Le difficile parcours des réfugiés syriens désireux de poursuivre des études supérieures
Le difficile parcours des réfugiés syriens désireux de poursuivre des études supérieures
En Syrie où il était lycéen, Jankidar savait déjà qu'il voulait étudier les sciences politiques. Peu de temps après être entré à l'Université d’Alep, il a pourtant dû abandonner ses études pour soutenir sa famille.
Quand la guerre a éclaté en Syrie en 2011, il a été contraint de quitter Kobané, sa ville natale, pour fuir vers le Liban où il a de nouveau essayé de décrocher un diplôme universitaire, mais cette fois en jonglant entre quatre emplois pour payer ses frais d'études et joindre les deux bouts.
« J'ai travaillé dans l'entretien d'ascenseurs, comme portier, comme peintre et même comme figurant dans des films et des émissions télévisées libanaises et syriennes », raconte-t-il.
Les difficultés rencontrées par cet étudiant de 31 ans pour obtenir un diplôme universitaire sont hélas chose commune chez les réfugiés syriens au Liban où seul un étudiant sur huit parvient à poursuivre des études supérieures.
En 2015, Jankidar a entendu parler du DAFI, le programme de bourses d'études de troisième cycle du HCR. Après avoir présenté sa demande et surmonté toutes les étapes, il a rapidement obtenu une bourse complète qui lui a permis de s’inscrire en maîtrise de sciences politiques et administratives à l'Université du Liban.
Au Liban, seul un réfugié syrien sur huit parvient à poursuivre des études supérieures.
Depuis sa création en 1992, le DAFI a connu une expansion considérable et, en 2014, il a permis à plus de 2240 étudiants réfugiés d'étudier dans les universités et institutions supérieures de 41 pays d'asile. Au Liban, 315 étudiants bénéficient actuellement d’une bourse du DAFI.
Pour les plus jeunes réfugiés, les difficultés à surmonter pour accéder aux études supérieures restent cependant considérables. Quand Mariam, jeune étudiante syrienne de 23 ans, a fui Damas il y a quatre ans, elle était déjà titulaire d'une licence en sciences et comptait bien poursuivre ses études une fois rentrée en Syrie.
« J'étais convaincue que notre séjour au Liban ne durerait pas plus de 15 jours, un mois tout au plus », raconte Mariam. « Mais ceux qui ont quitté le quartier n’ont pas été autorisés à y retourner et toute la zone a été assiégée. »
Mariam a passé les deux années suivantes au Liban à donner des cours privés à deux écoliers. « Mon père est handicapé et ma mère n'a pas pu trouver de travail. J'étais trop inquiète pour ma famille et je ne pouvais pas me permettre d'étudier et de travailler en même temps. »
Plus de 65 millions de personnes ont déjà été déracinées par les guerres et les persécutions dans le monde, dont plus de 21 millions de réfugiés, et plus de la moitié sont des enfants. Selon un rapport du HCR, seulement 50 pour cent d'entre eux sont scolarisés au primaire, 22 pour cent au secondaire et un pour cent au niveau de l'éducation supérieure.
D’après une évaluation de 2016, plus du tiers des boursiers du DAFI au Liban disent ne pas avoir le temps d'étudier faute de devoir travailler pour soutenir leurs familles.
Mariam n'a jamais abandonné son rêve de faire des études supérieures. Un an après son arrivée au Liban, elle a compris que pour s'inscrire à l'université, elle devrait produire la preuve de sa licence obtenue à Damas, un document qu’il ne lui serait jamais venu à l'idée d'emmener lorsqu'elle a fui la Syrie avec sa famille.
« J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'un membre de ma famille puisse récupérer mon diplôme, mais ça a été en vain. L’original est conservé à l'Université de Damas où j'étudiais à l'origine et il ne peut être délivré qu'avec une autorisation officielle. »
D’après Agatha Abi Aad, adjointe de projet du HCR pour l'éducation, l'incapacité à produire des preuves administratives, notamment les diplômes précédemment acquis, est l'une des nombreuses difficultés rencontrées par les jeunes syriens qui veulent s'inscrire à l'université.
« Dès l’enregistrement, les universités délivrent maintenant un document permettant aux étudiants d'obtenir la résidence temporaire avant leur inscription officielle, vu que c'est un préalable à la poursuite d'études supérieures dans le pays. Mais la majorité des réfugiés au Liban n’est pas en mesure de payer les 200 dollars exigés pour le renouvellement de leur permis de résidence », explique Agatha Abi Aad.
« J’aide les enfants syriens parce que je crains qu'ils n'aient pas d'autre chance de faire des études. »
Le Gouvernement libanais a annoncé le mois dernier que le permis de résidence des réfugiés syriens enregistrés auprès du HCR serait désormais gratuitement renouvelé, une nouvelle qui a été accueillie avec grand soulagement par les réfugiés autant que par le HCR qui demande depuis longtemps la levée des frais de renouvellement.
Quand Mariam a entendu parler du DAFI en 2015, elle a immédiatement présenté une demande de bourse qui a été acceptée. Avec l'aide d'un parent éloigné qui vit toujours en Syrie, elle a pris un avocat qui l'a aidée à récupérer une copie de sa licence. Elle a rigoureusement suivi les étapes nécessaires pour s'inscrire à l'Université du Liban. Elle a fait valider sa licence auprès du Ministère des Affaires étrangères pour ensuite demander son équivalence au Ministère de l'Éducation.
« Pas de permis de résidence valide, pas d'équivalence », lui a dit l'employé ministériel. Mariam a alors eu le sentiment de se heurter à un mur infranchissable. « Il fallait que je paie 600 dollars d'amende pour avoir dépassé la limite de validité de mon permis de résidence », raconte-t-elle. Mariam espère que la récente décision gouvernementale lui permettra de réaliser son rêve et de poursuivre ses études.
Pour le moment, elle travaille comme enseignante bénévole auprès d'élèves syriens avec Save the Children. « J’aide les enfants syriens parce que je crains qu'ils n'aient pas d'autre chance de faire des études », dit-elle.
Il n'empêche que pour le moment, son rêve de poursuivre ses études est toujours au point mort.