Le HCR évacue du personnel depuis la frontière tchadienne, après des raids aériens au Darfour
Le HCR évacue du personnel depuis la frontière tchadienne, après des raids aériens au Darfour
ABECHE, Tchad, 19 février (UNHCR) - L'agence des Nations Unies pour les réfugiés mardi matin a évacué du personnel dans l'est du Tchad depuis une zone frontalière avec le Soudan, juste après que des attaques aériennes aient eu lieu de l'autre côté de la frontière au Darfour.
Les neuf membres du personnel de l'agence assistaient les réfugiés soudanais nouvellement arrivés dans la zone de Birak. « Il est extrêmement frustrant de devoir évacuer notre personnel depuis la frontière.... Ce n'est pas seulement triste, mais aussi frustrant, car nous ne pouvons ni assurer la protection ni fournir une assistance à ces réfugiés nouvellement arrivés, ainsi que nous le souhaiterions », a indiqué Jorge Holly, chef du bureau de terrain de l'UNHCR à Guéréda, une ville située dans l'est du Tchad.
« Je veux que le personnel retourne travailler dans la zone frontalière dès que la situation sécuritaire le permettra. Il y a tant à faire pour aider ces personnes », a-t-il ajouté.
L'équipe est partie quelques heures après qu'un groupe de sept réfugiés originaires de la région soudanaise de l'Ouest-Darfour soit arrivé au centre de santé de Birak et qu'il ait demandé de l'aide aux employés de l'UNHCR. Ces réfugiés transportaient une femme âgée de 55 ans qui, selon eux, avait perdu ses deux jambes durant un raid aérien mené lundi par des Antonov soudanais sur le camp d'Aro Sharow accueillant des déplacés internes dans l'Ouest-Darfour. Elle est morte peu après.
L'un des réfugiés a indiqué aux employés de l'UNHCR en charge de la protection à Birka, que les avions avaient commencé à bombarder le site vers 10 heures du matin. « Nous avons compté 18 bombes au total, six d'entre elles ont été larguées directement sur le camp accueillant des déplacés », aurait précisé le réfugié.
Les employés de l'UNHCR travaillant à Birak ont entendu des explosions de bombes au Soudan lundi. « Nous avons entendu des bombardements lundi matin. Cela a été une expérience terrible », a dit un employé de l'UNHCR assistant en protection, qui fait partie des neuf personnes évacuées vers Guéréda. « Nous entendions des bombes qui tombaient et nous ressentions les vibrations sur le sol provoquées par leur déflagration. Nous étions si proches. »
En temps normal, on compte entre 4 000 et 5 000 déplacés dans le camp d'Aro Sharow, mais des informations non vérifiées font état de la fuite de la plupart d'entre eux, après des bombardements survenus dans les zones d'Abu Suruj, Siliea et Sirba, dans l'ouest du Darfour au début du mois. Les réfugiés, qui transportaient la femme blessée vers Birak, ont dit que d'autres personnes fuiraient actuellement vers le Tchad.
Hier, de nouveaux réfugiés du Darfour traversaient encore la frontière vers le Tchad. Certains, parmi ceux qui sont arrivés la semaine dernière, ont indiqué aux chargés de protection de l'UNHCR que, ces derniers jours, ils avaient essayé de rentrer de nuit vers Sileah et Sirba pour aller chercher de la nourriture qu'ils avaient enterrée pour empêcher qu'elle ne soit pillée. « Nous voulions rentrer pour aller chercher de la nourriture, mais nous en avons été empêchés par les militaires soudanais », a expliqué une femme réfugiée.
D'autres ont indiqué que des jeunes femmes avaient été contraintes de rester à Sirba et Sileah depuis les récentes attaques qui ont commencé le 8 février, qui ont forcé environ 10 000 personnes à fuir et à traverser la frontière vers l'est du Tchad.
L'agence des Nations Unies pour les réfugiés a réitéré mardi un appel aux nouveaux arrivants pour les transférer dans un havre de sécurité plus éloigné de la frontière à l'intérieur du Tchad. « Pour leur protection et leur sécurité, les réfugiés ont besoin d'être transférés d'urgence loin de la zone frontalière. Nous sommes toujours en discussion avec les autorités tchadiennes pour le transfert des réfugiés vers des camps existants près de Guéréda », a expliqué Jennifer Pagonis, porte-parole de l'UNHCR, à Genève.
« Les femmes et les enfants avec lesquels nous nous sommes entretenus veulent être transférés vers un lieu où ils seront en sécurité, ils veulent être transférés vers un camp », a ajouté un employé chargé de la protection à Guéréda.
Avant ces tout derniers développements, l'UNHCR a mené à bien une mission d'évaluation durant le week-end, aux alentours de Birak et Korok, pour localiser les réfugiés récemment arrivés depuis l'ouest du Darfour. L'agence pour les réfugiés estime maintenant qu'au moins 10 000 personnes sont arrivées depuis le 8 février.
La plupart des réfugiés se trouvent à Figuera, avec de petits nombres à Birak, Djange et Korok. Plusieurs enfants ont pu retrouver leurs familles à Figuera après avoir été séparés de leurs proches. Des réfugiés présents dans la ville ont pris en charge des enfants seuls et ont fait passer le message selon lequel ces enfants étaient en sécurité et que leurs proches pouvaient venir les chercher.
L'UNHCR enregistre des cas vulnérables notamment des enfants non accompagnés et séparés, des femmes enceintes ou des réfugiés âgés et malades. Certains cas ont été transférés à l'hôpital de Guéréda. L'agence mène également des entretiens avec des femmes qui ont subi des abus sexuels.
Certains réfugiés ont pu emporter quelques biens depuis le Soudan, d'autres sont complètement démunis. La majorité des nouveaux arrivants étaient déjà des déplacés internes dans l'ouest du Darfour.
Parallèlement, de l'autre côté du Tchad, au Cameroun voisin, l'UNHCR a commencé samedi à transférer des réfugiés tchadiens depuis le centre de transit de Madana, à Kousséri dans la zone frontalière camerounaise, vers le camp de Maltam 1, situé à 35 kilomètres.
Jusqu'à présent, environ 1 400 réfugiés ont été transportés vers le nouveau camp, d'autres devraient être transférés jeudi. Près de 30 000 Tchadiens ont fui les combats survenus au début du mois dans les rues de la capitale tchadienne, N'Djamena, et opposant les troupes gouvernementales et des rebelles.
Un pré enregistrement, mené samedi par les équipes de l'UNHCR et de la Croix-Rouge camerounaise, a montré que 20 000 personnes souhaitent être transférées au camp de Maltam 1. Les réfugiés ont indiqué qu'ils ne considèrent toujours pas qu'un retour en sécurité à N'Djamena soit possible. Le Tchad a déclaré l'état d'urgence la semaine dernière, après les troubles survenus en début de mois.
Par Annette Rehrl à Abéché, Tchad