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Les mineurs non accompagnés confrontés à l'insécurité sur l'île grecque de Lesbos

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Les mineurs non accompagnés confrontés à l'insécurité sur l'île grecque de Lesbos

Les jeunes demandeurs d'asile qui ont été séparés de leurs parents disent être confrontés à des conditions difficiles et à des menaces de violence dans un centre de réception situé sur l'île grecque de Lesbos.
14 Octobre 2019
Des demandeurs d'asile afghans assis sur un rocher surplombant le centre de réception de Moria sur l'île de Lesbos.

Originaire d'Afghanistan, Zemar* n'avait que 15 ans lorsqu'il est arrivé le mois dernier au centre de réception de Moria, sur l'île grecque de Lesbos. Il avait survécu à une série d'expériences traumatisantes, venait d'être séparé de ses parents et avait besoin de calme. Ce n'est pas ce qu'il a trouvé.


La première nuit, il s'est fait dérober son sac par des voleurs. Cette perte a aggravé son sentiment de solitude.

« Ils ont tout pris », dit-il. « Je n'avais personne à qui parler. »

Quelques nuits plus tard, il s'est fait attaquer en plein sommeil par trois hommes. Il s'est battu pour se libérer et a fui pour rejoindre une patrouille de police au portail principal de Moria. Il raconte avoir passé la nuit sur le trottoir, en sécurité, mais incapable d'expliquer aux agents de police ce qui lui était arrivé faute d'interprète.

Les demandeurs d'asile sont soumis à des conditions déplorables au centre de réception de Moria où 12 800 personnes – cinq fois la capacité d'accueil prévue – vivent aujourd'hui dans des conteneurs et des tentes à l'intérieur du centre et dans une oliveraie adjacente. Près de 1000 jeunes, pour la plupart adolescents, vivent à Moria sans leurs parents ou d’autres membres de leur famille. La moitié d'entre eux est logée dans quatre sections protégées, les sections A à D, et dans une zone de sécurité, mais les autres dorment dans un hangar a parois souples qu'ils partagent avec des demandeurs d'asile adultes.

Selon un rapport publié lundi par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, les États européens doivent intensifier leurs efforts pour protéger les réfugiés et migrants mineurs qui ont vécu des voyages dangereux et sont de surcroît confrontés à de nouveaux risques et épreuves difficiles à leur arrivée en Europe, notamment des lieux de vie peu sûrs, leur enregistrement erroné en tant qu'adultes et un manque de soins adaptés.

Dans l'ensemble des îles grecques de la mer Égée, plus de 1600 mineurs non accompagnés vivent dans des centres de réception administrés par les autorités grecques, tels que celui de Moria.

Au centre Vathy sur l'île de Samos, plus d'une douzaine de filles non accompagnées dorment à tour de rôle dans un petit conteneur, tandis que d'autres enfants dorment sur les toits des conteneurs. Les mineurs non accompagnés vivent parfois pendant des mois dans l’insécurité, en attendant l'autorisation de leur transfert vers des abris, ce qui les affecte psychologiquement et physiquement.

« Mère ? Père ? Où êtes-vous ? »

« Nous nous sentons tous inutiles… Je suis tellement stressé. Je perds la mémoire. Chaque fois que je m'endors, je fais des cauchemars. Tout ce que je veux, c'est revoir ma famille », dit Zemar.

Le nombre d'enfants demandeurs d'asile vivant en Grèce sans leurs parents est passé à plus de 4600, le chiffre le plus élevé depuis 2016. Seul un mineur sur quatre vit dans un abri adapté à son âge et plus de 1000 sont sans abri ou vivent dans des logements informels de type squat. 

Le HCR a de nouveau exhorté la Grèce à assurer la protection des enfants non accompagnés. L'organisation a lancé un appel aux États européens pour qu'ils donnent priorité à l’ouverture de places de réinstallation pour ces jeunes et accélèrent le transfert de ceux qui peuvent prétendre à un regroupement familial.

Zemar*, 15 ans, est arrivé d'Afghanistan sans ses parents sur l'île de Lesbos. Il vit au centre de réception de Moria. * Nom modifié pour des raisons de protection

« La situation à Moria est devenue extrêmement grave et les enfants non accompagnés sont confrontés à des risques très importants », dit Philippe Leclerc, le représentant du HCR en Grèce. « Avec le soutien impératif des pays européens, le Gouvernement grec doit prendre d’urgence les mesures nécessaires pour assurer la protection de ces jeunes. »

Zemar a fui l'Afghanistan avec sa famille après la mort de son frère aîné, abattu par les Talibans pour avoir collaboré avec les autorités afghanes. Il a été séparé de ses parents sur une plage de Turquie où des passeurs les ont fait embarquer en pleine nuit sur un canot pneumatique à destination de Lesbos avec une cinquantaine d'autres personnes. Ceux qui n'ont pas réussi à embarquer assez rapidement ont été laissés sur place.

« Mère ? Père ? Où êtes-vous ? » a alors hurlé Zemar dans la nuit, mais personne n'a répondu.

Le matin après avoir été attaqué en pleine nuit, les autorités, avec l'aide de METAdrasi, une organisation partenaire du HCR, lui ont trouvé une place à la Section A, l'une des sections sécurisées pour les enfants non accompagnés, où vivent aussi 150 jeunes originaires d'Afghanistan et de Syrie.

« C'est mieux à la Section A, mais les jeunes sont en colère », dit Zemar. « Parfois, ils se bagarrent. S'ils me voient, ils me harcèlent. L'autre nuit, il y a eu un combat au couteau et un garçon a été blessé », dit-il.

Les tensions sont fréquentes. En août, un jeune Afghan a poignardé un autre jeune à mort durant une bagarre qui a éclaté dans la zone de sécurité.

Zemar espère pouvoir reprendre contact rapidement avec ses parents. Qasim* a quant à lui perdu la trace de ses parents après avoir fui les combattants de l'État islamique qui avaient pris le contrôle de sa ville natale, Deir ez-Zor, en Syrie.

Lui aussi transféré par les autorités à la Section A, Qasim a 14 ans et n'en peut plus de ses épreuves et de son séjour à Moria.

« Tout ce que je veux, c'est me reposer, être en sécurité et aller à l'école », dit Qasim qui a déjà déposé une demande pour rejoindre son frère qui vit en Allemagne. Avec des années de scolarité perdues, il a désespérément envie de retourner à l'école avec d'autres jeunes de son âge. « En Syrie, je n'ai pu aller à l’école que trois ans. C'était une bonne école, mais ils l’ont bombardée et après, on ne pouvait plus y aller », raconte-t-il.

Malgré leurs tourments, Qasim et Zemar disent qu'ils se savent chanceux de pouvoir rester dans l'une des zones mieux protégées du centre et prévues pour les enfants non accompagnés plutôt que dans le hangar ou en pleine rue.

« Les pays européens ont des superpouvoirs. Ils devraient faire quelque chose pour la situation à Moria », dit Zemar.

* Les noms ont été modifiés par souci de protection.