Des réfugiées syriennes métamorphosées grâce à un atelier-théâtre
Des réfugiées syriennes métamorphosées grâce à un atelier-théâtre
Avant cet atelier, les 35 réfugiées syriennes qui avaient décidé de suivre une formation théâtrale à Beyrouth n'avaient jamais entendu parler d'Antigone. Trois mois plus tard, l’interprétation sur scène de cette pièce classique les avait métamorphosées.
« Il fallait simplement rire et faire confiance », explique Hal Scardino, l'acteur qui a organisé l'atelier de Beyrouth par le biais de sa fondation Open Art. « Nous voulions qu'elles profitent de l'instant présent. C'était important qu’elles connaissent l’objectif dès leur arrivée. »
À l'automne 2014, ces Syriennes se sont réunies du lundi au samedi, de 10 heures à 14 heures, pour répéter Antigone, restaurer leur confiance en soi, développer leur mode d’expression ainsi que rechercher des parallèles entre le scénario et leur propre vécu. Un jardin d'enfants avait été mis à leur disposition par les organisateurs pour qu'elles puissent se concentrer sur ce projet.
« Elles se sont responsabilisées. »
Au fil des répétitions, les femmes ont bâti une communauté où elles se sentaient en sécurité, ce qui les a aidées à surmonter des traumatismes causés par la guerre en Syrie.
L'atelier leur a permis de briser leur routine et de restaurer leur confiance en soi. La plupart des femmes n'avaient jamais quitté les camps de réfugiés ou les installations où elles vivaient. Certaines n'avaient pas le droit de sortir dans la rue sans se couvrir le visage.
« Nous n'avons vraiment pas fait grand-chose », insiste Hal Scardino. « Nous leur avons transmis un scénario, donné un lieu pour réfléchir sur certains thèmes et nous les avons laissées en parler. Elles se sont responsabilisées. »
Hal Scardino a également co-produit ‘We Are Not Princesses’. Ce documentaire raconte l’expérience théâtrale de Mona, Walaa, Fadwa, Hiba et d'autres Syriennes lors de l'atelier. Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a récemment co-parrainé une projection de ce film à New York.
« Ce qui est touchant dans ce film, c’est qu'il présente des parcours individuels », déclare Joung-ah Ghedini-Williams, responsable du HCR en charge de la communication globale à New York. « Nous sommes constamment confrontés à des statistiques massives - 68,5 millions de personnes déracinées - ce qui est difficile à appréhender. Chaque réfugié a sa propre histoire. »
« Nous avons tellement perdu qu’il nous faut lutter pour ce qui reste. »
Dans le documentaire, les Syriennes évoquent les personnages d'Antigone autour d'un déjeuner ou d'un café et discutent de celui auquel elles s'identifient le plus. Certaines se sentent proches du personnage principal, Antigone, et de sa volonté d'accomplir les funérailles de son frère selon les rites. D'autres se considèrent comme des matriarches chargées de faire respecter les règles, comme le roi Créon.
Pour chacune d'entre elles, l'atelier-théâtre a ouvert un espace pour s'exprimer sur les abus et la discrimination, sur leur désir de se promener librement dans la rue, de trouver un emploi ou de composer de la musique rap. « Nous avons tellement perdu qu’il nous faut lutter pour ce qui reste », a expliqué l'une d’entre elles dans le documentaire.
L’expérience vécue par les femmes en Syrie et illustrée par des animations dans le film établit des parallèles saisissants entre la pièce classique écrite il y a plus de 2 000 ans et l’actualité brûlante.
« Les réfugiés sont généralement impatients de partager leur histoire », précise Joung-ah Ghedini-Williams. « Plutôt que laisser d'autres en témoigner pour vous, raconter son parcours avec ses propres mots a un pouvoir réparateur. C'est incroyablement touchant de les voir s’exprimer, non pas en tant que mères, épouses ou filles, mais en leur nom propre. »
'We Are Not Princesses' est actuellement diffusé dans des festivals de films à travers le monde entier. Les producteurs espèrent projeter ce documentaire dans des camps de réfugiés et des communautés urbaines où vivent les réfugiés.