Des familles du Sud-Soudan reconstruisent leur vie dans une installation de réfugiés ougandaise
Des familles du Sud-Soudan reconstruisent leur vie dans une installation de réfugiés ougandaise
ADJUMANI, Ouganda – Lors d’une journée pluvieuse dans le nord de l’Ouganda, Esther Ojabajon examine le petit lopin de terre où elle établira son nouveau domicile. Ses enfants arrachent des poignées d’herbes hautes et les font brûler afin de préparer le terrain pour y construire un refuge composé de bois et de bâches.
S’abritant de la pluie dans une tente improvisée, Esther décrit comment elle et ses sept enfants (le plus jeune n’est âgé que de trois ans) ont couru pour leur vie lorsque les hostilités se sont déclenchées dans le Sud-Soudan : « J’ai entendu des tirs dans notre village et je me suis mise à courir la nuit. »
Lorsqu’ils ont traversé la frontière, la famille s’est tout d’abord enregistrée à titre de réfugiés au point de collecte congestionné d’Elegu avant d’attendre dans un centre de transition en vue d’être déplacée dans l’installation de réfugiés de Pagarinya.
Ici, ils se sentent en sécurité. « Je n’ai pas entendu de tirs depuis mon arrivée, déclare-t-elle. Je n’ai pas à m’inquiéter pour la protection de mes enfants parce qu’ils sont libres et en sécurité ici. »
Esther, âgée de 43 ans, croit qu’elle peut bâtir une meilleure vie pour sa famille à cet endroit. « Même si nous sommes maintenant loin de la ville la plus près, j’ai espoir que nos vies s’amélioreront. »
Elle caresse déjà certains projets : « Je peux creuser sur mon terrain et cultiver des arachides, du maïs, du millet et des légumes-feuille frais. »
Ce matin, ses deux enfants les plus âgés, Calisto, 20 ans, et Manuele, 17 ans, se sont rendus à l’école de l’installation afin de reprendre leurs études interrompues.
« Je peux creuser sur mon terrain et cultiver des arachides, du maïs, du millet et des légumes-feuille frais. »
Les hostilités entre les factions rivales fidèles au président Salva Kiir et à Riek Machar se sont déclenchées dans le pays le plus jeune du monde le 7 juillet dernier, incitant les gens à fuir en Ouganda.
À ce jour, 44 557 personnes ont effectué le périple. La semaine dernière, une moyenne de 4 000 personnes par jour a traversé la frontière.
À son point culminant, le point de collecte d’Elegu, équipé afin d’accueillir 1 000 personnes, hébergeait plus de 11 000 nouveaux réfugiés. L’influx de réfugiés a rapidement rempli l’installation de Pagirinya récemment ouverte, ce qui a incité le HCR et le gouvernement d’Ouganda à rapidement ouvrir de nouvelles installations.
L’installation de Pagirinya, qui s’étend sous la forme d’une grille sur des collines vallonnées à environ 25 kilomètres au sud du point où le Nil Blanc sépare l’Ouganda du Sud-Soudan, a connu une croissance rapide au cours des récentes semaines.
Josephine Nakabuubi Ssenyunja, une adjointe de terrain du HCR présente sur le site, a déclaré que les nouveaux centres d’accueil pour réfugiés en construction à Pagarinya permettront d’accueillir environ 15 000 réfugiés. Certains se verront accorder un terrain tout près, alors que les autres devront se rendre dans deux nouvelles installations.
Du personnel du HCR a été redéployé depuis des installations de réfugiés dans le sud et le centre-ouest de l’Ouganda. De plus, les organisations partenaires font tout en leur possible afin d’établir des cliniques de santé dans des tentes nouvellement érigées, a-t-elle déclaré.
« Les réfugiés sont beaucoup plus intégrés dans la communauté locale parce que nous pouvons effectuer de l’agriculture à grande échelle ensemble. »
Elias Lazerus Moga, qui est arrivé en Ouganda à titre de réfugié dimanche dernier, a reconnu le commandant de l’installation parce qu’il avait vécu en Ouganda comme réfugié de 1989 à 2008, moment où il était retourné à son domicile dans le village de Loa dans l’état de l’Équatoria-Oriental.
Âgé de 54 ans, il a déclaré qu’il avait remarqué que l’installation comportait certaines différences en comparaison avec ce qu’elle était à son arrivée il y a près de trois décennies.
« Les réfugiés sont beaucoup plus intégrés dans la communauté locale parce que nous pouvons effectuer de l’agriculture à grande échelle ensemble, déclare-t-il. Je peux facilement marché jusqu’à mon terrain parce que les routes ont été construites avant l’arrivée des gens. Ce n’était pas le cas il y a trente ans. »
Sibo Mutanguha, un fonctionnaire du HCR chargé de la protection des enfants à Pagarinya, a déclaré que plus de 65 pour cent de la population de l’installation est âgée de moins de 18 ans.
De taille élancée et loquace, Marta Abau, 21 ans, attend son troisième enfant. Effrayée par l’insécurité croissante, elle a fui son village natal de Torit le 6 juillet dernier, un jour avant que la violence et les pillages aient pris de l’ampleur. Rapidement intégrée dans le système, elle a reçu son terrain il y a deux semaines.
Debout dans son domicile en boue et en branches, Marta a considéré ses options. Le terrain qu’elle s’est vue accorder est couvert de roches de la taille d’un poing qu’elle devra enlever.
« C’est trop difficile pour moi de les enlever immédiatement parce que j’ai un jeune enfant, déclare-t-elle, faisant référence à son petit Godfrey, âgé de trois mois, attaché sur son dos. Toutefois, j’ai conclu une entente avec ma voisine afin d’utiliser une bande de son terrain en échange de quelques fèves. »
Marta doit rattraper le temps perdu. Elle a passé plusieurs jours à l’hôpital d’Adjumani afin de récupérer de la malaria. À son retour, elle a constaté qu’elle ne pouvait plus trouver la bâche, la marmite et la couverture que le HCR lui avait remises.
Les représentants de l’installation ont pris des dispositions afin qu’elle reçoive des articles de rechange le jour suivant. « Je vais trimer dur afin de rebâtir ma vie ici. Je vais cultiver du maïs, du manioc et des légumes verts pour ma famille parce que, tant qu’il y aura de la guerre dans le Sud-Soudan, je n’y retournerai pas, déclare-t-elle avec détermination. Je suis chez moi maintenant. »