Grâce au HCR, les femmes font entendre leur voix en Somalie
Grâce au HCR, les femmes font entendre leur voix en Somalie
GALKAYO, Somalie, 15 octobre (UNHCR) - Une dizaine d'étudiantes, portant des voiles aux couleurs vives, écoutent attentivement leur professeur dans une salle de classe aux murs blancs où sont inscrits des slogans comme : « Apprendre aujourd'hui pour enseigner demain » ou « la guerre est le pire des maux. »
Ces femmes, qui sont venues dans cette ville depuis tout le Puntland, une région située au nord de la Somalie, prennent part à cette formation de trois mois visant à leur donner les compétences nécessaires pour gérer efficacement une organisation non gouvernementale (ONG). La formation a aussi un autre objectif.
« Cet atelier de formation donne plus d'autonomie aux femmes pour qu'elles aient davantage d'emprise sur leur propre vie et sur la société », a expliqué Asha, une participante au cours âgée de 45 ans, qui dirige une petite ONG se consacrant au rétablissement de la paix. « Les hommes ont toujours eu le pouvoir avec, pour seul résultat aujourd'hui, un pays dévasté par le conflit et la pauvreté. Les femmes gèreraient bien mieux que les hommes car notre société est basée sur la famille, un domaine dans lequel les femmes ont une plus grande expérience », a-t-elle ajouté avec l'approbation de ses camarades de classe.
La formation est organisée par le Centre éducatif pour la paix et le développement de Galkayo avec le soutien de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés. Elle vise, plus particulièrement, à enseigner aux femmes comment définir le mandat d'une ONG, demander des fonds et prendre des responsabilités.
Les participantes suivent les cours avec enthousiasme. La plupart d'entre elles travaillent déjà au profit de leur communauté dans des ONG. Elles veulent clairement faire changer les choses et améliorer la vie des femmes dans cette région, l'une des plus pauvres et des plus instables au monde.
« Ecoutez-les, ces femmes sont la vraie voix de la Somalie ; elles connaissent parfaitement les besoins de leurs communautés et elles souhaitent vraiment s'engager en faveur du changement », a dit avec fierté Hawa Aden, directrice du centre de formation.
Alors qu'elle visitait la classe avec son invitée de l'UNHCR, les élèves répétaient, chacune à leur tour, la leçon du jour - un exercice ayant pour but de développer leur aptitude à s'exprimer en public. Cela les aidera dans certains domaines dans lesquels interviennent les ONG, notamment le rétablissement de la paix, les droits des femmes, les mutilations génitales féminines et l'éducation des jeunes filles. Hawa Aden a expliqué à la classe comment elle avait aidé au rapprochement de deux sous-clans rivaux lors de discussions pour la paix.
« Les femmes sont le fondement de la Somalie ; ce sont elles qui font que le bâtiment tient debout, mais elles ont besoin d'apprendre à diriger. Ce que nous apprenons aujourd'hui va bénéficier aux femmes somaliennes et à leur pays demain », a indiqué Ayan, 19 ans, qui a récemment achevé le lycée et a rejoint une ONG pour les femmes. Elle travaille maintenant en tant que conseillère pour les femmes victimes d'abus sexuels.
« Dans mon pays, des femmes subissent des violences chaque jour », a-t-elle dit, en citant la fréquence des viols et des mutilations génitales féminines. « Qui mieux que les femmes peuvent aider à faire cesser ces violences, une fois reçue la formation adéquate ? »
Farhia, 36 ans, dirige une petite ONG pour les enfants des rues. Pour elle, rien n'est plus important que l'autonomie des femmes, dans un pays ravagé par le conflit où les femmes élèvent les enfants et subviennent souvent seules aux besoins de leur famille. « J'ai pu survivre seulement parce que j'avais des compétences professionnelles en tant qu'enseignante », a dit cette mère de neuf enfants, dont son mari a divorcé. « Maintenant j'envoie mes sept filles à l'école car je veux qu'elles aient une vie plus facile », a-t-elle ajouté.
Hawa Aden, dont l'ONG a reçu un prix et gère aussi une école primaire et secondaire pour les filles à Galkayo, a rappelé que lorsqu'elle était jeune, les jeunes filles somaliennes étaient encouragées à étudier. « Mais après des années et des années de guerre, tout ce que l'on demande [maintenant] à une jeune fille, c'est pourquoi elle n'est pas encore mariée », a-t-elle dit.
« Les mères pensent que leurs filles auront une vie meilleure si elles trouvent rapidement un mari », a expliqué Hawa Aden, ajoutant qu'en réalité les unions étaient souvent suivies de divorce. « Si la jeune fille n'a pas acquis suffisamment de compétences pour avoir un emploi décent, elle ne pourra pas nourrir ses propres enfants et elle finira par vivre dans un bidonville sordide en dehors de la ville », a-t-elle ajouté.
Le Centre éducatif pour la paix et le développement de Galkayo tente de maintenir les jeunes filles à l'école, en réservant la moitié de leur temps pour les études et l'autre moitié pour le travail. L'ONG les sensibilise aussi à divers problèmes comme la violence contre les femmes et les enfants, le VIH/SIDA, le rétablissement de la paix et les mutilations génitales féminines. « A chaque fois qu'une petite fille meurt dans notre ville à cause de cette pratique néfaste, nous en parlons à nos élèves », a dit Hawa Aden, ajoutant que la plupart des filles fréquentant ses écoles avaient, elles aussi, subi des mutilations génitales.
Rassemblées plus tard pour le déjeuner, les élèves de l'atelier discutent gaiement entre elles. « Lorsque je vois cette nourriture appétissante sur la table, je ne suis pas satisfaite car je sais que beaucoup de gens dans mon pays meurent de faim », a dit l'une des élèves, avant d'ajouter : « Quand je pense à toutes les compétences que j'ai acquises le mois dernier, je me sens un peu soulagée car je pense que je pourrais maintenant aider à trouver une solution. »
Galkayo, l'une des plus grandes villes du Puntland, accueille environ 50 000 déplacés internes.
Par Catherine Weibel à Galkayo, Somalie