Un jeune réfugié ivoirien découvre un autre monde en Tunisie
Un jeune réfugié ivoirien découvre un autre monde en Tunisie
CAMP DE REFUGIES DE CHOUCHA, Tunisie, 10 janvier (HCR) - La fabrication de bijoux aide Abdel*, un jeune réfugié, à retrouver espoir dans un camp de réfugiés en Tunisie, à surmonter un passé tragique et à préparer un avenir meilleur.
« Aujourd'hui, je découvre un autre monde en Tunisie », a indiqué ce jeune Ivoirien âgé de 16 ans à des visiteurs au camp de réfugiés de Choucha, où il vit depuis mars 2012. En tant que mineur non accompagné, il relève de la compétence du HCR, qui travaille avec le Gouvernement tunisien pour trouver des solutions aux personnes qui sont encore à Choucha avant sa fermeture en juin.
Depuis son arrivée au camp, Abdel s'est senti totalement isolé et tout simplement il s'ennuyait ferme dans ce lieu situé dans une région aride entre la ville de Ben Guerdane et la frontière avec la Libye toute proche. « A Choucha, nous vivons dans un monde à part et vous devenez de plus en plus isolé du monde extérieur », a-t-il expliqué.
Il a toutefois retrouvé le moral le mois dernier, après avoir commencé une formation professionnelle dans le cadre d'un programme mis en oeuvre par le HCR et le Conseil danois pour les réfugiés avec l'aide de l'Agence tunisienne pour la Formation professionnelle. Il a choisi un cours sur la fabrication de bijoux donné par le Centre d'apprentissage aux métiers de l'artisanat dans la ville de Gabès, à environ 140 kilomètres au nord-ouest de Choucha.
Le programme du HCR pour la formation professionnelle inclut également des cours comme le moulage et la sculpture du plâtre, les techniques d'assemblage et de soudure ainsi qu'une formation en informatique. Ceux-ci sont organisés à Gabès ou à Ben Guerdane.
Environ 100 réfugiés vivant à Choucha ou en milieu urbain participent à ces formations longues de cinq mois, y compris 15 pour la formation de fabrication de bijoux à laquelle participe Abdel. « L'objectif est de former les réfugiés à de nouvelles compétences et à de nouveaux savoir-faire pour qu'ils deviennent autosuffisants », a expliqué Nicole dos Remedios, chargée de programmes au HCR et basée au sud de la Tunisie. Le programme vise également à encourager l'intégration locale.
Abdel et ses compagnons de formation, des réfugiés et des Tunisiens, apprennent à la fois à créer et fabriquer des bijoux. Leurs repas sont assurés au centre et ils dorment dans des dortoirs lors des sessions de cours. Cela leur donne également l'occasion de se faire de nouveaux amis parmi les réfugiés et les Tunisiens durant leurs pauses.
Pour certains comme Abdel, les cours peuvent également les aider à surmonter le traumatisme et leur redonner confiance et espoir. Ses parents avaient fui la Côte d'Ivoire pour des raisons inconnues et ils se sont installés en Libye, où il est né. Ils vivaient dans la ville côtière de Zliten, où sa mère est morte quand il avait tout juste cinq ans.
Mais d'autres tragédies se préparaient pour lui. Après le début du soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi en février 2011, des Africains sub-sahariens vivant en Libye en tant que travailleurs migrants ou demandeurs d'asile ont souvent été attaqués car on les suspectait d'être des mercenaires à la solde de Kadhafi. Beaucoup avaient peur de sortir de chez eux.
En mai 2011, un gang d'assaillants armés portant des capuches se sont introduits dans l'appartement d'Abdel et ont violé sa soeur avant de la tuer ainsi que son père, qui avait tenté de la protéger. Le garçon a été jeté en détention, où il est resté durant 10 mois. « Nous étions environ 30 dans une pièce. J'ai appris que nous nous trouvions dans [la ville de] Misrata », s'est-il rappelé, ajouté que certains d'entre eux sont sortis et ne sont jamais revenus.
Après 10 mois, il a été libéré et il a passé la frontière vers Choucha qui, à son pic en mars 2011, hébergeait des dizaines de milliers de réfugiés fuyant l'insurrection en Libye. Les personnes qui ne peuvent séjourner en Tunisie ou rentrer en Libye ou dans leur pays d'origine sont restées à Choucha, alors que des centaines d'autres ont été réinstallées dans des pays tiers.
Alors que les mois passaient à Choucha, où les conditions climatiques sont difficiles, Abdel a décidé de trouver une occupation à tout prix. « Je ne voulais plus rester sans rien faire dans le camp, en me demandant chaque jour quoi faire. Finalement, j'ai commencé à penser à quelque chose de concret et cette formation, c'est juste un début », a-t-il expliqué avec enthousiasme.
Aujourd'hui, on compte 1 358 personnes qui résident dans le camp, y compris 1 123 réfugiés et 22 demandeurs d'asile. Environ 400 personnes parmi les réfugiés n'ont pas été acceptées pour une réinstallation et le HCR étudie pour eux des solutions pour une intégration sociale et économique. Les programmes pour la formation professionnelle font partie de cette initiative. Dans le cas d'Abdel, le HCR essaye également de rechercher des proches en Côte d'Ivoire.
La plupart des personnes qui participent aux formations professionnelles sont de jeunes hommes, mais il y a également quelques femmes qui se sont inscrites. Gianmaria Pinto, chargé de projets du Conseil danois pour les réfugiés, a indiqué qu'à ce jour, les formations sont un grand succès. « Lors de la dernière session avant les vacances de fin de l'année, les réfugiés ne voulaient pas rentrer à Choucha », a-t-il indiqué, ajoutant que davantage encore avaient désormais commencé à postuler pour ces formations professionnelles.
Abdel, parallèlement, a commencé à sa vie après Choucha. « Cette formation me donne un nouvel espoir et me motive à continuer mes études. Pour la première fois depuis des années, je dors bien. Ma vie commence à s'améliorer et j'espère que cela va continuer. »
*Noms fictifs pour des raisons de protection
By Dalia Al Achi au camp de Choucha, Tunisie