Peu à peu, un réfugié kosovar reconstruit sa vie au Monténégro
Peu à peu, un réfugié kosovar reconstruit sa vie au Monténégro
Camp de Konik, Monténégro, 23 juillet (HCR) - Tefik Berisa est un homme difficile à joindre. Quand on appelle chez lui, on s'entend souvent dire par une voix enfantine polie : « Mon père n'est pas disponible, il est au travail. »
Quand on le voit en personne, son visage reflète sa vie difficile, mais sa stature révèle un homme convaincu que la dignité se construit par le travail acharné. En 1999, lui et sa famille ont fui le Kosovo vers le Monténégro avec juste un peu plus que les vêtements qu'ils portaient ce jour-là. Ils ont tout laissé derrière eux.
« Nous n'avions rien à notre arrivée au Monténégro. Heureusement, la nourriture nous a été généreusement fournie dans le camp, mais je ne voulais pas que ma famille dépende de l'aide. Je voulais une vie digne pour ma famille, même si nous n'avions rien », explique Tefik. « Vivre sans aucun document d'état civil m'a prouvé que ma famille n'existait pas juridiquement. Je me suis rapidement repris et j'ai décidé de procéder étape par étape : d'abord la nourriture, ensuite les documents d'identité. »
Il a commencé à travailler pour subvenir aux besoins de la famille, qui s'est agrandie de trois à huit personnes depuis leur arrivée. Le travail est généralement difficile, car c'est un travail physique.
« Régulièrement, je coupe l'herbe dans le quartier et je ramasse les bouteilles en plastique ainsi que des débris de ferraille. Parfois, je peux donner 50 cents à mes enfants, parfois je ne peux pas. Ça dépend. C'est la vie », déclare Tefik.
Depuis 15 ans, il vit avec sa famille dans une installation de conteneurs à Konik, Podgorica, le plus grand camp de réfugiés roms de tout le pays. Le camp accueille actuellement environ 1 500 personnes. Les Berisa ont fait de leur conteneur une véritable maison. Bien que le lieu soit plutôt sobre, la maison a de l'allure et l'intérieur est harmonieux au niveau des couleurs et de l'espace. Lors de sa discussion avec les visiteurs, la famille est assise sur le sol revêtu d'une moquette confortable.
Concernant son problème de documents d'identité, Tefik indique, « quand j'ai compris que ne pas avoir de documents personnels rendrait la vie de ma famille plus compliquée, j'ai immédiatement cherché des moyens pour en obtenir. Toutefois, étant donné que j'ai de nombreuses bouches à nourrir, il était impossible pour moi de financer à la fois le voyage de retour vers le Kosovo et les taxes pour la documentation. Alors j'ai travaillé encore plus dur, mais j'étais encore loin de pouvoir atteindre cet objectif. »
En général, ne détenir aucun document d'identité constitue un obstacle majeur pour les réfugiés, qui ne peuvent pas construire une vie stable sans être légalement reconnus par le pays hôte. En 2009, afin de soutenir l'insertion locale des réfugiés d'ex-Yougoslavie, les autorités du Monténégro ont mis en oeuvre des mesures pour que les personnes déplacées puissent demander un permis de résidence permanente ou temporaire, selon des conditions privilégiées.
Les organisations humanitaires et internationales contribuent à aider les personnes déplacées à obtenir des documents d'identité. Le HCR et une ONG du Monténégro, Legal Center, ont organisé des visites en bus au Kosovo, ce qui a permis à Berisa et à son épouse d'obtenir des documents d'identité et de demander un permis de résidence.
Le HCR fait son possible pour garantir des solutions durables aux personnes déplacées du Kosovo, que ce soit par un retour volontaire dans leur pays d'origine ou par l'insertion dans les pays d'accueil. Ces efforts sont particulièrement destinés à aider les minorités vulnérables comme les Roms, les Ashkalis et les Egyptiens, en particulier ceux qui vivent dans des installations informelles et ceux qui n'ont aucun documents d'état civil.
Les gouvernements de la région ont été engagés dans des projets bilatéraux pour aider les réfugiés par des moyens novateurs. En mai 2014, le Ministère de l'Intérieur du Kosovo (UNSC 1244) a envoyé quatre équipes mobiles au Monténégro pour recueillir les demandes de documents d'identité. Parmi environ 400 réfugiés, les équipes mobiles ont aidé Tefik à réaliser son rêve de résidence permanente au Monténégro. Désormais, ses enfants ont leurs propres passeports, ce qui leur permettra de postuler pour le permis de résidence permanente.
« Je peux désormais planifier correctement leur avenir. Mes enfants sont tous scolarisés. Ils pourront donc trouver de meilleurs emplois. C'est mon plus grand souhait. Pour eux, je veux mieux que le travail que j'occupe », explique Tefik. « Il reste encore un point important sur ma liste de choses à faire étape par étape : un vrai toit au-dessus de nos têtes. Je pense que c'est essentiel dans la construction d'un avenir sûr pour notre famille. »
La famille Berisa devrait bénéficier d'une aide au logement dans le cadre du Programme régional de logement, qui vise à répondre au problème des déplacements dans la région en offrant des logements aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, du Monténégro et de la Serbie.
Les pays donateurs de la communauté internationale se sont engagés à financer le programme régional à hauteur de 260 millions d'euros, dont 230 millions d'euros de la part de l'Union européenne. Le Monténégro envisage des projets d'une valeur de 27 millions d'euros bénéficiant à plus de 6 000 réfugiés parmi les plus vulnérables dans le pays. Cela comprend la construction de 120 unités de logement pour les résidents du camp de Konik. La construction doit commencer durant la seconde moitié de 2015.
Par Mensur Bajramspahic
Au Camp de Konik, Podgorica, Monténégro