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Des femmes déplacées parlent des viols et de la peur en Somalie

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Des femmes déplacées parlent des viols et de la peur en Somalie

En Somalie, le risque d'être violée fait partie du quotidien de nombreuses femmes déplacées se déplaçant le long des routes ou vivant dans des sites isolés.
25 Octobre 2007
Les déplacées, comme ces femmes installées dans un site de déplacés à Galkayo, sont quotidiennement exposées au risque d'être violées.

GALKAYO, Somalie, 25 octobre (UNHCR) - Lorsque les deux bus partis de Mogadiscio ont finalement rejoint Galkayo, tous les passagers ont éprouvé un profond soulagement, malgré les nombreux miliciens les ayant dépouillé, armes à la main, le long de la route et le viol de cinq des occupantes.

Arrivées à Galkayo, la deuxième plus grande ville du Puntland, dans le nord-est de la Somalie, les femmes ont rejoint l'un des nombreux sites qui abritent les familles déplacées. Ces derniers se sont multipliés du fait de la guerre civile qui se poursuit dans le pays depuis 17 ans. Malgré la relative stabilité dont bénéficie la population civile à Galkayo, la violence sexuelle fait partie du quotidien dans de nombreux sites où sont réunies les personnes déplacées internes.

Après des années de guerre, le viol est devenu une menace à laquelle sont exposées les femmes qui se déplacent le long des axes routiers, en raison de la présence de barrages de contrôle établis illégalement par les milices. Elles sont également exposées à ce danger dans les sites de déplacés qui sont localisés dans les banlieues de villes telles que Galkayo, car ils sont bien trop isolés pour offrir une sécurité satisfaisante.

Dans le site de déplacés de Galkayo où vit Hibo*, 33 ans, la sécurité s'est un peu améliorée depuis l'ouverture d'un petit commissariat à proximité. Pourtant, chaque nuit, trois femmes sont victimes d'abus. « Un soir, des voleurs armés sont venus et ont commencé à frapper ma soeur, en tentant de l'entraîner dehors », dit-elle à l'UNHCR. « J'ai crié si fort que plusieurs voisins ont été alertés et que les hommes armés se sont enfuis. »

Veuve, sans homme pour la protéger, ni de porte solide pour se barricader, elle est une victime de choix pour les violeurs. Tandis qu'elle parle, un adolescent vivant dans le site fait, avec fierté, quelques gestes à l'aide d'un gros bâton. « Lorsque j'entends une femme crier, je viens avec mes amis pour chasser les méchants », dit-il. Hélas, ce bâton n'est que bien peu de chose face à une mitraillette AK-47.

Hibo n'attend pas grand-chose de la police. « Ils ne peuvent rien faire ; le coupable pourrait se venger si j'ose me plaindre », dit-elle.

A l'autre bout de la ville, une femme de 45 ans du nom d'Hawa* a, elle, aussi, préféré de pas se rendre à la police, malgré le viol qu'elle a subi la nuit précédente, alors qu'elle se rendait à son travail, à la boucherie, au lever du soleil. Elle a décidé de se rendre auprès d'une organisation non gouvernementale (ONG) locale de femmes. Comme elle fait partie d'un clan minoritaire, elle a pensé que la police serait réticente à intervenir contre son agresseur, qui appartient à un puissant clan local.

« L'homme m'a mis un couteau sous la gorge et m'a dit d'écarter les jambes », a-t-elle déclaré à l'UNHCR. « Après m'avoir violée, il m'a fouillée et il m'a volé mon sac. Puis il a craché sur moi et m'a traitée de prostituée. » Elle a été retrouvée par des commerçants qui l'ont amenée à l'hôpital. « Maintenant mon corps me fait mal à l'intérieur comme à l'extérieur et j'ai trop peur pour retourner à pied à mon travail. » Le violeur a essayé de rentrer dans sa maison le lendemain de l'agression, mais il est reparti rapidement car les voisins ont accouru. « J'ai neuf enfants et je n'ai pas de mari, alors je suis venue voir cette ONG en espérant qu'ils pourraient m'aider financièrement maintenant que je ne peux plus travailler », a-t-elle dit.

Tenant doucement la main d'Hawa, Farhia, une travailleuse humanitaire, a expliqué qu'elle ne pouvait malheureusement pas faire grand-chose à cause du manque d'argent. « Tout ce que je peux faire, c'est consoler les femmes violées et les encourager à parler de leur agression pour qu'elles se sentent un peu mieux », a-t-elle dit, avant de souligner que le viol restait un sujet extrêmement tabou dans la société somalienne. « Une jeune femme qui a été violée ne pourra pas trouver de mari, et une femme mariée sera souvent répudiée par son mari », a-t-elle expliqué.

Les survivantes qui ont été gravement blessées sont envoyées à la clinique pour femmes de Maryan. Une infirmière a expliqué que le viol était un mal qui touche la Somalie depuis la chute du gouvernement central il y a 17 ans. « Des femmes sont violées presque chaque jour dans les quartiers isolés de la ville. Nous les vaccinons systématiquement contre le tétanos. Comme les jeunes Somaliennes ont subi des mutilations génitales et la fibulation, les violeurs utilisent souvent un couteau pour déchirer et ouvrir leur vagin. »

Des transfusions de sang sont souvent nécessaires car de nombreuses victimes sont poignardées. « Nous les encourageons aussi à parler car nous voulons être sûrs qu'elles ne vont pas se suicider. Mais nous découvrons parfois la vérité trop tardivement », a expliqué Maryan. « Nous avons déjà soigné plusieurs femmes enceintes qui avaient l'air parfaitement normales. Une fois qu'elles avaient accouché, elles tuaient leur bébé. C'est ainsi que nous avions compris qu'elles avaient été violées. »

Dans une société où le viol est tabou, les agresseurs sont rarement traduits en justice. Les affaires sont souvent traitées par des moyens traditionnels. Le violeur doit payer une compensation au père ou au mari de la victime, mais jamais à la victime elle-même. « Quand des femmes violées arrivent, elles ont tellement honte qu'elles ont l'impression d'être déjà mortes », a expliqué l'infirmière.

Pour s'assurer que les survivantes de la violence sexuelle reçoivent un soutien, un réseau d'agences des Nations Unies - notamment l'UNHCR, l'UNFPA et l'UNICEF - ont mis en place un programme de prévention et de réponse contre la violence sexuelle et sexiste. Ce programme doit être mis en oeuvre par des partenaires locaux, comme les membres des professions médicales et des organisations de la société civile, pour renforcer les capacités de prise en charge médicale, former les conseillers psychosociaux locaux et mener des actions de sensibilisation relative à la violence sexuelle à Galkayo. Les actions de sensibilisation sont renforcées pour soutenir les efforts au niveau local destinés à prévenir les violences sexuelles et sexistes. Le programme va s'appuyer sur des ONG locales, au sein desquelles des hommes et des femmes somaliens très engagés souhaitent mettre fin à la violence sexuelle.

Galkayo héberge environ 50 000 personnes déplacées internes.

Par Catherine Weibel à Galkayo, Somalie

* Les noms des survivantes ont été changés