Davantage de personnes risquent leur vie à travers l'océan Indien, malgré les abus et les campagnes de dissuasion
Davantage de personnes risquent leur vie à travers l'océan Indien, malgré les abus et les campagnes de dissuasion
GENEVE, 5 décembre (HCR) - Selon un nouveau rapport du HCR, davantage de personnes encore risquent leur vie à bord de bateaux de passeurs en Asie du Sud-Est, malgré les perspectives de violences affreuses en cours de route.
Le HCR estime que 54 000 personnes ont déjà entrepris des traversées irrégulières dans la région cette année, sur la base d'informations rapportées par des sources locales, les médias et des personnes ayant survécu au voyage. Ces chiffres incluent quelque 53 000 personnes au départ du golfe de Bengale vers la Thaïlande et la Malaisie, et des centaines d'autres qui se déplacent plus au sud dans l'océan Indien.
La traversée maritime à partir du golfe du Bengale culmine plutôt en octobre, quand la mer est plus calme après la saison des pluies. Les départs durant le mois d'octobre ont augmenté davantage que les années précédentes. Quelque 21 000 Rohingyas et Bangladais sont partis par bateau depuis lors, soit une augmentation de 37% par rapport à la même période l'année dernière. Environ 10% seraient des femmes. Environ un tiers des arrivants avec lesquels le HCR s'est entretenu en Thaïlande et en Malaisie étaient des mineurs de moins de 18 ans. De jeunes enfants, dont certains âgés de huit ans seulement, auraient également effectué ce voyage seuls.
Au total, quelque 120 000 personnes auraient entrepris cette traversée depuis le golfe du Bengale depuis début 2012. Des paiements allant de 1 600 à 2 400 dollars sont exigés pour chaque passager. Les passeurs qui sillonnent cette route sont donc soupçonnés d'avoir généré des revenus avoisinant près de 250 millions de dollars ces trois dernières années.
Les conditions sont désastreuses à bord des bateaux de passeurs. Des survivants ont systématiquement décrit des conditions de surpeuplement et des rations quotidiennes comprenant un maigre repas ainsi qu'un ou deux verres d'eau. Les passagers qui ont demandé davantage ou qui ont tenté d'utiliser les toilettes sans autorisation ont été battus avec des ceintures ou poussés violemment sur des échelles par des membres d'équipage armés depuis le pont au-dessus. Environ 540 personnes seraient mortes cette année en mer sous les coups, à cause de la faim ou de la déshydratation, et leurs corps sans vie ont été jetés à la mer.
Selon les témoignages de survivants recueillis par notre personnel, ces personnes ont été transportées à bord de grands bateaux puis sur de plus petites embarcations vers la Thaïlande. A leur arrivée, elles ont été détenues dans des camps de passeurs et ont dû appeler des proches pour leur demander de payer une rançon pour leur libération. Lorsque le paiement de la rançon n'est pas immédiat, les personnes sont battues ou subissent d'autres actes de torture. Un grand nombre de survivants ont pu montrer des signes de mauvais traitements et de graves violences sur le corps.
Depuis l'année dernière, des centaines de personnes auraient péri dans les camps de passeurs à cause de maladies, de la famine, de la déshydratation et d'homicides par des passeurs quand les personnes détenues ont essayé de s'échapper ou ne pouvaient pas payer.
Selon des récits de survivants, des raids menés par la police thaïlandaise depuis le début de l'année auraient réduit significativement le nombre et la taille des camps de passeurs dans le pays.
Certains des survivants avec lesquels le HCR s'est entretenu avaient été détenus dans des camps plus d'une fois. Ils ont été secourus lors de raids de la police thaïlandaise, enfermés dans des centres de rétention par les services de l'immigration. Puis ils ont opté pour l'expulsion ou alors ils ont fui et sont rentrée à nouveau dans le cycle des passeurs pour échapper à la perspective d'une rétention à durée indéterminée.
Des Rohingyas et des Bangladais arrivés en Thaïlande ces derniers mois ont systématiquement entendus par des équipes multidisciplinaires issues de différents services publics thaïlandais pour évaluer le potentiel de traite des êtres humains. Si les arrivants sont identifiés comme étant des victimes de la traite d'êtres humains, ils sont alors transférés dans des centres d'accueil pour faciliter leur réadaptation et les enquêtes contre des passeurs présumés. Le HCR espère que ces efforts d'identification continus peuvent être étendus à une évaluation de tous les besoins en matière de protection internationale.
La plupart des arrivants en Malaisie ont traversé la frontière par voie terrestre depuis la Thaïlande et ils ont été maintenus dans des centres de rétention au nord de la Malaisie, généralement pour quelques jours. Des employés du HCR ont rencontré une adolescente qui a épousé un homme Rohingya après qu'il ait payé pour sa libération ainsi que celle de son frère depuis un centre de rétention.
En raison des abus et des privations qu'ils subissent sur les bateaux et dans les camps de passeurs, près de 200 personnes ont contacté cette année le HCR en Malaisie après avoir contracté la maladie de béri béri, une forme de carence en vitamine B1 qui les empêche de marcher.
Plusieurs bateaux sont arrivés directement en Malaisie depuis le golfe du Bengale en 2014. Près de 300 personnes arrivées à bord de trois bateaux ont été arrêtées. Le HCR a pu accéder aux passagers des deux premiers bateaux et cherchent à contacter les passagers du troisième bateau.
D'autres personnes qui sont arrivées par bateau ne sont jamais identifiées et elles vivent au sein de la communauté. Lors d'entretiens avec le HCR, elles ont expliqué avoir débarqué sur l'île de Langkawi au large de la côte nord-ouest de la Malaisie puis elles ont été transportées à bord d'un bateau rapide depuis la mer d'Andaman vers le continent.
Des employés du HCR se sont entretenus avec des Rohingya ayant tenté la traversée vers l'Australie, mais qui sont revenus du fait du mauvais temps, d'une panne de moteur ou encore de l'interception, par les autorités australiennes, de l'embarcation à bord de laquelle ils se trouvaient.
En 2014, il y a eu 10 interceptions établies de bateaux transportant 441 personnes espérant rejoindre l'Australie. Sept bateaux avec 205 personnes à leur bord ont été refoulés vers l'Indonésie. Tous sauf un, parmi les 79 passagers de deux bateaux, ont été expulsés vers Sri Lanka. Par ailleurs, 157 personnes à bord d'un bateau en provenance de l'Inde ont été transférées depuis le continent australien vers un centre de traitement des demandes d'asile à Nauru, où elles sont toujours retenues.
Sur un total de plus de 6 500 personnes relevant de la compétence du HCR, ayant effectué la traversée maritime et placées en rétention dans la région, plus de 4 600 d'entre elles sont en rétention en Australie ou dans des centres extraterritoriaux de traitement des demandes d'asile à Nauru et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) et le Comité des Nations Unies contre la torture ont récemment fait part de leurs préoccupations, tout comme le HCR, au sujet de ces pratiques.
Lire le rapport (en anglais) : http://storybuilder.jumpstart.ge/en/unhcr-imm