Le HCR intensifie ses préparatifs à l'approche de l'offensive de Mossoul
Le HCR intensifie ses préparatifs à l'approche de l'offensive de Mossoul
GENÈVE – Le Représentant du HCR en Iraq a averti du fait que l’offensive préparée par l’armée iraquienne pour reprendre Mosul risque de provoquer l’une des plus grandes crises de déplacement de ces derniers temps.
Au cours d’une conférence de presse organisé jeudi à Genève, Bruno Geddo a expliqué qu’à l’approche de cette échéance, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et ses partenaires s’apprêtent à d’intenses préparatifs pour que la communauté humanitaire puisse prendre en charge l’afflux anticipé de personnes.
Selon les agences humanitaires, le nombre de personnes déplacées par l’offensive des forces gouvernementales iraquiennes pour reprendre la deuxième ville du pays pourrait dépasser le million. Elles estiment qu’au moins 700 000 d’entre elles auront un besoin d’aide urgent sous la forme d’abris, de nourriture, d’eau ou de soutien médical.
« Les enjeux ne pourraient être plus élevés », a déclaré Bruno Geddo devant la presse au Palais des Nations.
Depuis 2014, près d’un Iraquien sur 10 a été déplacé par les conflits. Depuis mars, quelque 61 900 personnes venant de Mossoul et de la région avoisinante ont été déracinées et 100 500 déplacés de Shirqat, Al Qayyarah et des régions avoisinantes s’y sont ajoutés depuis le mois de juin.
En juin, le gouvernement iraquien a déclaré avoir chassé les extrémistes et repris le contrôle de Falloudja, mais l’important coût humain de cette offensive a suscité des critiques à l’égard de la communauté internationale qui n’avait pas anticipé l’ampleur de la souffrance et des déplacements.
« La première leçon tirée de la crise de Falloudja… c’est que lorsqu’une crise fait la une des écrans de télévision, il est trop tard pour recevoir des financements. »
« Nous avons tiré de nombreux enseignements de la crise de Falloudja au mois de juin », a expliqué Bruno Geddo. « Le premier, c’est que lorsqu’une crise fait la une des écrans de télévision, il est trop tard pour recevoir des financements. »
Aujourd’hui, la stratégie du HCR s’articule autour de l’agrandissement et de la création de nouveaux camps ainsi que du pré positionnement d’articles d’aide et de kits d’abris pour préparer l’arrivée des populations lorsque les combats commenceront.
Bruno Geddo a expliqué qu’un « arc de camps » était en cours de préparation dans des endroits sûrs de quatre gouvernorats autour de Mosul. Déjà 11 d’entre eux sont terminés ou en cours de préparation et quatre autres camps existants disposent de capacités d’accueil. L’ensemble de ces camps permettra à terme accueillir 20 000 familles, soit environ 120 000 personnes. Par ailleurs, les camps du gouvernement pourront accueillir 150 000 personnes environ.
Afin d’apporter de l’aide pour de plus courtes périodes, le HCR a pré positionné des tentes à proximité des zones où les opérations sont susceptibles de se dérouler. On espère en effet que les populations accueillies dans ces zones pourront être rapatriées chez elles dès que leurs maisons et villages auront été sécurisés.
Bruno Geddo a toutefois rappelé les difficultés posées par la création de camps, notamment à cause du manque de terrain, ou parce qu’il est souvent difficile à louer, pollué, trop accidenté ou trop près de la ligne probable de front. À cela s’ajoute le risque de tensions religieuses et ethniques qu’est susceptible de provoquer le logement des personnes déplacées de Mossoul dans les camps temporaires.
Bruno Geddo a également souligné que l’autre difficulté, c’est le temps. Selon certains rapports, l’offensive pourrait avoir lieu dès le mois prochain.
« Nous savons que c’est imminent et les bailleurs l’ont accepté, car ils financent déjà notre préparation – même si les fonds disponibles ne couvrent pas tous nos besoins », a-t-il ajouté.
« Le financement demeure un problème ». Le budget pour l’intervention d’urgence à Mosul a été estimé à 196 millions de dollars, mais ce montant n’est actuellement financé qu’à hauteur de 33%.
« L’Iraq subit des guerres par intermittence depuis 1975… La communauté internationale ne devrait pas céder à la lassitude. »
Concernant Debaga et Najaf la semaine dernière, le HCR évoquait déjà des familles et des enfants non accompagnés déracinés et fuyant les alentours de Mosul.
Pour compléter les capacités d’accueil des camps, le HCR a également acquis 38 000 tentes. Au total, 50 000 kits d’abris d’urgence permettront de construire des abris plus rudimentaires dans des camps d’urgence ou dans des centres d’accueil collectifs et 30 000 kits de fermeture ont également été stockés pour permettre de créer du logement dans des bâtiments abandonnés ou inachevés.
Par ailleurs, 100 000 kits d’articles d’aide essentielle comprenant des couvertures, des tapis, des jerricans et des articles de cuisine ont déjà été provisionnés. Si les fonds le permettent, le HCR prévoit l’achat de kits d’équipement contre les conditions hivernales pour 138 000 familles qui comprennent des couvertures, des matelas, des poêles de chauffage, des bâches en plastique et des kits d’isolation.
Craignant que les extrémistes se servent des civils comme boucliers humains, Bruno Geddo explique que le HCR a plaidé vigoureusement pour permettre aux civils de venir se mettre en sécurité s’ils parviennent à atteindre certaines zones.
« L’Iraq subit des guerres par intermittence depuis 1975. Le peuple iraquien est profondément traumatisé », ajoute-t-il. « Si nous avons de la chance, la guerre actuelle – 2016-2017 – marquera un tournant décisif pour le pays. La communauté internationale ne devrait pas céder à la lassitude. »