La population d'une ville colombienne double après l'arrivée de milliers de personnes fuyant les combats
La population d'une ville colombienne double après l'arrivée de milliers de personnes fuyant les combats
EL CHARCO, Colombie, 20 avril (UNHCR) - A l'embouchure de la rivière Tapaje, dans la région de la côte Pacifique, en Colombie, la petite ville portuaire d'El Charco lutte pour faire face à l'une des plus graves crises de déplacement massif de population qui ait affecté le pays ces dernières années.
Ces quatre dernières semaines, la ville d'El Charco a vu arriver plus de 7 200 personnes fuyant les combats en amont de la rivière et sa population a doublé. Cette partie du département de Nariño est isolée et très pauvre, et ici la ville ne dispose même pas des structures de base pour ses propres habitants. La présence de tant de nouveaux arrivants a plongé la ville dans une situation d'urgence humanitaire.
Beaucoup des petites maisons en bois qui bordent la rivière abritent deux ou trois familles, vivant ensemble très à l'étroit. Dans une petite cabane, sept familles partagent un espace ne dépassant pas vingt mètres carrés. Les températures sont extrêmement élevées et il n'y a pas d'eau courante ; dans de telles conditions, une épidémie pourrait avoir des conséquences désastreuses.
« Ca fait maintenant presque trois semaines que nous sommes ici, les enfants sont épuisés, mais au moins ils sont en bonne santé. Ma plus grande crainte est que l'un d'entre eux tombe malade », raconte une jeune mère de cinq enfants en bas âge à une équipe de l'UNHCR qui se trouve à El Charco cette semaine.
D'autres familles ont été installées dans la salle de sport, à l'intérieur de l'école ou au dernier étage d'un édifice encore en construction, près de la place principale. Le moindre espace est occupé ; presque tout le monde dort par terre ; seulement une personne sur sept dispose d'un matelas. La nourriture est préparée dans des petits braseros ouverts, à l'intérieur des bâtiments.
« Nous savions que le risque de déplacement était très élevé et nous pensions y être préparés, mais nous n'avions jamais imaginé que cette crise avait atteint une telle ampleur », a expliqué à l'UNHCR le maire de la ville d'El Charco, Victor Candelo. Depuis le 22 mars, a-t-il ajouté, plus de 7 200 personnes se sont enregistrées comme déplacées.
Sur les bords de la rivière Tapaje, des Afro-Colombiens et des communautés indigènes habitent dans des petits villages. Pendant des années, la présence de l'Etat a été très limitée et des groupes armés irréguliers ont exercé un contrôle important sur la zone. L'Etat colombien récupère actuellement le contrôle sur le territoire situé le long de la rivière.
« J'étais seule dans la maison quand les combats ont éclaté », a indiqué Francisca, qui a été prise au piège par les échanges de tirs dans le petit village de Magdalena. « Les balles venaient de partout. Quand ça s'est calmé, j'ai couru vers la rivière et je suis partie dans le bateau d'un pêcheur. »
Peu à peu, l'assistance arrive du gouvernement et de la communauté internationale, mais la logistique pour l'envoi du matériel d'aide dans cette partie de la Colombie est très complexe. Il n'y a pas de route pour traverser l'épaisse forêt tropicale et les rivières constituent le seul moyen de transport. Dans le village voisin de La Tola, où un autre groupe de 760 personnes a trouvé refuge, la situation est également très difficile.
La crise pourrait encore empirer. Davantage de communautés situées en amont de la rivière pourraient être obligées de fuir vers El Charco dans les prochaines semaines et les autorités locales craignent un nouvel afflux de milliers de personnes. L'UNHCR renforce sa présence dans la zone et, en vue de l'importance de la crise, envoie exceptionnellement du matériel d'aide humanitaire d'urgence, comme des moustiquaires et des vêtements.
« Nous apprécions les efforts des autorités pour aider les populations déplacées, mais il faut encore plus. Nous ferons tout notre possible pour compléter l'aide du gouvernement », a indiqué Roberto Mignone, le délégué adjoint de l'UNHCR en Colombie, depuis El Charco, en soulignant l'importance de la mise à jour et du renforcement des plans d'urgence.
Il a ajouté qu'une voie possible pour alléger les souffrances et remédier à la surpopulation serait d'offrir une solution alternative d'hébergement autour d'El Charco, comme cela a été proposé par les représentants afro-colombiens. Cinq points de rassemblement existent déjà le long de la rivière, mais ils manquent d'infrastructures de base et de soutien organisationnel.
L'année dernière, le département of Nariño a connu quelques uns des pires combats et violences résultant du conflit armé interne en Colombie. Des déplacements de masse ont eu lieu dans plusieurs autres municipalités et de grandes parties de la région sont toujours à haut risque.
Par Marie-Hélène Verney à El Charco