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La baisse de la pluviométrie dans le nord du Cameroun provoque conflits et déplacements de population

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La baisse de la pluviométrie dans le nord du Cameroun provoque conflits et déplacements de population

Les pires affrontements intercommunautaires jamais vus dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun ont été déclenchés par des tentatives d'adaptation au changement climatique.
10 Novembre 2021

À plus de 7000 kilomètres de Glasgow, où sont réunis les dirigeants du monde entier pour aborder la question de la crise climatique, Robert Mati, 62 ans, est encore sous le choc suite à un conflit lié au climat survenu il y a deux mois dans son village, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun.


D’un pas hésitant, Robert explore les ruines de sa maison calcinée et marmonne : « Ils nous ont eus, ils nous ont eus. »

« Ils », ce sont les éleveurs arabes Choa. Leurs relations avec les pêcheurs et les agriculteurs Musgum, l'ethnie à laquelle appartient Robert, se sont détériorées avec la diminution des pluies dans la plaine inondable du Logone-Birni, asséchant les rivières et les étangs saisonniers dont les deux communautés dépendent pour leur subsistance.

Les agriculteurs Musgum ont réagi en creusant de vastes bassins pour retenir l'eau et les poissons pendant la saison sèche. Mais ces réservoirs profonds, indispensables aux Musgum, constituent des pièges mortels pour le bétail des éleveurs Choa. Les animaux glissent sur les pentes raides, se cassent les pattes et se noient parfois.

C'est l'une de ces noyades qui a déclenché l'attaque de Missika, le village de Robert, le 10 août dernier.  « Les éleveurs Choa sont venus boucher les trous que nous avions creusés », explique-t-il. « En fait, ils voulaient que nous rebouchions nous-mêmes les trous le jour même. Si nous ne le faisions pas, nous étions morts, disaient-ils ».

Les affrontements qui ont suivi entre éleveurs et pêcheurs ont fait 45 morts et 74 blessés. Dix-neuf villages ont été incendiés et plus de 23 500 personnes ont été contraintes à prendre la fuite.

Dans un premier temps, 13 000 personnes ont franchi la rivière Logone pour se réfugier au Tchad. Deux mois plus tard, 4000 sont rentrées et près de 9000 sont restées au Tchad. En collaboration avec d'autres agences des Nations Unies, des ONG partenaires et les autorités tchadiennes, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, leur fournit des abris, des soins de santé et d'autres produits de première nécessité.

« Je ne veux pas rentrer tant que la paix n'est pas rétablie ».

Issue de la communauté Musgum et refugiée au Tchad, Assiam Yere, 55 ans, affirme avoir vu neuf jeunes hommes de sa communauté se faire tuer sous ses yeux. « Je suis traumatisée et je ne veux pas rentrer tant que la paix n'est pas rétablie », confie-t-elle.

Un calme précaire règne actuellement dans l'Extrême-Nord du Cameroun. Les autorités camerounaises ont organisé plusieurs réunions entre les chefs des deux communautés. Ces derniers ont signé un accord de paix informel le 14 août. Les 12 500 personnes qui ont fui les affrontements du mois d'août et qui sont restées à l'intérieur du pays sont depuis rentrées chez elles, même si certains craignent toujours une résurgence de la violence.

« Actuellement, tout le monde a peur. La nuit, quand vous êtes au lit, vous ne pouvez pas dormir », explique Issa Mahmat, un villageois Choa âgé de 45 ans, de retour chez lui depuis quelques semaines.

Son village, situé à quelques kilomètres de Missika, a également été partiellement détruit. Il ne veut pas nourrir de rancune envers ses voisins, mais reconnaît que la cause profonde du problème demeure.

« Trouver de l'eau est devenu très difficile. Nous devons creuser et utiliser des motopompes pour aller en chercher dans la nappe phréatique de la plaine inondable », explique-t-il.

La région du Sahel est durement touchée par le changement climatique. Les températures augmentent 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale et l'ONU estime que 80% des terres agricoles sont dégradées.

« Je ne sais pas quelle est la cause du changement climatique, mais nous devons nous adapter pour avoir du poisson pendant la saison sèche », explique Assiam Yere. « Le rendement de nos cultures n'est vraiment pas suffisant ».

En plus de ses préoccupations en matière de sécurité, le faible rendement de ses terres est une autre raison pour laquelle elle repousse son retour. La plupart des réfugiés partagent sa crainte de manquer de nourriture s'ils rentrent, d'autant que leurs champs ont été délaissées depuis leur fuite.

Ici, le changement climatique est à la fois la principale cause du déplacement et un facteur clé empêchant le retour des populations.

« Avant, il y avait beaucoup d'eau... mais plus maintenant ».

« Il n'y a rien de vert cette année », déplore Aboukar Mahamat, coordinateur de l’Association camerounaise pour l'éducation environnementale. « Il y a des dizaines de villages dans le Logone-Birni où les gens n'ont rien récolté, que ce soit du riz, du maïs ou du millet ».

Il relève également le fait que de grands groupes d'éleveurs qui restent en règle générale dans le bassin du lac Tchad affluent dans la plaine d'inondation du Logone cette année.

« Cette année et dans les années à venir, nous pouvons nous attendre à des tensions autour des plans d'eau et des plaines d'inondation car tout le monde y converge », prédit-il.

« La tragédie du Logone-Birni illustre ce qui pourrait devenir une réalité à bien plus grande échelle dans les décennies à venir si rien n'est fait pour endiguer le phénomène », prévient Olivier Beer, représentant du HCR au Cameroun. « Il convient d'analyser l'influence du climat sur les conflits et de convenir de mesures avec les acteurs du développement qui opèrent dans la région ».

Le HCR organisera bientôt deux forums en faveur de la paix qui réuniront des membres des communautés Musgum et Choa ainsi que les autorités, afin de promouvoir la coexistence pacifique.

Mais pour l'instant, il n'existe aucun projet viable pour ramener l'eau dans la région du Logone-Birni.

« Avant, il y avait beaucoup d'eau, de l'eau pour tout le monde, mais plus maintenant », déplore Ousman Mazoumai, le chef du village de Missiska. « Seul Dieu sait pourquoi ».

*Avec les contributions de Moise Amedje Peledai et Helen Ngoh Ada au Cameroun et Sylvain Cherkaoui au Tchad.

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