La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés 'est autant d'actualité aujourd'hui qu'elle l'était à l'époque'
La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés 'est autant d'actualité aujourd'hui qu'elle l'était à l'époque'
GENÈVE – La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés est la pierre angulaire de la protection des réfugiés et du travail du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Selon la définition de la Convention, un réfugié est une personne qui a fui son pays craignant avec raison d’être persécutée du fait de cinq raisons : sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou ses opinions politiques. Alors que le HCR publie aujourd’hui (le 2 décembre) ses nouveaux Principes directeurs sur la protection internationale, Volker Türk, le Haut Commissaire adjoint du HCR chargé de la protection, s’est entretenu avec Tim Gaynor, rédacteur du site web du HCR en anglais, pour évoquer dans quelle mesure la convention demeure pertinente dans le monde d’aujourd’hui.
Q : En vertu de la Convention de 1951, est-ce qu’un réfugié n’est pas quelqu’un qui est spécifiquement visé, et pas quelqu’un qui fuit une violence généralisée ?
R : La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés a été rédigée au lendemain de la deuxième guerre mondiale, à une époque où il y avait de très importants mouvements de populations en Europe. Il y avait quelque 60 millions de personnes en déplacement à cause de persécutions, à cause de conflits, à cause de violence – uniquement dans les années quarante. On peut dès lors imaginer que les rédacteurs de la Convention savaient très bien ce qu’ils avaient à l’esprit et qui il fallait protéger à l’avenir. Il est clair que la définition s’appliquait aux personnes fuyant la persécution à cause de ce qui leur était arrivé en fonction de leurs situations individuelles, mais qu’il était également prévu qu’elle s’applique aux personnes fuyant la violence et les conflits armés.
N’oublions pas que la plupart des situations de violence et de conflit visent spécifiquement les civils dans certaines situations – elles visent des minorités, elles visent des groupes d’opposition qui se trouvent dans des zones civiles. Il y a donc à cet égard un lien bien établi entre la définition de persécution, de conflit et de violence pour le réfugié. C’est précisément ce à quoi s’attachent les principes directeurs – à savoir de démontrer que la définition du réfugié selon la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés s’applique aux personnes qui fuient violence et conflit armé. Et ce que nous voyons dans la définition aujourd’hui est tout aussi pertinent qu’au moment de sa rédaction, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Par exemple, la plupart des personnes qui fuient le conflit en Syrie seraient reconnues selon la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. En présence de plus de 1000 groupes armés et sans protection de la part de l’État, il est flagrant que l’on peut justifier leur reconnaissance en tant que réfugiés en vertu de la Convention. Mais en toute honnêteté, presque tous les conflits auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui justifieraient l’application de la Convention de 1951.
Q : Les personnes qui fuient un conflit armé ont la garantie d’une certaine forme de protection. Est-il nécessaire qu’elles soient reconnues comme réfugiés ?
Afin de conserver la crédibilité du régime international de protection pour les réfugiés, il est important de veiller à ce que ceux qui fuient la persécution, qu’il s’agisse de conflits armés ou non, soient correctement identifiés comme tels et obtiennent la protection qu’ils méritent et dont ils ont besoin. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours défendu le fait que si des personnes fuient conflit et violence, elles répondent généralement aux critères de la définition et doivent être reconnues comme telles.
Q : Les personnes vivant en plein conflit armé ne peuvent-elles pas simplement se rendre dans une autre partie du pays ou dans une zone sécurisée ?
C’est le concept que les juristes appellent le « refuge intérieur » et il est un fait que certaines personnes étudient la situation dans l’ensemble de leur pays et cherchent à se rendre dans des endroits où il n’y a pas de conflit. Nous examinons cela sous deux éclairages. Tout d’abord, il doit être physiquement possible pour la personne de se rendre dans la partie du pays qui est sûre. Et ensuite, il doit être raisonnable pour la personne d’y rester.
En Iraq, par exemple, il y a déjà des millions de personnes déplacées. Des personnes qui ont vécu dans des conditions extrêmement difficiles ; il en est de même en Afghanistan. Et donc, s’il y a déjà un très grand groupe de gens qui fuient pour se rendre dans une région particulière du pays, parce qu’elle est sure, il est possible que d’autres ne soient pas en mesure d’y vivre à cause des problèmes énormes que posent les capacités d’absorption, l’accès aux services sanitaires, l’accès à l’éducation et dans de nombreux cas, l’accès à la sécurité.
Nous devons donc clairement examiner la situation réelle dans laquelle se trouvent les gens, s’il leur est possible de se rendre dans une autre région du pays et s’il leur est possible d’y survivre. Dans certains cas, oui, c’est possible. Dans d’autres cas, ça ne l’est pas. Si ce n’est pas le cas, la protection en tant que réfugié est la meilleure option de survie.
Q : Est-ce que l’élargissement de la définition du réfugié n’affaiblit pas ce statut et la protection qui l’accompagne ?
Ce que les nouveaux principes directeurs démontrent, c’est qu’il ne s’agit pas d’un élargissement de la définition du réfugié. Il s’agit d’expliquer et de faire le point sur notre compréhension de la définition selon le contexte actuel. Comme je le disais, les auteurs de la Convention de 1951 savaient ce que ça signifiait pour des personnes de fuir la guerre et la violence. Ils le savaient très bien, car ils sortaient de la Seconde Guerre mondiale. Ils savaient ce que voulait dire la persécution à cause des atrocités qui avaient été commises pendant cette époque. Ils savaient ce que cela signifiait d’être un réfugié et cette interprétation s’applique encore aujourd’hui. Tant que les réalités de la guerre, de la violence, des abus des droits de l’homme et la persécution n’ont pas obtenu de réponse, nous aurons besoin de cette définition du réfugié Ces principes directeurs font donc valoir auprès des États et des appareils judiciaires que le texte de la définition rédigée à l’époque reste aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’était à l’époque.
Lire le Point de presse sur les nouveaux principes directeurs.