Des réfugiés volontaires mènent la bataille contre le Covid-19 dans les camps du Bangladesh
Des réfugiés volontaires mènent la bataille contre le Covid-19 dans les camps du Bangladesh
Saidul Karim passe ses journées à aller d'abri en abri sur les chemins boueux qui sillonnent le site de réfugiés de Kutupalong au Bangladesh. Les familles qui lui ouvrent leurs portes le connaissent bien. Il leur rend visite toutes les deux semaines depuis qu'il a commencé à travailler bénévolement comme agent de santé communautaire peu après avoir fui le Myanmar en 2017.
Saidul fait partie des quelque 1400 réfugiés rohingyas formés pour faire du porte-à-porte dans les camps densément peuplés qui abritent quelque 860 000 réfugiés rohingyas. Il est chargé de diffuser des informations en matière de santé et d'hygiène, de repérer les signes de maladie, d'enregistrer les naissances et les décès, et de faire le lien entre les communautés de réfugiés et les centres de santé.
Les relations de confiance que Saidul et d'autres volontaires ont établies avec les familles qu'ils visitent ont été cruciales depuis que les premiers cas de Covid-19 ont été détectés dans le district de Cox's Bazar en mai. Ils ont pu contrer les rumeurs qui circulaient dans les camps grâce à la diffusion d'informations précises et de conseils pratiques.
« Les gens nous disent qu'ils ont peur », dit Saidul. « Ils ont entendu dire à quel point la maladie est dangereuse et aussi que de nombreuses personnes dans le monde entier meurent. »
« Les gens nous disent qu'ils ont peur. »
Saidul visite désormais chaque semaine les 150 ménages de son quartier. Il explique aux familles comment elles peuvent se protéger contre le Covid-19 et quels sont les symptômes les plus courants du virus. Il conseille à ceux qu'il identifie comme ayant des symptômes de se faire tester pour le Covid-19 dans un centre de santé et leur explique le soutien qu'ils peuvent recevoir dans les centres d'isolement et de traitement.
« Nous expliquons aux gens que s’ils ont des symptômes et qu'ils ont peur et ne les traitent pas à temps, cela peut affecter toute leur famille ainsi que les personnes de leur entourage », dit-il.
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Haroon, un réfugié de 55 ans vivant à Kutupalong, a commencé à développer les symptômes du Covid-19 en juin et a été orienté pour des tests par un des agents de santé de la communauté. « Nous ne savions pas que cette maladie était mortelle. Les volontaires de la communauté m'ont aidé à vaincre ma peur et à obtenir un traitement approprié. J'ai appris que cette maladie est guérissable si des soins appropriés sont prodigués », raconte-t-il.
Saidul lui-même n'est pas épargné par la peur d'être infecté, mais il veut continuer à servir sa communauté. « Nous avons peur, mais nous essayons toujours de faire de notre mieux », dit-il. « Nous maintenons une distance physique, nous portons des masques et nous nous concentrons sur l'importance des services que nous proposons. »
Bien que la situation soit préoccupante, le nombre de cas de Covid-19 identifiés parmi la population de réfugiés rohingyas est relativement faible jusqu'à présent, avec seulement 62 cas au 21 juillet. Selon Asma Absari, une collaboratrice technique de l'Organisation mondiale de la santé, « le plus grand défi auquel nous sommes confrontés est de convaincre les gens de se faire tester. Les volontaires nous aident à approcher les membres de la communauté et à discuter avec eux de la nécessité de se faire dépister et de la manière de prévenir la propagation de la maladie. »
Le rôle des volontaires en santé communautaire est devenu encore plus important depuis que le personnel humanitaire a considérablement réduit son activité dans les camps afin de réduire le risque de transmission du virus.
L'OMS a travaillé avec le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, pour former les volontaires à l'identification des symptômes associés au Covid-19 afin qu'ils puissent orienter les personnes vers les tests de dépistage. Mais ils doivent faire face à la peur et aux rumeurs qui ont découragé de nombreuses personnes de s'adresser aux centres de santé.
« Au début, les réfugiés pensaient que si quelqu'un se plaignait de symptômes de type Covid, les gens pourraient l'attaquer, les autorités pourraient venir le chercher », explique Nazmus Sakib, spécialiste de la santé publique au HCR, qui appuie la coordination du groupe de travail sur la santé communautaire.
« Les agents de santé communautaire sont des acteurs clés qui interviennent sans délai. »
« Les agents de santé communautaire sont des acteurs clés qui interviennent sans délai... Ils essaient d'établir un climat de confiance entre le centre de santé et la communauté. C'est l'un de leurs principaux rôles à présent. »
Établir la confiance signifie aussi travailler avec des personnalités respectées de la communauté, comme les majhis (chefs de la communauté) et les imams (chefs religieux), qui peuvent transmettre des messages importants en matière de santé.
« Ce que les volontaires nous apprennent, nous le répercutons auprès de la population », explique Hafez Muhammed Salim, un imam qui utilise le micro de sa mosquée pour diffuser des informations sur le coronavirus.
« Si les agents de santé communautaires ne faisaient pas le travail qu'ils font, nous ne saurions pas où aller quand nous sommes malades. Nous aurions été confrontés à de nombreux problèmes », ajoute-t-il.
Le HCR a construit deux centres d'isolement et de traitement, avec près de 200 lits pour les réfugiés et les membres de la communauté locale. Une unité de soins intensifs pour les cas plus graves a également été créée. Ces installations sont le fruit d'un effort conjoint du gouvernement et des partenaires de santé pour mettre à disposition un total de 1900 lits au sein des camps et des localités avoisinantes. Mais si le nombre de cas augmente rapidement, il est possible que la capacité des centres d'isolement et de traitement soit dépassée.
Dans cette optique, les agents de santé sont également formés pour fournir des soins à domicile aux réfugiés atteints du Covid-19, et pour les conseiller sur la meilleure façon de prévenir les infections entre les membres d'un même foyer. Ils orienteront également les familles touchées vers des services de livraison à domicile de nourriture, de carburant et d'articles de première nécessité.
« Je pense que c'est le mieux que je puisse faire pour le bien de ma communauté », déclare Saidul. « Je veux continuer à travailler en tant que bénévole dans le domaine de la santé communautaire, car c'est ainsi que je peux servir ma communauté et contribuer au bien-être de ses membres. »