En Malaisie, les Rohingyas espèrent la fin des abus et de l'exploitation par les passeurs
En Malaisie, les Rohingyas espèrent la fin des abus et de l'exploitation par les passeurs
KUALA LUMPUR, Malaisie, 5 mai (HCR) - Le HCR est de plus en plus inquiet au sujet de l'état de santé dégradé et des besoins aigus des Rohingya qui arrivent en Malaisie après de longues périodes d'abus et de privations aux mains de passeurs.
Depuis novembre dernier, quelque 120 Rohingya ont contacté le HCR à Kuala Lumpur car ils souffraient de paralysie à divers degrés, après avoir subi la captivité durant de longues périodes avec une mauvaise alimentation et des conditions d'isolement. Leur mauvaise santé s'était aggravée lors du long voyage périlleux pour échapper à la situation difficile au Myanmar.
« Nous avons reçu de nombreux témoignages sur les mauvais traitements et les privations que font subir les réseaux de passeurs », explique Rick Towle, Représentant du HCR en Malaisie. « Nous observons également un nombre croissant de personnes ayant des besoins aigus en matière d'aide humanitaire et de protection, tout spécialement des groupes comme les femmes et les enfants. »
Amina*, âgée de 45 ans, a perdu sa maison durant les violences intercommunautaires en 2012 dans l'Etat de Rakhine. Avec son fils Rahman*, elle a vécu dans un camp pour personnes déplacées à Sittwe jusqu'à la fin de l'année dernière, avant d'embarquer à bord d'un bateau avec 80 autres personnes en quête de refuge en exil.
« Pendant 18 à 20 jours, nous avons beaucoup souffert à bord du bateau », se rappelle-t-elle. « Il y avait de l'avoine mais pas suffisamment de nourriture. Trois personnes sont tombées malades et elles sont décédées. Leurs corps sans vie ont été jetés par-dessus bord. » Après leur arrivée au sud de la Thaïlande, ils ont marché dans la jungle durant des jours avant d'arriver à la frontière avec la Malaisie. « Nous étions si faibles que nous rampions quasiment à ce moment-là », se rappelle Amina.
D'autres ont souffert d'autres types de mauvais traitements. Abdullah*, un ouvrier agricole de 17 ans et originaire de l'État de Rakhine au nord du Myanmar, avait payé 500 000 kyats (environ 520 dollars) pour la traversée vers la Malaisie. Le moteur du bateau est tombé en panne en route et Abdullah est finalement arrivé en Thaïlande, où il a été fait prisonnier pendant trois mois dans un camp de passeurs au sud de la Thaïlande. Certains ont déclaré avoir été détenus pendant sept mois dans ces camps.
« Il y avait 50 à 200 personnes dans chaque tente - des hommes, des femmes et des enfants. On était entassés, les corps se touchaient. Nous étions assis toute la journée et on dormait comme ça », explique Abdullah. « Si on parlait trop fort, ils nous frappaient. Ils ont continué à demander de l'argent et ils nous battaient quand nous ne pouvions plus rien leur donner. Ils nous battaient une à deux fois par jour. »
Hassan*, âgé de 16 ans, a été détenu en captivité pendant deux mois. Il partageait un petit espace avec 200 personnes dans le camp d'un autre passeur. Une fois par jour, les prisonniers recevaient du riz, du poisson séché et du concombre. Ils étaient autorisés aller aux toilettes seulement une fois par jour car les passeurs craignaient qu'ils ne s'échappent. « J'ai été frappé, mais d'autres ont été battues davantage que moi », déclare Hassan, ajoutant que certaines personnes sont mortes sous les coups. « J'ai eu peur. J'avais peur de mourir aussi. »
Les passeurs ont appelé sa mère au Myanmar, qui a supplié et emprunté tout l'argent qu'elle pouvait pour obtenir sa libération. La famille d'Abdullah a dû vendre tout ce qu'elle pouvait pour collecter de quoi payer une rançon de 1,5 million de kyats. Les deux adolescents ont été libérés et emmenés à la frontière avec la Malaisie. Ils ont dû être portés comme ils ne pouvaient plus marcher après leur épreuve.
Un certain nombre de récents arrivants en Malaisie ont été diagnostiqués comme souffrant de polyneuropathie (qui regroupe toutes les atteintes du système nerveux périphérique) et de malnutrition sévère. Les cas graves sont hébergés dans un centre d'accueil financé par le HCR où ils reçoivent des soins, des repas cuits et des séances régulières de physiothérapie ainsi que des visites d'un médecin.
« Le HCR travaille avec des partenaires pour aider, à leur arrivée, les Rohingya qui ont besoin de soins médicaux, de soutien psychosocial et d'autres formes d'assistance », déclare Rick Towle. « Nous avons une stratégie de protection ciblée incluant une aide spéciale aux personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants. »
Trois mois après sa libération de captivité, Abdullah ressent toujours une grande douleur dans le bas du corps à chaque fois qu'il marche. Hassan ne peut pas se tenir debout mais il dit qu'il peut marcher lentement avec une canne. Les deux se rétablissent lentement avec le soutien de leur communauté et du HCR.
Abdullah a appelé à la maison en utilisant un téléphone qu'il a emprunté. « Ils expliquent qu'ils n'ont pas plus d'argent et qu'ils se cachent des autorités, parfois dans les montagnes. Ils essaient de survivre grâce à la coupe de bois pour le vendre. Il n'y a pas assez d'argent pour que toute la famille puisse quitter le Myanmar », indique-t-il.
Il n'a aucune idée de l'endroit il ira après avoir quitté le centre d'accueil. « Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter ça. Il n'y a la paix ni dans mon pays ni ici. »
A Kuala Lumpur, Hassan, Amina et Rahman vivent chez des proches ou d'anciens voisins de leur village du Myanmar. Hassan tient à peine debout, mais il planifie déjà son avenir : « Après avoir retrouvé la santé, j'aurai besoin de travailler et de rembourser l'argent que ma mère doit elle-même rembourser à cause de moi. Je suis confiant, je vais retrouver la santé. »
Depuis janvier 2014, les autorités thaïlandaises ont mené des opérations de répression dans plusieurs camps de passeurs au sud de la Thaïlande, portant ainsi secours à plus de 1 000 Rohingyas et Bangladais. Davantage encore seraient toujours en captivité.
*Noms fictifs pour des raisons de protection
Par Vivian Tan à Kuala Lumpur, Malaisie