Le HCR exhorte l'Italie à améliorer les centres d'accueil à Lampedusa ; le bilan du naufrage s'alourdit
Le HCR exhorte l'Italie à améliorer les centres d'accueil à Lampedusa ; le bilan du naufrage s'alourdit
ILE DE LAMPEDUSA, Italie, 9 octobre (HCR) - Le HCR a appelé l'Italie à rénover d'urgence un centre de réception surpeuplé où sont accueillis les boat people sur l'île de Lampedusa, alors que les services d'urgence continuent de remonter des corps depuis l'épave du bateau qui git par plusieurs dizaines de mètres de fond. Le naufrage a eu lieu il y a une semaine. Au total, 156 personnes ont survécu au naufrage et 297 corps ont été récupérés, y compris ceux de nombreux enfants. Ce bilan est encore provisoire.
Laurens Jolles, le Représentant du HCR basé à Rome, a exhorté l'Italie à agir d'urgence afin d'améliorer les centres de réception pour les personnes qui arrivent par la mer. « L'Union européenne (UE) doit davantage s'engager dans la gestion des flux de migration mixte, mais il est également important que les autorités italiennes mettent en oeuvre au plus vite certaines mesures urgentes », indique Laurens Jolles.
« Avant tout, il faut rénover le centre de réception à Lampedusa », ajoute-t-il, ajoutant que sa capacité d'accueil devrait être rétablie à 850, alors qu'elle est aujourd'hui de 250. Elle avait été réduite après un incendie en septembre 2011.
« La dégradation dans ce centre d'accueil est inacceptable. Des familles entières doivent dormir en plein air, même quand il pleut », souligne Laurens Jolles, qui a décrit les conditions et les services sur place comme étant en-dessous des normes européennes.
Il a également exhorté le gouvernement à assurer un transfert plus rapide des migrants et des demandeurs d'asile dans des centres d'accueil mieux équipés en Italie continentale. Laurens Jolles a indiqué que les centres de réception en Italie devraient être plus nombreux et améliorés.
Pendant ce temps, certains parmi les 156 survivants de la tragédie de jeudi dernier se sont entretenus aujourd'hui à Lampedusa avec le Premier ministre italien Enrico Letta, José Manuel Barroso, le Président de la Commission européenne, et Cecilia Malmström, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures. D'autres personnes arrivées avant cette tragédie étaient également présentes. Elles se sont plaintes de leur vie au centre d'accueil dans des conditions déplorables.
Parmi les survivants de l'une des pires tragédies de bateau de migrants en Italie, il y avait Binyam*, un jeune homme de 25 ans, qui s'exprime clairement et qui est originaire de la capitale érythréenne, Asmara. Il a indiqué au HCR qu'à 17 ans, il avait dû rejoindre l'armée dans un pays où le service militaire est obligatoire et non rémunéré.
L'un de ses frères fait son service militaire depuis 1966, sans avoir jamais pu quitter l'armée. Mais Binyam voulait une autre vie et il souhaitait se consacrer à sa passion de l'art et de la peinture. Il a donc décidé de quitter l'Erythrée. Il avait déjà fait l'armée depuis sept ans quand il a fui, comme beaucoup d'autres jeunes hommes en Erythrée. Il a entrepris son voyage vers le nord en quête d'une vie meilleure.
Il a rejoint le Soudan, le plus souvent à pied et avec seulement un peu de lait en poudre et de l'eau, pour toute nourriture. Au Soudan, il a été transféré au camp de réfugiés de Shagarab où il a passé cinq jours avant de payer un passeur pour qu'il l'emmène à Khartoum. Il espérait rejoindre son frère au Royaume-Uni ou sa soeur en Allemagne et il a sollicité en vain d'entrer légalement en Europe. Il a fini par rassembler 1 600 dollars pour payer la traversée de la Méditerranée depuis la Libye.
Après 40 jours, il a été transféré par des passeurs depuis une cachette dans la campagne vers la côte pour la traversée périlleuse en bateau qui a failli lui coûter la vie. Il était conscient du danger de traverser la Méditerranée à bord d'une embarcation de fortune et son frère l'avait pourtant mis en garde sur ces dangers. C'est pourquoi il n'a pas voulu appeler sa famille après son arrivée à Lampedusa.
Aujourd'hui, dit-il, il se sent coupable et désespéré d'avoir survécu alors que son ami Michael, dont il garde une photo, s'est noyé. Ils étaient devenus amis pendant le voyage vers l'Afrique du Nord. Binyam s'est désormais trouvé une occupation, il est l'un des trois représentants du groupe des rescapés.
Binyam est extrêmement maigre et toujours sur le qui-vive. Il avait un regard vide pendant ses deux premiers jours au centre mais maintenant il va un peu mieux. Il a survécu, mais cela ne le réconforte pas quand il pense à ceux qui ont perdu la vie.
* Nom fictif pour des raisons de sécurité
Par Barbara Molinario sur l'île de Lampedusa, Italie