Il faut de la volonté politique pour protéger 82,4 millions de personnes déplacées, selon la cheffe de la protection du HCR
Il faut de la volonté politique pour protéger 82,4 millions de personnes déplacées, selon la cheffe de la protection du HCR
GENÈVE - Les gouvernements doivent renforcer leur coopération et redoubler d'efforts si l'on veut trouver des solutions pour les millions de personnes déracinées par les conflits et les persécutions dans le monde, a déclaré la cheffe de la protection du HCR.
« La crise de la protection internationale exige une collaboration mondiale urgente et, surtout de la volonté politique », a déclaré Gillian Triggs, Haut Commissaire assistante en charge de la protection internationale du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, lors de la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR à Genève.
« Les lois et les politiques pour protéger les personnes déplacées ne manquent pas. Nous avons de nombreuses déclarations de principe. Le défi c’est de les mettre en pratique », a-t-elle déclaré à l'assemblée.
À la fin de l'année dernière, un nombre record de 82,4 millions de femmes, d'enfants et d'hommes avaient fui leur foyer en raison de conflits, de violences et de violations des droits - soit le double du niveau enregistré dix ans plus tôt - dont 48 millions à l'intérieur des frontières de leur propre pays et 26,4 millions à l'étranger comme réfugiés.
Gillian Triggs a en outre rappelé que les conflits armés en Afghanistan, en Syrie, au Myanmar et au Yémen ne sont toujours pas résolus et que de nouveaux déplacements ont eu lieu au Mozambique et en Éthiopie. Des millions d'autres personnes sont déplacées au Venezuela et au Soudan du Sud.
« Les lois et les politiques pour protéger les personnes déplacées ne manquent pas. Le défi c’est de les mettre en pratique »
« La crise en matière de protection qui en résulte a été exacerbée par la pauvreté, les inégalités, la discrimination, la mauvaise gouvernance et les effets du changement climatique », a-t-elle déclaré, notant que les effets ont été particulièrement néfastes pour les femmes, les enfants et les 12 millions de personnes déracinées vivant avec handicap.
Malgré la reconnaissance quasi universelle des normes de protection des réfugiés inscrites dans la Convention de 1951 sur les réfugiés, Gillian Triggs note que 195 pays ont fermé totalement ou partiellement leurs frontières pour des raisons sanitaires pendant la pandémie. Elle souligne également que 64 d'entre eux n'ont fait aucune exception pour les demandeurs d'asile. Parallèlement, 39 pays les auraient renvoyés de force vers des pays où ils seraient confrontés à la violence et à la persécution.
- Voir aussi : Filippo Grandi : « Une plus grande coopération internationale est nécessaire pour résoudre les multiples crises »
Alors que les besoins en matière de protection ont augmenté l'année dernière, elle a indiqué que certaines nations disposant de ressources importantes ont cherché à se décharger de leurs responsabilités vis-à-vis des demandeurs d'asile en les confiant à des pays pauvres et en développement qui accueillent déjà 90% des personnes déracinées dans le monde.
« Plutôt qu'un partage équitable des responsabilités, nous voyons la charge se déplacer vers ceux qui ont le moins de ressources pour la supporter. C'est moralement, éthiquement et juridiquement inacceptable. Nous exhortons toutes les nations à respecter leurs obligations », a-t-elle déclaré lors de la 72e session du Comité exécutif, qui se déroule jusqu'au vendredi 8 octobre 2021.
Dans un contexte marqué par des déplacements massifs, les approches traditionnelles pour trouver des solutions ont décliné l'année dernière. Seulement 25% sur un million des réfugiés sont rentrés en sécurité dans leur pays d'origine en 2020. Pour les millions de personnes déplacées dans leurs pays d'origine, les retours se sont également avérés impossibles là où la violence persiste.
Un autre pilier, la réinstallation, a atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans l'année dernière - avec seulement 23 000 personnes qui se verront offrir une nouvelle vie dans des pays tiers par le HCR en 2020. Toutefois, la cheffe de la protection du HCR reste optimiste quant à la reprise de la réinstallation dans les mois à venir, à mesure que la pandémie s'atténue et que les pays reconstituent leurs capacités.
En dépit des difficultés persistantes, Gillian Triggs note certains progrès indéniables en matière de sécurité pour des millions de personnes déplacées, notamment grâce à l'intégration des réfugiés dans des pays d'accueil, de la Colombie au Liban, en passant par la Tanzanie et la Turquie. Cela a permis l’accès aux services de santé, au logement, à l'éducation et au droit au travail.
« Plutôt qu'un partage équitable des responsabilités, nous voyons la charge se déplacer vers ceux qui ont le moins de ressources pour la supporter. »
« Si une personne déplacée peut travailler, elle peut apporter une contribution significative à sa communauté d'accueil, combler les pénuries de main-d'œuvre, prendre soin des personnes âgées, travailler dans l'agriculture, les services de santé ou la construction. Cela peut enrichir toutes nos vies comme nous l'avons vu dans le sport avec l'équipe olympique de réfugiés, ainsi que dans l'art et la culture », a-t-elle déclaré.
En outre, les efforts du HCR aux côtés de ses partenaires, notamment les acteurs de la paix et du développement, la Banque mondiale et le secteur privé, ont également contribué à soutenir les populations déplacées et les pays d'accueil.
Si les restrictions liées au Covid-19 ont limité l'accès à la réinstallation, Gillian Triggs a déclaré que des solutions alternatives prometteuses ont émergé, grâce à la mobilité de la main-d'œuvre, la reconnaissance des qualifications professionnelles, l'éducation et le parrainage communautaire.
La campagne #IBelong [JEXISTE en français] du HCR qui vise à l’éradication de l'apatridie d'ici 2024 a également progressé. Il s'agit notamment d'avancées dans les adhésions nationales aux deux conventions sur l'apatridie et d'efforts visant à garantir l'enregistrement des naissances dans les hôpitaux et les communautés locales. « Mais malgré ces avancées dans de nombreux pays, il reste beaucoup à faire, d'autant plus que certains ont suspendu l'enregistrement des actes d'état civil et des naissances pendant la pandémie, occasionnant des retards et augmentant le risque d'apatridie, plutôt que de le réduire », a-t-elle souligné.
Gillian Triggs a également évoqué les gains découlant du Pacte mondial sur les réfugiés et du Forum mondial sur les réfugiés qui a suivi en décembre 2019, où plus de 1400 engagements ont abouti à des politiques et des investissements de sources publiques et privées, qui ont « une valeur durable en offrant des voies pratiques vers des solutions. »
« Au cours des deux années qui se sont écoulées depuis le Forum mondial sur les réfugiés, de réels progrès ont été réalisés », a-t-elle déclaré. « Il ne fait aucun doute que nous devons redoubler d'efforts pour donner un sens pratique au principe de partage équitable des responsabilités qui est au cœur du Pacte mondial sur les réfugiés. Il s'agit de l'une des principales priorités de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, qui incarne le principe international de solidarité », conclut-elle.