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Comment les réfugiés ivoiriens agrémentent leur quotidien au Libéria

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Comment les réfugiés ivoiriens agrémentent leur quotidien au Libéria

Presque trois ans après le début des combats en Côte d'Ivoire, des milliers de réfugiés ivoiriens, qui avaient fui vers le Libéria, se sont intégrés localement ou ont trouvé des moyens de survie originaux dans les camps, en s'aidant mutuellement et en positivant.
18 Août 2005
Des enfants ivoiriens jouant sur une petite place dans le camp de réfugiés de Saclepea, à l'est du Libéria.

SACLEPEA, Libéria, 18 août 2005 (UNHCR) - Que faire quand le mauvais sort s'acharne sur vous ? Braver l'orage, rester calme et se plonger dans les livres. Voici quelques-uns des principes de vie pour les Ivoiriens en exil à l'est du Libéria, trois ans après avoir fui la guerre civile dans leur pays.

Des milliers de personnes ont quitté la Côte d'Ivoire vers les pays voisins lorsque les combats ont éclaté entre le gouvernement et les forces rebelles en septembre 2002. Plusieurs sont rentrés par la suite, mais quelque 15 000 sont restés en Guinée et au Libéria. On estime à 12 000 les réfugiés vivant au Libéria, dont la plupart sont intégrés localement à l'est, alors que d'autres se sont rendus à Monrovia, la capitale du Libéria.

L'agence des Nations Unies pour les réfugiés gère deux camps de réfugiés ivoiriens à l'est du Libéria, accueillant quelque 150 d'entre eux dans la ville de Harper, au sud-ouest, et plus de 600 autres vers le nord, à Saclepea.

La vie de ces réfugiés est difficile à cause des conditions de surpeuplement, et parce qu'ils s'inquiètent aussi pour les êtres chers restés en Côte d'Ivoire. Ils ont tenté de transposer leurs habitudes de vie en exil, en recréant un village dans le camp de Saclepea avec des groupes de huttes séparés par des espaces verts et disposés autour de petites places, où les femmes se rencontrent et les enfants jouent.

La population du camp, composée en majorité de femmes, d'enfants et de personnes âgées, s'est divisée en groupes. Alors que les personnes vulnérables sont accueillies au sein de familles élargies, d'autres ont intégré dans leur groupe des voisins sans aucun lien de parenté. Chaque groupe préfère pourtant ne pas se mélanger aux autres.

« Chacun a ses problèmes ici », dit Gokpan Jules qui a fui la Côte d'Ivoire en 2003. « De plus, nous appartenons à des groupes ethniques différents. Nous n'avons pas de problèmes dans le camp, mais nous ne souhaitons pas tisser des liens. »

Néanmoins, ils partagent tous les mêmes soucis économiques. Pour vivre, certains réfugiés élèvent des poulets et vendent des oeufs sur le marché local. D'autres fabriquent des briques pour construire de nouvelles structures dans le camp et pour vendre du matériel de construction à la communauté d'accueil.

Le partenaire opérationnel de l'UNHCR, le Croissant-Rouge libérien, aide les réfugiés dans leurs activités de construction et leur fournit des semences pour cultiver du riz. Quelques réfugiés ont planté du manioc et d'autres légumes près de leurs abris pour varier l'alimentation fournie par le Programme alimentaire mondial.

D'autres ont fait des efforts pour améliorer la vie sociale et culturelle à l'intérieur et à l'extérieur du camp. Jules, réfugié ivoirien, est bénévole à la station de radio de Saclepea et joue de la musique entre les bulletins d'information, six fois par semaine, six heures par jour. Ce père de cinq enfants est fier d'avoir trouvé un travail dans son domaine au Libéria. Ses collègues, comme lui, et ses émissions sont très bien accueillis par les communautés locales et les réfugiés.

Rita Dago, compatriote ivoirienne, oeuvre pour rompre la routine de la vie quotidienne du camp. En tant que coiffeuse, elle a ouvert un petit salon près de son abri au camp de Saclepea, elle fournit des soins de beauté pour les réfugiés et transmet ses compétences.

« J'ai 25 femmes dans mon atelier », dit-elle fièrement. « Elles veulent toutes devenir professionnelles comme moi. Et bien sûr je reçois des clients pour les coiffer. »

La génération future n'est pas oubliée. A Zwedru, l'UNHCR a soutenu la construction d'une école où 710 enfants ivoiriens vont commencer l'année scolaire en septembre. Au camp de Saclepea, l'agence pour les réfugiés a aidé à mettre en place une bibliothèque.

« Si nous obtenons assez de dons de livres, cela pourrait devenir un lieu de divertissement », rêve tout haut Antoine Tieu, réfugié ivoirien. Ancien étudiant en droit, Antoine Tieu, dont les études ont été interrompues par le conflit en Côte d'Ivoire, croit fermement dans l'éducation et le désir de se surpasser.

« Plus tu passes du temps à t'améliorer, moins tu en auras pour critiquer les autres », peut-on lire sur une petite peinture accrochée au mur de son modeste salon. Il applique cette maxime à la lettre en enseignant gratuitement le français et l'anglais deux fois par semaine, dans une classe d'alphabétisation pour adultes du camp.

« Les gens ici doivent apprendre comment communiquer avec les Libériens », raisonne-t-il. « Si les femmes décident de faire du commerce à Saclepea, elles devraient au moins connaître le vocabulaire pour discuter des prix et des mesures en anglais. »

En ce moment, Antoine Tieu a 54 étudiantes et 15 étudiants. L'enseignement l'occupe pleinement et cet engagement social l'empêche de tomber dans la dépression. Pour gagner un peu d'argent, il a acheté un petit générateur pour fabriquer des glaçons et les vendre au marché en ville.

Bien que célibataire, la responsabilité d'Antoine Tieu s'est récemment accrue lorsque son jeune frère l'a rejoint avec sa famille à Saclepea, après que la situation soit devenue insupportable dans leur pays.

Il a tout de même très envie de retourner à l'école et terminer ses études pour devenir avocat. Contrairement à sa voisine Rita Dago qui rêve de partir pour le Canada, Antoine Tieu veut rester en Afrique « dans un pays sans corruption où règne la paix, si cela existe », dit-il avec cynisme.

Des enfants ivoiriens jouant sur une petite place dans le camp de réfugiés de Saclepea, à l'est du Libéria.

En avril 2005, le Président de Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, le chef des rebelles des Nouvelles forces, Guillaume Soro, l'ancien Premier Ministre, Alassane Dramane Ouattara et l'ancien Président, Henri Konan Bédié, ont déclaré la fin des hostilités après des discussions à Pretoria. Cet accord pourrait permettre le retour de milliers de réfugiés ivoiriens depuis toute la région, mais beaucoup semblent vouloir encore attendre avant de rentrer chez eux.

Par Annette Rehrl à Saclepea, Libéria