus vulnérables à la malnutrition ?

De loin, les enfants comme c'est le cas dans la plupart des crises. Ceci est particulièrement vrai pour les enfants âgés de moins de cinq ans et qui viennent tout juste d'arrêter d'être allaités.

Comment les aidez-vous ?

Nous assurons aux enfants de moins de cinq ans une nutrition supplémentaire, ce qui signifie que nous leur distribuons une sorte de bouillie qui contient des aliments mélangés avec des vitamines. Nous avons décidé de cibler les femmes enceintes et allaitantes très rapidement pour qu'elles reçoivent des soins prénatals et postnatals ainsi qu'une nutrition supplémentaire.

On dit qu'entre 40 et 50% des enfants réfugiés somaliens en Ethiopie et au Kenya souffrent de malnutrition sévère. Quels sont les critères de malnutrition sévère ou aiguë ?

La malnutrition aiguë se produit lorsque les enfants n'ont pas suffisamment de nourriture et/ou tombent très malade, souvent à cause de maladies contagieuses. Ils commencent à utiliser leur masse graisseuse et musculaire pour les combattre, c'est une réaction naturelle du corps. Ils arrivent, sont très maigres et parce qu'ils consomment toute leur énergie, cela affaiblit également leur système immunitaire et ils deviennent de plus en plus vulnérables aux infections. Il y a différents niveaux de malnutrition, mais les enfants souffrant de malnutrition aiguë présentent un risque plus élevé de décès.

Que se passe-t-il une fois qu'un enfant souffrant de malnutrition est identifié ?

Lorsque de nouveaux arrivants sont enregistrés, nous mesurons immédiatement la circonférence du milieu du bras (MUAC) pour identifier des enfants souffrant de malnutrition aiguë. Nous procédons également à un travail communautaire pour rechercher les enfants que nous aurions manqués lors de l'enregistrement. Selon la sévérité des cas, nous les transférons à l'hôpital de Dollo, sinon ils sont des patients ambulatoires, suivis au camp de Kobe. Tous ces enfants ont besoin de davantage que simplement de la nourriture. Ils reçoivent des suppléments en fer, des traitements vermifuges et des antibiotiques. Certains d'entre eux sont si gravement atteints par la malnutrition qu'ils ont besoin d'une sonde naso-gastrique. Ceux qui sont traités en ambulatoire ont davantage de chance de survivre que ceux plus gravement atteints, pour qui il y a un difficile combat pour la survie.

Peuvent-ils guérir s'ils sont traités à temps ?

Oui, pour la plupart d'entre eux, s'ils sont correctement traités dans un délai suffisant mais c'est plus au niveau physique. Il y a également des aspects psychologiques moins bien connus. MSF a envoyé sur place un psychologue pour aider les mères et les enfants une fois qu'ils vont mieux et que l'enfant peut de nouveau être allaité, ce qui est la meilleure solution.

Nous avons remarqué que les enfants prennent plus de temps à guérir que dans des cas normaux, parfois plus de six à huit semaines. Cela pourrait s'expliquer par leur état de santé déplorable à l'arrivée.

Cette situation est-elle différente des autres urgences que vous avez vues ?

Oui. J'ai vu de nombreuses urgences auparavant - en fait je reviens tout juste de deux mois de mission pour la situation d'urgence en Côte d'Ivoire. Mais je n'ai jamais vu un tel taux de décès et de malnutrition depuis des années et des années.

Nous avons entendu dire que des enfants meurent d'épuisement avant d'arriver dans nos camps. Est-ce toujours le cas ?

Ils meurent pour de nombreuses raisons qui interagissent pour faire empirer leur état. La semaine dernière, il y a eu sept morts dans un centre de réception en une seule journée. Le problème est qu'il est souvent trop tard lorsqu'ils arrivent. La situation s'est désormais légèrement améliorée, peut-être parce que les réfugiés quittent [la Somalie] plus tôt sans attendre le dernier moment possible.

Et à Dadaab, au Kenya?

La situation est critique également. Le taux de mortalité est de quatre fois supérieur à l'année dernière mais il n'est pas aussi mauvais qu'à Dollo Ado. Les conditions de surpeuplement sont problématiques à Dadaab car cela favorise les épidémies.

Pensez-vous que la situation peut évoluer rapidement ?

C'est une situation tout à fait imprévisible, avec la poursuite du conflit et de la famine en Somalie. L'accès reste le principal problème. Nous devons pouvoir distribuer une alimentation thérapeutique prête à l'emploi aux enfants souffrant de malnutrition aiguë en Somalie. Cela prendra un moment avant que la situation ne s'améliore car nous ne pouvons plus accéder à certaines régions en Somalie depuis très longtemps et nous avons, de ce fait, une information très limitée sur la situation là-bas.

Quels sont les autres besoins dans les camps de réfugiés que vous avez visités ?

Les besoins sont immenses presque dans tous les domaines. Des biens de secours essentiels sont nécessaires, comme des abris, des matelas et des ustensiles de cuisine. Il n'y a pas suffisamment de latrines, ce qui accroît le risque de diarrhée. La pénurie d'eau est également un problème. Dans l'un des camps les plus anciens, Melkadida, il y deux centres de traitement de l'eau. Cela permet aux réfugiés de recevoir environ 15 litres d'eau par jour et par personne dans ce camp. Mais il n'y pas de source d'eau traitée ni au camp de Bokolmanyo ni dans le nouveau camp de Kobe, ce qui signifie que nous devons acheminer de l'eau par camion citerne. C'est très coûteux et très difficile car les routes sont très mauvaises. Il y a constamment des pannes et les gens ne reçoivent pas assez d'eau.

Quelles sont vos principales priorités ?

Notre principal défi est de travailler étroitement avec les gouvernements hôtes pour assurer que des systèmes appropriés sont en place. A Dollo Ado, la priorité consiste clairement à se concentrer sur la situation à Kobe et dans le nouveau camp de Hilowen qui va bientôt ouvrir. Nous devons assurer que nous avons une coordination et une organisation appropriées notamment pour la distribution d'eau potable et les latrines, et que le système de santé fonctionne. Nous n'en sommes pas encore là.

Pensez-vous que les agences humanitaires apportent une réponse adéquate à l'actuelle situation d'urgence ?

Pour le moment, oui, il y a une forte mobilisation mais demain, quand l'attention se portera à l'intérieur de la Somalie, les médias ne seront plus intéressés par la situation des réfugiés. Nous avons besoin de continuer notre travail lorsque les médias ne sont pas là et quand les financements s'essoufflent.

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