L'insécurité au Yémen est une menace pour les réfugiés et les migrants
L'insécurité au Yémen est une menace pour les réfugiés et les migrants
SANAA, Yémen - La seule mention des mots « Yémen » et « réfugiés » évoque bien souvent les personnes qui fuient ce pays ravagé par la guerre. Les combats y font rage depuis 2015 et la situation ne fait que se détériorer du fait de l'ingérence de tierces parties dans cette guerre civile.
C'est pourquoi il peut être surprenant d'apprendre que si des milliers de gens (environ 87 000 personnes l'an dernier) quittent le pays pour la corne de l'Afrique, ils sont encore plus nombreux à prendre le chemin inverse : l'an dernier seulement, plus de 117 000 personnes auraient traversé le golfe d'Aden et la mer Rouge pour rejoindre ce contexte d'insécurité.
Depuis 2013, près de 290 000 réfugiés et migrants ont débarqué sur les côtes yéménites. Près de 80 pour cent d'entre eux étaient éthiopiens et les autres majoritairement somaliens. La plupart voient le Yémen comme un point de transit, tandis que d'autres envisagent de rester dans le pays, souvent inconscients des dangers qu'ils vont y rencontrer.
Les chiffres les plus récents témoignent d'une augmentation régulière de déplacements erratiques de l'Afrique vers le Yémen — près de 65 000 personnes en 2013, 91 000 en 2014 et 92 500 en 2015 — alors même que la situation ne cesse de s'aggraver dans ce pays où se livre une guerre totale depuis 2015.
« Nous ne pouvons laisser des passeurs et des trafiquants sans scrupules inciter les gens à braver des risques et des dangers là où ils espèrent trouver protection. »
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a lancé ce jour une campagne de sensibilisation sur les multiples dangers pesant sur les personnes qui entrent au Yémen ou traversent le pays : noyades en mer, agressions, extorsions et autres abus perpétrés par des réseaux criminels, sans compter les dangers directement liés à la guerre qui a rendu les quatre cinquièmes de la population du pays dépendante de l'aide humanitaire.
« Nous voulons donner aux réfugiés la possibilité de prendre des décisions éclairées quant à leur avenir », a déclaré Volker Turk, le Haut Commissaire assistant du HCR en charge de la protection. « Les gens qui prennent la décision de fuir doivent être au courant des dangers qui les attendent. Nous ne pouvons laisser des passeurs et des trafiquants sans scrupules inciter les gens à braver des risques et des dangers là où ils espèrent trouver protection. »
Le HCR a été informé de violences physiques et sexuelles, de privations d'eau et de nourriture, d'enlèvements, d'extorsions, de tortures et de travail forcé aux mains des passeurs et des réseaux criminels. On constate en outre une augmentation des arrestations, des détentions et des retours forcés.
Les femmes — qui représentent en gros un tiers des réfugiés et des migrants somaliens et 13 pour cent de ceux d'origine éthiopienne — sont particulièrement à risque et peuvent être la cible de violences sexuelles ou de traite d'êtres humains. Les chiffres avancés par les agences partenaires qui surveillent le littoral yéménite laissent à penser qu'environ un quart de ceux qui tentent la traversée sont des enfants.
Les passeurs jettent souvent leurs passagers à la mer juste au large des côtes. Sur les milliers de réfugiés et de migrants qui font le voyage, 446 personnes auraient été tuées ou n’ont pu être retrouvées durant les trois dernières années. Il y a tout lieu de penser que ces chiffres sont inférieurs au nombre réel de décès étant donné que le HCR et ses partenaires ne peuvent guère intervenir dans ce qui n'est rien moins qu'une zone de guerre.
« Ils m'ont infligé de graves blessures et je ne pouvais même pas me faire soigner… Je suis malade, j'ai faim et je suis misérable ici. »
« Il n’y a rien pour moi ici et la vie est très dangereuse », dit une Éthiopienne qui a fait le voyage. « J’ai été tabassée le mois dernier par des gens qui cherchaient de l'argent et qui m'ont accusée d'avoir volé. Ils m'ont infligé de graves blessures et je ne pouvais même pas me faire soigner. J'ai dû attendre que les blessures guérissent d'elles-mêmes et ce n'est pas encore fini. Je suis malade, j'ai faim et je suis misérable ici. »
Le nœud du problème est qu'il est très difficile d'apporter une aide aux personnes dans le besoin dans un endroit aussi dangereux que le Yémen. Même si le mandat du HCR est de protéger les réfugiés, la notion même de sécurité est illusoire dans un pays en guerre. La capacité opérationnelle de l'Agence est considérablement entravée par l'insécurité, que ce soit pour son personnel, pour ses partenaires ou pour toutes les personnes à qui nous souhaiterions venir en aide.
Plus de 19 millions de personnes ont besoin d'une assistance humanitaire. C'est en partie parce qu'il est si difficile d’établir des filets de sécurité pour les réfugiés et les migrants dans un environnement aussi hostile que depuis longtemps, le HCR alerte les personnes en partance pour le Yémen des dangers qu’ils courent.
Selon différents rapports, la traversée coûterait entre 300 et 500 dollars mais en réalité, les risques d'extorsion exposent les voyageurs à perdre bien plus en chemin et l'on ne compte plus les récits de réfugiés et de migrants kidnappés dont les familles ont reçu des demandes de rançon.
Il est clair qu'un grand nombre des personnes qui entreprennent le voyage vers le Yémen ne sont pas conscientes des dangers qu'elles vont affronter. Les réseaux de passeurs minimisent les périls et les menaces qui guettent les gens peu habitués à voyager et ceux qui sortent vivants de ce calvaire ont rarement l'idée d'informer les leurs de ce qu'ils ont traversé. Le HCR s'engage à favoriser une meilleure prise de conscience de l'ensemble de ces risques.