Parcours d'un réfugié: Ahmed est heureux d'être vivant et de fonder une famille
Parcours d'un réfugié: Ahmed est heureux d'être vivant et de fonder une famille
TRIPOLI, LIBAN, 5 juin (HCR) - Une partie d'Ahmed ne regrette pas la prospérité et les possessions laissées derrière lui, y compris sa bibliothèque pleine de livres de droit et les volumes de poésie qu'il lisait pendant ses soirées de loisir. Il ne regrette pas non plus d'avoir fait une croix sur une carrière lucrative en droit pénal dans la ville de Hama, dans l'ouest de la Syrie, avant de fuir l'enfer du conflit syrien.
Cet homme de 34 ans a quitté la Syrie le 28 août dernier au petit matin et a fui au Liban. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été quand sa mère, inquiète pour sa sécurité, s'est effondrée en larmes et l'a prié de partir. C'était quelques jours après que la maison d'Ahmed avait été détruite par des tirs d'artillerie, puis incendiée.
Mais malgré la mort, les détentions et la violence, Ahmed est toujours vivant. Il a la santé et la force, ainsi que sa femme et leur petite fille, qui a bientôt deux mois.
Il n'a pas de regret: en partie, en raison de ce qu'il décrit comme la chance d'avoir échappé à une zone de guerre, mais peut-être surtout parce que l'heure n'est tout simplement pas à la réflexion. Le passé est un luxe qui demeure.
« Je dois être honnête avec vous », déclare Ahmed, en passant sa grosse main dans sa barbe poivre et sel. « Depuis que le conflit a commencé [en mars 2011] il est difficile de penser à quoi que ce soit. Mon cerveau est envahi par d'autres pensées : Où allons-nous manger ? Qu'est-il arrivé à nos amis ? ».
Comme tous les réfugiés, Ahmed est passé d'une vie de paix et de calme relatifs à l'incertitude et à une profonde instabilité. Il est comme la plupart des 1,6 million de Syriens qui ont franchi une frontière et ont abandonné leur ancienne vie et sont maintenant forcés de s'adapter aux paramètres limités et aux opportunités fragiles qui déterminent leur nouvelle vie.
Comme beaucoup d'autres cadres supérieurs - avocats, médecins, ingénieurs et hommes d'affaires - il a troqué sa maison et sa voiture contre une pièce vide avec un lit. Dans ces lieux ils trouvent une raison d'être reconnaissants. « Je regarde ces murs nus et je me dis 'Dieu merci, je suis ici et j'ai échappé à la mort' », déclare-t-il.
Ahmed survit désormais grâce à son bon sens, ses muscles et la gentillesse de personnes qu'il connait à peine. Quand il a fui, des travailleurs migrants lui ont dit qu'il pourrait séjourner dans la ville d'Akkar au nord du Liban. Après être resté quelques jours à cet endroit, on lui a indiqué qu'il y aurait peut-être du travail dans les champs d'oliviers du village d'Al Koura.
C'est là-bas qu'il a trouvé une chambre non meublée à louer pour 150 dollars par mois. Une voisine, libanaise, lui a aussi manifesté sa gentillesse à un moment critique. Le lit sur lequel il dort a été donné par cette inconnue dénommée Majida. La chemise qu'il porte vient aussi d'elle. « Elle a donné plus que ce qu'elle avait », dit-il. « Je n'ai jamais rencontré un être aussi généreux de ma vie ».
Grâce à cette générosité, un mois après son arrivée, Ahmed a pu demander à sa femme de traverser la frontière pour le rejoindre. Il avait trouvé du travail comme ouvrier du bâtiment dans les champs d'oliviers. Il était devenu un peu plus stable et pensait qu'ils pourraient survivre. Il était passé d'un salaire de 75 dollars par heure à un salaire de 75 dollars par semaine.
La fille d'Ahmed est née en tant que réfugiée dans un hôpital de Tripoli. Elle a pointé le bout de son nez à 9 heures du soir et pesait 2,5 kg. Ahmed et sa femme Ameera ont décidé d'appeler leur enfant Majida, en hommage à la femme qui lui avait manifesté sa bonté. « Notre petite famille s'agrandit », dit-il. « Dieu merci ».
Par Gregory Beals et Bathoul Ahmed à Tripoli, Liban