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En exil et séparé de sa famille depuis deux ans

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En exil et séparé de sa famille depuis deux ans

Ils étaient désespérés au point de confier leur destin à des passeurs. Malak se demande aujourd'hui quand sa famille sera à nouveau réunie.
28 Juillet 2014
Malak n'a pas vu sa mère ainsi que ses frères et soeurs depuis deux ans.

Genève, Suisse, 28 juillet (HCR) - Arborant une nouvelle coupe de cheveux, Malak, 13 ans, marche nonchalamment dans l'appartement exigu qu'il appelle actuellement sa maison. Sa coiffure ressemble à celle d'un Indien Mohawk. Son père ne lui en tient pas rigueur.

« Ce n'est pas la seule chose qu'il ait fait dernièrement sans ma permission », dit Fewaz, 44 ans, tout en soulevant deux doigts à sa bouche en feignant de fumer.

Comme tous les pères et leurs fils adolescents, les deux ont parfois du mal à coexister. Pourtant, un lien puissant les unit: Fewaz et Malak sont des réfugiés syriens, bloqués depuis près d'un an dans un quartier pauvre d'Athènes.

La vie en tant qu'exilé est pénible pour les deux hommes. Après avoir fui la Syrie avec le reste de leur famille durant l'été 2012, ils se sont adressés à des passeurs et ont tenté six fois la traversée périlleuse vers la Grèce. A plusieurs reprises, ils ont risqué leur vie en mer sans parvenir à atteindre la côte et ils ont été reconduits vers la Turquie. Fewaz et Malak ont fini par atteindre la Grèce, mais ils ont été séparés de leurs proches en cours de route.

La famille de Fewaz appartient à la minorité kurde Yazidi en Syrie. Là-bas, il cultivait sa terre. Malak ainsi que ses frères et soeurs fréquentaient l'école, et la famille vivait en paix. Mais après l'éclatement du conflit, les incursions et les combats de rue sont devenus quotidiens, « l'enfer sur terre », relate Fewaz. Chassés de leur propre pays, ils ont fui vers la Turquie en juillet 2012 dans l'espoir de rejoindre l'Europe.

« Ma vie en Syrie était agréable », se souvient le jeune Malak avec un sourire mélancolique. « J'avais l'école et les amis et on jouait. L'ambiance était fantastique. Nous pouvions voyager pour rendre visite à la famille. Mais tout est devenu effrayant une fois que les combats ont commencé. »

Malak a été le premier à traverser la frontière marquée par le fleuve Evros vers la Grèce. Fewaz, sa femme et leurs deux autres enfants n'ont pas été aussi chanceux.

Cette nuit-là, ils s'étaient rassemblés sur la côte turque, où un passeur avait pris organisé leur traversée en Grèce. Cinquante-quatre personnes se sont entassées à bord d'un bateau de six mètres de long, soit six fois sa capacité officielle. Chacune d'entre elles a payé environ 2000 euros pour ce voyage vers l'inconnu.

Un passager a reçu une leçon rapide sur la façon de manoeuvrer le bateau délabré. Puis, après avoir obtenu des instructions pour échapper aux garde-côtes grecs et atteindre la terre, ils sont partis. Avec du recul, Fewaz regrette le risque monumental que sa famille a pris.

« Je n'avais pas réalisé que je les ai emmené d'une mort à l'autre », dit-il. « J'aurais pu être responsable de la mort de ceux que j'aime, des personnes dont je suis le plus proche. »

Lors de la troisième tentative de traversée, la famille a véritablement risqué sa vie et a échappé à la mort de justesse.

Après une heure et demie en mer, Fewaz raconte qu'un bateau grec avait repéré leur embarcation. Mais, au lieu de leur offrir de l'aide, il est parti. Fewaz se souvient d'un garde-côtes qui leur criait de rentrer chez eux - et comment leur petit bateau surchargé avait été violemment secoué dans le sillage du navire.

Ils ont failli chavirer et ils ont été forcés de retourner en Turquie.

Mais Fewaz n'a pas baissé les bras. Il a vendu tout ce qui leur restait pour tenter une fois de plus de rejoindre la Grèce. Enfin, c'est à la sixième tentative que la famille est parvenue à traverser la frontière marquée par le fleuve Evros.

Alors que sa femme et ses deux enfants ont continué leur voyage en direction de l'Allemagne, Fewaz s'est dirigé à Athènes pour rejoindre Malak.

« Quand j'ai enfin vu mon père à Athènes, j'étais si heureux que les mots ne suffisent pas pour décrire ce sentiment », raconte Malak. Mais l'adolescent est hanté par la possibilité de perdre à nouveau la trace de son père. « Je crains que mon père soit arrêté, que ferais-je sans lui? »

Leur histoire est celle du désespoir et d'une extraordinaire résilience, l'histoire d'un père qui veut le meilleur pour sa famille tout en échappant à la guerre. Aucun d'eux ne savait que cela conduirait à une longue séparation.

En attendant que la famille puisse être réunie à nouveau, Malak et son père sont déterminés à se serrer les coudes. Le garçon apprend le grec. Et Fewaz commence à s'habituer à la coupe de cheveux de son fils.

Ecrit par Preethi Nallu


Preethi Nallu est une journaliste qui a travaillé au Moyen-Orient, en Asie et en Europe. Elle met l'accent sur les droits humains et les questions de développement, elle écrit pour Al Jazeera, Time, Newsweek et d'autres médias internationaux. Son travail le plus récent pour le HCR met en évidence le sort des réfugiés et des migrants en mer.

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