Questions/Réponses : Des démineurs au Sud-Liban reçoivent la distinction Nansen
Questions/Réponses : Des démineurs au Sud-Liban reçoivent la distinction Nansen
GENEVE, 3 octobre (UNHCR) - Chris Clark, le co-lauréat de la prestigieuse distinction Nansen pour les réfugiés cette année, a passé la moitié de sa vie dans des environnements dangereux. D'abord en tant que soldat décoré de l'armée britannique et plus récemment en tant que coordonnateur de programmes de déminage dans les pays ravagés par la guerre en Europe, en Afrique et dans le Moyen-Orient. Durant ces deux dernières années, en tant que directeur de programme du Centre de coordination de l'action contre les mines des Nations Unies au Sud-Liban (UNMACC-SL), il a dirigé le retrait de dizaines de milliers de sous-munitions dispersées dans le Sud-Liban par des bombes à fragmentation israéliennes. Christopher Clark sera à Genève lundi avec le démineur libanais Jamal Hammoud pour recevoir la distinction Nansen durant la session annuelle du Comité exécutif, l'organe directeur du HCR. Il s'est récemment entretenu de son travail avec le rédacteur du site Internet du HCR Leo Dobbs.
Parlez-nous de l'UNMACC
Le Centre de coordination de l'action contre les mines des Nations Unies au Sud-Liban, dont je suis directeur de programme, est l'organisme responsable de la gestion, de la coordination, du planning et de l'assurance qualité de l'élimination de toutes les mines antipersonnel et de toutes les bombes à fragmentation au Sud-Liban. Ce programme a été établi par l'UNMAS, le service de la lutte antimines des Nations Unies, qui est responsable de la participation des Nations Unies dans l'élimination des mines antipersonnel et des bombes à fragmentation à travers le monde. Le centre est basé à Tyr au Sud-Liban et sa structure est gérée conjointement par des employés des Nations Unies et de l'armée libanaise, représentant le gouvernement.
Quels sont ses résultats ?
La première phase a consisté à éliminer les mines antipersonnel et les champs de mines datant de 1978 environ à mai 2000, les années d'occupation du Sud-Liban par les forces israéliennes. Il y avait quelque 450 000 mines antipersonnel et il y en avait partout. Elles affectaient la mission des Nations Unies sur place ainsi que le travail des agences humanitaires. Les mines avaient aussi un impact important sur les civils, qui reconstruisaient leur vie ou rentraient chez eux après avoir été déplacés suite à l'occupation.
Notre organisation a été créée pour gérer ce problème et nous avons rempli notre objectif. Entre 2001 et mi-2005, nous avons éliminé quasiment toutes les mines antipersonnel entre ce que nous appelions Echo Road, qui est parallèle à la ligne bleue [la frontière de facto] et la rivière Litani. Nous avons éliminé environ 60 000 mines antipersonnel et, de ce fait, nous avons permis à la population d'utiliser à nouveau plus de cinq millions de mètres carrés de terres.
La seconde phase de notre travail a commencé en juillet 2006, lorsque la guerre a éclaté [entre les forces armées israéliennes et les milices du Hezbollah]. Quand nous avons évalué la situation après le cessez-le-feu en août 2006, il était évident que les Israéliens avaient utilisé une quantité énorme et sans précédent de bombes à fragmentation au Sud-Liban. Alors nous avons rapidement reconstitué les équipes et nous avons revu nos priorités pour gérer ce problème, qui affectait de nouveau la fourniture de biens de secours et le soutien qui devaient être assurés au Sud-Liban. Il affectait la population civile de retour dans les villages et il affectait les diverses organisations des Nations Unies.
Depuis août 2006, nous avons réussi à localiser et à éliminer plus de 149 000 sous-munitions non explosées, ce qui a permis de réduire le taux de pertes de civils. Les pertes en vie humaine s'élèvent maintenant à une ou deux personnes par mois, ce qui est encore trop mais déjà mieux que les 30 à 40 personnes mourant chaque mois après la guerre.
Qui s'occupe actuellement de l'élimination des bombes ?
Nous avons sept organismes différents au niveau opérationnel, qui résultent d'un mélange d'ONG internationales spécialisées dans le déminage et d'entreprises internationales du secteur privé sous contrat. Le nombre total des équipes que nous avons sur le terrain, nous les appelons les BAC ou équipes de dégagement de la zone de conflit, s'élève à 44. Ces équipes comptent au total près de 1 000 employés sur le terrain, y compris 865 civils libanais. Ils sont spécialement entraînés et équipés pour gérer le retrait des bombes à fragmentation.
Dans de nombreux cas, les démineurs libanais sont dirigés par un expert technique international. Mais certains experts étrangers ont été remplacés par un membre de leur équipe qui sortait du rang et qui avait démontré des qualités de superviseur.
Vos équipes comptent-elles des femmes ?
Il y a une ou deux équipes composées uniquement de femmes. Un grand nombre d'équipes compte des femmes. C'est un travail à opportunités égales.
Quels sont les défis majeurs ?
Le défi majeur est que nous ne savons ni combien ni où les bombes à fragmentation ont été lâchées par les Israéliens.... Il y a eu des contacts avec les Israéliens mais, à ce jour, nous n'avons reçu aucune information utile sur leur nombre et leur localisation. Nous trouvons encore de nouveaux sites, deux ans après, dans des régions isolées.
Il y a aussi de nombreux défis techniques et opérationnels. Certaines de ces bombes à fragmentation ont un détonateur sensible, alors le moindre mouvement peut les faire exploser. C'est pourquoi il y a eu un taux de pertes extrêmement important parmi les civils et nos démineurs.
Quels sont les taux de pertes ?
Depuis la fin de la guerre, on compte 215 civils victimes de bombes à fragmentation, dont 20 morts. Parmi nos démineurs, il y a eu 53 victimes, dont 14 morts.
Selon vous, combien de temps sera nécessaire pour régler ce problème ?
Le Sud-Liban a fait l'objet de guerres, de pertes en vie humaine et de destructions pendant longtemps. Alors il y aura un problème résiduel de munitions non explosées [UXO], y compris des bombes à fragmentation, durant des dizaines d'années.... Notre tâche consiste à neutraliser le problème et à le contrôler pour que la population civile puisse rentrer, accéder à ses terres et retrouver une vie normale.
C'est presque fait - à la fin de cette année, nous aurons réglé le problème des bombes à fragmentation non explosées au point qu'elles n'auront qu'un impact négligeable sur la population civile. Les civils pourront accéder quasiment totalement à leurs terres. Tout ce qui restera, dans l'ensemble, se trouvera dans des zones isolées et inhabitées. Ces restes seront traités à un rythme plus lent et moins urgent, durant les années à venir.
Coopérez-vous avec des organisations comme le HCR ?
Pendant la guerre, les agences d'urgence des Nations Unies étaient pour la plupart bloquées à Beyrouth, ou de toute façon au nord de la rivière Litani, car la guerre continuait sur le terrain et tous les ponts enjambant le Litani avaient été détruits. Dès l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 14 août, elles ont commencé à bouger. Le HCR et le PAM [Programme alimentaire mondial] ont préparé un convoi conjoint pour acheminer de l'aide dont le besoin se faisait ressentir d'urgence dans le village frontalier de Remeish, où se cachaient de nombreux civils n'ayant pu s'échapper durant les combats. Il y avait un besoin urgent de nourriture, de médicaments et d'abris.
Avec un ou deux collègues, nous étions restés sur place durant le conflit alors nous avons pu nous joindre au convoi, trouver une route pour franchir le Litani puis les escorter vers notre base située à Tyr. Nous avons pu nous en occuper, les héberger et partager le repas avec eux. Tôt le lendemain matin, nous les avons escortés à travers les restes de bombes à sous-munitions vers Remeish. Après cela, nous avons pris la décision consciente d'aider toutes les agences des Nations Unies autant que nous le pourrions.
Dès lors, notre siège de Tyr est effectivement devenu une base conjointe des Nations Unies. Nous avions des employés du HCR sur place ; nous leur avons donné des bureaux, des ordinateurs et ils ont pu utiliser les imprimantes et les photocopieurs. Et nous leur avons donné immédiatement accès à notre connaissance du terrain car nous avions pu nous reformer très rapidement.... Nous leur avons permis de faire leur travail de façon sûre et, via un dialogue constant, nous avons envoyé des équipes de déminage pour faciliter ce travail.
Que signifie pour vous de recevoir la distinction Nansen ?
Le plus important pour nous, c'est la reconnaissance du travail effectué. Les employés ont travaillé extrêmement dur. Durant les derniers mois de 2006, nous faisions tous 18 ou 20 heures par jour pour arriver à contrôler la situation. Et cela a duré encore longtemps.... C'est bien que le dur labeur de tous les hommes et les femmes soit reconnu de cette façon. Nous en sommes très heureux.
Que ferez-vous de la somme de 100 000 dollars dont est dotée la distinction Nansen ?
Nous sommes actuellement en discussion à ce sujet avec le HCR, mais nous souhaiterions établir un projet basé sur la communauté dans une zone où nous avons éliminé les bombes à sous-munitions. L'une des activités agricoles principales du Sud-Liban est la production d'olives. Nous souhaiterions mettre en place une usine de transformation d'olives où tous les petits fermiers pourraient faire presser leurs olives pour en obtenir de l'huile.