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Remettre de l'ordre dans la « pension de famille » de l'Afghanistan

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Remettre de l'ordre dans la « pension de famille » de l'Afghanistan

Istalif, un lieu idyllique situé au nord de Kaboul, est un village de rapatriés. Cet ancien champ de bataille renaît peu à peu de ses cendres et tente d'attirer les touristes grâce à ses paysages saisissants et ses poteries très réputées. Mais avant toute chose, il lui faut panser ses plaies.
5 Avril 2007
A Istalif, les rapatriés travaillent ensemble sur un projet de distribution d'eau potable.

ISTALIF, Afghanistan, 5 avril (UNHCR) - Surnommé la « pension de famille » de l'Afghanistan, Istalif était jadis le point de départ vers les collines de l'Hindu Kush. C'était avant que des décennies de guerre ne transforment ce village en une ligne de front entre les troupes soviétiques, les Moudjahidin, l'Alliance du Nord et le régime des Taliban et avant que des milliers de familles n'aient à s'enfuir.

Aujourd'hui, Istalif est encore à l'état de ruines pour sa majeure partie mais son petit bazar redonne lentement un peu de couleur et de vie à ce magnifique village des bords de la plaine Shomali, au nord de Kaboul. Quelques visiteurs s'y rendent pour sa poterie, qui est très réputée, ainsi que pour ses vignes et son climat très agréable. Mais, avant que la « pension de famille » de l'Afghanistan ne puisse à nouveau accueillir des touristes, elle doit d'abord panser les blessures de ses communautés.

« On comptait 48 000 familles ici avant la guerre », raconte Shah Rasoul Faiaq, le commissaire du district depuis Istalif. « Aujourd'hui, la moitié des habitants est rentrée d'autres régions de l'Afghanistan, et l'autre moitié est formée de rapatriés qui se trouvaient hors du pays. Nos besoins sont importants. Nous sommes durs à la tâche mais nous avons besoin d'investissements limités pour démarrer des petits commerces de poterie, de tissage de tapis et d'élevage de bétail. »

Il souligne que le Gouvernement sud-coréen a construit une installation hydroélectrique qu'il a ensuite remise aux autorités locales. Grâce à ce projet, 600 familles ont désormais accès à l'électricité 24 heures sur 24.

Outre les infrastructures et le développement économique, il existe un besoin urgent de réconcilier les groupes ethniques qui sont divisés. Les Tadjiks constituent la majorité de la population, mais les Pachtouns ont bénéficié des faveurs du régime taliban, de 1996 à 2001. Les Tadjiks ont été contraints de partir et leurs maisons ont été rasées, alors que les Pachtouns ont, eux, été autorisés à rester sur place et leurs habitations ont été laissées intactes. En guise de représailles, certaines familles tadjikes qui vivaient en amont ont décidé de bloquer l'approvisionnement en eau de l'enclave pachtoune située plus bas.

Pour résoudre les problèmes communautaires et soulager les tensions ethniques dans la région, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a mis en place en 2005 un projet dit de coexistence avec l'organisation non gouvernementale Malteser International. Le projet avait pour but de promouvoir la réintégration des communautés divisées par le conflit et de les aider à vivre en paix.

Les représentants de chaque communauté ont été formés à la résolution de conflit avant qu'un comité de paix comprenant 20 membres, des hommes et des femmes des deux groupes ethniques, ne soit créé. Le volet « social » de l'initiative était centré sur l'éducation, allant des questions d'eau et des installations sanitaires à l'importance de vivre en harmonie.

Le volet « matériel » avait pour objectif de mener des projets conjoints pour améliorer l'infrastructure. Pendant deux mois, 75 hommes des deux communautés ont travaillé ensemble - ils étaient payés trois dollars par jour - pour construire des sanitaires près d'une source thermale et ensuite pour réhabiliter une route menant vers cette installation.

« Cette eau peut traiter des maladies de la peau », a expliqué Abdullah, un membre du comité tadjik pour la paix. « Nous avons construit des sanitaires pour que les gens puissent se doucher convenablement, et nous avons réhabilité la route pour en faciliter l'accès. »

Mohammed Yaseen, le président du comité pachtoun, a ajouté : « l'impact est manifeste : il y a trois ans, nous n'avions aucun contact avec les familles de l'autre communauté. Nous n'entretenions aucune relation et n'organisions aucune réunion. Mais travailler ensemble a apporté des changements tangibles dans notre mode de relation. L'été dernier, ils nous ont fréquemment rendu visite dans notre maison. »

Cependant, des tensions subsistent. « Le besoin de continuer et d'étendre le projet pour cette année est presque aussi important que l'année dernière car de nombreux villageois sont analphabètes et ont encore des préjugés. Davantage d'éducation civique peut changer leurs comportements », a expliqué Abdullah.

Maya Ameratunga, qui est chargée de cette région pour l'UNHCR, confirme : « Nous comprenons que les projets de coexistence demandent un investissement à long terme et nous continuerons à assurer une assistance pour aider les communautés mixtes à vivre ensemble. »

A Istalif, les rapatriés travaillent ensemble sur un projet de distribution d'eau potable.

Pour les habitants d'Istalif, cet investissement aura un impact qui dépasse leur propre sort. « Avec les installations sanitaires et la route, les gens des autres provinces pourront venir et bénéficier d'un traitement pour leurs problèmes », a indiqué Abdullah. Avec des hôtes comme lui, Istalif pourrait bientôt passer du statut de pension de famille à celui de ville thermale de l'Afghanistan.

Par Mohammed Nader Farhad à Istalif, Afghanistan