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Les professeurs du Honduras unis pour sauver le système éducatif

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Les professeurs du Honduras unis pour sauver le système éducatif

Confrontés aux réductions budgétaires et à la violence des gangs des rues, les enseignants du Honduras cherchent à obtenir une meilleure protection et plus de soutien - avec l'appui du HCR.
30 Juillet 2018
Yolani Ríos donne cours à des élèves de cinquième année dans un centre d'enseignement soutenu par le HCR, situé dans un quartier à haut risque de Tegucigalpa, au Honduras.

Sur les hauteurs de la capitale du Honduras, c'est un jour d'école comme tous les autres. Les voix de centaines d'élèves d’école primaire résonnent dans la petite cour intérieure qui relie les salles de classe.


Une classe récite les tables de multiplication. Une autre répète des mots en anglais. Mais derrière cette normalité apparente se trouve un système éducatif menacé.

« Cette semaine encore, un garçon du secondaire a disparu », murmure l'un des professeurs. On dit qu'il a accompagné sa petite sœur à l'école il y a trois jours et depuis, plus personne ne l'a vu. Ses parents ont trop peur de déclarer sa disparition. Et les professeurs aussi. La raison est simple: la violence des gangs des rues.

« Le 18e gang des rues contrôle ce quartier mais les MS-13 contrôlent le quartier qui se trouve directement au-dessus et en-dessous du nôtre, donc l'endroit est assez conflictuel », explique Dolores,* la directrice adjointe de l'école qui accueille des élèves du primaire le matin et du secondaire l'après-midi.

« Cette semaine encore, un garçon du secondaire a disparu. »

Les gangs rivaux, connus sous le nom de maras, se battent pour les territoires où ils organisent des rackets allant de l'extorsion au trafic de drogue. Les incidents criminels à proximité des écoles ne sont pas déclarés, car les proches, amis et témoins craignent que les membres des gangs ne s'en prennent à eux.

Établie dans une communauté informelle au dessus de Tegucigalpa – l’une des dizaines de quartiers marginalisés apparus suite à l’ouragan qui a déplacé des milliers de gens il y a une vingtaine d’années - cette école est un microcosme de la détérioration du système éducatif du Honduras.

En deux ans à peine, les inscriptions sont tombées de plus de 300 élèves à quelque 180 parce que les gangs empêchent l'accès au quartier où est située l'école à de nombreux jeunes et enfants. Le recrutement par les gangs et la toxicomanie frappent durement les adolescents du quartier. L'école manque de personnel et de matériel. La classe de technologie autrefois  opérationnelle est aujourd’hui remplie d'ordinateurs en panne.

Et puis, il y la violence à laquelle sont confrontés tant les élèves que les enseignants du quartier et qui va des agressions sexuelles à l'assassinat. Les parents de certains élèves sont en prison et les professeurs eux-mêmes sont victimes d'extorsion et de menaces, ce qui leur laisse un profond sentiment d'impuissance.

« Cela fait vraiment beaucoup de peine de voir tous ces problèmes et de ne rien pouvoir y faire. Mais quel choix avons-nous ? » demande Dolores.

Et elle n'est pas seule. Dans tout le Honduras, les professeurs sont dépassés. « Nous sommes épuisés et usés au point d’en tomber réellement malades, physiquement ou mentalement », raconte Reyna Rodriguez, la proviseure d'une école secondaire de Tegucigalpa. « Dans ce combat, nous avons l'impression d'être pieds et poings liés. »

« Nous sommes épuisés et usés au point de tomber réellement malades, physiquement ou mentalement ».

Malgré l'épuisement, Reyna Rodriguez s'est associée à deux autres proviseurs, Daisy Zelaya et Carlos Garcia, pour lancer une campagne de soutien aux professeurs de centaines d'écoles dans tout le pays.

« Nous ne pouvons pas rester ainsi, les bras croisés, à ne rien faire », explique Carlos Garcia.

La campagne a commencé lorsque le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, a lancé une enquête dans les écoles publiques, en coordination avec l'organisation Save the Children. L'objectif initial était d'enquêter dans 23 écoles de la capitale pour mieux comprendre le quotidien des professeurs et voir comment le HCR pouvait les aider.

Mais de nombreux professeurs se sont présentés pour être entendus et l'enquête a finalement porté sur 253 écoles de la capitale et plus de 2 300 autres à travers le reste du pays. Dès le lancement des travaux pour remédier à leurs préoccupations, Reyna Rodriguez, Daisy Zelaya et Carlos Garcia ont été désignés comme porte-parole de l’ensemble du groupe.

Des enfants dans un centre éducatif d'un quartier à haut risque de Tegucigalpa, au Honduras.

Le premier enseignement tiré du sondage a été que les enseignants ne peuvent s'adresser à personne lorsqu'ils sont confrontés à des menaces, au harcèlement sexuel, à l'extorsion ou à des agressions.

« La première chose que nous avons entendue, et que nous avons entendu encore à maintes reprises par la suite, c’est que les professeurs se sentent seuls, qu'ils ont le sentiment que personne ne les soutient », explique Lorena Nieto, l'officier de protection du HCR au Honduras.

Reyna Rodriguez explique que dénoncer des élèves à la police n'est pas envisageable, car elle se mettrait en danger, ainsi que toute l'école. Ça pourrait signifier un arrêt de mort, même si l'élève a été enrôlé de force dans le gang.

Les professeurs essayent d'aider les élèves à surmonter leur détresse. Mais peu d'écoles disposent de conseillers scolaires, d’infirmiers, de psychologues ou d’autre personnel de soutien. Reyna Rodriguez a ainsi récemment consacré du temps à un élève enlevé par un gang avec un camarade. Le gang l'avait forcé à les regarder tuer et mutiler son ami. Reyna Rodriguez était la seule personne vers laquelle il pouvait se tourner pour obtenir un soutien.

« Que suis-je sensée faire dans un cas pareil? Je peux écouter, mais je n'ai pas les outils nécessaires pour aider quelqu'un comme lui », dit-elle.

L'autre enseignement majeur de l'enquête réalisée auprès des enseignants, c'est l'impact de la diminution constante des financements et des ressources qui se poursuit d'année en année.

« Si nous ne donnons pas la priorité aux investissements dans les écoles ...  on ne peut pas espérer que quoi que ce soit change un jour. »

La taille des classes augmente et peut atteindre 50 élèves par professeur. Venant s’ajouter aux difficultés qu’ils connaissent déjà, les professeurs doivent également accueillir des élèves ayant des besoins spéciaux dans les classes ordinaires. Les rares activités périscolaires sont assurées par les membres du personnel de l'école sur leur propre initiative, et sans compensation.

« Si nous ne donnons pas la priorité aux investissements dans les écoles et continuons à investir principalement dans l'armée et la police, on ne peut pas espérer que quoi que ce soit change un jour », estime Carlos Garcia.

Dans le cadre d'un programme global régional de soutien et de protection développé par le HCR et les gouvernements de la région - connu sous le sigle espagnol de MIRPS - le gouvernement du Honduras s'est engagé à  « formuler et mettre en oeuvre une stratégie de prévention et de protection pour les écoles » jusqu'en 2020 sous la tutelle du ministère de l'éducation.

Épaulés par le HCR, les professeurs ont commencé le travail d'amélioration de la sécurité et des conditions dans les écoles. Le HCR les aide premièrement à mettre sur pied des mesures de protection et des protocoles de sécurité tant pour le personnel que pour les élèves. Ils mettent en place des réseaux de communication entre eux et l'administration des établissements afin de pouvoir signaler les problèmes et lancer des avertissements pour protéger les professeurs et les élèves.

Le centre d'éducation assisté par le HCR dans un quartier à haut risque de Tegucigalpa, au Honduras.

Dans le cadre d’un partenariat avec Médecins sans frontières, des douzaines de professeurs ont été formés aux premiers soins en santé mentale afin d’aider les élèves qui souffrent des effets de la violence. Les agents du HCR ont appris aux professeurs comment se protéger ou protéger les élèves et les familles qui ont été déplacées par la violence.

Et en coopération avec une douzaine d'autres enseignants de tout le pays, Reyna Rodriguez, Daisy Zelaya et Carlos Garcia, les chefs de file de ce groupe de professeurs, élaborent des propositions visant à améliorer les écoles, et notamment un protocole applicable dans l’ensemble du pays et permettant de faire face à la violence et aux menaces dans les écoles. Ils ont tous les trois rencontré récemment le ministre adjoint de l'Éducation pour s’entretenir avec lui de la situation dans les écoles publiques et collaborer avec les agences gouvernementales afin de formaliser des mécanismes de protection des déplacés au sein du système scolaire.

« Nous savons qu'en l'absence d'une meilleure éducation, notre pays ne progressera jamais. »

Au vu de l'ampleur des risques dans l’environnement scolaire, le gouvernement a mis en place des mécanismes de réponse et notamment le renforcement de la présence des forces de l'ordre dans des écoles sensibles. Il a récemment lancé le programme “Assurer l'éducation” avec une aide des États-Unis pour la prévention de la violence.

« Nous savons que nous avons l'énorme responsabilité d'éduquer les jeunes générations du pays, mais il est difficile de le faire correctement dans l'état actuel des choses », déclare Reyna Rodriguez. « Mais nous savons également qu'en l'absence d'une meilleure éducation, notre pays ne progressera jamais. »

*Certains noms ont été modifiés pour protéger les personnes

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