Les civils pris au piège à Mossoul ont cruellement besoin de secours
Les civils pris au piège à Mossoul ont cruellement besoin de secours
Mossoul, Iraq – Quand la nuit est tombée sur Mossoul, Saad*, 45 ans, a chargé sur son dos son fils blessé pour gravir les décombres d'un pont sur le Tigre, dans une tentative désespérée pour atteindre l’est de la ville contrôlé par les forces gouvernementales.
« On est parti à la nuit et je l'ai porté sur mon dos parce qu'il ne pouvait pas marcher », raconte Saad qui a porté son fils de 21 ans, Haitham,* avec l'aide de ses autres fils. « On se relayait toutes les demi-heures parce que la route était longue. »
À l'époque de cette équipée il y a quelques semaines, il était encore possible de franchir le quatrième pont sur le Tigre après qu’il ait été détruit par une frappe aérienne de la coalition pour empêcher le réapprovisionnement des extrémistes. Mais pendant qu'ils cheminaient péniblement sur les décombres, ils se sont fait tirer dessus par des militants.
Saad a pris la fuite pour essayer de faire soigner Haitham — blessé deux ans plus tôt dans une explosion — dans un poste de stabilisation des blessés à Mossoul-Est, après qu’un autre de ses fils ait été tué par les extrémistes. « Certains gamins sont morts parce que l’eau n’était plus potable, » ajoute-t-il en décrivant la situation humanitaire à Mossoul-Ouest.
« La nourriture est hors de prix là-bas ; il n’y a pas d’électricité, pas d’eau et pas d’essence. »
« On savait que c’était dangereux, mais il fallait qu’on vienne de ce côté », explique-t-il. Ma famille est toujours de l’autre côté. La nourriture est hors de prix là-bas ; il n’y a pas d’électricité, pas d’eau et pas d’essence. »
Saad dit que les extrémistes exécutent des familles et qu’ils ne laissent personne traverser le fleuve. Pour s’enfuir, certains n’hésitent pas à payer 200 dollars à des passeurs qui les font traverser en bateau, mais ceux qui se font prendre sont sommairement exécutés.
L'opération des forces gouvernementales pour la reconquête de Mossoul entre dans son quatrième mois. Les forces de sécurité iraquiennes ont consolidé leur position sur les quartiers est de la ville. Toutefois, sur la rive ouest du Tigre, ils sont encore des centaines de milliers à être piégés sous le contrôle des opposants, avec peu de nourriture et pas d'eau potable.
Les institutions des Nations Unies et leurs partenaires humanitaires se sont déclarés vivement préoccupés par le sort des civils vivant à l'ouest de la ville où l'offensive pour reprendre la ville devrait s'intensifier dans les semaines à venir, de même qu'à Hawija, au sud.
Pendant ce temps, les civils qui vivent dans les quartiers Est proches du front sont exposés aux tirs d'artillerie et ont désespérément besoin d'aide humanitaire.
Depuis le début de l'offensive militaire le 17 octobre, la plupart des quelque 163 000 personnes qui ont quitté Mossoul-Est et les zones avoisinantes vivent aujourd'hui dans des camps administrés ou appuyés par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Toutefois, ils sont encore très nombreux à vivre chez eux et à avoir besoin de nourriture, d'eau, d'électricité et de soins médicaux alors que les combats font rage alentours.
À la fin janvier, des employés du HCR ont rendu visite aux résidents de Mossoul-Est, dans les quartiers désormais accessibles de Zuhoor, Sukkar et Nuar. C'était la première fois que les équipes du HCR avaient accès à ces zones. Elles ont remis des kits d'urgence à près de 9000 familles vivant dans les quartiers aujourd'hui accessibles de Mossoul.
Basher Mouthaffr, 42 ans, est l'un des civils qui s'est retrouvé piégé au milieu des combats dans l'est de la ville. « J'étais allé prier à la mosquée et, à peine sorti, j'ai été frappé par l'explosion d'un mortier », dit-il en relatant l'attaque où des éclats de mortier sont venus se ficher dans son dos et lui ont brisé les deux jambes, l'empêchant dès lors de se déplacer.
« J'étais allé prier à la mosquée et, à peine sorti, j'ai été frappé par l'explosion d'un mortier. »
Basher a été transféré dans un hôpital à l'ouest de Mossoul tandis que sa femme et leurs trois enfants sont restés dans leur maison, du côté du front contrôlé par les forces gouvernementales. Basher est originaire de Sinjar, dans l'ouest de la province de Ninive, mais a fui pour rejoindre Mossoul après la prise de sa ville natale en août 2014.
Lorsque les forces iraquiennes ont poursuivi leur avancée vers l'ouest le 12 janvier, Basher a enfin pu retraverser le fleuve pour atteindre les lignes gouvernementales et retrouver sa femme et leurs enfants. Comme il ne pouvait toujours pas marcher, il a traversé le front dans une brouette poussée par des voisins et des amis.
« J'ai eu le cœur brisé deux fois, parce que j'ai été touché et parce que ma famille n'était pas avec moi », confie-t-il depuis le lit qu'il occupe dans le salon familial, la jambe soutenue par une attelle, deux jours après son retour chez lui à Al-Zuhour.
Accroché au mur, on peut voir le chargeur de batteries que la famille utilisait pendant les coupures de courant intermittentes tandis qu'à l'extérieur, les habitants du quartier ont creusé une fosse pour collecter l'eau de pluie après que les conduites d'eau aient été endommagées par les combats. Malheureusement, l'eau n'est pas potable et les gens qui l’ont bue sont tombés malades.
*Noms fictifs pour des raisons de protection.