Deux étudiants réfugiés centrafricains obtiennent une bourse pour étudier à Clermont-Ferrand
Deux étudiants réfugiés centrafricains obtiennent une bourse pour étudier à Clermont-Ferrand
Paris, France – Le jour ne s’est pas encore levé sur le tarmac de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Au niveau des arrivées, de nombreuses familles sont déjà présentes pour accueillir leurs proches en provenance de Guinée, d’Éthiopie ou du Niger. Plusieurs personnes jettent des coups d’œil de l’autre côté de la vitre, dans l’espoir d’apercevoir leurs parents ou amis en train de récupérer bagages et affaires, après un long vol de nuit.
Dans le flot de passager qui passe les contrôles renforcés du fait de la pandémie de Covid-19 se détache Nabila, jeune femme centrafricaine de 25 ans réfugiée au Cameroun. Ses bagages pour les deux années à venir l’accompagnent. « Je suis très heureuse d’être là », dit-elle avec un grand sourire, installée dans un café pour récupérer de son voyage. « Mais je n'ai pas quitté ma mère de toute la journée avant le départ », ajoute-t-elle en riant.
Près d’une semaine plus tard, c’est au tour d’Arabi de poser le pied sur le sol français en provenance du Niger. Lorsque le jeune homme passe finalement la douane, il achève un long périple, qui l’a vu faire une escale à Addis-Ababa avant de rejoindre Paris. Calme et avenant malgré la fatigue, on peut lire dans ses yeux la détermination de bien appréhender cette nouvelle étape de son parcours.
Les deux jeunes Centrafricains vont passer les prochaines années à Clermont-Ferrand, dans le centre de la France, pour étudier la communication et le marketing au niveau Master. Ils partageront un appartement dans la cité montferrandaise, grâce au dispositif de colocations solidaires porté par l’association AFEV Auvergne.
Leur venue a été rendue possible par la mise en place d’un couloir universitaire - une voie légale et sûre complémentaire à la réinstallation offrant aux réfugiés résidant dans un premier pays d’asile un accès à l’enseignement supérieur dans un pays tiers et une assistance administrative et sociale lors de leur séjour – grâce à l’action conjointe de l'Université de Clermont-Auvergne (UCA), de l’ONG Forum Réfugiés-Cosi, et du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Seulement 5% de réfugiés inscrits dans l’enseignement supérieur
Selon le dernier rapport du HCR « Garder le cap : Les défis de l’éducation des réfugiés », seuls cinq pour cent des personnes déplacées de force dans le monde avaient accès à l'enseignement supérieur en 2020. Une augmentation de 2 points par rapport à l’année précédente, qui représente une évolution positive pour des milliers de réfugiés et leurs communautés, mais un chiffre encore loin de l’objectif 15by30 du HCR et de ses partenaires : 15% des réfugiés inscrits à l’université d’ici à l’année 2030.
« Il y a de nombreux réfugiés au Cameroun et dans le monde qui sont brillants et aimeraient poursuivre leurs études », explique Marion Le Guen, agent de protection du HCR à Douala, au Cameroun. Cette dernière a travaillé sur le dossier de Nabila et l’a accompagnée à l’aéroport avant son départ. « Cependant, beaucoup d'entre eux ne peuvent pas continuer à cause d'un manque d'opportunités ou de moyens pour payer les études ». Dans le taxi qui le mène à Paris intramuros, Arabi abonde dans le même sens : « J’ai connu beaucoup de réfugiés qui ont la volonté d’étudier, mais parfois ils n’ont pas l’opportunité. »
Le HCR et ses partenaires tentent de lever ces écueils avec le développement de couloirs universitaires dans les pays tiers. Cela nécessite souvent de mobiliser le soutien et les ressources de nombreux acteurs, dont les autorités gouvernementales. Dans le cas de Nabila et Arabi, les ambassades de France au Cameroun et au Niger ont joué un rôle clé en leur accordant une bourse de couverture sociale, en couvrant les frais de voyage en avion puis en train jusqu'à Clermont-Ferrand, et en leur octroyant un visa étudiant.
« Je suis impressionné par le parcours de Mlle Nabila Oumar Hassan », déclare l'ambassadeur de France au Cameroun, Christophe Guillhou, « et je suis très heureux que l'Ambassade ait pu lui octroyer une bourse pour financer son projet de master à l'Université de Clermont Auvergne. Je lui souhaite tout le meilleur et un excellent séjour en France. »
Nabila aurait peut-être raté cette opportunité, sans sa farouche détermination à se construire un autre avenir. Brillante étudiante, elle a obtenu son baccalauréat en 2011 à Bangui, à l'âge de 15 ans. Alors qu’elle attendait avec impatience de pouvoir entrer à l'université, sa famille lui a annoncé qu'il était temps de se marier, comme les autres filles de son entourage.
« J'ai eu beaucoup de mal à poursuivre mes études, se souvient-elle. Mes parents pensaient qu'une femme musulmane n'avait pas besoin de beaucoup d'éducation et qu'il était temps pour moi de me marier, mais je ne voulais pas. Je n'étais pas prête à fonder une famille. »
Nabila avait 19 ans en décembre 2014 lorsque sa famille a fait le voyage pour trouver refuge à Douala, recroquevillée à l'arrière d'un camion avec des inconnus. Tous fuyant la tourmente de Bangui. S'adapter à un nouveau pays et à son statut de réfugiée a été difficile, mais elle s'est accrochée à ses rêves. Ses parents ont finalement été ravis lorsqu'elle a obtenu la bourse.
Travail dans l’humanitaire, ouverture d’un orphelinat et entreprise
Qu’envisagent les deux étudiants une fois leur Master validé ? « J’aimerais bien travailler dans le domaine humanitaire, parce que qui de mieux qu’une réfugiée pour comprendre ses propres frères et sœurs ? », explique Nabila sur le parvis de la Gare de Bercy, ou elle a pu retrouver une partie de sa famille avant de monter dans le train pour l’Auvergne. « Je connais les difficultés, je sais comment ça se passe. J’aimerais être cette personne qui apaise, qui leur fait comprendre qu’elles peuvent avoir confiance, qu’elles peuvent s’ouvrir. »
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Pour Arabi, qui a géré un café à Niamey ces dernières années, avant de voir son dossier d’études retenu, le projet est « de créer un orphelinat » dans son pays d’origine. « Depuis toujours je dis que même si j’ai des enfants, il faut que j’adopte, et j’ai toujours cette idée de créer un orphelinat. » Avant cela, l’élégant jeune homme compte se lancer dans les affaires : « J’ai une famille en charge, donc le projet d’avenir c’est aussi d’entreprendre. »
Nabila partage l’espoir que son histoire sera comme une lueur d'espoir pour d'autres réfugiés, et qu'elle encouragera de nombreuses familles à scolariser leurs filles.
« Je veux inspirer les jeunes à travers mon histoire, leur montrer que si moi, une jeune réfugiée musulmane, je peux le faire, alors eux aussi le peuvent », dit-elle avec conviction. « Nos filles sont intelligentes. Donnez-leur un papier et un stylo, laissez-les aller à l'école et vous verrez alors de quoi elles sont capables. »