Déplacé par la guerre, un tailleur syrien repart de zéro dans une camionnette louée
Déplacé par la guerre, un tailleur syrien repart de zéro dans une camionnette louée
DAMAS, Syrie, le 20 avril (HCR) - Mazen est tailleur syrien. Assis à une machine à coudre à l'intérieur d'une camionnette orange bondée de tas de vêtements, il répare une chemise. Le bruit du moteur se mêle à la musique de la radio pendant qu'il sirote du thé.
Forcé, à cause des combats incessants, à abandonner sa maison et sa boutique de tailleur alors florissante, Mazen, un homme de 46 ans, est reparti de zéro dans une camionnette louée. Déterminé à rester le soutien de famille, il a garé la camionnette dans une rue de l'antique capitale syrienne, Damas.
« Je travaille pour nourrir mes trois enfants », dit Mazen tout en s'occupant de clients qui veulent faire retoucher ou transformer des vêtements. « Imaginez que votre enfant vous demande de lui acheter quelque chose et que vous soyez trop pauvre pour le faire… »
Ce tailleur vient d'Al-Zablatani, un quartier dévasté par la guerre, à quelques kilomètres de Damas. Il fait partie des 6,6 millions de personnes déplacées en Syrie en plus de cinq ans d'un conflit qui a fait plus de 250 000 morts et causé une misère extrême.
Avant le début de la guerre, en 2011, son atelier était florissant et employait 25 personnes. Mazen produisait des chemises en lin pour le marché local et celui de l'exportation. Mais quelques mois plus tard, la guerre s'est rapprochée de chez lui et a bloqué le quartier. Mazen, son épouse et ses trois fils ont rapidement rassemblé leur vie dans quelques sacs avant de fuir à Damas.
« Je suis parti dès que j'ai entendu le premier coup de feu dans notre quartier. Je pensais que ce serait fini en quelques jours et que nous rentrerions à la maison, dit-il. Nous ne savons toujours pas ce qui est arrivé à notre maison ».
Les premiers mois, il a survécu en nettoyant les cages d'escalier d'un immeuble avant de commencer à vendre des vêtements dans les rues de Damas. Mais, encouragé par sa famille, il a voulu vite reprendre le métier qu'il connaissait le mieux : tailleur.
À Damas, les locaux commerciaux à louer étant d'un prix très élevé, un ami lui conseille de plutôt se rabattre sur une camionnette. Mazen travaille aujourd'hui à l'arrière d'une Volkswagen. Dans un quartier où les coupures de courant sont fréquentes, ses deux machines à coudre fonctionnent grâce à une batterie de voiture.
« Bien sûr que je gagne de l'argent ! Mais c'est très difficile de travailler ici. Je manque d'espace et les affaires vont lentement. Tout ce que je gagne nous permet à peine de joindre les deux bouts », avoue Mazen, l'ombre d'un sourire sur son visage bronzé.
Ses clients apprécient d'avoir directement dans la rue un tailleur dont le travail est de qualité. L'un d'eux, qui préfère rester anonyme, témoigne : « Mazen est tailleur de métier, il répare les vêtements en un rien de temps et pour un prix raisonnable. »
Pour soutenir le redémarrage de Mazen, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, l'a mis en contact avec l'association Al-Nada de Damas, un partenaire sans but lucratif qui propose des aides allant jusqu'à 1 500 USD (1 329 euros) pour la création de petites entreprises.
L'association Al-Nada espère pouvoir aider plus de 100 familles à trouver une source de revenus en 2016. Elle tente d'avoir une approche souple. Elle travaille avec celles qui ont perdu leur principal soutien de famille et finance aussi des partenariats d'entreprise pour encourager les personnes déplacées à « monter un atelier de menuiserie, un restaurant, une épicerie », explique Nour Sultan, le gestionnaire des subventions aux petites entreprises d'Al-Nada.
Mazen a fait une demande de subvention et vient d'apprendre qu'elle a été acceptée. Il prévoit maintenant de louer un local avec une alimentation électrique permanente, assez de place pour remonter un atelier de tailleur et où le calme lui permettra de se concentrer sur le travail sans être distrait par la rue.
« Je voudrais simplement pouvoir quitter cette camionnette et m'installer dans un petit local avec un toit où personne ne viendrait me gêner ou me demander : "Mais qu'est ce que tu fais là ?" » ajoute-t-il.