Des bénévoles ayant sauvé des vies à Lesbos nommés pour le prix Nobel de la paix
Des bénévoles ayant sauvé des vies à Lesbos nommés pour le prix Nobel de la paix
LESBOS, Grèce - Le village de Skala Sikamnias est un bel endroit pittoresque dans le nord de Lesbos, à environ cinq milles nautiques de la Turquie par la mer. C’est ici, en 2015, que Stratis Valamios et Aimilia Kamvisi ont mérité leur nomination pour le prix Nobel de la paix en faisant tout ce qui était en leur pouvoir pour sauver les réfugiés et migrants que la mer amenait par milliers sur leurs plages.
Quelque 800 000 personnes sont arrivées sur les îles grecques en 2015, la majorité d’entre elles sur Lesbos. Des milliers de bénévoles se sont portés à leur secours – et parmi eux Valamios, qui allait en mer sauver les nouveaux arrivants épuisés et Kamvisi, qui faisait la cuisine pour eux à terre.
« Nous savions que nous donnions du courage aux réfugiés et les réfugiés le comprenaient bien », explique Kamvisi. « On les prenait dans les bras, on les embrassait. J’ai l’impression d’avoir aidé un frère, une sœur. »
« J’ai l’impression d’avoir aidé un frère, une sœur. »
Les deux hommes ont été nommés par plusieurs universitaires grecs, par le président du Comité Olympique grec ainsi que l'actrice Susan Sarandon, l’une des bénévoles étrangères les plus éminentes pendant la crise de l'année dernière.
« Les visages de ces trois personnes sont le reflet des efforts du gouvernement grec, des organisations humanitaires et des bénévoles, tous ces inconnus qui apportent leur contribution à cette lutte pour la dignité », peut-on lire dans le texte de la nomination. « C’est ce ‘visage de la Grèce’ pour lequel nous recommandons le prix Nobel de la paix. »
Valamios se souvient des nombreux jours où il était impossible d’aller pêcher. « La place n’était jamais sèche l’année dernière, tant il y avait de gens qui sortaient de l’eau. Quand les gens se noient, vous allez pêcher ? Si ça se reproduisait, je referais la même chose. »
Quelque 800 hommes, femmes et enfants sont morts l’année dernière dans la Méditerranée orientale. Depuis le début de cette année, on a déjà relevé 400 morts ou disparus dans la même zone et la Méditerranée connaitra l’année la plus meurtrière jamais enregistrée.
« Il y a des bébés qui sont morts d’hypothermie dans mes bras », soupire Valamios. « Les tavernas servaient d’hôpitaux, c’est sur ces tables qu’on ramenait ces gens à la vie. »
« Une nuit, on a entendu des voix dans le noir, mais on n’y voyait rien, » raconte-t-il. « Alors j'ai mis ma lampe frontale, j'ai sauté dans l'eau et je les ai trouvés - Ils étaient 66, tous avec des pneus de voiture mais pas de bateau. Le bateau avait coulé. Ils ont dû se tenir à mon bateau pour arriver jusqu'au port. »
Un des moments les plus difficiles à oublier remonte à 2009. « Un canot avec 20 personnes à bord avait fait naufrage sur un rocher près du phare, parce que le passeur ne savait pas le manœuvrer. Nous avons immédiatement lâché nos filets et j'ai plongé pour les sauver. Tout s’est déroulé si rapidement. À chaque fois que j'en ramenais un à la plage, un autre s'était déjà noyé. J’en ai sauvé dix. Dix sont morts. Et parmi eux, plusieurs bébés. »
« Il a toujours eu beaucoup de compassion pour les gens, c’est comme ça que je l'ai rencontré. »
« Je suis très fier de lui », dit son épouse, Stratoula Mavrapide. « Il a toujours eu beaucoup de compassion pour les gens, c’est comme ça que je l'ai rencontré. Mais ça n'a pas toujours été facile. Quelquefois l’ambiance à la maison était sombre, après tout ce que nous avions vu. C’était difficile de dormir. »
Valamios a repris la mer pour pêcher, mais tous les jours il se fait du souci pour l'avenir.
« Ce qui me fait vraiment peur, ce sont les gens qui font fuir les autres, qui en font des réfugiés », dit-il. « Ça pourrait nous arriver aussi. Personne n’est certain de ce que l’avenir nous réserve. »
Le lauréat du prix Nobel de la paix a été annoncé vendredi 7 octobre. Il s’agit du Président colombien Juan Manuel Santos. Mais pour Valamios et Kamvisi, les lauriers ont déjà été décrochés.
« Quand ils se sentent en sécurité, quand ils vous remercient, ça crée un grand bonheur, » dit Valamios en souriant.