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Le Soudan du Sud cinq ans après son indépendance, un pays en proie à des souffrances accrues

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Le Soudan du Sud cinq ans après son indépendance, un pays en proie à des souffrances accrues

La plus jeune nation du monde est confrontée à la guerre, la faim et une crise de réfugiés qui s'aggrave.
8 Juillet 2016
Des enfants réfugiés se préparent à rentrer depuis le Kenya vers le Soudan du Sud en décembre 2005, peu après la signature d'un Accord de paix global, qui a mené cette nation à l'indéependance en 2011.

Alors que la plus jeune nation du monde s’apprête à célébrer son cinquième anniversaire, un nombre considérable de Soudanais du Sud continuent de fuir le conflit et, de plus en plus, ils souffrent de la faim. Malgré l’entrée en vigueur d’un accord de paix visant à mettre fin au conflit en décembre 2013 et quelques retours de personnes déplacées, plus de deux millions de personnes continuent de vivre en exil dans sept pays. Aspirant à une paix durable leur permettant de rentrer et de reconstruire le Soudan du Sud, les déplacés ont besoin d’aide.

Ann Encontre est Directrice adjointe du HCR pour l’Afrique de l’Est et la Corne de l’Afrique ainsi que Coordinatrice régionale de l’aide aux réfugiés pour la situation d’urgence au Soudan du Sud. Elle s’est entretenue avec notre collègue Nora Sturm sur les défis auxquels le Soudan du Sud et ses ressortissants sont confrontés.

Le Soudan du Sud célèbre son 5ème anniversaire, pouvez-vous décrire l’évolution de la situation ?

Nous observons des départs massifs de population, en particulier des femmes et des enfants. Bien que nous espérions la paix [depuis la formation du gouvernement d’unité nationale de transition], en réalité nous constatons une recrudescence des combats, notamment récemment à Wau.

Depuis le 15 décembre 2013, lorsque le conflit a éclaté [pour la première fois], des centaines de milliers de réfugiés ont cherché asile dans les quatre pays voisins du Soudan du Sud. Malheureusement, cette année, en plus de l’Ethiopie, du Kenya, du Soudan et de l’Ouganda, les réfugiés cherchent refuge en République centrafricaine et en République démocratique du Congo, soit six pays concernés. Et dans le même temps, des millions de personnes sont déplacées à l’intérieur même du Soudan du Sud.

Tous les réfugiés méritent d’être chez eux, de s’occuper de leurs récoltes, de faire pousser de quoi se nourrir et de mener une vie normale, mais leur réalité est totalement différente ; beaucoup vivent dans des zones reculées dans des conditions très difficiles hors de leur pays.

A l’intérieur du Soudan du Sud se trouvent environ 5,3 millions de personnes qui ont faim par manque de nourriture. Le Programme alimentaire mondial, l’un des principaux partenaires du HCR sur le terrain, a dû réduire les rations suite à plusieurs coupes budgétaires, laissant beaucoup de déplacés internes avec une quantité insuffisante de nourriture.

Vous étiez à Juba il y a 10 ans. Avez-vous un souvenir spécial de cette ville à ce moment-là ?

Il y a 10 ans, c’était vraiment l’euphorie après la signature d’un accord de paix entre le gouvernement du Soudan et le Mouvement de libération du peuple du Soudan. Le HCR et ses partenaires ont rapatrié plus de 250 000 réfugiés du Soudan du Sud qui avaient cherché asile dans les pays voisins. Ils rentraient vers rien, mais c’était leur rêve de rentrer et de reconstruire leur nation. C’était vraiment une période fantastique.

Cela a été de courte durée parce que, 10 ans plus tard, le nombre de personnes déplacées de force a été multiplié par plus de 10, que ce soit à l’intérieur du Soudan du Sud ou dans la région voisine.

Qui sont les personnes les plus affectées par le déplacement forcé actuel, et quels sont leurs besoins les plus urgents ?

Les personnes les plus affectées par les combats au Soudan du Sud sont les enfants. Plus de 500 000 ont dû fuir leur foyer. Environ 70% de tous les réfugiés originaires du Soudan du Sud ont moins de 18 ans. Ils sont censés être la génération de demain, la génération qui va diriger et reconstruire leur pays mais, en ce moment ils souffrent énormément. Ils ont été privés d’une vie normale. Beaucoup d’entre eux sont dans des camps, dans des installations en dehors de leur pays ou dans des sites de déplacement interne à l’intérieur du Soudan du Sud. Ils ne peuvent pas aller à l’école, ils ne s’alimentent pas correctement, ils n’ont pas accès aux soins de santé. Nous faisons ce que nous pouvons pour les maintenir en bonne santé, mais les défis pour satisfaire tous leurs besoins essentiels sont vraiment énormes.

La dernière fois que j’ai rencontré des enfants dans une école à Juba, une fillette m’a dit, « Nous voulons juste manger une glace et jouer. Nous ne voulons pas toute cette guerre. Nous voulons vivre comme des enfants normaux ».  Tout comme mes enfants voudraient avoir des rêves et des aspirations - et ils en ont-, ces enfants du Soudan du Sud méritent d’avoir la même vie.

 

 

Que font le HCR et ses partenaires pour les aider ?

Nous œuvrons sur le terrain avec nos partenaires depuis cinq ans, en particulier depuis que le conflit a éclaté en décembre 2013, pour fournir des soins de santé, l’éducation, des abris et des opportunités de moyens d’existence aux réfugiés et aux déplacés internes du Soudan du Sud. Cette assistance est toutefois très limitée et les défis sont énormes. Nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour leur offrir la prise en charge dont ils ont besoin et qu’ils méritent.

Heureusement, et nous leur en sommes grandement reconnaissants, tous les pays voisins du Soudan du Sud ont ouvert leurs bras et offert asile et sécurité aux réfugiés. Les communautés d’accueil ont été en première ligne de cet accueil, partageant leurs ressources limitées.

Mais cette situation n’est pas tenable. Elle traine depuis trop longtemps. Les Soudanais du Sud, en particulier les enfants, doivent rentrer chez eux, mener une vie normale et reconstruire leur pays.

Que devrait faire la communauté internationale ?

Nous avons lancé plusieurs appels de fonds, et nous en lancerons un autre prochainement pour un montant total de plus de 700 millions de dollars, en partenariat avec d’autres organisations humanitaires. Nous demandons à la communauté internationale de ne pas oublier les Soudanais du Sud ainsi que d’allouer les ressources humaines et financières dont nous avons besoin pour fournir une protection et une assistance vitales aux réfugiés et les aider à vivre aussi normalement que possible, dans cette situation très difficile.

Vous souvenez-vous de ce que vous pensiez de l’indépendance du Soudan du Sud il y a cinq ans, et dans quelle situation espérez-vous que le pays et sa population soient dans cinq ans ?

J’ai parlé d’euphorie il y a 10 ans, mais il y avait encore plus de jubilation il y a cinq ans quand le pays est devenu indépendant. Le monde entier avait les yeux tournés vers cette jeune nation, la plus jeune en fait, et il y avait un immense espoir que le pays s’engage sur la voie de la transition vers la démocratie et le développement. Je ne pense pas que nous ayons perdu espoir, mais il est vraiment nécessaire de disposer d’un plus grand engagement et soutien envers la population du Soudan du Sud, tant à l’intérieur du pays que dans la région voisine.